Re-bonjour à tous et à toutes
Pour la suite, bref passage par le Japon avec la sixième partie de notre fil rouge avec, comme d'habitude jusqu'à présent, qqs oeuvres par nos deux chefs d'orchestre nippons.
Très peu d'oeuvres cette fois par Ozawa : j'avais prévu cinq ou six oeuvres de Stravinsky, avant de me rendre que quasi toutes, dans les mêmes versions, existaient déjà en BM - à l'exception de L'Oiseau de feu.
Par conséquent, par Ozawa :
- Stravinsky : L'Oiseau de feu, ballet en 2 tableaux.
Et, par Konoye :
- Mozart : Symphonie concertante en mi bémol majeur.
Pour la suite, je vous propose de découvrir d'abord un nouveau venu en BM : Leroy Robertson (1896-1971).
Compositeur américain trop peu connu, Leroy Robertson fut l'un des musiciens majeurs de l'Utah au XXe siècle. Élève de George Enescu à Bucarest, puis de Hugo Leichtentritt et d'Ernest Bloch, il sut assimiler les traditions européennes tout en gardant un ancrage profond dans la culture américaine et dans son appartenance à l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (l'Église mormone). Il mena parallèlement une carrière de pédagogue, dirigeant la faculté de musique de l'Université de l'Utah, et influença une génération entière de musiciens de l'Ouest américain.
Parmi toutes ses oeuvres, l'oratorio The Book of Mormon (1947-1953) occupe une place à part. Créé à Salt Lake City en 1953, il fut dirigé et enregistré en 1961 par Maurice Abravanel à la tête du Choeur de l'Université d'Utah et de l'Utah Symphony Orchestra, avec Roy Samuelsen, Kenny Whitelock, Warren Wood et Jean Preston en solistes. C'est la version que vous trouverez ici.
Cet enregistrement par Maurice Abravanel reste la référence absolue, car Abravanel était une figure centrale de la vie musicale de Salt Lake City et a beaucoup oeuvré pour faire connaître Robertson.
Conçu en une succession de récitatifs, de choeurs monumentaux et d'airs solistes, l'ouvrage suit la tradition du grand oratorio européen tout en l'adaptant à la sensibilité religieuse et musicale américaine. Le langage de Robertson y déploie un lyrisme direct, des harmonies claires et un sens choral puissant qui rappellent parfois Vaughan Williams ou Hanson. Avec ses cinquante-huit minutes d'une inspiration soutenue, cette fresque biblique moderne s'imposa comme son oeuvre maîtresse, au point de devenir une référence culturelle majeure pour la communauté mormone et un jalon important dans l'histoire musicale de l'Utah.
À côté de cette grande fresque religieuse, Robertson s'est illustré dans des oeuvres concertantes d'une réelle qualité. Son Concerto pour piano (années 1940) met en avant une vigueur rythmique et une clarté d'écriture typiquement américaines, dans un dialogue virtuose et robuste avec l'orchestre. Le Concerto pour violon, plus lyrique, s'inscrit davantage dans la tradition romantique européenne : on y retrouve une ligne mélodique généreuse, soutenue par une orchestration transparente et parfois pastorale.
Superbe occasion par ailleurs de retrouver - ou de découvrir, grâce à ces deux dernières oeuvres, deux légendes un peu oubliées : Spivakovsky et Johannesen.
Le Concerto pour violoncelle adopte en revanche un ton plus méditatif : la voix grave et expressive du soliste, soutenue par une écriture orchestrale claire, y reflète une dimension introspective proche de la spiritualité personnelle du compositeur.
Enfin, avec son Ouverture "Punch and Judy", inspirée du célèbre spectacle traditionnel de marionnettes anglaises mettant en scène Mr Punch et sa femme Judy, Robertson s'autorise un registre plus léger et théâtral, mêlant humour, éclat orchestral et énergie rythmique - comme un contrepoint enjoué à ses grandes oeuvres chorales et symphoniques.
Il existe aussi une fameuse Symphonie n°3 (1947), parfois appelée Symphonie en ut, qui fut couronnée d'un prix important et jouée par de grands orchestres américains. Hélas, il semble qu'il n'existe pour l'instant aucune version de cette oeuvre éligible pour la BM
Bref un compositeur à découvrir, si ce n'est pas encore le cas pour certains d'entre vous
Après l'Amérique profonde et spirituelle de Leroy Robertson, place à trois compositeurs européens qui, chacun à sa manière, ont cherché à inventer un langage personnel hors des sentiers battus.
Havergal Brian, autodidacte britannique, reste célèbre pour sa gigantesque Symphonie n°1 "Gothic", mais son oeuvre symphonique s'étend sur trente-deux numéros. La Symphonie n°10 (1954) appartient à son cycle de maturité : une partition brève, concentrée, à l'orchestration dense, où l'on retrouve cette tension expressive si caractéristique de Brian, toujours entre vision apocalyptique et rigueur contrapuntique.
André Jolivet, déjà bien représenté ici, incarne une autre voie : celle d'un retour au sacré et à l'incantation. Il suivit dans les années 30s l'enseignement de Varèse à Paris, et en retint surtout l'idée d'une musique libérée des carcans tonaux et investie d'une fonction quasi rituelle. Mais, à la différence de son maître, Jolivet choisit une voie plus personnelle, marquée par la modalité, la fluidité mélodique et une spiritualité vibrante. Il voulait « rendre à la musique son rôle originel de magie », en renouant avec les sources archaïques de l'art sonore. On en entendra ici deux visages contrastés : l'Andante pour cordes, d'une sobre intensité presque méditative, et le Concerto pour basson, cordes, harpe et piano (1954), oeuvre insolite qui met en valeur le timbre grave et mordant du basson dans un esprit à la fois lyrique et rythmique.
Alois Hába, figure centrale de l'avant-garde tchèque, fut un pionnier des systèmes microtonaux (quarts de ton, sixièmes de ton). Mais ses derniers quatuors, dont le Quatuor à cordes n°13, témoignent d'une écriture plus épurée, où la recherche microtonale se met au service d'une expression sobre, presque ascétique, tout en gardant une intensité intérieure certaine.
Ainsi, après Robertson, enraciné dans la culture religieuse américaine, voici trois compositeurs européens qui, chacun dans un registre très différent illustrent la diversité des réponses apportées au XXe siècle à la quête d'un nouveau langage musical.
Parlons un peu de Stradella maintenant, si vous le voulez bien - et même si vous ne le voulez pas; déjà présent en BM, je pense pourtant qu'on ne l'a jamais présenté.
Compositeur romain au destin aussi brillant que tragique, Stradella mena une vie aventureuse et dissolue, marquée par des scandales, des escroqueries, des intrigues amoureuses et des fuites, jusqu'à son assassinat à Gênes à l'âge de 42 ans, par un tueur à gages. Il aimait trop les femmes, apparemment ; en particulier celles des autres …
Contemporain de Corelli et de Scarlatti, il laisse une oeuvre abondante mais encore très peu explorée : opéras, cantates, oratorios et nombreuses pièces instrumentales. On lui doit notamment une contribution essentielle à l'évolution du concerto grosso, dont il est parfois crédité comme l'« inventeur », et à la sonate en trio, qui préfigurent la musique baroque tardive.
Les Sinfonias et Sonates présentées ici, dans les versions d'Edward Tarr (trompette et cornet) et de Jean-François Paillard (1968), témoignent de la variété de son écriture instrumentale. Les Sinfonias (en ré majeur, la mineur, ré majeur, sol mineur, fa majeur) étaient souvent conçues comme introductions orchestrales à ses cantates ou oratorios, mais possèdent une autonomie musicale qui les rapproche de la future ouverture baroque. Les Sonates en ré majeur et en fa majeur, parfois désignées comme concerti grossi, exploitent l'opposition entre concertino et ripieno, annonçant les grands modèles de Corelli.
La présence de la trompette (ou cornet) dans ces interprétations rappelle que Stradella accordait une place de choix aux cuivres naturels, en particulier dans les pages festives et solennelles, destinées aux fastes liturgiques ou princiers. L'édition Paillard/Tarr de 1968 a contribué à faire mieux connaître ce répertoire encore rare à l'époque, en le sortant des bibliothèques pour lui donner une nouvelle vie au concert et au disque.
Je vous en souhaite une bonne écoute, c'est très plaisant
Voici pour suivre une petite suite narrative entre trois compositeurs, les plaçant dans une perspective commune : trois oeuvres moins connues de compositeurs célèbres, qui montrent chacune une facette différente de leur art, où trois figures très différentes se croisent ici, mais chacune sous un angle moins familier que celui auquel on les associe d'ordinaire. Il s'agit de Beethoven, de Frank Martin et de Tchaikovsky.
Ah! perfido, scène de concert pour soprano et orchestre (1796) est une page vocale occupant une place singulière dans la production de Beethoven. Composée à Prague pour la soprano Josepha Duschek, cette scène dramatique pour soprano et orchestre se situe à mi-chemin entre l'aria et la cantate. Le texte, dans le goût des drames italiens du XVIIIe siècle, évoque une femme abandonnée, oscillant entre fureur, imploration et désespoir. La musique suit cette progression dramatique, du récitatif véhément à l'aria plus souple, avec une intensité qui annonce déjà le drame de Fidelio.
La Passacaille, version pour grand orchestre (1944) de Frank Martin, est sûrement bcp moins célèbre que certaines de ses grandes oeuvres, par exemple ses oratorios, et montre un autre visage du compositeur genevois. D'abord écrite pour piano, elle repose sur un motif de basse répété qui sert de fil conducteur à une série de variations.
Chez Martin, ce procédé devient le moteur d'un développement intense et grave. La ligne obstinée soutient une progression qui va de la méditation à une tension dramatique plus marquée, avant de revenir au calme.
Peu connue, cette Passacaille montre pourtant tout l'art de Martin : une écriture claire, rigoureuse, mais toujours animée par une profonde expressivité. L'orchestration, amplifiant l'impact de la pièce, en soulignant l'alliance si caractéristique chez lui de rigueur et d'émotion intérieure, élargit la palette sonore et donne à cette pièce une ampleur saisissante.
À noter : cette version est la première mondiale de la version orchestrale, un live pris à Berlin le 30.05.63.
Enfin, dans sa Sonate pour piano n°3 "Grande" (1863), composée à 23 ans, Tchaikovsky se mesure encore à ses modèles germaniques (Schumann, Beethoven), mais déjà animée par cette veine mélodique et ce lyrisme caractéristiques du compositeur russe - qui s'épanouiront plus tard. Si l'oeuvre reste peu connue, elle acquiert ici un relief particulier grâce à l'interprétation de Léo Sirota, pianiste ukrainien formé auprès de Busoni. Il mena une carrière internationale avant de s'installer au Japon dans les années 1920, où il devint une figure majeure de la vie musicale. Virtuose au jeu puissant et raffiné, il transmit à toute une génération d'élèves japonais une tradition pianistique européenne de premier plan. Une personnalité marquante de l'interprétation japonaise du XXe siècle donc - dont il marqua profondément la vie musicale. Son jeu noble et passionné donne à cette sonate de jeunesse une force et une intensité inattendues.
Voili voilou ! fin de cette présentation de ce nouveau package, qui, espérons-le, en attirera plus d'un !
Inutile de vous présenter L'Oiseau de feu ou la Symphonie concertante de Mozart, de nos deux Japonais, ni l'Appassionata (même si nous reviendrons plus tard sur son interprète du jour, Dmitri Bashkirov) ou Pour le piano de Debussy, ni même le Capriccio italien de Tchaikovsky, oeuvres déjà bien connues de tous ici.
Voici donc la liste complète pour cette fois ici :
Bonnes écoutes !
- Beethoven : Ah ! Perfido ... per pietà non dirmi addio, scène de concert pour soprano et orchestre
- Beethoven : Sonate pour piano n°23 "Appassionata"
- Brian : Symphonie n°10
- Debussy : Pour le piano
- Haba : Quatuor à cordes n°13 "Astronautic"
- Jolivet : Andante pour cordes
- Jolivet : Concerto pour basson, orchestre à cordes, harpe et piano
- Martin : Passacaille pour grand orchestre
- Mozart : Symphonie concertante en mi bémol majeur
- Robertson : Concerto pour piano
- Robertson : Concerto pour violon
- Robertson : Concerto pour violoncelle
- Robertson : Ouverture "Punch and Judy"
- Robertson : The Book of Mormon
- Stradella : Sinfonias
- Stradella : Sonates
- Stravinsky : L'Oiseau de feu, ballet en 2 tableaux
- Tchaikovsky : Capriccio italien
- Tchaikovsky : Sonate pour piano n°3 "Grande"
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Bibliothèque musicale



; déjà présent en BM, je pense pourtant qu'on ne l'a jamais présenté.

) ; le Concerto pour cor, où le chant expressif du mouvement lent contraste avec les fanfares enjouées des allegros ; ou encore le Concerto pour flûte op. 31, plus brillant et galant, qui met l'instrument au premier plan sur un accompagnement léger.
) :
) - par exemple en écoutant les qqs autres oeuvres de lui que je vous proposerai ultérieurement 
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