Re-bonjour à toutes et à tous !
Retour pour ce mois de février à une formule déjà expérimentée : un seul package par mois, divisé en deux « demi-packages ». Commençons cette fois par des compositeurs de l'initiale A à l'initiale G.
Quelques oeuvres rares pour cette fois, notamment une Symphonie pour orchestre en ré d'Arriaga.
Arriaga, souvent surnommé le "Mozart espagnol" en raison de son talent précoce et de sa mort prématurée à l'âge de 19 ans, est bien sûr principalement connu pour ses quatuors à cordes. Cependant, il a également composé de nombreux autres types d'oeuvres - voyez sa fiche Wiki ici pour ceux qui ne me croiraient pas![]()
; et parmi celles-ci, cette symphonie, achevée vers 1824. Elle est structurée en quatre mouvements : Adagio - Allegro vivace - Presto ; Andante ; Minuetto : Allegro - Trio ; Allegro con moto (la marque de la moto n'est pas précisée).
L'oeuvre reflète l'influence du Sturm und Drang, avec une atmosphère générale de colère et de désespoir, sans jamais sombrer dans la résignation. L'Andante se distingue par sa grande beauté, mettant en évidence la maîtrise d'Arriaga dans le traitement des intervalles mélodiques et des effets des instruments à vent. Le Minuetto est peut-être la partie la moins originale de l'oeuvre, alternant entre un rythme parfois traînant et à une structure rythmique et métrique plus conventionnelle.
Malgré sa grande jeunesse, Arriaga démontre dans cette symphonie une maturité impressionnante, tant dans la construction formelle que dans l'orchestration brillante. Tout au long des quatre mouvements, on est frappé par la force de la composition et le dynamisme de l'oeuvre.
Voici pour suivre une petite présentation de trois oeuvres d'Atterberg : la Ballade et passacaille sur un thème folklorique suédois, Les Vierges Folles et l'Ouverture "Aladin", chacune représentent des facettes très différentes de la musique d'Atterberg. C'est très subjectif évidemment, mais j'ai envie de placer en exergue la Ballade et passacaille, une oeuvre qui illustre le talent d'Atterberg pour intégrer des thèmes folkloriques dans un cadre orchestral sophistiqué. C'est une oeuvre profondément ancrée dans le patrimoine suédois, riche en expressivité, et elle incarne bien son amour pour la musique populaire nordique. Les Vierges Folles est un poème symphonique inspiré d'une légende folklorique suédoise, souvent associé à des atmosphères mystiques ou sombres. Reflètant une facette plus narrative et romantique d'Atterberg et s'inscrivant dans une tradition symphonique à programme et se démarquant par son caractère dramatique et descriptif, ce serait peut-être une oeuvre plus captivante pour les auditeurs sensibles à l'évocation d'images narratives. L'Ouverture "Aladin" est probablement l'oeuvre la plus spectaculaire des trois, grâce à son caractère brillant et à sa capacité à captiver l'auditeur dès les premières mesures.
Poursuivons dans la même démarche avec quatre oeuvres de Jean Absil (petit renvoi vers sa fiche Wiki pour qui le connaîtrait peu) : la Fantaisie concertante pour violon et orchestre ; la Rhapsodie roumaine pour violon et piano sur des thèmes de Bartok ; la Sérénade pour orchestre de chambre ; et la Symphonie n°2.
La Symphonie n°2 est une oeuvre majeure dans son catalogue ; puissante et structurée, typique des grandes oeuvres orchestrales d'Absil, elle témoigne d'une approche plus sombre et introspective par rapport à ses autres oeuvres. Parmi les oeuvres proposées ici, c'est sûrement - à mon sens - celle à découvrir en priorité. La Fantaisie concertante ou la Rhapsodie roumaine sont des oeuvres plus intimes et pourtant parfois virtuoses. La Sérénade pour orchestre de chambre séduit par son charme et son accessibilité, mais pourrait être perçue comme moins ambitieuse en termes de contenu émotionnel. C'est pourtant une oeuvre légère et élégante, pleine de clarté et d'humour, parfois comparée aux sérénades néoclassiques de Stravinsky ou d'Hindemith.
Ensuite, une oeuvre qui me tient particulièrement à coeur : il s'agit de The Plague de Roberto Gerhard. Vous vous souviendrez probablement qu'en octobre dernier je vous avais proposé une large sélection d'oeuvres de Gerhard ; mais je ne pouvais pas vous présenter parmi cet ensemble The Plague : il s'agit en effet d'un enregistrement de 1974 (avec Dorati à la direction), c'était donc trop tôt en 2024. Aujourd'hui c'est bon
The Plague est une oeuvre étonnante, composée en 1964 et inspirée par La Peste de Camus. Gerhard, compositeur catalan exilé en Angleterre après la guerre civile espagnole, a marqué cette composition par un profond sens de l'humanité et une réflexion sur les thèmes de l'exil, de la souffrance et de la résilience face aux catastrophes. Gerhard a composé The Plague dans un contexte de préoccupations sociopolitiques mondiales, notamment des craintes liées à la guerre froide et aux menaces existentielles comme les épidémies ou les crises nucléaires. L'oeuvre témoigne de son intérêt pour les réflexions philosophiques de Camus sur l'absurdité de la condition humaine et la solidarité. De la sorte, l'oeuvre explore les thèmes de l'épidémie, de la désolation et de l'isolement, mais aussi de la lutte commune pour la survie et la capacité humaine à résister à des forces oppressantes.
C'est une oeuvre pour orchestre, solistes vocaux et narrateur. Le texte du narrateur est tiré de passages clés du roman La Peste. L'orchestre utilise les techniques sérielles, mais avec une flexibilité qui reflète la liberté stylistique de Gerhard. Les influences de Schoenberg et de la musique moderne européenne en général sont ainsi perceptibles, mais Gerhard intègre également des éléments qui reflètent ses racines catalanes.
Une oeuvre puissante donc, peut-être (selon moi) l'une des plus ambitieuses et les plus impressionnantes de Gerhard. À écouter de toute urgence (si je peux me permettre) !
Terminons pour cette fois avec des oeuvres plus « fréquentées », déjà présentes en BM, mais que j'ai choisi de retenir pour leurs interprétations d'exception : la version pour voix et piano de La Bonne Chanson de Fauré, un cycle de neuf mélodies mettant en musique le recueil du même nom de Verlaine, cette fois avec Suzanne Danco - d'autres versions suivront; le Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle n°2 de Beethoven par Neuhaus et le Quatuor Beethoven. Plus les Études pour piano op. 10 et op. 25 de Chopin par Cortot ; bon je sais que ce dernier ne recueille pas toujours l'unanimité (pour les raisons que tout le monde connaît) ; mais du seul point de vue pianistique, c'est qd même ... pas si mal
![]()
Enfin, en guise de bonus pour cette foison va finir pour cette fois par un peu de Grieg, si cela vous dit
Bon tout le monde connaît déjà très bien les suites n°1 et n°2 de Peer Gynt, il n'en va peut-être de même pour la Musique de scène pour solistes, choeur et orchestre - la version complète donc. Cette « version » était jusqu'alors absente de la BM.
Elle inclut des parties chantées (solistes et choeurs) qui enrichissent considérablement l'expérience musicale. Par exemple, le chant de Solveig est bien plus poignant dans ce contexte. Elle permet aussi de découvrir des morceaux inédits : certaines sections de la musique de scène ne figurent pas dans les suites, comme les interludes instrumentaux ou les passages vocaux qui accompagnent directement les dialogues ou les scènes du drame d'Ibsen.
La liste complète pour cette fois :
Bonnes écoutes
- Absil : Fantaisie concertante pour violon et orchestre
- Absil : Rhapsodie roumaine pour violon et piano sur des thèmes de Bartok
- Absil : Sérénade pour orchestre de chambre
- Absil : Symphonie n°2
- Arriaga : Symphonie pour orchestre en ré
- Atterberg : Ballade et passacaille sur un thème folklorique suédois
- Atterberg : Les Vierges Folles
- Atterberg : Ouverture "Aladin"
- Beethoven : Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle n°2
- Chopin : Études pour piano op. 10 et op. 25
- Fauré : La Bonne Chanson (version pour voix et piano)
- Gerhard : The Plague
- Grieg : Peer Gynt, musique de scène pour solistes, choeur et orchestre
![]()