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Discussion: Nouveautés de la Bibliothèque musicale

  1. #201
    Administrateur Avatar de Philippe
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    Re-bonjour à toutes et à tous après ce package hors-normes « spécial Leb », qui vous aura enthousiasmés je n'en doute pas

    Retour donc à une formule plus traditionnelle, avec cependant une nouveauté importante ! l'arrivée dans le domaine public de nombreux compositeurs - décédés donc en 1974 - comme vous l'a expliqué mah70 dans sa récente PL, qu'il a décidé de limiter à cinq compositeurs : Atterberg, Jolivet, Knipper, Martin et Milhaud.
    Trois compositeurs répondant aux mêmes critères vont venir s'ajouter aujourd'hui à cette liste déjà impressionnante : Absil, Partch et Wellesz.
    Je vais tenter de vous les présenter tous les trois par la suite, mais non sans avoir précisé auparavant que cette livraison comprendra également d'autres oeuvres échappant à ce critère.

    J'ignore si vous connaissez déjà bien Jean Absil. Absil (1893 - 1974) est un (excellent) compositeur belge ; il fut aussi un pédagogue réputé, figure marquante de la musique belge du XXe siècle. Né à Bon-Secours, près de la frontière française, il manifeste très tôt des talents pour la musique. Il intègre le Conservatoire royal de Bruxelles, où il se forme à l'orgue, au piano et à l'écriture musicale sous la direction de professeurs prestigieux tels qu'Alphonse Desmet et Paul Gilson. Après ses études, Absil remporte le second Prix de Rome belge en 1922, une distinction qui souligne déjà la qualité de sa création musicale.
    Jean Absil est un compositeur dont l'esthétique oscille entre néoclassicisme et modernisme assuré. Son langage musical se caractérise par une tonalité élargie et une grande maîtrise contrapuntique, influencé par des compositeurs comme Stravinsky et Hindemith. Il se distingue par une approche rigoureuse de la forme et une curiosité constante pour l'exploration des couleurs orchestrales. Ses rencontres avec Jacques Ibert, Darius Milhaud et Arthur Honegger à Paris, où il voyage après avoir obtenu le Prix Rubens en 1934, ont aussi enrichi sa perspective musicale.
    En parallèle à sa carrière de compositeur, Absil s'est distingué comme enseignant et théoricien. Professeur d'harmonie et de contrepoint au Conservatoire royal de Bruxelles, il a formé plusieurs générations de musiciens, dont la compositrice Nini Bulterijs. Il a également publié des ouvrages pédagogiques, contribuant à la diffusion de ses idées sur la composition et l'analyse musicale. Absil a joué un rôle important dans la vie musicale belge en siégeant à l'Académie royale de Belgique et en recevant des distinctions prestigieuses, notamment le Prix Quinquennal du Gouvernement belge pour la musique.
    L'héritage de Jean Absil repose autant sur sa contribution artistique que sur son influence en tant que pédagogue. Sa musique, riche et variée, reste un témoignage d'une époque de transformations esthétiques, et son impact sur les musiciens belges du XXe siècle est resté considérable.
    Je vous propose aujourd'hui cinq de ses oeuvres : un Récital de Mélodies, Peau d'Âne, une suite de ballet, deux de ses Concertos pour piano et sa Symphonie n°4.
    Et si voulez en savoir plus sur lui, voici pour terminer un lien vers sa fiche Wiki

    De même pour Harry Partch : un petit renvoi en guise de présentation vers sa page Wiki à l'attention de ceux qui le connaîtraient mal ou peu. Ou pas du tout ...
    Comme vous le constaterez, et surtout à l'écoute des qqs oeuvres que je vous propose d'écouter de lui, Partch est un compositeur américain complètement original et atypique - car échappant à toute classification, un créateur visionnaire hors-pair, notamment grâce aux instruments en grande partie de son invention qui composent la toute grande majorité de ses créations - tout cela combiné à une inspiration et à un sens du rythme et à des sonorités inédites à ma connaissance (même si à certains moments il me fait penser à la musique balinaise).
    Compositeur, mais aussi théoricien, inventeur et musicien, il est surtout connu pour avoir rejeté le système de tempérament égal occidental en faveur d'un système basé sur une échelle de 43 tons par octave, qu'il a lui-même conçue.
    Partch considérait que la musique occidentale traditionnelle avait perdu son lien avec les inflexions naturelles de la parole et la richesse harmonique qu'offrent les intervalles microtonaux. En réponse, il a développé sa propre théorie musicale, ancrée dans les principes de l'intonation juste et des rapports mathématiques précis entre les sons. Pour interpréter sa musique, Harry Partch a conçu et fabriqué une cinquantaine d'instruments uniques. J'en reparle plus bas.
    Une bonne introduction à son oeuvre pourrait bien être à mon sens, 11 Intrusions, pour voix et instruments, pour petits ensembles comportant voix, soprano, récitant, alto adapté, guitares adaptées I, II et III, kithara, harmonic canon, "cliquetis de sabots de cerf indien", cloud-chamber bowls, marimba diamant et marimba basse. Si vous êtes séduits, poursuivez vite !
    The Bewitched (1955) est une oeuvre emblématique et radicale de Harry Partch, souvent qualifiée de "fantaisie chorégraphique" ou "ballet-satire". C'est un travail multidisciplinaire où musique, théâtre et danse se rencontrent sur le thème de la critique sociale. Composée en 1955, The Bewitched reflète l'engagement de Partch pour une musique intégrée à la performance dramatique, influencée par des formes théâtrales antiques et non occidentales.
    Il s'agit d'une commande du Théâtre de Danse Contemporain de l'Université de l'Illinois, où l'oeuvre a été créée en 1957.
    The Bewitched explore l'idée de l'envoûtement (ou "bewitchment") comme une métaphore des désirs humains et des absurdités de la vie moderne. L'oeuvre se compose de 10 scènes indépendantes, chacune mettant en scène des personnages pris dans des situations absurdes ou satiriques.
    À ce titre chaque tableau présente une sorte de "rituel" où les personnages, au départ enfermés dans leurs routines ou illusions, sont "envoûtés" et libérés par un processus cathartique. La figure de la Sorcière est ainsi au coeur de l'oeuvre. Elle n'est pas un personnage maléfique, mais une sorte de médiatrice, orchestrant les transformations des personnages. Elle est interprétée par une danseuse, parfois accompagnée de gestes ou de paroles.
    La musique de The Bewitched est écrite en grande partie pour les instruments microtonaux uniques de Partch, ce qui lui donne une texture sonore particulière - c'est peu de le dire ; pour exemple : koto, boo, marimba de bambou, diamond marimba, marimba eroica, marimba basse, chromelodeon, khitara I, khitara II, surrogate khitara, gong, spoils of war, cloud-chamber bowls, piccolo, etc. Pour qui souhaiterait en savoir plus sur l'instrumentarium particulier de Partch, je ne puis que conseiller la lecture de ces deux pages (toutes deux en anglais, mais Google est notre ami pour les non-anglophones) : ici et ici.
    Le résultat est une musique à la fois exubérante, hypnotique et ritualiste, où le rythme joue un rôle crucial pour accompagner les mouvements des danseurs (et des auditeurs que nous sommes ).
    Plectra (ou plus complètement Plectra and Percussion Dances) est une suite en trois parties mêlant musique, mouvement et théâtre. Chaque section utilise une instrumentation microtonale unique, avec une forte emphase sur le rythme et la texture sonore.
    Chacune des trois parties dispose de son propre caractère et de sa propre dynamique (je vous en propose d'ailleurs ici ces trois parties isolément ainsi que la version complète de l'oeuvre).
    Castor et Pollux est basé sur des cycles répétitifs, avec une forte interaction entre les cordes pincées (plectra) et les percussions ; l'atmosphère est rituelle et hypnotique, mêlant pulsations rythmiques et harmonies microtonales. Ring Around the Moon est une section plus légère et ludique, avec une qualité quasi-dansante ; elle reflète un rituel imaginaire, associé à une célébration mystérieuse sous une pleine lune. Even Wild Horses, le dernier segment est le plus dramatique et le plus dynamique ; Partch l'a conçu comme une musique de danse autonome, évoquant une cavalcade sauvage ; l'énergie rythmique est ici à son apogée, avec des lignes mélodiques qui se chevauchent et une interaction complexe entre cordes et percussions.
    Comme à l'accoutumée, l'oeuvre utilise de nombreux instruments conçus par Partch.
    L'approche de Partch fusionne ici tradition et modernité, empruntant aux mythes anciens tout en utilisant une esthétique sonore radicalement nouvelle. Plectra n'est sûrement pas l'oeuvre la plus célèbre de Partch ; elle est pourtant saluée pour sa richesse rythmique, son inventivité et la capacité de Partch à créer des univers sonores novateurs et captivants.

    Egon Wellesz (1885 - 1974) est au contraire des deux précédents, bien plus connu (quoique peu documenté). Ce fut un compositeur, musicologue et historien de la musique, autrichien d'origine juive, ayant joué un rôle important dans la musique moderne et dans l'étude de la musique byzantine.
    Né à Vienne, il a étudié à l'Université de Vienne sous la direction de Guido Adler, un pionnier de la musicologie moderne. Il fut aussi élève d'Arnold Schoenberg, bien qu'il ne rejoigne pas pleinement le mouvement dodécaphonique, préférant un style qui allie des éléments tonaux et modernes.
    Avant la Seconde Guerre mondiale, il était reconnu pour ses recherches sur la musique byzantine, devenant l'un des premiers musicologues occidentaux à explorer ce domaine en profondeur. Ses recherches sur la musique byzantine ont révolutionné la compréhension de ce domaine en Occident. Il a publié des études fondamentales sur la notation et la théorie musicale byzantine. Il a également écrit une biographie majeure d'Arnold Schönberg (1921), qui demeure une référence sur le sujet.
    En 1938, après l'Anschluss, Wellesz dut fuir à cause de ses origines juives. Il s'installa à Oxford, où il poursuivit sa carrière académique. Il devint professeur à l'Université d'Oxford et obtint une grande reconnaissance pour ses travaux musicologiques.
    En conclusion, Wellesz appartient à une génération de compositeurs viennois qui ont su naviguer entre la tradition romantique et les innovations du XXe siècle. Bien qu'ayant été éclipsé par des figures comme Schoenberg ou Webern, son oeuvre gagne en reconnaissance pour son originalité et sa profondeur.
    Il est souvent considéré comme un des derniers représentants d'un âge d'or musical viennois, tout en étant un pionnier dans le domaine de la musicologie.
    De lui aujourd'hui, deux oeuvres (il y en aura d'autres par la suite) : une oeuvre de chambre, l'Octuor pour clarinette, basson, cor, quatuor à cordes et contrebasse, et un opéra, Alkestis (Alceste).
    L'intrigue d'Alkestis suit l'histoire classique d'Alceste, une héroïne tragique de la mythologie grecque. Elle accepte de sacrifier sa vie pour sauver son époux, Admète, mais est finalement ramenée à la vie grâce à l'intervention d'Héraclès.
    Wellesz combine un langage post-romantique avec des touches modernistes, influencé par ses études auprès de Schoenberg.
    Alkestis (ou Alceste) marque une étape importante dans sa carrière, montrant son aptitude à marier les formes classiques avec des innovations modernes. L'opéra reflète également son intérêt pour la culture antique, un thème récurrent dans son oeuvre. Par ailleurs comme dans la tragédie grecque originale, le choeur joue un rôle central, commentant l'action et renforçant l'atmosphère antique.
    L'oeuvre, lors de sa création, fut saluée pour son originalité et sa profondeur psychologique, bien que son style ait été considéré comme exigeant. L'opéra a connu une redécouverte partielle au XXe siècle, notamment grâce à un regain d'intérêt pour Wellesz en tant que compositeur injustement oublié.

    Vu que mah vous a déjà présenté d'autres « nouveaux venus » (décédés en 1974) : Atterberg, Jolivet, Knipper, Martin et Milhaud, je ne vous présenterai ici que qqs oeuvres de chacun d'eux : le Concerto pour violoncelle et le Quatuor à cordes op. 11 d'Atterberg ; le Concerto pour harpe et orchestre de chambre et le Concerto pour piano et orchestre de Jolivet ; Plaine, ma plaine de Knipper ; deux versions des Six Monologues de Jedermann de Martin ; et de Milhaud, L'Homme et son Désir, Poèmes juifs, Six Little Symphonies et Musique de scène pour La Mort d'un tyran.
    Parmi tout cela, mention particulière sans le moindre doute pour le Concerto pour piano et orchestre de Jolivet, l'une de ses oeuvres les plus emblématiques dans la version de Lucette Descaves au piano et Ernest Bour à la baguette. Une oeuvre dont l'esthétique combine à merveillle virtuosité, mysticisme et richesse orchestrale et illustrant à merveille l'intérêt de Jolivet pour des structures rythmiques vigoureuses, tout en restant accessible par son expressivité. Ce concerto est souvent cité comme une pièce majeure du répertoire de Jolivet.
    Plaine, ma plaine est probablement l'œuvre la plus connue de Lev Knipper. C'est une chanson tirée de sa Symphonie n°4, qui vous est proposée par mah dans son intégralité grâce à sa présence dans la PL actuelle. L'air est à la fois simple et majestueux, donnant une image idéalisée de la vaste steppe russe. Bien qu'elle soit associée à la propagande soviétique de l'époque, sa beauté mélodique transcende son contexte politique.
    La Mort d'un tyran quant à lui est issu de la traduction par Diderot d'un texte d'Aelius Lampridius sur la mort de l'empereur Commode, assassiné dans son bain par l'un de ses gardes du corps, mais il n'y a ici que la musique de scène (6 minutes alors que l'oeuvre intégrale en dure plus de 40).
    Les Six Monologues de Jedermann (1935-1944) de Frank Martin me semblent mériter eux aussi un commentaire plus développé.
    Il s'agit d'un cycle de mélodies pour baryton (ou basse) et orchestre mettant en musique six monologues tirés de la pièce de Hofmannsthal, qui raconte la confrontation d’un riche homme avec la mort et sa quête de rédemption ; l'œuvre est poignante et introspective.
    Frank Martin, compositeur suisse, s'est toujours senti attiré par les textes à forte teneur spirituelle. Inspiré par le drame médiéval modernisé de Hofmannsthal, dont il a condensé les moments les plus introspectifs du personnage principal, Jedermann, en six monologues musicaux. Ces derniers explorent des thèmes universels comme la richesse, la vanité, le repentir et la quête du salut.
    Le Jedermann d’Hofmannsthal est une sorte de parabole chrétienne où la Mort convoque un riche homme, Jedermann, à rendre compte de sa vie. Abandonné par ses amis, ses biens et ses plaisirs, il réalise que seule sa foi et son repentir peuvent le sauver.
    Le langage musical se situe à la frontière du postromantisme et du modernisme. L'orchestre joue un rôle subtil mais essentiel, soutenant et intensifiant les émotions du chanteur sans jamais les écraser. Les harmonies sont souvent chromatiques, avec des moments de grande expressivité et des passages où la mélodie semble se suspendre dans un espace méditatif.
    En résumé, ces monologues offrent une expérience profondément spirituelle, où la musique et le texte se fondent dans une méditation existentielle. Martin n’est pas un « moderniste » au sens radical du terme. Sa musique reste accessible, tout en utilisant un langage personnel sophistiqué. Les thèmes abordés dans ces monologues - peur de la mort, quête de sens, foi - sont capables de résonner chez chacun d'entre nous.

    Pour terminer et passer à tout autre chose (mais vous aurez d'autres oeuvres des « disparus de 1974 » ultérieurement - soit via les PL de mah soit via ces présents packages), je reviens sur le dernier package, oeuvre de Leb, qui nous présentait notamment une large sélection d'oeuvres de Chopin par Rubinstein, signalant au passage qu'il avait peut-être (tout comme moi d'ailleurs ) une légère préférence des Nocturnes de Chopin par Arrau … J'aurais souhaité vous les présenter ici mais ils sont de 1977-78, donc trop tardifs pour être éligibles ici pour l'instant en vertu de la règle dite pour résumer « des 50 ans ».
    Pour faire néanmoins bonne mesure, voici donc deux autres versions des Nocturnes : par Novaes ; et par Harasiewicz.

    Enfin pour qui aime les extrêmes , qqs Fantaisies et paraphrases pour piano « à l'ancienne ». Ces fichiers m'ont en effet été envoyés par Leb : qu'il en soit donc remercié chaleureusement
    Voici ce qu'il m'écrit en guise de présentation :
    Salut Philippe
    Je sais que tu ne goûtes que modérément les enregistrements très anciens
    [C'est un peu vrai mais bon cela n'implique en rien que j'impose mes propres goûts ou préférences au sein de la BM ! note Phil], mais ceux-ci d'une part sont de grande qualité sonore, je trouve (sauf une ou deux exceptions), et d'autre part sont de grand intérêt : des fantaisies, paraphrases, transcriptions pour piano comme on les aimait au siècle dernier et au précédent, et qui ont largement disparu du répertoire, certainement des concerts mais aussi du disque. C'est en tout cas carrément fun, voire jouissif. J'espère que tu partageras ce plaisir désuet !
    Je viens d'écouter tout cela et Leb a raison, c'est très agréable ; j'ai donc décidé de partager avec vous tous ce « plaisir désuet », en espérant que vous y trouverez tous plaisir
    J'ai placé ces fichiers en rubrique Documents et curiosités, ne sachant pas trop où les mettre ailleurs.
    D'autre part j'ai repris telle quelle la présentation que Leb m'envoie, qui ne correspond pas du tout aux standards de présentation habituellement utilisés ici ; mais bon ... c'est comme ça et ça n'a, par ailleurs, aucune importance !

    Pour finir, comme d'hab, la liste complète des oeuvres présentées cette fois :
    • Absil : Concerto pour piano n°1
    • Absil : Concerto pour piano n°2
    • Absil : Peau d'Âne, suite de ballet
    • Absil : Récital de Mélodies
    • Absil : Symphonie n°4
    • Atterberg : Concerto pour violoncelle
    • Atterberg : Quatuor à cordes op. 11
    • Chopin : Nocturnes pour piano (x2)
    • Fantaisies et paraphrases pour piano « à l'ancienne »
    • Jolivet : Concerto pour harpe et orchestre de chambre
    • Jolivet : Concerto pour piano et orchestre
    • Knipper : Plaine, ma plaine
    • Martin : Six Monologues de Jedermann (x2)
    • Milhaud : L'Homme et son Désir
    • Milhaud : Musique de scène pour La Mort d'un tyran
    • Milhaud : Poèmes juifs
    • Milhaud : Six Little Symphonies
    • Partch : 11 Intrusions
    • Partch : Plectra
    • Partch : The Bewitched
    • Wellesz : Alkestis (Alceste)
    • Wellesz : Octuor pour clarinette, basson, cor, quatuor à cordes et contrebasse
    Bonnes écoutes à toutes et à tous et, je l'espère, bonnes découvertes peut-être

  2. #202
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    Re-bonjour à toutes et à tous et merci d'être de retour pour ce package exceptionnel, entièrement dû à lebewohl qui m'en a envoyé l'intégralité
    Un peu de tout selon l'expression consacrée, mais un package complètement thématique puisqu'entièrement consacré au Melos Ensemble (à ne pas confondre avec le Melos Quartet), un ensemble de musique de chambre à géométrie variable, évoluant entre quatre et douze musiciens fondé en 1950, comme vous avez pu le voir si vous avez consulté la fiche Wiki, sous l'implulsion de l'altiste Cecil Aronowitz et du clarinettiste Gervase de Peyer. La fiche Wiki en question nous livre aussi des informations précieuses, détaillant les divers instrumentistes et d'autre part lebewohl va vous fournir, ci-dessous, qqs détails supplémentaires.
    Comme nous lui sommes tous ici redevables pour cet envoi, je lui cède la parole pour une présentation plus détaillée de ce package hors-normes :

    Le Melos Ensemble (à ne pas confondre avec le Melos Quartet, qui est un quatuor à cordes de Stuttgart) est un groupe britannique de musique de chambre pour divers instruments, fondé en 1950. L'idée était de pouvoir jouer des oeuvres de chambre à effectif un peu inhabituel avec des musiciens habitués à travailler ensemble, plutôt qu'avec des musiciens ad hoc comme c'est usuellement le cas.
    Comme le rappelait Philippe, les deux membres fondateurs les plus connus, grâce à leur carrière de soliste, sont sans doute le clarinettiste Gervase de Peyer et l'altiste Cecil Aranowitz (NB : altiste étant un nom épicène, je précise que le prénom anglais Cecil est masculin, pour qui cela intéresserait). Parmi les autres membres connus, on peut citer le violoniste Emanuel Hurwitz, la violoniste Iona Brown, le harpiste Osian Ellis, ou, de manière ponctuelle, le corniste Barry Tuckwell. Beaucoup des instrumentistes sont restés longtemps, jusqu'à plusieurs décennies, dans le groupe, lui assurant une véritable qualité d'ensemble de chambre.
    Le Melos Ensemble a joué un répertoire très vaste et très varié, il a assuré nombre de créations, parmi lesquelles on citera la partie pour ensemble de chambre du War Requiem de Benjamin Britten, écrite spécifiquement pour lui.
    Les interprétations se caractérisent par une grande précision, aussi bien individuelle que d'ensemble. Je ne suis pas sûr que toutes fassent partie de mes préférées, parfois je préfèrerais un peu plus de moëlleux, si on me passe ce terme somme toute assez peu musicologique, parfois cela n'a pas la couleur, ou la couleur locale, que j'attends ou en tout cas à laquelle je suis habitué (je pense à Bartók ou Janáček, par exemple). Mais enfin, même avec ces très légères (et toutes personnelles) réserves, cela reste des versions excellentes.
    Les enregistrements présentés ici viennent d'un coffret rétrospectif publié par EMI, et regroupe d'une part des classiques dont plusieurs déjà largement présents , ou en tout cas, présents, dans la bibliothèque musicale de cet auguste forum (quintettes avec clarinette de Mozart ou de Brahms, par exemple, ou octuors de Mendelssohn ou de Schubert), mais aussi des raretés (à ma connaissance) de compositeurs ultra connus, par exemple le duo n°1 de Beethoven (???), des oeuvres de compositeurs connus mais moins (quintette avec clarinette de Reger, quintette à vent de Nielsen, double quatuor de Spohr, grand septuor de Berwald), de la musique du XXe siècle assez connue (Ravel, Poulenc, Bartók, Janáček) mais aussi, plus rare, Skalkottas. Les règles de date empêchent de proposer Bliss (de justesse), Rodney Bennett, Grosse, Birtwistle et Maxwell Davies (pour ceux-ci il faudra encore attendre un peu…) tout comme Khatchatourian (qui n'a pas écrit que la Danse du Sabre …), mort en 1978.


    La liste des oeuvres ici :
    • Bartok : Contrastes pour clarinette, violon et piano
    • Beethoven : Duo pour clarinette et basson n°1
    • Beethoven : Marche pour 2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons
    • Beethoven : Quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson op. 16
    • Beethoven : Rondino pour 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons
    • Beethoven : Septuor op. 20
    • Beethoven : Sextuor pour 2 cors et quatuor à cordes
    • Brahms : Quintette pour clarinette et quatuor à cordes op. 115
    • Janacek : Concertino pour piano, alto, basson, clarinette, cor et 2 violons
    • Janacek : Dans les Brumes
    • Janacek : Mladi
    • Mendelssohn : Octuor op. 20
    • Milhaud : Suite pour violon, clarinette et piano
    • Mozart : Quintette pour clarinette et quatuor à cordes KV 581
    • Mozart : Quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson KV 452
    • Mozart : Trio n°4 "Les Quilles" pour clarinette, alto et piano KV 498
    • Poulenc : Sonate pour clarinette et basson
    • Poulenc : Trio pour piano, hautbois et basson
    • Prokofiev : Ouverture sur des thèmes juifs
    • Schubert : Adagio et rondo concertant pour piano, violon, alto et violoncelle, D. 487
    • Schubert : Octuor D. 803
    • Schubert : Quintette avec piano "La Truite"
    • Schumann : 3 Fantasiestücke pour clarinette et piano
    • Schumann : Märchenerzählungen pour clarinette, alto et piano
    • Skalkottas : 8 Variations sur un thème folklorique grec
    • Skalkottas : Octuor
    Bonnes écoutes

  3. #203
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    Re-bonjour à toutes et à tous !

    Retour pour ce mois de février à une formule déjà expérimentée : un seul package par mois, divisé en deux « demi-packages ». Commençons cette fois par des compositeurs de l'initiale A à l'initiale G.

    Quelques oeuvres rares pour cette fois, notamment une Symphonie pour orchestre en ré d'Arriaga.
    Arriaga, souvent surnommé le "Mozart espagnol" en raison de son talent précoce et de sa mort prématurée à l'âge de 19 ans, est bien sûr principalement connu pour ses quatuors à cordes. Cependant, il a également composé de nombreux autres types d'oeuvres - voyez sa fiche Wiki ici pour ceux qui ne me croiraient pas ; et parmi celles-ci, cette symphonie, achevée vers 1824. Elle est structurée en quatre mouvements : Adagio - Allegro vivace - Presto ; Andante ; Minuetto : Allegro - Trio ; Allegro con moto (la marque de la moto n'est pas précisée).
    L'oeuvre reflète l'influence du Sturm und Drang, avec une atmosphère générale de colère et de désespoir, sans jamais sombrer dans la résignation. L'Andante se distingue par sa grande beauté, mettant en évidence la maîtrise d'Arriaga dans le traitement des intervalles mélodiques et des effets des instruments à vent. Le Minuetto est peut-être la partie la moins originale de l'oeuvre, alternant entre un rythme parfois traînant et à une structure rythmique et métrique plus conventionnelle.
    Malgré sa grande jeunesse, Arriaga démontre dans cette symphonie une maturité impressionnante, tant dans la construction formelle que dans l'orchestration brillante. Tout au long des quatre mouvements, on est frappé par la force de la composition et le dynamisme de l'oeuvre.

    Voici pour suivre une petite présentation de trois oeuvres d'Atterberg : la Ballade et passacaille sur un thème folklorique suédois, Les Vierges Folles et l'Ouverture "Aladin", chacune représentent des facettes très différentes de la musique d'Atterberg. C'est très subjectif évidemment, mais j'ai envie de placer en exergue la Ballade et passacaille, une oeuvre qui illustre le talent d'Atterberg pour intégrer des thèmes folkloriques dans un cadre orchestral sophistiqué. C'est une oeuvre profondément ancrée dans le patrimoine suédois, riche en expressivité, et elle incarne bien son amour pour la musique populaire nordique. Les Vierges Folles est un poème symphonique inspiré d'une légende folklorique suédoise, souvent associé à des atmosphères mystiques ou sombres. Reflètant une facette plus narrative et romantique d'Atterberg et s'inscrivant dans une tradition symphonique à programme et se démarquant par son caractère dramatique et descriptif, ce serait peut-être une oeuvre plus captivante pour les auditeurs sensibles à l'évocation d'images narratives. L'Ouverture "Aladin" est probablement l'oeuvre la plus spectaculaire des trois, grâce à son caractère brillant et à sa capacité à captiver l'auditeur dès les premières mesures.

    Poursuivons dans la même démarche avec quatre oeuvres de Jean Absil (petit renvoi vers sa fiche Wiki pour qui le connaîtrait peu) : la Fantaisie concertante pour violon et orchestre ; la Rhapsodie roumaine pour violon et piano sur des thèmes de Bartok ; la Sérénade pour orchestre de chambre ; et la Symphonie n°2.
    La Symphonie n°2 est une oeuvre majeure dans son catalogue ; puissante et structurée, typique des grandes oeuvres orchestrales d'Absil, elle témoigne d'une approche plus sombre et introspective par rapport à ses autres oeuvres. Parmi les oeuvres proposées ici, c'est sûrement - à mon sens - celle à découvrir en priorité. La Fantaisie concertante ou la Rhapsodie roumaine sont des oeuvres plus intimes et pourtant parfois virtuoses. La Sérénade pour orchestre de chambre séduit par son charme et son accessibilité, mais pourrait être perçue comme moins ambitieuse en termes de contenu émotionnel. C'est pourtant une oeuvre légère et élégante, pleine de clarté et d'humour, parfois comparée aux sérénades néoclassiques de Stravinsky ou d'Hindemith.

    Ensuite, une oeuvre qui me tient particulièrement à coeur : il s'agit de The Plague de Roberto Gerhard. Vous vous souviendrez probablement qu'en octobre dernier je vous avais proposé une large sélection d'oeuvres de Gerhard ; mais je ne pouvais pas vous présenter parmi cet ensemble The Plague : il s'agit en effet d'un enregistrement de 1974 (avec Dorati à la direction), c'était donc trop tôt en 2024. Aujourd'hui c'est bon
    The Plague est une oeuvre étonnante, composée en 1964 et inspirée par La Peste de Camus. Gerhard, compositeur catalan exilé en Angleterre après la guerre civile espagnole, a marqué cette composition par un profond sens de l'humanité et une réflexion sur les thèmes de l'exil, de la souffrance et de la résilience face aux catastrophes. Gerhard a composé The Plague dans un contexte de préoccupations sociopolitiques mondiales, notamment des craintes liées à la guerre froide et aux menaces existentielles comme les épidémies ou les crises nucléaires. L'oeuvre témoigne de son intérêt pour les réflexions philosophiques de Camus sur l'absurdité de la condition humaine et la solidarité. De la sorte, l'oeuvre explore les thèmes de l'épidémie, de la désolation et de l'isolement, mais aussi de la lutte commune pour la survie et la capacité humaine à résister à des forces oppressantes.
    C'est une oeuvre pour orchestre, solistes vocaux et narrateur. Le texte du narrateur est tiré de passages clés du roman La Peste. L'orchestre utilise les techniques sérielles, mais avec une flexibilité qui reflète la liberté stylistique de Gerhard. Les influences de Schoenberg et de la musique moderne européenne en général sont ainsi perceptibles, mais Gerhard intègre également des éléments qui reflètent ses racines catalanes.
    Une oeuvre puissante donc, peut-être (selon moi) l'une des plus ambitieuses et les plus impressionnantes de Gerhard. À écouter de toute urgence (si je peux me permettre ) !

    Terminons pour cette fois avec des oeuvres plus « fréquentées », déjà présentes en BM, mais que j'ai choisi de retenir pour leurs interprétations d'exception : la version pour voix et piano de La Bonne Chanson de Fauré, un cycle de neuf mélodies mettant en musique le recueil du même nom de Verlaine, cette fois avec Suzanne Danco - d'autres versions suivront ; le Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle n°2 de Beethoven par Neuhaus et le Quatuor Beethoven. Plus les Études pour piano op. 10 et op. 25 de Chopin par Cortot ; bon je sais que ce dernier ne recueille pas toujours l'unanimité (pour les raisons que tout le monde connaît) ; mais du seul point de vue pianistique, c'est qd même ... pas si mal

    Enfin, en guise de bonus pour cette fois on va finir pour cette fois par un peu de Grieg, si cela vous dit
    Bon tout le monde connaît déjà très bien les suites n°1 et n°2 de Peer Gynt, il n'en va peut-être de même pour la Musique de scène pour solistes, choeur et orchestre - la version complète donc. Cette « version » était jusqu'alors absente de la BM.
    Elle inclut des parties chantées (solistes et choeurs) qui enrichissent considérablement l'expérience musicale. Par exemple, le chant de Solveig est bien plus poignant dans ce contexte. Elle permet aussi de découvrir des morceaux inédits : certaines sections de la musique de scène ne figurent pas dans les suites, comme les interludes instrumentaux ou les passages vocaux qui accompagnent directement les dialogues ou les scènes du drame d'Ibsen.

    La liste complète pour cette fois :
    • Absil : Fantaisie concertante pour violon et orchestre
    • Absil : Rhapsodie roumaine pour violon et piano sur des thèmes de Bartok
    • Absil : Sérénade pour orchestre de chambre
    • Absil : Symphonie n°2
    • Arriaga : Symphonie pour orchestre en ré
    • Atterberg : Ballade et passacaille sur un thème folklorique suédois
    • Atterberg : Les Vierges Folles
    • Atterberg : Ouverture "Aladin"
    • Beethoven : Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle n°2
    • Chopin : Études pour piano op. 10 et op. 25
    • Fauré : La Bonne Chanson (version pour voix et piano)
    • Gerhard : The Plague
    • Grieg : Peer Gynt, musique de scène pour solistes, choeur et orchestre
    Bonnes écoutes

  4. #204
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    Re-bonjour à tous pour ce second demi-package de février, que nous recommençons à la lettre H.

    Maria Bergmann (1928 - 2002) est une pianiste relativement méconnue ; commençons donc par elle avec du « pur classique » et trois Sonates de Haydn jusqu'ici inédites en BM.
    Pour qui souhaiterait en apprendre un peu plus sur elle, voici un aperçu de sa carrière - accompagné de nombreuses photos.

    La Symphonie n°13 de Lev Knipper est une oeuvre qui se distingue par son caractère à la fois nostalgique et empreint d'une certaine gravité. Knipper, souvent associé à des compositions inspirées par les folklores russe et soviétique, a cette fois écrit cette symphonie avec une vision davantage introspective.

    Nous possédons à l'heure actuelle trois versions des Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler : par Schmidt-Isserstedt, par Winfried Zillig et la troisième, j'avoue ne pas l'avoir écoutée
    Aujourd'hui j'ai la possibilité de vous en proposer trois nouvelles versions : par Adrian Boult et Blanche Thebom, par Bruno Walter et Mildred Miller et par Hermann Scherchen et Lucretia West ; chacune est assez unique.
    Boult-Thebom est un peu atypique, car Adrian Boult, connu surtout pour son répertoire anglais, s'aventure dans Mahler avec une sensibilité très propre. Blanche Thebom, contralto américaine, était réputée pour la chaleur et la richesse de sa voix. Leur collaboration peut offrir une perspective différente, avec une approche peut-être plus retenue et introspective.
    Walter-Miller : Bruno Walter, grand ami et grand interprète de Mahler, apporte toujours une authenticité et une profondeur uniques à ses interprétations. Mildred Miller, mezzo-soprano américaine, a une voix expressive qui s'accorde bien à ce cycle. Cette version pourrait se distinguer par son lien direct avec l'héritage mahlérien.
    Scherchen-West : Scherchen, chef avant-gardiste et audacieux, pourrait offrir une lecture plus analytique ou « décalée ». Lucretia West, contralto afro-américaine, était connue pour son expressivité et sa diction claire. Cette version pourrait avoir une intensité dramatique marquée.
    En résumé, trois lectures bien distinctes : l'une avec un attachement "historique" (Walter), une approche plus classique (Boult), ou une lecture plus originale (Scherchen), chacune avec ses atouts et ses qualités propres.

    Pour en rester au lyrique (outre une version de La Cenerentola de Rossini par Abbado) mais dans un genre tout différent, La Tempête (1952-1955) de Frank Martin est évidemment inspirée de la pièce de Shakespeare - qui s'en serait douté ?
    Contrairement au Vin herbé, une oeuvre méditative et dépouillée que mah70 vous propose dans sa PL actuelle, peut-être la plus réputée de Martin, est décrite comme un « oratorio dramatique pour choeur et petit ensemble instrumental » - une oeuvre totalement à contre-courant donc de la tradition wagnérienne.
    La Tempête est plus dense, plus lyrique, avec une véritable recherche sur les textures orchestrales et les atmosphères suggérées.
    Martin en fait une sorte de « musique de scène » ou comme une « musique dramatique » plutôt que comme un opéra traditionnel, car Martin y intègre dialogues parlés, parties chantées et passages orchestraux évocateurs avec une grande liberté, transformant l'oeuvre en un mélange unique d'oratorio, d'opéra et de théâtre musical.
    L'oeuvre est divisée en trois actes, suivant fidèlement la trame de la pièce originale de Shakespeare. Les personnages principaux de la pièce (Prospero, Miranda, Ariel, Caliban, etc.) y figurent, chacun ayant sa propre caractérisation musicale.
    Frank Martin a écrit le livret lui-même en français, ce qui est rare pour un compositeur, mais qui témoigne de son profond investissement dans l'oeuvre. Il a condensé l'histoire pour l'adapter à la forme musicale, tout en respectant l'essence poétique et dramatique du texte original.
    La partition illustre bien le langage musical de Martin : un style modal teinté d'influences post-romantiques et modernes. Les instruments jouent un rôle central pour évoquer les éléments naturels de l'île : les vents, les vagues et l'atmosphère mystérieuse. Les parties vocales sont expressives, avec des lignes mélodiques souvent proches du récitatif dramatique.
    La première a eu lieu à Genève en 1956, sous la direction d'Ernest Ansermet, un fervent défenseur de Martin. La version que je vous propose ici est un live de 1967 et constitue la version française établie par Pauline Martin, toujours par Ansermet avec les Choeurs du Grand Théâtre de Genève et l'Orchestre de la Suisse Romande ; une interprétation précieuse car peu de versions existent. La direction d'Ansermet, proche de Martin, garantit une interprétation fidèle à l'esprit de l'oeuvre.
    Son Concerto pour violon et orchestre, quant à lui, semble rester l'une des pièces les plus appréciées de son répertoire concertant. À vous d'entendre !

    Passons à Enoch Arden, un mélodrame adapté par Richard Strauss du récit d'Alfred Tennyson ; une forme musicale rare qui ressemble à un opéra miniature mais qui n'en est pas un stricto sensu : un opéra c'est chanté. Ici c'est « parlé ».
    L'histoire est celle d'Enoch Arden, pêcheur qui part au long cours pour améliorer le sort de sa famille, fait naufrage et revient après de nombreuses années pour faire une découverte dramatique.

    Pour changer de style, la Symphonie n°3 d'André Jolivet est une oeuvre intéressante, peut-être généralement pas considérée comme l'une de ses oeuvres majeures, mais néanmoins significative dans l'ensemble de sa production. Elle a été commandée par la BBC et montre le talent de Jolivet à manier les couleurs orchestrales, en mêlant des éléments modernes et tonaux à une écriture parfois austère mais très expressive.
    Outre ses Cinq Danses rituelles, pour orchestre (clic pour qui souhaiterait en apprendre plus), le Concerto pour ondes Martenot, du même, vaut peut-être plus encore le détour ! C'est une oeuvre extrêmement inventive qui explore à fond les possibilités expressives et sonores de cet instrument si particulier. Le concerto mêle des moments souvent poétiques et des passages plus dramatiques, où l'orchestre dialogue magnifiquement avec les ondes Martenot. L'instrument, souvent associé à des sonorités futuristes ou éthérées, est ici traité de façon très lyrique et humaine, presque vocale par moments. La version proposée ici avec Jeanne Loriod (soeur de Yvonne Loriod) en soliste est particulièrement admirée, la soliste maîtrisant les ondes Martenot comme personne au point d'en sublimer la partition.

    Quant à Oedipus, il s'agit d'une oeuvre majeure dans l'univers de Harry Partch, une incarnation parfaite de sa vision d'un théâtre musical total et d'un rejet des conventions occidentales. Il s'agit d'une adaptation musicale de la tragédie grecque classique de Sophocle, traduite par W.B. Yeats, - laquelle privilégie une simplicité poétique, proche du langage parlé.
    Partch met en musique le texte de manière syllabique, respectant les rythmes naturels des mots tout en les amplifiant par ses sonorités microtonales.
    Ici, Créon revient de consulter l'oracle avec un message inquiétant pour la cité. Tirésias, le devin aveugle, accuse Oedipe d'être la cause du malheur qui frappe Thèbes. Oedipe, furieux, accuse Créon de conspirer contre lui. Cherchant la vérité, il interroge Jocaste sur le meurtre de Laïs et partage son propre récit de l'oracle. Peu à peu, Jocaste découvre qu'Oedipe est son fils. Ce dernier, en interrogeant un berger, comprend alors la terrible vérité de son destin. La tragédie atteint son apogée lorsque Jocaste se pend et qu'Oedipe, désespé, se crève les yeux. La composition, portée par les instruments, les voix et les danses, culmine avant que le choeur final ne conclue le drame.
    Partch a travaillé sur cette oeuvre pendant plusieurs décennies, entre 1930 et 1950, ce qui en fait l'une de ses compositions les plus élaborées et réfléchies. À sa création en 1951 à Mills College, Oedipus a été salué comme une oeuvre profondément originale, bien que difficile d'accès en raison de son langage musical unique.

    Jean Thiriet, compositeur méconnu, n'est pourtant pas un inconnu ici et semble d'ailleurs apprécié : son Concerto pour flûte a déjà été "vu" plus de 10000 fois ... C'était pourtant (jusqu'aujourd'hui ) la seule oeuvre de lui constituant son sous-foum, la difficulté avec Thiriet étant que peu de ses oeuvres ont fait l'objet d'enregistrements diffusés avant 1974.
    J'ajoute aujourd'hui de lui La Nuit vénitienne, une musique de scène composée en 1953 pour une pièce de Musset.

    Pour terminer, et clôturer - pour cette fois - la liste des "disparus de 1974", 5 Miniatures de Wellesz et deux oeuvres de Darius Milhaud :
    Les Rêves de Jacob est une sorte d'oratorio biblique, à l'instar de David ou de La Création du Monde.
    L'oratorio est basé sur l'épisode biblique du rêve de Jacob (Genèse 28:10-22), où Jacob voit une échelle reliant la terre au ciel, avec des anges montant et descendant. Ce passage est typique de spiritualité et de mysticisme, ce qui se reflète dans la musique de Milhaud. Le texte est tiré de la Bible en hébreu, fidèle à l'intérêt de Milhaud pour ses racines juives. La musique s'organise en plusieurs tableaux illustrant le rêve de Jacob et la vision céleste. La musique y oscille entre des moments de grande simplicité et des passages complexes, traduisant les contrastes entre le divin et le terrestre.
    À noter, pour l'anecdote, que le soliste de Quatre visages, l'autre oeuvre de Milhaud que je vous propose aujourd'hui, l'altiste Michael Mann n'est autre que le fils de Thomas Mann, prix Nobel de littérature 1929.

    La liste complète des oeuvres constituant la présente livraison :
    • Haydn : Sonate pour clavier n°2
    • Haydn : Sonate pour clavier n°9
    • Haydn : Sonate pour clavier n°10
    • Jolivet : Cinq Danses rituelles, poutr orchestre
    • Jolivet : Concerto pour ondes Martenot
    • Jolivet : Symphonie n°3
    • Ketelbey : In the mystic land of Egypt
    • Knipper : Symphonie n°13
    • Mahler : Lieder eines fahrenden Gesellen (x3)
    • Martin : Concerto pour violon et orchestre
    • Martin : La Tempête
    • Milhaud : Les Rêves de Jacob
    • Milhaud : Quatre visages
    • Partch : Oedipus
    • Rossini : La Cenerentola
    • Saint-Saëns : La Jeunesse d'Hercule
    • Strauss (Richard) : Enoch Arden
    • Thiriet : La Nuit vénitienne
    • Wellesz : 5 Miniatures
    Bonnes écoutes

  5. #205
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    Salut à toutes et à tous !

    Nous célébrions hier le sesquicentenaire de la naissance de Ravel (auquel un prochain package sera consacré) mais c'est aujourd'hui la « Journée internationale des droits des femmes » et cela m'a fait réfléchir au « droit » qu'avaient les femmes de composer …
    En effet, il n'y avait - jusqu'à présent - dans la liste des compositeurs composant la BM - et qui comporte des milliers d'oeuvres et des centaines de compositeurs masculins, que deux femmes : Boulanger et Bacewicz, alors qu'il y en a de nombreuses autres - le pb étant surtout qu'elles n'ont été enregistrées que fort récemment, et donc que ces enregistrements ne sont pas encore encore "dans les clous" …
    Néanmoins en nombre restreint par rapport à leurs homologues masculins ; la question restait donc pertinente : pourquoi la composition semble-t-elle, ou apparaît-elle en tout cas (ou bien faut-il poser la question au passé ?), comme un domaine quasiment "réservé" aux hommes ?
    La réponse semble être à la fois historique, sociologique et culturelle.

    Pendant des siècles, les femmes ont souvent été exclues des sphères publiques et professionnelles, - y compris la musique, oeuf corse. Composer nécessitait un accès à une éducation musicale formelle, aux réseaux d'influence, et à des opportunités de représentation, toutes choses qui étaient souvent refusées aux femmes. Les normes sociales ont longtemps assigné aux femmes des rôles domestiques, les éloignant des carrières artistiques considérées comme un domaine masculin. Même lorsqu'une femme montrait des talents exceptionnels, elle pouvait être découragée ou limitée dans ses ambitions.
    Il y eut aussi un manque de reconnaissance assez flagrant : plusieurs compositrices talentueuses, comme Fanny Mendelssohn, Clara Schumann ou Louise Farrenc, ont été éclipsées par leurs homologues masculins. Certaines oeuvres de Fanny Mendelssohn, par exemple, ont été publiées sous le nom de son frère Felix, entraînant leur invisibilité. De plus, la manière dont l'histoire de la musique a été écrite a contribué à marginaliser les compositrices. Les manuels, les concerts et les enregistrements ont longtemps mis en avant des hommes, créant en cela une perception biaisée.

    Des compositrices, il y en eut pourtant de tout temps ; sans nécessairement remonter à Sappho ou à Cassienne de Constantinople, il suffit pour cela de citer - et nous sommes alors ici au XIIe siècle, Hildegarde de Bingen. Mais sans remonter obligatoirement aussi loin, on peut citer pêle-mêle Beatriz de Dia (quasi contemporaine de Hildegarde), Francesca Caccini, Barbara Strozzi, Mel Bonis, Hélène de Montgeroult, Alma Mahler ou Bettina Brentano parmi celles qui furent largement ignorées des studios d'enregistrement durant de longues années. Certains enregistrements sont disponibles aujourd'hui, mais les premiers ne datent pas d'avant le milieu des années 80. Les choses sont donc en train de changer, ce qui est une fort bonne chose ; hélas, je ne puis rien vous présenter d'aucune d'entre elles - et particulièrement de celles citées ci-dessus - en BM pour cause d'inéligibilité liée aux dates d'enregistrement.
    Néanmoins j'ai décidé de ne pas en rester à ce triste constat, et j'ai donc cherché et découvert un ensemble de compositrices éligibles en BM.
    Une grande déception fut le cas de Germaine Tailleferre, du « Groupe des Six », dont j'avais sélectionné plusieurs enregistrements antérieurs à 1975, avant de me rendre compte qu'elle est décédée en 1983 à l'âge de 91 ans - donc non éligibles en vertu de la norme dite « des 50 ans » ...
    Voici donc une liste de qqs compositrices dont j'ai pu trouver des oeuvres éligibles en BM ; j'ai choisi de vous les présenter d'abord par ordre chronologique, afin d'illustrer le fait que des femmes compositrices, hé bien il y en eut de tout temps :Claveciniste et compositrice française, Élisabeth Jacquet de la Guerre est l'une des rares femmes à s'imposer dans la musique baroque. Protégée de Louis XIV, elle compose des oeuvres pour clavecin, de la musique de chambre et même un opéra, Céphale et Procris, en 1694. Son style raffiné et expressif la place parmi les figures marquantes de son époque.
    Pianiste virtuose et compositrice, Clara Schumann est l'une des musiciennes les plus influentes du XIXe siècle. Épouse de Robert Schumann, elle s'impose par son talent exceptionnel, à la fois comme interprète et comme compositrice. Ses oeuvres, bien que peu nombreuses - et très peu jouées jusqu'il y a peu, témoignent d'une grande sensibilité romantique profondément lyrique.
    Agathe Backer Grøndahl, une compositrice norvégienne, est quant à elle une parfaite inconnue dans nos contrées. Mais si vous avez lu sa fiche Wiki, vous avez pu vous rendre compte de son importance et de sa notoriété dans son pays. Pianiste et compositrice, elle a étudié en Allemagne avec Hans von Bülow et a joué un rôle clé dans la vie musicale scandinave. Elle est surtout connue pour ses pièces pour piano et ses mélodies, influencées par la tradition romantique et le folklore norvégien.
    Pour l'anecdote, une exposition consacrée à sa soeur Harriet, peintre célèbre et reconnue, vient de se tenir au musée d'Orsay.
    Cécile Chaminade, quant à elle, est une compositrice et pianiste française ayant connu une grande renommée à son époque, notamment en Angleterre et aux États-Unis. Elle excelle dans la musique pour piano, avec des pièces de caractère très populaires, ainsi que dans la mélodie française. Son Concertstück pour piano et orchestre est l'une de ses oeuvres majeures, malheureusement absente de cette sélection pour cause de date d'enregistrement.
    Première compositrice américaine de renom, Amy Beach est une figure clé du mouvement nationaliste aux États-Unis. Pianiste prodige, elle compose de nombreuses oeuvres, dont sa Symphonie "Gaélique", première symphonie composée par une femme étasunienne, qui s'inspire de mélodies irlandaises. Sa musique expressive s'inscrit dans la tradition romantique tardive.
    Organiste et compositrice française, Jeanne Demessieux, d'ailleurs déjà présente en BM pour son interprétation de l'intégrale de l'oeuvre pour orgue de César Franck, a marqué le XXe siècle par sa virtuosité exceptionnelle et sa maîtrise de l'orgue. Élève de Marcel Dupré, elle a composé de nombreuses oeuvres pour son instrument, dont les 6 Études pour orgue (que vous pouvez retrouver ici) et la Suite op. 5. Son langage musical, d'une grande profondeur spirituelle, conjugue tradition et modernité.

    Comme vous le voyez, rien malheureusement de Louise Farrenc ou d'Emilie Mayer par exemple … c'est introuvable, apparemment …

    Une évolution notable a semble-t-il eu lieu au XXe siècle, avec des compositrices largement reconnues car ayant gagné une reconnaissance internationale comme Elsa Barraine, Sofia Gubaidulina, Kaija Saariaho, Unsuk Chin, Galina Ustvolskaia, Olga Neuwirth ou encore Betsy Jolas - entre autres. C'est une fort bonne chose, mais vous aurez déjà compris que je ne puis rien vous proposer d'aucune d'entre elles aujourd'hui …

    La liste complète des oeuvres présentées cette fois ci-dessous, comme d'hab :
    • Backer Grøndahl : 3 Pièces pour piano op. 15
    • Backer Grøndahl : 4 Esquisses pour piano op. 19
    • Backer Grøndahl : 4 Etudes de Concert
    • Beach : Ah ! Love, but a day ! pour soprano et piano
    • Beach : Concerto pour piano et orchestre
    • Beach : Symphonie "Gaélique"
    • Chaminade : Petites Pièces pour piano
    • Chaminade : Sérénade espagnole
    • Chaminade : Sonate pour piano en ut mineur
    • Demessieux : 12 Préludes choral sur des thèmes de chant grégorien
    • Demessieux : 6 Études pour orgue
    • Demessieux : 7 Méditations sur le Saint-Esprit
    • Demessieux : Prélude et Fugue en ut
    • Demessieux : Répons pour le Temps de Pâques
    • Demessieux : Te Deum
    • Demessieux : Triptyque
    • Jacquet de la Guerre : Suite n°1 du Second Livre de clavecin
    • Jacquet de la Guerre : Suite n°2 du Second Livre de clavecin
    • Schumann (Clara) : 4 Visions Fugitives
    • Schumann (Clara) : Concerto pour piano et orchestre
    • Schumann (Clara) : Scherzo n°1 pour piano
    • Schumann (Clara) : Scherzo n°2 pour piano
    • Schumann (Clara) : Trio pour piano, violon et violoncelle
    Bonnes écoutes !

  6. #206
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    Re-bonjour à tous pour ce nouveau package « complet », plutôt copieux et typiquement « Un peu de tout », avant de reprendre (je pense) dès le mois prochain le rythme des demi-packages en principe étalés sur un mois.

    Voici pour commencer deux versions de Ein deutsches Requiem de Brahms, par Celibidache (1957) et Karl Richter (1964), deux versions bien différentes, notamment sur l'approche interprétative : l'interprétation de Celibidache est lente (qui l'eût cru ? ) et contemplative, portant une attention méticuleuse aux nuances et aux textures orchestrales. Il privilégie une approche méditative qui met en valeur la profondeur spirituelle de l'oeuvre et les timbres orchestraux avec un souci du détail qui laisse transparaître toute la richesse de l'écriture de Brahms. L'orchestre respire, et chaque phrase musicale est « sculptée » avec soin.
    L'interprétation de Richter est en revanche plus directe et dramatique. Richter, qui était aussi organiste et spécialiste de la musique sacrée, adopte une approche plus rigoureuse sur le plan rythmique et plus énergique, avec des contrastes plus marqués et plus dynamiques ; la lecture est en gros plus structurée et moins expansive que celle de Celibidache.
    En conclusion : une version méditative et presque mystique chez Celibidache ; une lecture plus dramatique et rythmée chez Richter.

    J'ai aussi pensé vous présenter Jean-Rodolphe Kars (clic) à travers deux oeuvres célèbres de Debussy : la Fantaisie pour piano et orchestre et l'ensemble des Préludes pour piano. Kars, à l'instar de Brunhoff, est un pianiste entré dans les ordres. On lui doit peu d'enregistrements : un Messiaen superbe, mais trop tardif à la fois pour Messiaen et pour l'enregistrement ; de même, l'intégrale du piano de Schoenberg, mais … 1975 ... il faudra attendre un peu ...

    Pour poursuivre au piano (enfin par d'autres, pas par moi ), voici trois nouvelles versions de la Sonate en si mineur de Liszt. Deux d'entre elles sont de Nelson Freire et de Rafael Orozco, tous deux bien connus ici et qu'on ne présente plus.
    La dernière est d'Alexander Slobodyanik, un pianiste américain d'origine ukrainienne, dont le nom est certainement moins connu de tous. Pourtant son interprétation de la Sonate de Liszt est absolument remarquable et pourrait peut-être bien même figurer au top du top, aux côtés de qqs autres (Horowitz, Barère, Cziffra ...) ; si vous ne l'avez jamais entendue par lui, n'hésitez surtout pas !

    Michael Praetorius (page wiki ci-dessous) n'est sûrement pas le compositeur le plus connu du monde. Il a cependant écrit une multitude d'oeuvres d'inspiration religieuse ou profane. Parmi ces dernières, sa composition le plus célèbre reste sûrement Les Danses de Terpsichore, dont je propose ici de larges extraits par David Munrow (enregistrement de 1974), ainsi qu'une oeuvre ambitieuse, Weihnachtliche Chormusik (Musique chorale pour Noël). Bonne découverte donc si vous le le connaissiez pas

    Vous n'avez jamais entendu parler du Boeuf sur le toit de Milhaud ? (je plaisante ) En voici une jolie version, par Louis de Froment.
    Pacem in terris du même, est en revanche une oeuvre moins connue. Composée en 1963, cette oeuvre est un oratorio inspiré de l'encyclique du même nom publiée par le pape Jean XXIII la même année. C'est une oeuvre profondément humaniste et spirituelle, qui reflète les préoccupations pacifistes et universalistes de Milhaud, lui-même marqué par les drames du XXe siècle (exil, guerres mondiales ...). À découvrir peut-être, pour certains.

    Cela fait un bon moment que je cherche à développer le sous-forum dédié à Matthijs Vermeulen, un compositeur remarquable comme vous l'aurez constaté si vous avez écouté sa Symphonie n°2 ; tâche plus difficile que prévu et puis, bang, voilà que je découvre (avec une certaine dose de stupeur, je l'avoue), que sa Sonate pour violoncelle et piano n°1 par Anner Bijlsma et Reinbert de Leeuw a été enregistrée en 1963 ! Je n'imaginais pas Biljsma né en 1934, je l'imaginais plus « récent » ; mais à la date de cette version Bijlsma avait donc moins de 30 ans ...
    Il en existe une autre version par René van Ast au violoncelle et le même Reinbert de Leeuw au piano, mais je ne suis pas certain de la date de cet enregistrement et donc de son éligibilité ici.

    Les Pièces en style libre de Louis Vierne ne sont pas à proprement parler l'une de ses oeuvres « majeures » au même titre que ses six symphonies pour orgue ou ses Pièces de fantaisie, mais elles constituent tout de même un recueil important dans son oeuvre.
    Composées en 1913, ces Pièces en style libre sont destinées aussi bien à l'orgue avec pédalier qu'à l'harmonium, ce qui les rend plus accessibles techniquement et plus « domestiques » que ses grandes oeuvres symphoniques. Elles restent néanmoins typiquement « vierniennes », avec une écriture harmonique raffinée, influencée par Debussy et Franck, un lyrisme souvent poignant, parfois sombre, et une alternance entre pièces méditatives et pièces plus animées (comme le Scherzetto, ou la Marche funèbre par exemple).
    Elles sont donc très belles, représentatives de son style, mais moins monumentales que ses symphonies.

    L'interprétation par Rafael Kubelik (1971) du Lohengrin de Wagner est une version assez particulière et, peut-être bien, notable à plusieurs égards. En effet, Kubelík privilégie ici une lecture très lyrique, fluide et claire, avec une direction souple, évitant toute lourdeur excessive. En cela, il se distingue de chefs plus « massifs » comme Karajan, Furtwängler, Knappertsbusch ou même Solti, et met l'accent sur la transparence des textures, ce qui donne une lecture davantage aérée et détaillée.
    Ce n'est donc peut-être pas la version la plus « mythique » de Lohengrin, mais une alternative rafraîchissante face aux mastodontes wagnériens plus traditionnels.

    Pour terminer pour cette fois, deux concertos de Jolivet : le Concerto pour trompette n°2 - l'une de ses oeuvres les plus réputées il me semble - et le Concerto pour violoncelle n°1 ; deux pièces de Schumann par des interprètes d'exception, dont Dennis Brain pour son Adagio et Allegro pour cor et piano ; Mondi celesti de Malipiero ; trois Ballades de Martin (Ballade pour piano et orchestre, Ballade pour trombone et orchestre et Ballade pour violoncelle et piano) et enfin deux courtes pièces de Stravinsky : Scherzo à la russe pour orchestre de jazz, version pour orchestre symphonique et The Dove descending breaks the air, anthem pour choeur a cappella.
    Le Scherzo à la russe peut tout à fait être soumis aux projecteurs. Qualifié parfois d'oeuvre « amusante », surtout dans sa version orchestrale, c'est une pièce vive, légère et pleine d'esprit, avec un certain côté burlesque typique du Stravinsky néoclassique : un rythme enlevé et dansant, avec des syncopes et des surprises typiques du jazz, une orchestration pétillante, pleine de couleurs et d'effets inattendus ; et enfin un mélange de styles qui frôle parfois la caricature, mais toujours avec l'élégance, bien sûr, de Stravinsky
    Bref un style propre à certaines compositions typiques de son goût pour les contrastes marqués et une certaine ironie musicale. Il s'amuse clairement avec les codes du jazz tout en gardant son écriture rigoureuse et soignée. Une sorte d'oeuvre qui peut être prise comme une « fantaisie orchestrale ludique », avec un esprit espiègle, malicieux ... bon tout à fait dans l'esprit de Stravinsky donc !

    La liste complète pour cette fois :
    • Brahms : Ein deutsches Requiem (x2)
    • Debussy : Fantaisie pour piano et orchestre
    • Debussy : Préludes pour piano, Livres I et II
    • Jolivet : Concerto pour trompette n°2
    • Jolivet : Concerto pour violoncelle n°1
    • Liszt : Sonate en si mineur (x3)
    • Malipiero : Mondi celesti
    • Martin : Ballade pour piano et orchestre
    • Martin : Ballade pour trombone et orchestre
    • Martin : Ballade pour violoncelle et piano
    • Milhaud : Le Boeuf sur le toit
    • Milhaud : Pacem in terris
    • Praetorius : Danses de Terpsichore (extraits)
    • Praetorius : Musique chorale pour Noël
    • Ravel : Mélodies hébraïques
    • Schumann : Adagio et Allegro pour cor et piano
    • Schumann : Scènes d'Enfants
    • Stravinsky : Scherzo à la russe pour orchestre de jazz, version pour orchestre symphonique
    • Stravinsky : The Dove descending breaks the air, anthem pour choeur a cappella
    • Vermeulen : Sonate pour violoncelle et piano n°1
    • Vierne : Pièces en style libre, pour orgue, Livres I et II
    • Wagner : Lohengrin
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  7. #207
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    Re-bonjour à toutes et à tous

    Package « de transition » si l'on veut, consacré cette fois exclusivement au piano (pour la plupart au piano solo, à l'exception de quelques oeuvres concertantes pour piano avec Cortot et Nelson Freire) et que l'on pourrait intituler « Pianistes d'exception ». De nombreuses oeuvres ci-dessous m'ont été fournies par lebewohl, qu'il en soit infiniment remercié
    Mais que peut-il nous en dire ?

    Certains enregistrements sont de vrais documents historiques : c'est le cas du Concerto pour la Main gauche de Ravel par Cortot et Munch. Musique tout à fait contemporaine à l'époque, le concerto n'avait pas dix ans ! Les autres enregistrements de Cortot sont consacrés à Chopin, une des grandes spécialités de ce pianiste, mais aussi aux Jeux d'Eau de Ravel.
    Pas mal de Chopin dans des versions relativement anciennes (de toute façon plus de 50 ans !). Claudio Arrau est représenté par un enregistrement des Etudes datant des années 50, et par les Préludes qu'il a gravés dans les années 70 chez Philips. Son magnifique enregistrement des Nocturnes est malheureusement encore un peu trop récent, mais patience ! D'autres « chopiniens » confirmés comme Guiomar Novaes, Benno Moïsewitch, Samson François ont enregistré les Préludes ou les Etudes dans les années 50.
    Chopin était un des compositeurs de prédilection de Nelson Freire, et il est représenté ici par les Préludes. Mais Freire est aussi présent par quelques-uns de ses chevaux de bataille, avec Grieg, Schumann ou Tchaikovsky.
    Aldo Ciccolini enfin. On l'associe surtout à la musique française, Satie, Saint-Saens, Séverac, qu'il a, de fait, joués magnifiquement, ainsi que Debussy, ce qui est déjà moins connu. On oublie plus souvent encore qu'il a enregistré les sonates de Beethoven ou les Années de Pèlerinage de Liszt. Mais c'est un compositeur peut-être inattendu pour beaucoup qui est ici proposé, Johannes Brahms, dans ses derniers opus pour piano solo.


    Point besoin donc de s'attarder davantage sur ces oeuvres et interprètes, merci Leb pour cette présentation
    Je me contenterai pour ma part de vous en présenter la liste, classée cette fois par ordre alphabétique des noms des interprètes et ensuite de l'intitulé des oeuvres.

    Claudio ARRAU
    • Chopin : 3 Etudes pour piano op. posthume
    • Chopin : Études pour piano op. 10 et op. 25
    • Chopin : Préludes pour piano op. 28, op. 45 et sans op.
    Alfred CORTOT
    • Chopin : Barcarolle
    • Chopin : Berceuse
    • Chopin : Impromptus
    • Ravel : Concerto "pour la main gauche"
    • Ravel : Jeux d'eau
    Aldo CICCOLINI
    • Brahms : 2 Rhapsodies pour piano op. 79
    • Brahms : 3 Intermezzos op. 117
    • Brahms : 4 Klavierstücke op. 119
    • Brahms : 6 Klavierstücke op. 118
    • Brahms : 8 Klavierstücke op. 76
    • Brahms : Fantaisies pour piano op. 116
    Samson FRANÇOIS
    • Chopin : Études pour piano op. 10 et op. 25
    • Ravel : Jeux d'eau
    • Ravel : Pavane pour une infante défunte (version pour piano)
    • Ravel : Sonatine pour piano
    • Ravel : Valses nobles et sentimentales (version pour piano)
    Nelson FREIRE
    • Chopin : Préludes pour piano op. 28
    • Grieg : Concerto pour piano en la mineur
    • Liszt : Totentanz
    • Schumann : Carnaval, pour piano
    • Schumann : Concerto pour piano
    • Tchaikovsky : Concerto pour piano n°1
    Benno MOÏSEWITCH
    • Chopin : Préludes pour piano op. 28, op. 45 et sans op.
    Guiomar NOVAES
    • Chopin : Études pour piano op. 10 et op. 25
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  8. #208
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    Re-bonjour à toutes et tous

    Saluons pour commencer à l'occasion de ce premier « demi-package » d'avril l'arrivée de deux compositeurs nouveaux venus en BM - tous deux peu connus aujourd'hui et qui pourtant furent de grandes célébrités en leur temps : Samuel Coleridge-Taylor et Benjamin Godard. Des enregistrements, il y en a, avec les redécouvertes récentes des gloires passées, mais d'éligibles il y en a peu - or il faut faire avec ce qu'on a.
    Les présentations et biographies de ces deux compositeurs, retraçant leurs parcours respectifs, se trouvent :
    - pour Coleridge-Taylor, en anglais ici avec une traduction (automatique) en français ici ;
    - et pour Godard, ici.

    Trois oeuvres de Coleridge-Taylor, dont la plus importante ou tout au moins la plus célèbre est évidemment Hiawatha's Wedding Feast, d'après Le Chant de Hiawatha, un poème épique en vers libres de Henry Wadsworth Longfellow, symbolique de la littérature américaine d'inspiration autochtone du XIXe siècle, nous apprend Wiki (plus de détails ici).

    Le cas de Godard est lui aussi très intéressant : outre deux jolis concertos - l'un pour violon, l'autre pour piano,
    la Berceuse de Jocelyn de Godard inspiré du poème de Lamartine fut à l'époque un tube intégral, transcrit et retranscrit à diverses sauces ; j'ai donc exploré un peu toutes sortes de versions et de toutes époques ; et s'il est vrai que certains documents accusent leur âge, c'est toujours intéressant. Il y en a un sacré lot et pour tous les goûts, vous allez pouvoir vous amuser
    À noter : la présence dans ce corpus de deux occurrences de la version originale, pour ténor : par Bjørling et par Gedda.
    En voici le pitch - mais, avant de le lire, un petit conseil : gardez à portée de main une boîte de Kleenex
    Jocelyn, séminariste, chante et implore la Vierge pour son ami Laurence, blessé suite à une chute dans un ravin, qu'il pense être un jeune homme et qui s'avèrera être une jeune fille ; coup de foudre, amour chaste, mais Jocelyn est ordonné sur ordre de l'évêque ; fin de l'idylle. Jocelyn reste prêtre qq part dans la montagne. Il revient au pays, et un jour il est appelé pour administrer les derniers sacrements à une femme errante, mourante et miséreuse : c'est Laurence, déchue, meurtrie. Il l'absout et l'enterre sur les lieux de leurs amours passées.
    Viennent compléter ce nouveau sujet consacré à Godard, deux pièces tout à fait surprenantes au vu de leurs enregistrements respectifs : sa Mazurka op. 103.4, par Johann Wijsman, prise de ... 1905 ! C'est un enregistrement sur carton perforé, restitué sur un piano mécanique en parfait état, et c'est étonamment audible, pour un document qui a 120 ans ! Et pour finir la Chanson de Juin par ... Enrico Caruso ! un vrai document donc (de 1916 !) - tout comme on pourrait en dire de même de certaines versions de la Berceuse de Jocelyn (de Ninon Vallin par exemple, enregistrement de 1926, ou de Erna Sack, ou encore de Rita Streich).

    Nous avions déjà de Clérambault trois pièces pour orgue par Marie-Claire Alain et Michel Chapuis. Voici maintenant avec, cette fois, Thurston Dart au clavecin, les deux Suites des Pièces de clavecin. Dart était un claveciniste remarquable, et son interprétation apporte souvent une rigueur et une clarté qui lui sont propres, deux qualités qui s'appliquent à la perfection au style de Clérambault. Ce dernier, par rapport à d'autres compositeurs français de l'époque, se distingue en effet par une écriture moins chargée en ornements, favorisant une clarté harmonique et une fluidité mélodique qui rendent ses pièces accessibles sans perdre en raffinement, tout en intégrant subtilement des éléments du style italien dans la tradition française, notamment dans certains mouvements plus chantants ou dans une écriture plus libre.
    En résumé, ces Pièces de clavecin sont à la fois ancrées dans la tradition française, ouvertes aux influences italiennes et marquées par une élégance et une expressivité qui les rendent particulièrement séduisantes. Elles mériteraient d'être plus souvent jouées aux côtés des oeuvres de Couperin ou de Rameau dont Clérambault n'a, malheureusement, pas atteint la même notoriété ...

    Une entreprise un peu plus osée : celle de vous présenter un nombre important de La Bonne Chanson de Fauré - essentiellement dans sa version pour voix et piano. Un peu à la manière du Jocelyn de Godard, il y en a un paquet, pour toutes les tessitures et tous les goûts, et je vous laisse le privilège d'en découvrir la liste complète dans le sous-forum approprié (clic)

    Pour compléter cet ensemble, une oeuvre de Bowen, une autre d'Enesco, et enfin les deux Sonates pour piano de Jolivet, par Wayenberg (enregistrements de 1974). Ces dernières ne sont sûrement pas parmi les oeuvres les plus souvent jouées de Jolivet mais elles me semblent mériter clairement qu'on s'y attarde un peu.
    La première Sonate a été composée juste après la Seconde Guerre mondiale - et la mort de Bartok, et elle semble témoigner de la volonté de Jolivet de renouer avec une forme d'expression intense et dramatique. Elle combine son langage harmonique personnel, souvent modal, avec une virtuosité qui rappelle parfois Prokofiev ou Bartok, déjà cité.
    La seconde sonate est plus tardive (1957) et explore davantage l'abstraction et la densité harmonique. Elle montre un Jolivet plus mature, avec une approche plus libre des structures formelles et un langage harmonique plus audacieux. Il y a des sections méditatives et d'autres plus « percussives », mettant en avant l'aspect rythmique du piano.
    Les deux sonates sont assez exigeantes techniquement et nécessitent un pianiste à la fois puissant et subtil, deux adjectifs qui pourraient aisément s'appliquer à Wayenberg, qui avait l'habitude d'aborder des répertoires à la fois virtuoses et expressifs, ce qui convient parfaitement aux sonates de Jolivet.

    Guillaume Lekeu achève cette livraison. Sa destinée tragique (1870-1894), - emporté à l'âge de 24 ans par la fièvre typhoïde, fausse un peu l'image que nous nous avons de lui. Loin d'être un artiste marqué par le malheur, peu de temps avant son imprévisible maladie, il travaillait avec une ardeur féconde et heureuse, et voyait s'ouvrir à lui le plus bel avenir, encouragé en cela par César Franck puis par Vincent d'Indy après la mort de son maître.
    Lorsqu'il compose (la même année que la Sonate pour violon et piano, ce chef d'oeuvre qui lui assurera une place de choix dans la musique européenne) la Fantaisie sur deux airs angevins, les parents du jeune Guillaume s'étaient fixés à Angers. Au hasard d'un dîner, Lekeu entend deux chants populaires dont les thèmes le séduisent. De là naquit cette Fantaisie sur deux airs angevins, l'une de ses oeuvres symphoniques les plus jouées.
    En voici une version de 1962 par Fernand Quinet et l'Orchestre de Liège.
    Précisons que cet enregistrement nous a été fourni par Schosta : qu'il en soit ici infiniment remercié !

    La liste complète des oeuvres pour cette fois ci-dessous :
    • Bowen : Partita pour piano
    • Clérambault : Pièces de clavecin, Deuxième Suite en ut mineur
    • Clérambault : Pièces de clavecin, Première Suite en ut majeur
    • Coleridge-Taylor : Hiawatha's Wedding Feast
    • Coleridge-Taylor : Othello, musique de scène
    • Coleridge-Taylor : Petite Suite de Concert
    • Enesco : Sonate pour violon et piano n°2
    • Fauré : La Bonne Chanson (version pour voix et piano) (x12)
    • Fauré : La Bonne Chanson (version pour voix, piano et quintette à cordes)
    • Godard : Berceuse de Jocelyn (x11)
    • Godard : Chanson de Juin
    • Godard : Concerto pour piano n°2
    • Godard : Concerto pour violon "Romantique"
    • Godard : Mazurka pour piano
    • Jolivet : Sonate pour piano n°1
    • Jolivet : Sonate pour piano n°2
    • Lekeu : Fantaisie sur deux airs angevins
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  9. #209
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    Re-bonjour à toutes et tous

    Second « demi-package » d'avril aujourd'hui. Nous avions achevé le premier à la lettre L avec Lekeu, nous reprenons aujourd'hui à la lettre M avec Mahler.

    De Mahler nous parlerons cette fois de la Symphonie n°2 "Résurrection", déjà présente en BM dans une version de 1951 par Klemperer avec Jo Vincent et Kathleen Ferrier.
    D'emblée, présence cette fois de quatre nouvelles versions, dont certaines, plutôt récentes - par exemple par Klemperer (enregistrement de 1965) avec cette fois Heather Harper et Janet Baker.

    Brève présentation de ces quatre nouvelles versions :
    Barbirolli (1965) apporte un lyrisme et une chaleur typiques de sa direction, avec une attention particulière aux phrasés et aux nuances. Berlin garantit une interprétation techniquement impeccable, et Janet Baker est, comme toujours, d'une expressivité remarquable, même si certains auditeurs trouvent que Barbirolli manque parfois de tension dramatique, ce qui peut donner l'impression d'un premier mouvement un peu trop contemplatif.
    Fidèle à ses habitudes, Klemperer (1965) nous offre une interprétation monumentale et « architecturale ». Klemperer adopte des tempos assez lents, ce qui accentue le côté implacable et solennel de l'oeuvre, - ce qui peut constituer une forme d'austérité dans l'interprétation et un côté dramatique parfois plus faible que dans d'autres versions plus flamboyantes.
    Fidèle à son habitude lui aussi, Scherchen (1958) propose une interprétation hors normes, très énergique, avec des contrastes marqués et des tempos souvent surprenants. Il met l'accent sur l'urgence et l'intensité dramatique, même si qqs puristes ont souligné certaines libertés prises avec la partition pouvant en déranger certains.
    Stokowski (1963) quant à lui offre une lecture théâtrale (qui s'en serait douté ? ), puissante et passionnée, avec un sens du contraste et de la couleur orchestrale inimitable. Sa direction met en valeur toute la richesse instrumentale typique de Mahler.

    Les Gurrelieder de Schoenberg (une autre oeuvre monumentale et pour tout dire considérée comme envoûtante par certains), sont à la croisée du post-romantisme et de la modernité propre à Schoenberg. La version présentée ici, de János Ferencsik (1974), est généralement très bien considérée, notamment pour sa clarté orchestrale et son sens du drame. Ferencsik, parfois sous-estimé à l'international, offre ici une lecture qui rivalise avec celles de chefs plus célèbres. L'orchestre est précis, le choeur impressionnant, et la distribution vocale solide, et garde un équilibre entre grandiose et lisibilité, sans tomber dans une lourdeur excessive même si elle n'atteint peut-être pas pour certains le charisme absolu d'autres versions (on cite souvent Chailly, Ozawa ...).

    Passons à Frank Martin ; son Concerto pour clavecin et orchestre de chambre est l'un des chef-d'oeuvre du compositeur, mariant subtilement une sorte d'esthétique « baroque » avec son langage harmonique très personnel, et où l'écriture met en valeur la transparence du clavecin face à l'orchestre.
    Maria Triptychon a été lui composé pour soprano, violon solo et orchestre. C'est une oeuvre de recueillement, d'une beauté sobre et intense, où Martin atteint une forme de dépouillement expressif d'une rare profondeur ; l'oeuvre se démarque par une écriture vocale exigeante, proche de l'oratorio, mais avec une certaine fluidité lyrique qui l'éloigne de la rigidité formelle de ce genre. Le violon solo joue un rôle essentiel, non pas en tant que simple accompagnement, mais en dialoguant étroitement avec la voix et l'orchestre. L'orchestre, souvent en arrière-plan, joue un rôle d'écrin pour la voix et le violon. À noter (pour l'anecdote ?), que dans la version que je vous propose ici, Irmgard Seefried et Wolfgang Schneiderhan étaient époux à la ville. Martin a écrit Maria Triptychon pour eux.
    En complément chez Martin, le Concerto pour piano et orchestre n°2 est un concerto plus tardif (1969) ; c'est une oeuvre virtuose et rhapsodique qui alterne lyrisme et rythmes incisifs, et Quatre Pièces brèves pour guitare (par Julian Bream, interprétation de 1967), un recueil qui démontre la capacité de Martin à écrire pour la guitare en exploitant pleinement son potentiel expressif et technique.

    Milhaud maintenant - dont j'ai choisi de vous présenter un échantillon de ses concertos.
    Son Concerto pour piano et orchestre n°1 est un excellent exemple de sa période la plus énergique et colorée. Écrit en pleine époque où il explore les influences du jazz et des rythmes sud-américains (notamment après son séjour au Brésil, comme c'est le cas aussi pour son Concerto pour percussions), l'oeuvre est un cocktail explosif d'inventivité rythmique et d'harmonies audacieuses.
    Dès le premier mouvement, on est frappé par une dynamique percussive du piano, qui dialogue avec un orchestre vif et contrasté. La polytonalité caractéristique de Milhaud est omniprésente, avec des superpositions d'accords qui créent un climat toujours en tension, sans jamais sombrer dans la dissonance gratuite.
    Le mouvement lent apporte une touche plus lyrique et méditative, un contraste bienvenu avec l'énergie du reste de l'oeuvre. Quant au finale, il renoue avec une écriture rythmique incisive et une virtuosité quasi-mécanique du piano.
    Ce concerto, moins joué que certains autres concertos du XXe siècle, mérite d'être redécouvert, tant pour sa vitalité que pour la richesse de son écriture. Il incarne parfaitement l'esthétique de Milhaud : une musique à la fois érudite et immédiatement communicative, qui ne craint ni l'exubérance ni l'expérimentation harmonique. Je vous le propose aujourd'hui « en deux exemplaires » , n'osant toutefois pas vous demander laquelle des deux vous préférez car il n'y a jamais - à l'instar des playlists de mah70 - aucune réaction face à ces publications ...
    Milhaud compose le Concerto pour alto et orchestre n°1 à la fin des années 1920, une période où il est déjà un compositeur établi et reconnu pour son style éclectique, mêlant influences classiques, jazz, musique brésilienne et polytonalité. Il le dédie à son ami Maurice Vieux, l'un des plus grands altistes français de l'époque.
    Moins connu que le premier, le Concerto pour alto et orchestre n°2 est pourtant une oeuvre d'une richesse expressive remarquable. Milhaud, lui-même altiste dans sa jeunesse, connaissait parfaitement les possibilités de cet instrument, souvent relégué à un rôle d'accompagnement dans l'orchestre.
    Dès les premières mesures, l'alto s'impose comme une voix chantante, avec une écriture fluide et expressive qui tire parti du timbre profond et chaleureux de l'instrument. L'orchestre, de taille modeste, joue un rôle de soutien délicat, mettant en valeur les longues lignes mélodiques de l'alto.
    Milhaud joue ici avec ses techniques habituelles : une harmonie subtilement polytonale, une rythmique souple et des couleurs orchestrales qui évoquent parfois les sonorités de la musique française du début du XXe siècle.
    Le Concerto pour violoncelle n°1 fait partie des oeuvres concertantes les plus ambitieuses de Milhaud et constitue possiblement l'une de ses oeuvres majeures. Écrit dans les années 1930, il reflète toute la diversité stylistique du compositeur, oscillant entre lyrisme, rythmes syncopés et polytonalité audacieuse.
    Le premier mouvement s'ouvre sur un thème incisif et nerveux, où le violoncelle se détache immédiatement dans une écriture soliste virtuose. Milhaud y mêle des éléments de musique populaire et des harmonies complexes, créant une atmosphère à la fois dynamique et imprévisible.
    Le mouvement lent est sans doute le plus marquant de l'oeuvre : un long chant élégiaque du violoncelle, soutenu par des harmonies orchestrales d'une grande subtilité. Milhaud y exploite pleinement la capacité de l'instrument à exprimer une mélancolie profonde, rappelant parfois l'écriture de Fauré ou de Ravel.
    Le final, en contraste, retrouve une énergie rythmique effervescente, avec des échanges vifs entre le soliste et l'orchestre. Le violoncelle, agile et expressif, doit ici faire preuve d'une grande virtuosité pour se frayer un chemin à travers des textures orchestrales souvent denses.
    Ce concerto, bien que moins joué que ceux de Prokofiev ou Chostakovitch, est pourtant une pièce essentielle du répertoire pour violoncelle du XXe siècle.

    Les Sonates d'Église (sonate da chiesa) de Mozart sont un ensemble de pièces brèves en un seul mouvement composées entre 1772 et 1780. Elles étaient conçues pour être interprétées durant la célébration de la messe entre l'épître et l'évangile.
    Après le départ de Mozart de Salzbourg, l'archevêque a demandé qu'à la place de ces sonates d'église, soit chanté un motet ou un choral. Les sonates d'église sont alors tombées dans l'oubli (source).

    Terminons cette (longue) présentation avec Windsong de Harry Partch, une oeuvre évocatrice et envoûtante à la sonorité unique due à l'instrumentarium de Partch et à son approche microtonale. Elle a été conçue à l'origine comme musique de film pour Windsong, un court-métrage de 1958 sur le vent et la nature - que j'ai sans succès cherché sur YT afin de vous le montrer.

    Ebony concerto de Stravinsky et l'Invitation à la Danse de Weber venant clore cet ensemble, en voici la liste complète pour cette fois :
    • Mahler : Symphonie n°2 "Résurrection" (x4)
    • Martin : Concerto pour clavecin et orchestre de chambre
    • Martin : Concerto pour piano et orchestre n°2
    • Martin : Maria Triptychon, pour soprano, violon solo et orchestre
    • Martin : Quatre Pièces brèves pour guitare
    • Milhaud : Concerto pour alto et orchestre n°1
    • Milhaud : Concerto pour alto et orchestre n°2
    • Milhaud : Concerto pour percussions et orchestre de chambre
    • Milhaud : Concerto pour piano et orchestre n°1 (x2)
    • Milhaud : Concerto pour violon et orchestre n°2
    • Milhaud : Concerto pour violoncelle et orchestre n°1
    • Mozart : Sonates d'Église
    • Partch : Windsong
    • Schoenberg : Gurrelieder
    • Stravinsky : Ebony concerto, pour clarinette et orchestre de jazz
    • Weber : Invitation à la Danse (version orchestrale d'Hector Berlioz)
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