Egorov et Pollini, qu'on peut entendre sur mon Simplify media, ne sont pas très tièdes non plus....
Egorov et Pollini, qu'on peut entendre sur mon Simplify media, ne sont pas très tièdes non plus....
Dire que la musique de Debussy est d'un modernisme outrancier je trouve ça un peu exagéré. C'est moderniste, certes, mais (je sais c'est une question de point de vue) quand je l'écoute, je n'ai pas l'impression d'entendre une musique qui "veut faire" moderne (c'est en tout cas ce que j'entend quand vous parlez de modernisme "outrancier"). C'est moderniste, parce que c'est comme ça que Debussy voulait (et pouvait) exprimer ce qu'il exprime si bien dans sa musique : la recherche de la pureté, la création de véritables peintures sonores qui suggèrent des sensations plus que n'importe quelle autre musique.
Pour moi, la musique sérielle est d'un modernisme outrancier, parce que Schoenberg avait décidé de trouver un truc qui révolutionnerait la musique, quel qu'il soit (ce qui enlève rien à l'apport de cette musique) : ça ne passe pas par une recherche esthétique, ça passe par la volonté d'innover. Je suis persuadé que Debussy était dans l'optique inverse : recherche esthétique, donc innovation (ce qui ne lui déplaisait certainement pas, et ça correspond assez au personnage).
bon c'est tout pour l'instant !
Bonjour Monsieur Jacques,
Peut-être que grâce à vous, je vais appréhender Debussy différemment. Je n'ai aucune antipathie contre ce compositeur d'ailleurs. J'en ai beaucoup contre R.S et F.C par exemple, mais Debussy non. Il ne me touche pas, c'est tout, mais son voisin Momo (l'auteur du beau vélo) ne me touche pas d'avantage. Qu'y puis-je ? Nul n'est parfait. Mon pote modérateur, m' a même écrit que Hawks l'emmerdait. Ben, figurez-vous que je lui parle toujours et pourtant, Ford, Hawks, Walsh au cinéma ... "faut pas toucher"
Je vous promets de réécouter ça attentivement (piano et oeuvres orchestrales, pas Mélisande hein, faut pas pousser )
Amicalement.
Dernière modification par Dominique ; 30/05/2008 à 12h08.
Dominique
Bonjour Antonin.
Je vous rassure, il y avait dans ma remarque sur le modernisme "outrancier" de Debussy une grande ironie. J'ai nagé dans "La Mer" depuis mon plus jeune âge, et je m'y sens comme un poisson dans l'eau. En fait, c'était juste une petite pique à un ours qui pousse le vice jusqu'à ne pas aimer R.S. par H.v.K. - et a un critique du Figaro mort depuis des lustres (voir l'article que j'ai copié.
Amitiés,
mah
La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)
P... il "me fait ouvrir" à mon total insu, un sujet sur Debussy et en plus il en rajoute une couche avec le "K" !!!!
J'écoute à l'instant "Chidren's Corner" ... je suis un gentil nounours non ?
Dominique
<< Tout à fait d'accord avec monsieur Jacques, ce n'est évidemment pas froid, c'est tiédasse à mes oreilles d'âne, >>
C'est comme Turner, vous ne trouvez pas que ses tableaux sont flous?
Turner c'est sûrement beaucoup moins bien que Jean-Léon Gérôme parce que c'est beaucoup plus flou, vous ne trouvez pas?
Je ne connais pas assez Tina Turner, elle a fait un Mad Max c'est ça ?
(Vous allez voir que Mah70 va me faire ouvrir un sujet Tina Turner ou cinéma australien)
Dominique
Merci, mah70, Chiarina, Antonin, Alfredo et tous les autres (ça va si vite que j'en oublie forcément) . Et bien sûr aussi Dominique (rassurez-vous, vous m'êtes très sympathique, et j'adore lire ce que vous écrivez, car ça stimule ).
A propos de Simplify Media, je voulais juste encore dire une petite chose avant de partir (je dois me rendre à l'extérieur cet après-midi et serai absent), et je pense surtout à Thierry qui aime la partie orchestrale de Pelléas : j'y ai mis la "Suite Pelléas et Mélisande" qu'a tirée de cet opéra Erich Leinsdorf, ici dirigée par Abbado .
Ça me fait penser à cette autre personne que je connais, une "jazzwoman" passionnée, qui a assisté un jour à une représentation de Pelléas qui se donnait à Lausanne (un petit théâtre, où il se donne évidemment infiniment moins de choses intéressantes qu'à Paris, pour viser très haut). Quand elle est revenue, elle m'a dit : "Je n'ai pas tout compris, mais quelle merveilleuse musique, quelle émotion ! J'en suis encore toute retournée."
Jacques
Dernière modification par Jacques ; 30/05/2008 à 12h38.
<< Ce n'est pas tiédasse, c'est d'un modernisme outrancier. >>
Ni l'un ni l'autre. Ça ne cherche ni à plaire à tout prix au grand public ni à choquer à tout prix le bourgeois (réac par hypothèse) pour plaire à l'élite avant-gardiste du moment.
C'est juste une musique sincère et sans concessions dont la forme est totalement dictée par les necessités expressives du contenu, sans emballage préformaté. C'est pour cela qu'elle dérange autant les uns et qu'elle suscite à ce point la passion des autres.
Elle est à la fois moderne et archaïsante donc atemporelle.
Question potentialités expressives, c'est comme l'a dit je ne sais plus qui "De la Dynamite habillée de velours doux."
Tiédasse?
On insite souvent sur la sensualité de la musique de Debussy, son côté édredon douillet dans lequel il est bon de se laisser aller voluptueusement entre rêve et conscience.
Mais on ressent aussi en écoutant certaines pages de la mer, de Pelléas ou de Jeux ou même certaines pièces pour piano une sensation aussi fugace que déstabilisante de vertige mortel, de froid dans les tripes, et de sol qui se dérobe sous nos pieds qu'aucun des paroxysmes expressionistes (voire bruyants ou larmoyants) des symphonies de Tchaikowski ou de Mahler ne procure jamais.
C'est comme si Debussy avait su exactement où placer un levier pour faire vaciller le monde devant nous d'un simple et léger mouvement des doigts après nous avoir hypnotisés par de douces berceuses.
Dernière modification par Alfredo ; 30/05/2008 à 13h18.
Alfredo , juste avant que je m'absente (je sens que je vais être en retard)... J'ai rarement vu si bien traduit, et j'en ai pourtant lu des tonnes à ce sujet, tout ce que je ressens à propos de la musique de Debussy.
Vous me donnez de nouvelles armes à l'encontre de personnes comme celles que j'ai déjà évoquées (cette collègue, ce membre de ma famille). Ma seule crainte, c'est que ces personnes n'aient pas l'intelligence de les comprendre, tant vos propos sont profonds et nécessitent, pour être appréciés à leur juste valeur, une bonne culture musicale préalable. Ce que lesdites personnes, hélas, n'ont certainement pas.
Jacques
Mais non !! (je l'ai dit QUE de The Big Sleep !)
Je crois que Debussy, comme Stravinsky, comme Schoenberg et comme Wagner sont des piliers de la musique du XXème siècle, et on peut dire que quasiment tout ce qui a été fait après eux s'est agrégé autour d'eux. Donc, on peut aimer, ne pas aimer, c'est une histoire d'affinité, mais il n'y a pas de musique du XXème siècle sans eux, sans leurs avancées esthétiques, qui sont considérables. Ca je pense que c'est incontestable.
Et, si l'on se remet un instant dans le contexte de l'époque, le "Prélude à l'après-midi d'un faune" est bien plus qu'une oeuvre moderne : c'est une oeuvre révolutionnaire.
Gilles
Bonjour Antonin
Je ne suis pas d'accord : la volonté d'innover est bien réelle chez Debussy qui est avant tout un admirateur de Wagner - il a parfaitement conscience que Wagner a fait aboutir - et a épuisé - le langage romantique, et qu'il doit donc repenser le langage musical.
Je suis d'accord avec toi pour l'outrance d'une certaine musique sérielle (celle de Webern, qui se résume pour moi à un simple calcul), mais pas pour Schoenberg. Il y a une puissance expressive fascinantes dans le concerto pour violon, le concerto pour piano, le quintette pour vent ou Moïse et Aaron (sans parler du trio, des pièces pour orchestres etc.). Je te concède à la limite que le Pierrot Lunaire et Erwartung frisent le foutage de gueule, mais c'est une opinion peu partagée.
Gilles
Je partage complètement ce que disent Alfredo et Jacques( ça c'est argumenté! )
Si pour certains Debussy c'est le grand sommeil ou le port de l'angoisse, il leur sera beaucoup pardonné puisqu'ils aiment le grand Hawks...
thierry
Couack a dit:
<< Je suis d'accord avec toi pour l'outrance d'une certaine musique sérielle (celle de Webern, qui se résume pour moi à un simple calcul), mais pas pour Schoenberg. Il y a une puissance expressive fascinantes dans le concerto pour violon, le concerto pour piano, le quintette pour vent ou Moïse et Aaron (sans parler du trio, des pièces pour orchestres etc.). Je te concède à la limite que le Pierrot Lunaire et Erwartung frisent le foutage de gueule, mais c'est une opinion peu partagée. >>
C'est très étonnant pour moi ce que vous dites Couack.
J'ai en vinyle le quintette pour vents de Schoenberg (un Musidisc acheté à bas prix il y a fort longtemps).
Je l'ai écouté de nombreuses fois avec application, en long, en large et en travers (je n'ai pas osé à l'envers) sans réussir à y entendre chose qu'un pensum mathématiquement calculé dans lequel je serais bien en peine de trouver le moindre germe d'intention expressive...
Mais je vous crois...
Dernière modification par Alfredo ; 30/05/2008 à 17h18.
Bon, non seulement Schönberg me touche plus que Debussy, mais Webern aussi, en général... mais je n'attaquerais pas les affinités de tels ou tels avec Debussy, certainement pas.
Je crois bien volontiers que ceux qui comprennent vraiment cette musique doivent la ressentir d'une façon très profonde et intime: cela me parait même évident.
J'écoute du Debussy quand il y en a sur un disque de mon cher SVIATOSLAV (grand ours ukrainien qui a forcément raison d'aimer Debussy), quand il y a autre chose sur le disque...
Bon, j'écoute quelques autres choses: Children Corner et la Suite Bergamasque, qu'en général les fanatiques considèrent comme du Debussy secondaire (c'est sûrement la raison pour laquelle j'y entrevois quelque chose).
La Mer et les Nocturnes par Giulini, car j'ai l'impression que tout esthétisme est banni et qu'il ne subsiste que la contemplation, ce que je ne retrouve en général pas ailleurs (même la dernière version d'Abbado, malgré - ou à cause de - l'orgie orchestrale.
J'ai réécouté le quatuor l'autre jour: c'est de l'excellente musique, admirablement écrite. Mais je préfère toujours le Ravel...
<< Je ne suis pas d'accord : la volonté d'innover est bien réelle chez Debussy qui est avant tout un admirateur de Wagner - il a parfaitement conscience que Wagner a fait aboutir - et a épuisé - le langage romantique, et qu'il doit donc repenser le langage musical. >>
Ce n'est pas une volonté d'innover pour le plaisir d'innover, c'est surtout la volonté de trouver des formes musicales parfaitement adaptées à ses intentions expressives au lieu de devoir plier ses intentions à des moules formels préétablis.
Il avait été effaré de découvrir que César Franck avait établi le plan complet d'une de ses grandes oeuvres (nombre de mesures, modulations changement de tempo) avant même d'avoir esquissé le moindre thème!
Cette démarche était totalement opposée à la sienne puisque pour lui, la forme d'une oeuvre n'était jamais préétablie et était dictée par les thèmes.
L'orchestration aussi d'ailleurs, car pour lui le son était toujours pensé avec sa couleur. C'est la raison pour laquelle il est si difficile d'orchestrer ses pièces pour piano.
Que Dominique n'aime pas Debussy me réjouit assez...
Je reprends le texte du critique
<< La musique de M. Debussy est d’une nébulosité constante qui, momentanément, n’exclut pas un certain charme mais qui, à la longue, devient fastidieuse. Le leitmotiv, quand il existe, n’y est jamais tonal et diffère en cela du procédé wagnérien qui en fait un point de repère, un repos, où l’esprit et l’oreille trouvent leur satisfaction. Dans Wagner, certes, il y a des heurts et des obscurités. Mais c’est au second plan. Le premier est toujours d’une limpidité parfaite. C’est ce qui permet, quoi qu’on en dise, de faire, dans Wagner, des coupures utiles. On en ferait dans la musique de M. Debussy que cela ne servirait à rien, car c’est toujours la même note obstinément voulue. >>
En fait je trouve ce texte assez extraordinaire!...
Je trouve particulièrement savoureux que le critère de supériorité de Wagner soit pour lui qu'on puisse faire dans sa musique des "coupures utiles" et j'adore le concept de "note obstinément voulue".
Mon cher Antonin, je ne peux pas te laisser dire ça!
La distinction entre recherche esthétique et innovation vélléitaire a certes un sens, mais plutôt depuis le milieu du XXe. Mais une recherche esthétique n'est pas une recherche sur la sensibilité et son expression, par opposition au fait de simplement poser des règles et des procédés nouveaux. Esthétique et éthique veulent dire la même chose, et cela se rapporte fondamentalement à la notion de règle.
Or, la règle en musique est arbitraire, et l'on construit de la culture sur le fait de s'accorder en dépit de l'arbitraire, et de construire dessus. Sinon, on est dans le trivial civilisationnel (ce que la plupart des gens appellent la culture aujourd'hui). Il y a certainement des raisons ayant trait à la sensibilité qui font que l'on adopte telle règle plutôt que tellle autre, mais ce qui est au fondement ne se justifie pas par la sensibilité.
C'est cela le point de départ du travail de Schönberg. Schönberg, de là, est beaucoup plus soucieux de perpétuer une tradition esthétique que Debussy, qui s'affirme bien plus comme rupture. Les histoires de nationalisme ont beaucoup à voir là-dedans, et on en a discuté jusqu'à épuisement ici même il y a peu.
Schönberg n'aurait absolument jamais pu considérer qu'il fallait trouver n'importe quoi du moment que cela révolutionne la musique. Tout ce qu'il invente est en germe chez Brahms et Wagner (à égalité, si ce n'est avec un avantage pour Brahms). D'une part c'est objectivement vrai, d'autre part c'est le seul sens de sa démarche, qu'il revendique à foison.
Certes, je conçois très bien que l'on trouve la musique de Debussy parfaite, au sens ou sa forme est en parfaite adéquation avec son idée initiale à chaque fois. Mais il y a sans doute chez lui quelque chose de profondément individualiste qui me gêne profondément: en effet, les procédés sont réglés par le caractère préalable de l'idée, comme si la dmiension arbitraire du formel était insupportable à Debussy, et qu'il tenait absoument à rester maitre de la génération de la forme, y compris dans ce qu'elle a de plus originel. Je n'arrive pas à ne pas y voir une chimère, poursuivie avec génie, mais une chimère...
Poser les règles et adapter le matériau après me parait une démarche bien plus humaine, qui accepte les limites de l'esprit, et surtout qui s'offre bien plus en partage. En tous les cas, je trouve que cela définit bien mieux une recherche esthétique.
Maintenant, je pourrais pousser le vice jusqu'à inverser ton raisonnement pour dire que c'est Debussy le moderniste vélléitaire. Mais ce n'est pas non plus vrai: en réalité, je n'ai pas l'impression que Debussy se libère tant que cela des canons formels précédants... allemands. Mais qu'il ait voulu un style authentique est indéniable. Reste que je le trouve moins humain et authentique que Schönberg!
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