Une dernière petite chose de ma part, peut-être, en ce qui concerne Ansermet (qui m'empêche une fois de plus de dormir et me fait me réveiller au milieu de la nuit ). Un autre souvenir personnel...
Mon père jouait de cinq instruments. Un peu de piano (deux ou trois pièces de Schubert); un peu de trompette (surtout l'andante du Concerto de Haydn); du violon (que de fois a-t-il joué, accompagné à l'orgue lors de mariages, la Méditation de Thaïs de Massenet, faisant verser une petite larme aux dames sensibles ); et beaucoup de clarinette (un autre andante, celui du Concerto KV 622 de Mozart) et de saxophone. S'agissant de ce dernier instrument, comme mon père s'aventurait peu dans la musique du XXe siècle, ça lui a quand même donné l'occasion d'apprendre une ou deux oeuvres intéressantes mais peu connues, comme ce Concertino da Camera pour saxophone alto et onze instruments de Jacques Ibert, dont il répétait inlassablement la partie soliste dans sa cuisine (car c'est là que l'acoustique était la meilleure, prétendait-il ).
Mais surtout, mon père avait un respect sans borne et presque religieux pour Ernest Ansermet, l'un de nos "monuments nationaux" . Quand j'étais petit, il voulait que je reste à côté de lui pour écouter des concerts qu'on transmettait à la télé, et s'il y avait Ernest c'était une quasi obligation .
Je me souviens en particulier d'avoir vu en direct à la télé le vieux chef, tout à la fin de sa vie (il est mort en 1969), diriger un orchestre (je crois que ce n'était pas l'OSR, mais une prestigieuse formation française) jouant successivement la Septième de Beethoven et La Valse de Ravel. Une véritable cérémonie... Et le vieux bonhomme me faisait presque un peu peur quand il lançait des regards étincelants et sévères sur sa cohorte, comme pour lui signifier qu'il n'admettrait aucune défaillance .
S'agissant de l'oeuvre de Ravel (La Valse), que j'entendais sans doute pour la première fois, elle m'a impressionné tout autant. Un début "brumeux", puis des passages voluptueux qui m'ont peut-être rappelé, mais en bien plus étrange (je dirais aujourd'hui génial), ces trucs diffusés chaque premier Jour de l'An à la radio et à la télé, puis une fin cataclysmique qui m'a laissé tout tremblant et "la gueule ouverte" .
Jacques