Lors d'un précédent voyage en France, j'avais acquis ce disque:
et, l'ayant pris avec moi en voyage, j'ai enfin pu sérieusement l'écouter.
Le titre que j'ai donné au fil, c'est la qualification que Pierre Monteux avait donné à Leon Fleisher lorsqu'il avait écouté le jeune homme pour la première fois.
Je suis incapable de comprendre comment une interprétation aussi quintescentielle d'un tout jeune musicien - c'était son premier disque - ait pu attendre si longtemps pour ressortir en cd, et pourquoi l'éditeur qui en détenait les droits n'en a pas fait un pilier de son catalogue.
Il a donc fallu attendre 52 ans après sa première parution, et le goût absolument phénoménal de Philippe Guillemaud, ancien patron de Sony France, et probablement - avec Allan Evans - celui dans cette profession qui est le mieux capable de se rendre compte et de militer pour les merveilles enregistrées par les grands artistes anciens, au piano en particulier, pour pouvoir entendre cette interprétation.
Si les jeunes Pollini, Argerich ou Pogorelich sont qualifiés de phénomènes, quel qualificatif faut-il employer pour une interprétation aussi aboutie d'un musicien pareil.
Philippe Guillemaud est le monsieur qui a fait reparaître les concertos médians pour piano de Mozart par Rudolf Serkin, la neuvième de Schubert par Bruno Walter, les quatuors de la deuxième école de Vienne par les Juilliard première mouture, l'opus 76 du quatuor de Budapest des années 50 et des interprétations de George Szell terrifiantes: excusez du peu.
Bon, il ne distribue pas ses disques aux Etats-Unis pour le moment, probablement pour des raisons de copyright, mais à part cela: chapeau bas.
Chapeau bas d'avoir quitté Sony qui ne comprend rien à rien au leg qu'il doit faire fructifier, et chapeau bas d'avoir permis à tout le monde de pouvoir réentendre ces merveilles absolues.
Cette sonate avance, droit: il y a un naturel, une assurance, une capacité à marcher vers la mort en acceptant sa condition, un total oubli de tics interprétatifs, qui en font une vraie interprétation qui mérite le qualificatif d'exceptionnel.
Peu après, Leon Fleisher enregistrait les variations sur un thème de Haendel de Brahms, reprise sur ce double disque là:
dont cela fait des années que je pense qu'il est fabuleux.
La différence entre Schubert et Brahms, c'est que - pour Brahms - il y a au moins un pingouin chez Sony qui s'était rendu compte que ces interprétations étaient fabuleuses.....même si, aujourd'hui, cette très belle collection "Masterworks Heritage" est déjà défunte.