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Discussion: Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

  1. #21
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par brunoluong Voir le message
    Bonjour,

    Je ne sais plus où est ce que je l'ai acheté, mais j'ai bien cette version Melodyia dont parle Alain en CD. C'est quand même curieux qu'elle a enregistré deux intégrales séparées de seulement 3 ans.

    .

    Cordialement,

    Bruno
    Plus de vingt ans, je pense ! Je n'ai pas les disques sous le nez... mais la première intégrale publiée du temps du microsillon, reprise en 3 CD, par Melodyia (et sans doute par d'autres éditeurs !) remonte aux années début 70... voir fin 60.

  2. #22
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par Zimrilim Voir le message
    Je me souviens d'une interview de KJ juste après son chosta, et il ne comprenait pas qu'on lui reproche de ne pas adopter les "bons" tempi de TN, alors qu'il suivait ce qui était écrit sur la partoche !
    Il allait plus loin : il disait carrément qu'il jouait mieux que Nikolaeva... (interview au Monde de la musique)

    Or, son jeu est sans vie, scolaire, et le problème est le même dans les autres oeuvres classiques qu'il a enregistrées, seul ou avec orchestre.

  3. #23
    - Avatar de mah70
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par alain Voir le message
    Plus de vingt ans, je pense ! Je n'ai pas les disques sous le nez... mais la première intégrale publiée du temps du microsillon, reprise en 3 CD, par Melodyia (et sans doute par d'autres éditeurs !) remonte aux années début 70... voir fin 60.
    Bonjour.

    Il existe deux intégrales Nikolayeva/Melodiya: de mémoire, une de 1961, une autre de 1987. Les CDs plus ou moins disponibles (Melodiya, BMG...) proposent celle de 1987. Celle de 1961 me semble introuvable - disons plus précisément que je ne l'ai jamais vue sur les sites de vente d'occasion à des prix abordables. Je crois même ne l'avoir jamais vue passer du tout.

    Amitiés,
    mah
    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

  4. #24
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par mah70 Voir le message
    Bonjour.

    Il existe deux intégrales Nikolayeva/Melodiya: de mémoire, une de 1961, une autre de 1987. Les CDs plus ou moins disponibles (Melodiya, BMG...) proposent celle de 1987. Celle de 1961 me semble introuvable - disons plus précisément que je ne l'ai jamais vue sur les sites de vente d'occasion à des prix abordables. Je crois même ne l'avoir jamais vue passer du tout.

    Amitiés,
    mah

    Faudrait vraiment s'assurer que ce n'est pas la même... et que le 87 n'est pas la date de la première édition CD... Avec les russes...

  5. #25
    - Avatar de mah70
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Non, je ne crois pas... La version 1987 est parue en microsillon avec le préfixe A, ce qui signale un enregistrement numérique, par opposition au C des enregistrements analogiques stéréo. Cette classification-là, très bureaucratique, n'est jamais prise en défaut. Les CDs ont d'ailleurs un joli code DDD.
    Vu le blizzard qui souffle sur les enregistrements soviétiques des années '60 - sans parler des drops et des saturations, le tout dû à la mauvaise qualité des bandes magnétiques utilisées - la différence devrait se faire entendre. D'autant que la restauration n'a jamais été la qualité première des rééditions CD chez Melodiya. En 33 tours, c'était une autre paire de manches. Je vérifierai ce soir chez moi.
    En fouillant sur certains sites de référence, j'ai trouvé mention d'un enregistrement des années '70, mais rien ne vient confirmer l'existence de cette cinquième intégrale.

    mah
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  6. #26
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    D'après un article de NY Times, il y a en effet trois enregistrements par Nikolayeva, 1962, 1987 et 1990
    Code HTML:
    http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=9E0CE5D91F3EF936A15753C1A964958260&sec=&spon=&pagewanted=1
    Bruno

  7. #27
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    D'après un article de NY Times, il y a en effet trois enregistrements par Nikolayeva, 1962, 1987 et 1990

    http://query.nytimes.com/gst/fullpag...=&pagewanted=1

    Cordialement,

    Bruno

  8. #28
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par mah70 Voir le message
    Vu le blizzard qui souffle sur les enregistrements soviétiques des années '60 - sans parler des drops et des saturations, le tout dû à la mauvaise qualité des bandes magnétiques utilisées - la différence devrait se faire entendre. D'autant que la restauration n'a jamais été la qualité première des rééditions CD chez Melodiya.
    mah
    C'est vrai. Je pense quand même que le "retraitement" des bandes de l'intégrale des symphonies par Kondrachine (Кондрашин), réalisé en 2006 par Melodiya,



    marque un très grand progrès par rapport à ce qu'on entendait avant.

    Récemment, le label a aussi "retraité" son intégrale des quatuors par le Quatuor Borodine (qui comprend aussi un enregistrement du Quintette Op. 57 avec Richter au piano). Mais je ne l'ai pas acheté, ayant toujours l'ancien "pressage" qui me paraît techniquement acceptable quant à lui.

    Jacques

  9. #29
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Concernant les symphonie je crois qu'il y a une réelle plus value sonore ( et surtout en prime l'Exécution de Stepan Razine, une oeuvre que j'adore! ) mais il faudrait tout de même que je réécoute la vieille édition au Chant du Monde avec de jolies pochettes, disons, constructivistes, pour vraiment apprécier tout ça...

    Concernant les quatuors je suis pas sûr depuis l'édition des même bandes chez EMI que le gain soit flagrant! De toutes façon j'ai toujours eu du matos déglingué donc je ne suis pas le mieux placé pour parler de restitution sonore...


    thierry

  10. #30
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Bonsoir.

    Je suis allé un peu vite en besogne . Je voulais parler des rééditions des années '90, au début du CD dans la fin de l'URSS. Pas de traitement du tout (ce qui est parfois meilleur qu'un mauvais traitement), indications sur les pochettes un peu suspectes, texte de présentation minimal... Curieusement, ce sont des CDs que je recherche .
    Depuis, effectivement, les choses se sont améliorées.

    Finalement, j'ai jeté une oreille à l'enregistrement CD Melodiya de Nikolayeva. Ça a un petit peu de souffle, mais guère, et j'aurais tendance à croire l'info du boîtier: ce devrait bel et bien être un enregistrement DDD de 1987.

    Amitiés,
    mah
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  11. #31
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Je l'ai écouté deux fois aujourd'hui ce disque ... Philippe m'a dit que c'était bien .... alors comme je ne l'avais pas écouté depuis dix ans au moins (pas Philippe, le disque des préludes ) ... c'est chouette comme zizique ...
    Dominique

  12. #32
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Je sais, le texte qui suit est extrêmement long . Mais c'est aussi très instructif sur les circonstances historiques dans lesquelles Chostakovitch composa l'oeuvre objet de ce fil. Ça l'est d'autant plus que son auteur, après avoir rappelé un contexte assez unique dans l'histoire de la musique, qualifie de chef-d'oeuvre les Préludes et fugues de Chostakovitch, tout en constatant qu' "on ne pouvait imaginer musique plus abstraite, plus formaliste". Il s'agit de très larges passages tirés du chapitre VI (judicieusement intitulé "Jdanovchina, Khrennikovchina") de "La musique du XXe siècle en Russie et dans les Républiques soviétiques" (Frans C. Lemaire, Fayard, Les chemins de la musique, 1994), qui se décompose en divers sous-titres comme "Le XXXe anniversaire de la Révolution d'Octobre", "De La Grande Amitié aux grandes condamnations", "La vengeance de Chostakovitch", "Le temps de l'humiliation", ou "Rencontre avec J.-S. Bach".

    Jacques

    --------------------------------------------------------------------

    (...) En janvier 1948, plus de soixante-dix compositeurs, interprètes, professeurs et critiques furent convoqués au siège du Comité central au Kremlin. La réunion s'ouvrit par un discours d'Andrei Jdanov, celui-là même qui, quatorze années auparavant, avait dirigé le ler Congrès des écrivains et lancé le mot d'ordre du réalisme socialiste. Héros de la défense de Leningrad, il était devenu un des dirigeants les plus puissants et les plus arrogants du Parti. II accusa 1'opéra La Grande Amitié de Mouradeli d'inexactitudes historiques parce que les Géorgiens y apparaissaient comme opposés aux bolcheviks alors qu'il fallait montrer qu'ils soutenaient les bolcheviks et en particulier le Géorgien Staline. S'y ajoutait l'évocation inopportune de la personnalité d'Ordhzonikidze. Jdanov reprocha aussi à Mouradeli d'avoir écrit une musique insuffisamment représentative des couleurs locales avec leurs lesghiennes ou leurs chants cosaques. Il n'y avait vraiment pas de quoi agiter un Comité central. Le déplaisir de Staline, causé par des raisons purement politiques et personnelles, paraissait bien à l'origine de toute l'affaire, mais l'occasion était bonne à saisir pour s'attaquer à l'ensemble de la classe musicale. Le débat glissa ainsi vers le sujet véritable que Jdanov voulait aborder, le conflit opposant les deux tendances de la musique symbolisées par les mots «réalisme» et «formalisme».

    Personne ne savait exactement ce que l'on désignait par «formalisme». On pouvait penser évidemment qu'une telle appellation concernait essentiellement le souci de la forme, mais ce n'est pas précisément ce que l'on trouve dans les commentaires des dictionnaires soviétiques qui introduisirent le nouveau mot-clé dans leur vocabulaire. Ils préféraient parler du «culte de l'atonalité et de la dissonance», de «l'adoption de combinaisons confuses, neuro-pathologiques qui transforment la musique en cacophonie, en agglomérations chaotiques de sons». D'autres y rattachaient l'abus de compositions sans texte ou sujet concret, ce qui rappelait le commentaire ironique que Chostakovitch avait fait treize ans auparavant : «Ajoutez un texte, votre musique a du contenu, ôtez le texte, elle est formaliste.» Plus pragmatique, Prokofiev disait : «Est formaliste toute musique que le peuple ne comprend pas à la première audition.» Finalement le mot «formaliste» vint s'ajouter à ceux de «décadent», «moderniste», « bourgeois», «antipopulaire» dans la panoplie de la délation, une des vertus principales de la nouvelle morale socialiste. Le rôle détestable joué par Jdanov et Khrennikov aurait cependant été moins aisé, s'il n'avait pas reçu l'appui des rivalités sournoises et des dénonciations cachées ou publiques suscitées par la jalousie. C'est ainsi qu'une voix cria: «Chaporine!» après que Jdanov eut cité dans son discours les noms de Chostakovitch, Prokofiev, Miaskovsky, Khatchatourian, Kabalevsky et Chébaline, comme «les principales figures dirigeantes de la tendance formaliste en musique, tendance qui est totalement fausse» (...).

    (...) En déclarant closes ces trois journées lamentables (dont le compte rendu officiel compte 176 pages), Jdanov annonça qu'il ferait rapport au Comité central qui en tirerait les conclusions nécessaires. Dans sa résolution du 10 février 1948, le Comité central reprit, phrase par phrase, l'essentiel des déclarations de Jdanov et notamment : «Le Comité central considère que l'échec de l'opéra de Mouradeli est dû au fait qu'il a suivi la voie formaliste, une route qui a déjà été si néfaste pour les œuvres des musiciens soviétiques...»

    Après avoir souligné certains succès «d'un petit nombre de compositeurs» dans le domaine de la chanson populaire et des musiques de film, la résolution qualifiait de particulièrement mauvaise la situation de la musique symphonique et de l'opéra. «Le Comité central est préoccupé par les compositeurs qui persistent à adhérer à l'école formaliste antipopulaire, école qui trouve sa pleine expression dans les œuvres des camarades Chostakovitch, Prokofiev, Khatchatourian, Chébaline, Popov, Miaskovsky et autres. Leurs œuvres portent la marque des perversions formalistes, de tendances antidémocratiques contraires au peuple soviétique et à ses goûts artistiques.» Le nom de Kabalevsky, cité antérieurement par Jdanov, avait disparu à la suite d'habiles démarches.

    Cette résolution fut aussitôt suivie d'une semaine de réunions au siège central de l'Union des compositeurs et dans toutes les sections du pays. Tikhon Khrennikov émergea comme le porte-parole de Jdanov et il envoya au nom des Unions une déclaration d'obédience à Staline. Un congrès plénier fut convoqué pour le 19 avril - le premier de l'histoire de l'Union. Les débats durèrent jusqu'au 26, se terminant par l'élection d'un nouveau comité directeur, en remplacement du comité d'organisation dont le président, Aram Khatchatourian, avait démissionné. Le nouveau comité élut à son tour un président (Boris Assafiev), un secrétaire général (Tikhon Khrennikov) et quatre secrétaires parmi lesquels deux des principaux assaillants de Chostakovitch : Vladimir Zakharov et Marian Koval. Ce dernier avait déclaré sa musique «sans valeur, fallacieuse et anti-populaire». Le résultat concret était le remplacement, à la tête de l'Union des compositeurs, des musiciens «formalistes» de réputation mondiale par des musiciens «réalistes», serviles et populaires (l'un était spécialiste du chant de masse, l'autre jouait de la balalaïka). C'était aussi la récompense de ceux qui avaient soutenu Jdanov, Tikhon Khrennikov en particulier. (...)

    (...) Afin de parfaire sa prise de pouvoir, Khrennikov convoqua à Moscou, pour le 18 février 1949, un congrès de musicologues. Il s'agissait notamment de mettre au pas les critiques qui s'étaient montrés favorables aux sept musiciens formalistes condamnés un an plus tôt. Pour que personne ne soit oublié, trente-cinq critiques et musicologues furent finalement réprimandés pour leur «servilité vis-à-vis de l'Occident, leurs erreurs cosmopolites et leur rôle de hérauts du formalisme». Tel était le nouveau jargon de la Khrennikovchina qui allait durer plus de quarante ans.

    On commençait cependant à réaliser que les commentaires suscités à l'étranger par toutes ces mesures étaient loin d'être favorables à l'URSS, en particulier dans les pays anglo-saxons moins aisément enivrés par les envolées dialectiques. Le silence ou la soumission trop apparente des musiciens condamnés renforçaient cette mauvaise impression, même si certains nageaient entre deux eaux, comme Ilya Ehrenbourg, qui essayaient de minimiser les choses.

    Une nouvelle session plénière permit d'entendre durant une semaine une centaine d'œuvres nouvelles et d'en discuter ensuite durant deux jours. Le rapport principal, présenté par Khrennikov lui-même et consacré aux «activités créatrices des compositeurs et musicologues depuis la résolution de février 1948», servit à distribuer bons points et mauvais points, médailles et réprimandes.

    Les années quarante s'achevaient ainsi dans l'humiliation pour d'innombrables intellectuels, artistes et savants (l'affaire Lyssenko commençait). Dans l'espoir de sauver son fils arrêté et déporté sans raison pour la troisième fois, Anna Akhmatova écrivit un cycle «Gloire à la paix» faisant l'éloge de Staline. En vain...

    Les quatre plus grands compositeurs russes furent entraînés à exprimer des regrets de leurs erreurs, pire encore, à dire leur reconnaissance pour la sollicitude du Parti à leur égard. Khatchatourian, optimiste incurable, fut le moins profondément touché, disant lui-même : «II ne faut pas prendre tout cela trop au sérieux.» II se consola avec des musiques de films, l'enseignement et la direction d'orchestre. Quand la lutte pour la paix devint un thème-flambeau de la propagande soviétique, il écrivit Le Chant des combattants pour la Paix.

    La vie fut beaucoup plus amère pour Prokofiev et Miaskovsky, déjà lourdement éprouvés par une santé déclinante. Miaskovsky subit des opérations en février 1949 puis en mai 1950. Il retourna à Nikolina Gora où son vieil ami Prokofiev vint le voir presque chaque jour, jusqu'à sa mort le 8 août 1950. Sa 27e Symphonie fut exécutée le 9 décembre à l'occasion d'un hommage posthume, comme fut posthume la consolation d'un prix Staline. Prokofiev, qui continuait à souffrir des suites de sa chute de janvier 1945, s'était installé en permanence à Nikolina Gora à partir de juin 1946. C'est là qu'il écrivit la majorité des œuvres qui vont de l'opus 117 (l'opéra Histoire d'un homme véritable), jusqu'à la 7e Symphonie op. 131. Quelques numéros s'y ajoutèrent, constitués de manuscrits complétés après sa mort par les soins de Rostropovitch, Kabalevsky et Vladimir Blok. Les dernières années de Prokofiev furent assombries par l'arrestation de sa femme Lina, le 20 février 1947, et sa déportation. Bien qu'ils fussent séparés depuis le début de la guerre à la suite de sa liaison avec Mira Mendelsohn, la situation de la mère de ses enfants venait s'ajouter à d'autres tourments.

    Chostakovitch, de son côté, s'était réfugié dans une double vie, celle de l'apparence et celle de la vérité intérieure. Le régime continuait cependant à le tenir en otage : il fut élu au Comité soviétique pour la Paix et fit partie de la délégation de sept membres que l'URSS envoya à la Conférence scientifique et culturelle pour la paix mondiale, organisée du 25 au 27 mars 1949 à New York, au Waldorf Astoria. Il détestait ce genre de mission et insista auprès de Molotov pour qu'on l'en exempte. Selon Volkov, c'est finalement Staline lui-même qui téléphona pour le convaincre d'accepter. Ce séjour aux Etats-Unis fut, comme il le craignait, humiliant et pénible. Il lut un texte préparé à l'avance, truffé d'attaques contre le formalisme bourgeois, les Etats-Unis et même Stravinsky. Il dut subir les assauts des journalistes sans pouvoir partager l'aplomb de ses collègues staliniens convaincus, comme Fadeïev, le premier secrétaire de l'Union des écrivains ou le cinéaste Guerasimov. La nervosité fébrile de Chostakovitch et sa transpiration frappèrent tout le monde.

    L'atmosphère du Congrès se dégrada, si bien que, pour éviter des incidents, on supprima des visites, notamment à l'université de Yale. Dès le 4 avril, la délégation soviétique prit l'avion du retour et, peu après, les revues Novyi Mir (Monde nouveau) et le journal satirique Crocodile publièrent des commentaires de Chostakovitch largement défavorables aux Etats-Unis.

    Les récompenses succédèrent aux corvées et aux humiliations. Elles étaient d'ailleurs bien nécessaires pour surmonter les difficultés matérielles résultant de la condamnation de 1948.

    En octobre 1948, Staline avait lancé un grand plan de rénovation des forêts, qui constituait un nouveau thème pour les artistes. Une cantate de Chostakovitch, Le Chant des forêts, vint magnifier l'enthousiasme du peuple russe à planter des arbres. En réalité, il y réutilisa les morceaux les plus entraînants de la musique composée, un an auparavant, pour le film Mitchourine, faisant ainsi coup double : le film et la cantate furent récompensés, cette dernière par un prix Staline de première classe. Il est vrai que les prix pullulaient et que la perspective du 70e anniversaire de Staline en avait fait doubler le nombre. Ce fut l'escalade, surtout dans le domaine des arts plastiques où les œuvres récompensées représentant Staline passèrent de deux en 1946 à six en 1947 et treize en 1949. (...)

    (...) La fin des années Staline fut lourde et terne. La vie de Chostakovitch était partagée entre des compositions de caractère officiel, musiques de films (L'Inoubliable Année 1919), mélodies (encore Dolmatovski), Dix Chants révolutionnaires op. 88 et des missions comme le deuxième Congrès mondial pour la paix à Varsovie au printemps 1950, avec la traditionnelle lecture d'un discours préparé par d'autres. Plus intéressante fut la participation, en juillet 1950, aux manifestations du bicentenaire de J.-S. Bach à Leipzig au cours desquelles une jeune Soviétique de vingt-cinq ans, Tatiana Nikolayeva, remporta le premier prix du concours de piano. Chostakovitch, président du jury, eut l'idée d'écrire pour elle des pièces polyphoniques qui donnèrent finalement naissance à un véritable nouveau Clavier bien tempéré. Ces Préludes et fugues furent créés deux ans plus tard à Leningrad, les 23 et 28 décembre 1952, car l'œuvre exige deux soirées, par la même Tatiana Nikolayeva qui resta durant plus de quarante ans l'interprète privilégiée de ce chef-d'œuvre. Elle fut frappée d'une congestion en exécutant ces Préludes et Fugues à San Francisco en novembre 1993 et mourut quelques jours plus tard.

    On ne pouvait imaginer musique plus abstraite, plus formaliste. C'était une autre revanche de Chostakovitch contre les absurdes théories dont il avait été victime. Impossible, en effet, d'attaquer cette œuvre sans attaquer Bach en même temps et se couvrir de ridicule aux yeux du monde entier.

    Deux autres partitions illustrent encore la rébellion intérieure de Chostakovitch, son 4e Quatuor (1949) où l'on retrouve de nouveau des thèmes juifs et le 5e Quatuor (1952) d'une grande profondeur expressive. Tous deux devront attendre la mort de Staline pour être joués en public.

    Au moment où la vie musicale officielle connaissait ainsi la grisaille de la prudence et de la peur, de jeunes musiciens appartenant à une autre génération - nés aux environs de 1930 - franchissaient la porte des conservatoires, sans se douter qu'ils se trouvaient exactement à mi-chemin entre la Révolution et la perestroïka. La musique soviétique entamait son second versant, celui qui mènerait lentement et non sans hésitations du dégel à la perestroïka.






    Dernière modification par Jacques ; 01/07/2008 à 13h47.

  13. #33
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Jacques "écrit ", en fait cite cet extrait du livre de Franz C Lemaire : Plus intéressante fut la participation, en juillet 1950, aux manifestations du bicentenaire de J.-S. Bach à Leipzig au cours desquelles une jeune Soviétique de vingt-cinq ans, Tatiana Nikolayeva, remporta le premier prix du concours de piano. Chostakovitch, président du jury, eut l'idée d'écrire pour elle des pièces polyphoniques qui donnèrent finalement naissance à un véritable nouveau Clavier bien tempéré. Ces Préludes et fugues furent créés deux ans plus tard à Leningrad, les 23 et 28 décembre 1952 ...

    On ne pouvait imaginer musique plus abstraite, plus formaliste. C'était une autre revanche de Chostakovitch contre les absurdes théories dont il avait été victime. Impossible, en effet, d'attaquer cette œuvre sans attaquer Bach en même temps et se couvrir de ridicule aux yeux du monde entier.
    Le problème, c'est que cette musique fut attaquée pour formalisme par le bureau de l'Union des compositeurs !

    Et donc que Frans C Lemaire dit des choses erronées...

    Donc cette oeuvre a été violemment critiquée après sa première présentation (de mémoire : partielle) pour formalisme.

    Cette attaque interdisait de facto toute édition papier et donc toute rétribution pour Chostakovitch.

    De facto aussi, elle empêchait toute exécution publique puisque théoriquement toute musique jouée en Union soviétique dans une manifestation publique devait être autorisée de publication !

    C'est ce genre d'interdit officieux dont se nourrissait l'autocensure... Car en réalité, elle avait été juste critiquée... cette musique...


    Elle même membre de l'Union des compositeurs depuis qu'elle avait eu ses prix de composition au conservatoire et publié plusieurs oeuvres, Tatiana Nikolaeva a donc pris le risque d'affronter le bureau présidé par Khrennikov pour obtenir l'autorisation de publication, donc d'exécution publique puis d'enregistrement de cette musique. Elle a fait cela du vivant de Staline, se présentant devant le bureau pour défendre cette musique... à une époque où le risque était physique...

    Il semble qu'il nait pas fallu plus de temps que cela pour décrocher la timbale (Khrennikov étant convaincu de la grandeur de cette musique) à Nikolaeva qui a obtenu droit de publication et d'interprétation publique des Préludes et fugues de Chosta !

  14. #34
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Ce qui est amusant et à mon avis intéressant en termes de phénomène socio-collectif, c'est que l'on pourrait sûrement montrer que vers la fin de l'ère stalinienne et immédiatement après, il y avait plus d'idéologues crétins (par opportunisme) chez les compositeur et les "artistes" en général, que chez les apparatchiks bureaucrates professionnels du régime, voire plus de vrais mélomanes chez ces derniers!

  15. #35
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par Theo B Voir le message
    Ce qui est amusant et à mon avis intéressant en termes de phénomène socio-collectif, c'est que l'on pourrait sûrement montrer que vers la fin de l'ère stalinienne et immédiatement après, il y avait plus d'idéologues crétins (par opportunisme) chez les compositeur et les "artistes" en général, que chez les apparatchiks bureaucrates professionnels du régime, voire plus de vrais mélomanes chez ces derniers!
    L'une des caractéristiques essentielles des régimes totalitaires est que d'un côté on a des types qui vivent dans la peur et n'ont d'autres alternatives que de la fermer ou d'être plus royalistes que le roi, et d'un autre côté des types qui gardent la ligne pour bouffer en sachant que cette ligne est débile... ( extrait d'un manuel destiné aux renégats titistes! )


  16. #36
    Membre Avatar de Theo B
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Non seulement c'est tout à fait exact, mais je crois que cela ne vaut pas que pour les régimes totalitaires...ni que pour les sytèmes centralistes en général... Cela vaut sans doute pour la démocratie la plus moderne, particulièrement aux multiples micro échelons locaux

  17. #37
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par alain Voir le message
    Le problème, c'est que cette musique fut attaquée pour formalisme par le bureau de l'Union des compositeurs !

    Et donc que Frans C Lemaire dit des choses erronées...

    Donc cette oeuvre a été violemment critiquée après sa première présentation (de mémoire : partielle) pour formalisme.
    Alain , je saisis mal en quoi Frans C. Lemaire, en constatant simplement le caractère abstrait et formaliste de ce chef-d'oeuvre, d'une part, et en estimant que l'attaquer, vu son évidente filiation avec le Clavier bien tempéré de J.-S. Bach, était de nature à couvrir de ridicule les auteurs d'une éventuelle attaque, d'autre part, "dit des choses erronées" ...

    Tout au plus est-il incomplet, car il omet de préciser - ce que vous avez eu la bonne idée de faire (en apportant encore divers détails) - que finalement le Bureau de l'Union des compositeurs s'est effectivement ridiculisé en attaquant cette oeuvre pour formalisme (au sens donné à ce terme par la "Résolution du Comité central du Parti de février 1948").

    Jacques

  18. #38
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Sans trop sortir du sujet, je montre ci-dessous deux videos - que je viens de découvrir sur YouTube - où l'on voit Dimitri Chostakovitch :

    1/ interprétant lui-même, âgé d'une trentaine d'années, son Concerto pour piano, trompette et cordes (il était un excellent pianiste)...




    2/ filmé en 1975, soit tout à la fin de sa vie, avec notamment sa deuxième épouse, Irina Antonovna, et le fidèle Gennady Rozhdestvensky (qui apparaissent brièvement à ses côtés lors d'une répétition); c'est sauf erreur son fils Maxim qui l'interroge et qui dirige ensuite l'orchestre; dommage que le document ne comporte aucun sous-titre, car seuls les russophones comprendront ce qu'il dit, ainsi que le commentaire un peu obséquieux du speaker, caractéristique de l'époque soviétique (ici "brejnevienne")...



    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 02/07/2008 à 02h18.

  19. #39
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Il y a même encore mieux et deux fois plus long ici (répétition de l'opéra burlesque "Le Nez") :



    Jacques

  20. #40
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    Re : Tatiana Nikolayeva interprète Chostakovitch

    Citation Envoyé par Jacques Voir le message
    Alain , je saisis mal en quoi Frans C. Lemaire, en constatant simplement le caractère abstrait et formaliste de ce chef-d'oeuvre, d'une part, et en estimant que l'attaquer, vu son évidente filiation avec le Clavier bien tempéré de J.-S. Bach, était de nature à couvrir de ridicule les auteurs d'une éventuelle attaque, d'autre part, "dit des choses erronées" ...

    Tout au plus est-il incomplet, car il omet de préciser - ce que vous avez eu la bonne idée de faire (en apportant encore divers détails) - que finalement le Bureau de l'Union des compositeurs s'est effectivement ridiculisé en attaquant cette oeuvre pour formalisme (au sens donné à ce terme par la "Résolution du Comité central du Parti de février 1948").

    Jacques
    Que ne le dit-il pas

    On ne va pas se livrer à une analyse de texte, à moins que vous le vouliez... mais ce qu'il écrit revient à dire que cette oeuvre n'a pas été condamnée pour formalisme et a été donc été créée sans aucun problèmes en 1952.

    Or, elle n'a pas été créée en 52 !

    Dans le contexte de l'extrait que vous nous avez donné à lire (et merci encore !) c'est un peu plus que flagrant.

    Or, c'est inexact... l'oeuvre a bien été accusée de formalisme... et le bureau ne s'est pas couvert de ridicule aux yeux du monde entier à ce moment là... si tant est qu'il se soit jamais couvert de ridicule en réalité... car personne en dehors de quelques centaines de personnes ne connaissaient, en Union soviétique même, ces préludes et fugues non édités... qui avaient été créés par Chostakovitch lui même en mai 1951 lors d'un concert devant les membres de l'Union des compositeurs... (et non en 1952)... en deux soirées qui se sont achevées par la dénonciation de l'oeuvre comme formaliste... y compris par Kabalevski... ("grave erreur de calcul", selon lui).


    Chostakovitch en joua ensuite des extraits en province reculée.... et c'est Nikolaeva qui, pendant que Chostakovitch était en sécurité loin de Moscou (c'est dire la peur qui régnait), qui a fait réexaminer l'oeuvre par le bureau de l'Union !

    Et elle a pu les jouer officiellement, avec l'assentiment du bureau, les 23 et 28 décembre 1952...

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