Le poème cité par Alfredo m'a fait penser à George Fourest, pour ceux qui ne connaissent pas La négresse blonde ou le géranium ovipare, voici quelques extraits où il est question d'hippopotame.
Renoncement
Quid dignum stolidis mentibus imprecet ? Opes honores ambiant !
Et, quum falsa gravi mole paraverint Tum vera cognoscant bona !
(Comment les insulter à la mesure de leur bêtise ? Qu'ils sollicitent richesses et honneurs ! Quand ils auront peiné pour acquérir les faux biens, Qu'ils apprennent alors à distinguer les vrais !)
S. Boetius, De consolatione Philosophiae, lib. III).
Bourgeois hideux, préfets, charcutiers, militaires,
gens de lettres, marlous, juges, mouchards, notaires,
généraux, caporaux et tourneurs de barreaux
de chaise, lauréats mornes des Jeux Floraux,
banquistes et banquiers, architectes pratiques
metteurs de Choubersky dans les salles gothiques,
dentistes, oyez tous ! - Lorsque je naquis dans
mon château crénelé j'avais trois mille dents
et des favoris bleus ! On narre que ma mère
(et croyez que ceci n'est pas une chimère !)
m'avait porté sept ans entiers. Encore enfant
j'assommai d'une chiquenaude un éléphant.
Chaque jour, huit pendus à face de Gorgone
grimaçaient aux huit coins de ma tour octogone,
et j'eus pour précepteur cet illustre Sarcey
qui semble un fruit trop mûr de cucurbitacé,
mais qui sait tout, ayant lu plusieurs fois Larousse !
Mon parrain se nommait Frédéric Barberousse.
Quand j'atteignis quinze ans, le Cid Campeador,
pour m'offrir sa tueuse et ses éperons d'or,
sortit de son tombeau ; d'une vois surhumaine :
"- Ami, veux-tu coucher, dit-il, avec Chimène ?"
Moi, je lui répondis "Zut!" et "Bran !" Par façon
de divertissement, d'un coup s'estramaçon
j'éventrai l'Empereur : puis je châtrai le Pape
et son grand moutardier : je dérobai sa chape
d'or, sa tiare d'or et son grand ostensoir
d'or pareil au soleil vermeil dans l'or du soir !
Des cardinaux traînaient mon char, à quatre pattes,
et je gravis ainsi, sept fois, les monts Karpathes.
Je dis au Padishah : "Vous n'êtes qu'un faquin !"
Pour ma couche le fils de l'Amorabaquin
m'offrit ses trente soeurs et ses quatre-vingts femmes,
et je me suis grisé de voluptés infâmes
parmi les icoglans du grand Kaïmakan !
Les Boyards de Russie au manteau d'astrakan
décrottaient mes souliers. L'Empereur de la Chine,
pour monter à cheval me prêtant son échine,
osa me dire un mot sans ôter son chapeau :
je l'écorchai tout vif et revendis sa peau
très cher à Félix Faure ! Encore qu'impubère
(on me voit tous les goûts de feu César Tibère)
je déflorai la soeur du Taïkoun ; je crois
qu'il voulut rouspéter : je fis clouer en croix
ce bélître, piller, huit jours, sa capitale
et dévorer son fils par un onocrotale !
Ayant sodomisé Brunetière et Barrès,
j'exterminai les phanségars de Bénarès !
A Byzance qu'on nomme aussi Constantinople,
ô Mahomet , je pris ton drapeau de sinople
pour m'absterger le fondement et j'empalais
chaque soir un vizir au seuil de mon palais !
Ma dague, messeigneurs, n'est pas fille des rues :
elle a trente et un jours dans le mois ses menstrues !
En pissant j'éteignis le Vésuve et l'Hekla ;
le mont Kinchinjinga devant moi recula !
Voulant un héritier, sur les bords du Zambèze
où nage en reniflant l'hippopotame obèse,
dans la forêt, séjour du mandrill au nez bleu,
sous le ciel coruscant et les rayons de feu
d'un soleil infernal que le Dyable tisonne,
j'eus quatorze bâtards jumeaux d'une Amazone !
Parmi ces négrillons, j'élus pour mettre à part
le plus foncé, jetant le reste à mon chat-pard !
La Reine de Saba, misérable femelle,
voulut me résister : je coupai sa mamelle
senestre pour m'en faire une blague, et depuis,
je fis coudre en un sac et jeter en un puits
la fille d'un rajah parce que son haleine
était forte, et je fus aimé d'une baleine
géante au Pôle Nord (palsambleu ! c'est assez
pervers, qu'en dites-vous ? l'amour des cétacés !).
Fort peu de temps avant que je ne massacrasse
l'affreux Zéomébuch et tous ceux de sa race,
dans la jungle où saignaient des fleurs d'alonzoas
je dévorai tout crus huit cent mille boas
et je bus du venin de trigonocéphale !
La rafale hurlait ! Je dis à la rafale :
"- Qu'on se taise ! ou mordieu ! ... La rafale se tut.
Répondez ! Répondez, bonzes de l'Institut :
Mon Quos ego vaut-il celui du sieur Virgile ?
Or - j'atteste ceci la main sur l'Evangile ! -
un matin, il me plut de descendre en enfer
avant le déjeuner ; mon cousin Lucifer
me reçut noblement et me donna mille âmes
de Juifs à torturer ! Ensemble nous parlâmes
politique, beaux-arts et caetera, je vis
qu'il avait su bon sens : il fut de mon avis
en tout : et j'urinai dans les cent trente bouches
du grand Baal-Zebuh, archi-baron des mouches !
L'Océan Pacifique a vu plus d'une fois,
son flux et son reflux s'arrêter à ma voix !
A ma voix, les pendus chantaient à la potence ...
Or, ayant tout rangé sous mon omnipotence,
les Rois, les Empereurs, les Dieux, les Eléments,
servi par les sorciers et par les nigromants,
je compris que la vie est une farce amère
et, pensif, conculcant les cinq mondes vautrés
à mes pieds, je revins, près de ma vieille mère,
deviner les rébus des journaux illustrés !
Repas de famille
Au bord du Loudjiji qu'embaument les arômes
Des Toumbos, le bon roi Makoko s'est assis
Un M'gannga tatoua de ses bras polychromes
Sa peau d'un noir vineux tirant sur le cassis
Il fait nuit: les m'pafous ont des senteurs plus frêles
Sourd, un marimeba vibre en des temps égaux;
Des alligators d'or grouillent parmi les prêles;
Un vent léger courbe la tête des sorghos;
Et le mont Kongoua rond comme une bedaine,
Sous la lune aux reflets pales de molybdène
Se mire dans le fleuve au bleuâtre circuit
Makoko reste aveugle à tout ce qui l'entoure:
avec conviction ce potentat savoure
Un bras de son grand-père et le trouve trop cuit.
Peut-être ma préférée:
<b><big>La singesse</big></b>
<small></small><small><big>Donc voici ! Moi, Poète, en ma haute sagesse
respuant</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big> l'Eve à qui le Père succomba
j'ai choisi pour l'aimer une jeune singesse
au pays noir dans la forêt de Mayummba </big></small><small><big>.
Fille des mandrills verts, ô guenuche d'Afrique,
je te proclame ici la reine et la Vénus
quadrumane, et je bous d'une ardeur hystérique
pour les callosités qui bordent ton anus,
J'aime ton cul pelé, tes rides, tes bajoues
et je proclamerai devant maintes et maints,
devant monsieur Reyer</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>, mordieu ! que tu ne joues
oncques du piano malgré tes quatre mains :
et comme Salomon pour l'enfant sémitique,
la perle d'Issachar </big></small><small><big><small></small></big></small><small><big> offerte au bien-aimé,
j'entonnerai pour toi l'énamouré cantique,
ô ma tour de David, ô mon jardin fermé,...
C'était dans la forêt vierge, sous les tropiques
où s'ouvre en éventail le palmier chamoerops</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big> ;
dans le soir alangui d'effluves priapiques
stridait, rauque, le cri des nyctalomerops </big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>;
l'heure glissait, nocturne, où gazelles, girafes,
couaggas</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>, éléphants, zèbres, zébus, springbocks</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>,
vont boire aux zihouas</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big> sans verres ni carafes
laissant l'homme pervers s'intoxiquer de bocks ;
sous les cactus enjeu tout droits comme des cierges
des lianes rampaient (nullement de Pougy) ;</big></small><small><big><small></small></big></small>
<small><big>autant que la forêt ma Singesse était vierge ;
de son sang virginal l'humus était rougi.
Le premier, j'écartais ses lèvres de pucelle
en un rut triomphal, oublieux de Malthus,</big></small><small><big><small></small></big></small>
<small><big>et des parfums salés montaient de son aisselle
et des parfums pleuvaient des larysacanthus</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>.
Elle se redressa, fière de sa blessure,
à demi souriante et confuse à demi;
le rugissement fou de notre jouissure
arrachait au repos le chacal endormi.
Sept fois je la repris, lascive; son oeil jaune
clignotait, langoureux, tour à tour, et mutin;
la Dryade amoureuse aux bras du jeune Faune
a moins d'amour en fleurs et d'esprit libertin !
Toi, Fille des humains, triste poupée humaine
au ventre plein de son, tondeuse de Samson,
Dalila, Bovary, Marneffe</big></small><small><big><small></small></big></small><small><big> ou Célimène,
contemple mon épouse et retiens sa leçon :
mon épouse est loyale et très chaste et soumise,
et j'adore la voir, aux matins ingénus,
le coeur sans artifice et le corps sans chemise,
au soleil tropical, montrer ses charmes nus ;
elle sait me choisir ignames et goyaves ;
lorsque nous cheminons par les sentiers étroits,
ses mains aux doigts velus écartent les agaves,
tel un page attentif marchant devant les rois,
puis dans ma chevelure oublieuse du peigne
avec précaution elle cherche les poux,
satisfaite pourvu que d'un sourire daigne
la payer, une fois, le Seigneur et l'Époux.
Si quelque souvenir de souleur </big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>morte amasse
des rides sur mon front que l'ennui foudroya,
pour divertir son maître elle fait la grimace
grotesque et fantastique à délecter Goya !
Un étrange rictus tord sa narine bleue,
elle se gratte d'un geste obscène et joli
la fesse puis s'accroche aux branches par la queue
en bondissant, Footitt, Littl- Tich, Hanlon-Lee !</big></small><small><big><small></small></big></small>
<small><big>
Mais soudain la voilà très grave ! Sa mimique
me dicte et je sais lire en ses regards profonds
des vocables muets au sens métaphysique
je comprends son langage et nous philosophons :
elle croit en un Dieu par qui le soleil brille,
qui créa l'univers pour le bon chimpanzé
puis dont le Fils-Unique, un jour, s'est fait gorille
pour ravir le pécheur à l'enfer embrasé !
Simiesque Iaveh de la forêt immense,
ô Zeus omnipotent de l'Animalité,
fais germer en ses flancs et croître ma semence,
ouvre son utérus à la maternité</big></small><small><big><small></small></big></small>
<small><big>
car je veux voir issus de sa vulve féconde
nos enfants libérés d'atavismes humains,
aux obroontchoas </big></small><small><big><small></small></big></small><small><big>que la serpe n'émonde
jamais, en grimaçant grimper à quatre mains !...
Et dans l'espoir sacré d'une progéniture
sans lois, sans préjugés, sans rêves décevants,
nous offrons notre amour à la grande Nature,
fiers comme les palmiers, libres comme les vents !!!</big></small>
Enfin, pour la dernière phrase:
Le Cid
Va, je ne te hais point
Pierre Corneille
Le palais de Gormaz, comte et gobernador
est en deuil; pour jamais dort couché sous la pierre
l'hidalgo dont le sang a rougi la rapière
de Rodrigue appelé le Cid Campeador
Le soir tombe. Invoquant les deux saints Paul et Pierre
Chimène, en voile noirs, s'accoude au mirador
et ses yeux dont les pleurs ont brûlé la paupière
regardent, sans rien voir, mourir le soleil d'or ...
Mais un éclair, soudain, fulgure en sa prunelle :
sur la plaza Rodrigue est debout devant elle !
Impassible et hautain, drapé dans sa capa,
le héros meurtrier à pas lents se promène :
"Dieu !" soupire à part soi la plaintive Chimène,
"qu'il est joli garçon l'assassin de Papa !"
Bon week-end.