La section consacrée à Respighi par le "Guide de la musique symphonique" (Fayard) débute avec une brève présentation du compositeur, relevant qu'il "tenta tout à la fois d'endiguer les débordements du vérisme triomphant et de renouer avec les nobles traditions musicales de son pays (vieux modes du plain-chant, notamment), tout en créant une sorte d'art mélangeant post-romantisme et impressionnisme - voire néo-classicisme -, déployé dans de grandes fresques symphoniques à l'orchestration gorgée de luxuriance et de sensualité." Ce guide est toutefois très succint (et parfois un peu sévère) sur toutes les compositions autres que celles faisant partie du "Triptyque romain", en particulier sur les concertos et les autres suites symphoniques.
Je montre quand même ci-dessous les enregistrements que j'ai du "Concerto pour piano dans le mode mixolydien" (il a déjà été question sur ce fil du beau "Concerto grégorien pour violon"), des suites d'orchestre "Vitraux d'église", "Impressions brésiliennes" et "Belkis, Reine de Sabba", ainsi que de "Metamorphoseon, Thème et variations pour orchestre" :
Une analyse détaillée de ces oeuvres méconnues pourrait être fastidieuse, et j'en serais de toute façon bien incapable. Je me limiterai donc aux quelques remarques qui suivent.
C'est au travers des "Trois Préludes pour piano sur des thèmes grégoriens" (1919/21, dédiés à Alfredo Casella), lesquels figurent sur le premier disque en complément du concerto, que Respighi semble avoir révélé pour la première fois de façon explicite son intérêt pour les modes anciens, sous l'influence de son épouse et ancienne élève Elsa (paraît-il une grande spécialiste en la matière). La suite "Vitraux d'église" (cf. le deuxième disque), avec successivement "La Fuite en Egypte", "L'Archange Saint-Michel", "Les Matines de Sainte-Claire" et "Saint-Grégoire le Grand", n'est autre que l'orchestration - très somptueuse - de ces préludes, la quatrième pièce, ajoutée plus tard, ayant été conçue directement pour l'orchestre.
Les "Impressions brésiliennes" sont quant à elles d'un Respighi assez inattendu... Ayant séjourné au Brésil à deux reprises, à l'occasion de récitals donnés là-bas en 1927, il s'était promis d'écrire après une suite pour orchestre inspirée de ce pays, ce qu'il fit "dans un esprit de détente et de bonne humeur". Les trois pièces de cette suite s'intitulent "Nuit tropicale", "Dans une réserve de serpents près de Sao Paulo" et "Chant et Danse". On est certes très loin des audaces et de l'authenticité de Villa-Lobos, mais cette musique (qui avec son raffinement harmonique, son lyrisme et sa sensualité rappelle plutôt tels beaux passages des Fontaines ou des Pins de Rome, mais avec quelques instruments et rythmes exotiques en plus) ne manque vraiment pas de charme... En d'autres termes, si vous avez aimé "Les Pins du Janicule", alors vous adorerez "Nuit tropicale" (même si aucun oiseau ne chante à la fin) ...
Quant à "Metamorphoseon (...)", qui vient sur le troisième disque après "Belkis (...)", une suite antiquisante et particulièrement luxuriante elle aussi, c'est en revanche une oeuvre "de musique pure" (elle est en tout cas dépourvue de toute référence directe à un lieu ou à un sujet particulier, même si le thème soumis à variations procède aussi d'un mode ancien cher au compositeur). Elle est à mon avis - et à celui de beaucoup - l'une des plus belles réussites de Respighi.
Jacques