La Petite Renarde rusée
Príhody Lišky Bystroušky Opéra en trois actes (1924)
Livret du compositeur d’après Liška Bystrouška de Rudolf Tesnohlídek
En langue tchèque
NOUVELLE PRODUCTION
Direction musicale Dennis Russell Davies
Mise en scène André Engel
Décors Nicky Rieti
Costumes Elizabeth Neumuller
Le Garde-chasse Jukka Rasilainen
Sa Femme Michèle Lagrange
L’Instituteur David Kuebler
Le Prêtre Roland Bracht
Harašta Paul Gay
La Renarde Elena Tsallagova
Le Renard Hannah Esther Minutillo
Une nouvelle prod de cet opéra de Janacek à l'Opéra de Paris ! J'attendais cette production avec impatience, ayant eu la chance de voir cet opéra il y a quelques années déjà à Aix, mais en version réduite (orchestre réduit à un vongtaine je crois bien et si bien fait d'ailleurs, que je n'imaginais pas que ce puisse exister en plus grand), outre que j'ai une oreille infiniment indulgente à la musique de Janacek (encore une histoire de rousse, mais violoniste) !
Me voilà donc sur mon 31 pour ma rentrée lyrique à moi. ENFIN parce que j'avais les crocs !
Alors dès les premières notes, ça se confirme qu'à mon avis on doit mettre Janacek dans les A1 ! Alors qu'on ne le prenne pas trop au sérieux parce que sa Renarde est si facétieuse, je comprends finalement, même si c'est un bête erreur de vieux barbon, pensé-je dès cette virevoltante ouverture ! Oui, sa musique est toute entière celle de la nature, mais on aurait tort de la regarder de haut pour autant, avec la condescendance d'un qui se comparerait à une poireau pour se trouver génialissime ! Ce n'est pas ainsi qu'opère Janacek ! Non, il va y puiser son langage à lui, mais pour parler des hommes, et finalement de liberté ! (Je sais bien, on va encore dire que je provoque...)
Donc cette Renarde est un hymne à la liberté, à l'insolence, à la rebellion, autant dire de vieilles valeurs désuètes et poussiéreuses du 20ème siècle qu'on a bien fait de laisser derrière notre glorieux 21ème, celui du progrès et de la modernité !
A juste titre, la scène du massacre des poules par la Renarde, après les avoir traité de prolétariat soumis aux tâches avant de s'échapper est applaudit par les spectateurs ! Ce sera un des bons moments de ce spectacle, la scène avec le Renard est également à mettre dans les grands moments, Munitello se faisant très chaudement applaudir par le public de la Bastille.
Elena Tsallagova émeut aux larmes, pas tant par des capacités lyriques outrancières, mais plutôt par la justesse de son jeu, l'espièglerie bravache qu'elle y met, elle est une actrice formidable, et seules les jalouses et les rombières y seront rétives !
La mise en scène ? Bah, difficile vu que celle d'Aix était difficilement dépassable en poésie, en délicatesse, en humour... Surtout Engel est bloqué par sa scénographie un peu lourde, qui se voudrait un univers naïf et enfantin, mais qui peine à décoller (surtout vu d'en haut), le rideau se baisse pour laisser place à un grondement de machinerie et de changement de décors. J'ai déjà eu à m'exprimer là-dessus et je trouve que le décors unique est difficilement dépassable, ce que me confirme cette mise en scène. Comment décoller, alors qu'on est ramené à la mécanique ? Et même la sublime musique qui continue en interlude devient presque une musique destinée à meubler un changement de décors alors qu'elle est elle-même spectacle, représentation ?! La scène du blaireau, courte mais hilarante passe presque pour anecdotique à cause de ce rideau qui vient créer une rupture artificielle... Dans K, opéra en pleins de tableaux, il avait justement évité cet écueil pour lui donner une grande fluidité !
Le Chef Davies est assurément le bienvenu à Paris, chaudement applaudit et tout l'orchestre qui était resté pour le saluer également. Applaudissement polis pour Engel (quand on se rappelle comment Wilson se fait conspuer ! ha ha), son décorateur et la costumière... Garde chasse, même s'il n'a pas le beau rôle, ne s'est pas fait siffler à la fin, il se débrouille à vrai dire très bien, et son dernier air, ou il célèbre la renaissance et la continuité fait de cet opéra un postulant au fil des belles fins...