Mitsuko Uchida

[Philippe95]

Mon intrusion dans le fil Bob le Sage me donne l'idée de vous demander quelques avis sur la discographie de Mitsuko Uchida.
Je dois reconnaître que, lorsque ses premiers disques sont apparus en France, la campagne de pub forcenée de Philips d'une part, et mon idolatrie pour d'autres pianistes d'autre part, m'avait fait porter un regard narquois sur les productions de cette pianiste.
Depuis, sauf essais ponctuels (tous réussis d'ailleurs, des études de Debussy au récent Kammerkonzert de Berg en passant par le concerto de Schönberg), j'ai allègrement dédaigné concertos et sonates de Mozart, concertos et 5 dernières sonates de Beethoven, et quasi intégrale des sonates de Schubert agrémentée des Impromptus, Moments musicaux et autres sublimes Klavierstücke, et même son couplage assez rare Carnaval/Kreisleriana.
Vos avis sur tout ça me seront précieux car, ce que j'ai entendu hier soir danns les 2 concertos de Mozart, puis très tard les débuts d'extraits disponibles de certains disques précités sur un site allemand bien connu, pourrait m'amener à une sérieuse remise en cause de mes pauvres petites quasi-certitudes.
Merci par avance.

[Chiarina]

Je connais très peu cette pianiste, et comme vous, je suis restée sur quelques impressions sans avoir envie d'aller plus loin.

Une Belle Meunière avec Bostridge au Tce, bien mais un peu scolaire et bien loin du miracle d'Andsnes l'année précédente avec le Winterreise.
Le fameux Kammerkonzert de l'année dernière, très bien, mais pour moi, pas assez libre ou "viennois" et surtout manquant de pâte de son (mais peut-être étais-je mal placée ?)
Et l'enregistrement du K.488 superbe, mais... comment dire... un peu trop plastique, fabriqué sur chaque note.

A l'arrivée, l'impression d'une grande pianiste, bien sûr, mais qui malgré son savoir et son implication évidente n'arrive pas à me toucher ou à me marquer au point d'avoir envie d'en entendre plus.

Je ne savais qu'elle avait autant enregistré, j'attends moi aussi les suggestions des amateurs...

[Willem]

Je connais très peu cette pianiste, et comme vous, je suis restée sur quelques impressions sans avoir envie d'aller plus loin.

Une Belle Meunière avec Bostridge au Tce, bien mais un peu scolaire et bien loin du miracle d'Andsnes l'année précédente avec le Winterreise.
Le fameux Kammerkonzert de l'année dernière, très bien, mais pour moi, pas assez libre ou "viennois" et surtout manquant de pâte de son (mais peut-être étais-je mal placée ?)
Et l'enregistrement du K.488 superbe, mais... comment dire... un peu trop plastique, fabriqué sur chaque note.

A l'arrivée, l'impression d'une grande pianiste, bien sûr, mais qui malgré son savoir et son implication évidente n'arrive pas à me toucher ou à me marquer au point d'avoir envie d'en entendre plus.

Je ne savais qu'elle avait autant enregistré, j'attends moi aussi les suggestions des amateurs...

Bonjour Chiarina,

Je partage votre avis en grandes lignes. Uchida m'a toujours semblé une artiste très douée (c'est bien le moins que l'on puisse dire), mais il y a quelque chose d'ambivalent qui me frappe à chaque fois que je l'entends. D'une parte il y a une grande (parfois trop grande à mon sens) sophistication, dont surtout ses Mozart sont un bon exemple. Malgré les doigts immaculés et la sureté de son style et approche, il y a une certaine froideur, c'est un Mozart de marbre, ce que je ne retrouve pas chez un Perahia, une Pires ou un Brendel pour ne mentionner que ceux-ci.

Je constate qu'on est parfois amené à revoir ses propres jugements: j'avais toujours des sentiments mélangés en ce qui concerne une autre Mozartienne, qui a peu à peu disparue dans une sorte d'obscurité: Ingrid Haebler. Là encore, on pouvait au moins dire que tout ce qu'elle faisait était "beau" et "raffiné", mais il me semblait qu'il n'y avait pas de "vraie"interprétation. Pourtant, j'ai été agréablement surpris quand j'ai constaté a propos du scandale autour de Joyce Hatto que les Mozart de celle-ci étaient en réalité ceux d'Haebler et ensuite j'ai conclu que c'était tout bonnement très bien joué et des modèles de simplicité et de bon gout! Les Variations de Mozart par Haebler m' ont encore confirmé dans cet avis et j'aimerais bien retrouver ses Concertos maintenant, mais il parait qu'ils sont déja introuvables.

Pour revenir a Uchida, ce que j'aime bien, c'est "l'autre" Uchida, celle qui libère certaines passions et ose se montrer dramatique. En concert, j'ai entendu d'admirables Préludes de Chopin, 2eme Sonate de Chopin et Carnaval de Schumann. On aurait presque dit qu'elle même a un certain moment, elle en avait assez de ses propres interprétations hypersophistiquées et qu'enfin elle se laissait aller. Je me souviens aussi d'un concert lors duquel elle a proposé (et dirigé) deux concertos de Mozart, c'était déja plus libre et plus expressif (moins lisse) que ses disques parus chez Philips dans le temps, mais ce n'était toujours pas mon idéal pour les concertos de Mozart. Sous les doigts de Haskil, Pires ou Landowska j'entends un Mozart beaucoup plus vif et avec plus de "chair"..

Plusieurs à mes amis de Londres m'ont dit qu'ils ont entendu Uchida en récital, quand elle a joué la Hammerklavier. Elle a apparemment joué le 1er mouvement dans le tempo noté par Beethoven (réputé injouable), l'un d'eux m'a dit que c'était "ridicule"et qu'Uchida manquait beaucoup de force. Dommage que je ne l'aie pas entendu, car sa version studio pour Philips semble beaucoup plus convenue.

Amicalement,
Willem

[Philippe95]

Merci pour ces premières réactions en espérant que d'autres viendront. Ah ! si Uchida avait enregistré une transcription pour piano de la 4è symphonie de Sibelius !!
J'aime bien ce qu'écrit Willem sur la sophistication du jeu d'Uchida dans Mozart car c'est aussi le sentiment que j'avais jusqu'au concert de la semaine dernière. Là où je le rejoins moins, c'est dans son avis sur Pires qui, elle, à mon sens, est la reine absolue de l'hyper-sophistication dans Mozart, le tout avec un jeu riquiqui.

[Bertrand]

.... Là où je le rejoins moins, c'est dans son avis sur Pires qui, elle, à mon sens, est la reine absolue de l'hyper-sophistication dans Mozart, le tout avec un jeu riquiqui.

Riquiqui, je ne sais pas, mais un peu martelé par rapport à Würtz par exemple et moins lyrique.
Edit: en y repensant, ça donne bien un truc un peu étriqué en effet...

[Theo B]

Bon, Pires n'est pas le sujet, mais je l'ai entendue en concert dans le 27e concerto, et je n'ai pas trouvé cela particulièrement sophistiqué du tout. Assez faible pianistiquement, certes, mais dans l'esprit, la conception, les phrases, cela se laissait écouter.

[philistin]

Je dois dire que j'ai complètement changé d'avis sur Uchida après avoir entendu ses Schubert. Ca n'a plus rien à voir avec les Mozart Chichiteux de l'intégrale philips d'autrefois.
Ce n'est peut-être pas la plus virtuose des pianistes, mais son Schubert est tendu assez sombre, linéraire, il avance et il est fort bien enregistré. Les impromptus sont très creusés les deux dernières sonates sont d'une intensité tout à fait remarquable. Franchement je suis surpris.

[Theo B]

En effet, il y a des choses vraiment pas mal, parfois osées (958, 840), certains détours par rapport aux voies les plus directes, pris intelligemment pour compenser la relative faiblesse pianistique, du moins en regard de ce qui a été fait dans ce répertoire. Hélas, c'est très mal enregistré...

[philistin]

Je n'ai pas trouvé l'enregistrement si mauvais, peut être un peu étouffé par moment. Ce qui est sûr c'est que son piano sonne plus ample que dans mon souvenir.
C'est inégal : le troisième Klavierstuck D946 me semble un peu claudiquant par rappport à celui de Brendel ( I II ou III) , le dernier des moment musicaux tourne un peu en rond mais les 8 impromptus sont très réussi, les "grandes" sonates ( à partir de la D 784) le sont aussi.