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Discussion: Hilding Rosenberg : les quatuors à cordes

  1. #1
    Administrateur Avatar de Philippe
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    octobre 2007
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    Hilding Rosenberg : les quatuors à cordes

    Bonsoir à tous

    Voici quelques notes que j'ai prises sur ce coffret lors de mon séjour (in)hospitalier. Je vous les livre telles quelles, en espérant qu'elles retiennent un peu votre attention



    et voici une photo du compositeur :



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    Que faire lorsque l'on est coincé - apparemment pour quelques jours - dans une chambre (non équipée de la wifi, ce qui fait que j'ignore complètement ce qui se passe sur le forum) ? hé bien par exemple, utiliser ces journées pour me faire amener un coffret de quatuors à cordes de Hilding Rosenberg, que j'ai reçu voici quelques jours déjà mais que je n'ai pas encore écouté. De cette manière cette immobilisation forcée aura au moins un avantage (outre celui d'être bien soigné, ce qui semble être le cas) : la découverte de ce corpus impressionnant, que j'accompagne d'un petit compte rendu.

    Comme je n'ai pas d'accès à internet, je n'ai pour l'instant aucune indication biographique sur Rosenberg, que j'aurais pu glâner ça ou là. Je sais juste qu'il est Suédois, né en 1892, mort en 1985, et auteur d'un corpus imposant de quatuors à cordes. C'est d'ailleurs cette double caractéristique qui m'a fait me pencher sur cette oeuvre : cela me rappelle Holmboe !
    Maintenant, sa musique a-t-elle quelque chose à voir avec celle de ce dernier ? pour l'instant, je n'en ai aucune idée, j'entame juste l'écoute du premier CD.
    Pendant que celui-ci se lance, quelques mots sur cette édition.
    Rosenberg a écrit 12 quatuors, dont voici les dates comme ça ce sera fait :
    1920 -> SQ 1 (rev.1935)
    1924 -> SQ 2 (rev.1956)
    1926 -> SQ 3 (rev.1956)
    1939 -> SQ 4
    1942 -> unfinished SQ
    1949 -> SQ 5
    1953 -> SQ 6
    1956-57 -> SQ 7-12
    1972 -> 6 Moments musicaux for SQ
    Tout cela tient en un gros coffret de 5 CDs que l'éditeur (Caprice) accompagne d'un CD "bonus" où figure le quatuor inachevé de 1942, soit 6 CDs en tout. Autre particularité de ce coffret : ce ne sont pas moins de 7 ensembles qui ont contribué à l'enregistrement de cette intégrale. Tous scandinaves comme leur nom le laisse penser, je n'ai personnellement jamais entendu parler d'aucun d'entre eux et ne donnerai pas les noms de ces formations, mais si qqun souhaite connaître ces derniers, je les mentionnerai bien évidemment. Dernière remarque d'ordre général : les CDs ne suivent pas l'ordre chronologique de composition (par exemple le premier CD rassemble les SQ 1, 6 et 12). Y a-t-il à cela une raison particulière ? les livrets joints à cette édition, répondent peut-être à cette question, mais comme ils sont rédigés en suédois et en anglais - deux langues pour lesquelles j'éprouve des affinités très moyennes - on va dire qu'on n'en sait rien pour l''instant.

    Bon avec tout ça, j'ai presque achevé l'écoute du SQ 1. Et j'avoue une première déception : on est loin du lyrisme incommensurable du corpus de Holmboe. Mais on ne compare pas une seule oeuvre (que l'on découvre seulement) avec un corpus que l'on connaît mieux, et qu'on admire, et je me refuse de juger à cette première écoute. Ce SQ 1 (m'apprend la lecture "sommaire" du booklet en anglais, sommaire car il y a bcp de mots et de phrases que je ne comprends pas) aurait été, lors de sa création en 1923, traité des plus horribles qualificatifs (sounded like a chaotic and horrifying vision, a vision, indeed, of a mentally deranged person). Ce quatuor (qui avait été semble-t-il inspiré par l'oeuvre de Schoenberg) a été revu par l'auteur quelques années plus tard, et il en ressort une vision qui semble assagie, et peut-être moins mordante. (D'importantes informations musicologiques sont fournies par le booklet du coffret, que l'acquéreur anglophone lira avec le plus grand intérêt, quant à moi comme chacun l'aura compris je préfère m'en tenir à cette petite présentation générale ...)

    Bon le temps peut-être d'habituer à ce nouveau langage, et je tombe sous le charme avec le quatuor "suivant" : sur ce CD il s'agit du SQ 6, et il est magnifique : l'écriture est tonale mais pas rigoureusement (stats to make use of the twelve-tone technique ... manner of utilizing it, however, is not rigorous). Des lignes mélodiques amples, longues, aux changements de rythme fréquents, allant même jusqu'à un style syncopé voire "heurté", succédant à des passages lents, harmonieux et poétiques.

    Finalement, avec ce premier CD on assiste à un vrai résumé de la production pour SQ de Rosenberg puisque tout cela s'enchaîne avec le SQ 12 ... càd le dernier. Les six derniers SQ auraient été conçus par l'auteur comme un "ensemble", d'oeuvres autonomes certes. La particularité de ce dernier SQ de Rosenberg, c'est sa lenteur. Le SQ 12 se présente comme une sorte de synthèse de ses six premiers quatuors. Cela ne peut évoquer que le dernier quatuor de Chostakovitch, et que c'est avec joie que je reprendrai l'écoute de ce coffret demain, intrigué que je suis de savoir pourquoi il semble si naturel chez beaucoup que toute recherche de synthèse semble passer "naturellement" par la recherche de la lenteur, et du dépouillement ...

    Conclusion pour aujourd'hui : un 1er pas vraiment convaincant ; un très beau 6e ; et un magnifique 12e !
    _____

    Aujourd'hui j'entame l'écoute du deuxième album composant ce coffret. Il contient les SQ 4 et 7, ainsi que les 6 Moments musicaux for SQ, la plus tardive de toutes ses compositions.

    Le SQ 4 est très beau. Il marque selon les infos reprises dans le livret inclus au coffret, le début de la période de maturité de Rosenberg. C'est également semble-t-il son quatuor le plus célèbre - en tout cas le plus joué, à la fois parce qu'il serait beaucoup moins difficile à interpréter que tous les autres, et à cause de son mouvement lent, très impressionniste, d'un style descriptif et narratif à la fois (material is developed into lyrical Nordic summer night music, with bird-song motifs in delicate, muted flageolet tones). L'écriture est toujours strictement tonale, et l'ambiance générale très marquée par une sorte de romantisme "moderne" - càd qui serait passé par Prokofiev (par exemple ) ; le 3e mouvement, trop "martial" à mon goût, me semble juste un peu faible.

    Le SQ 7 est le premier d'une série de six par laquelle Rosenberg achèvera son cycle de quatuors. Cette période de création semble avoir été pour l'auteur celle d'une intense réflexion sur la notion de forme, nourrie par les études qu'il mène, parallèlement, sur le dodécaphonisme, ainsi que sur Bach et Palestrina : Schoenberg's melodies should not be really called melodies, as they are so split up. Whichever way you look at it, the Palestrina style on the high, abstract level willstill always be the ideal, i.e. where there remains only an ideal curve. And yet for composers of our time there is no other choice that the twelve-tone technique. But can they not be combined ?

    Parmi les compositions de cette veine, le SQ 7 me semble bien loin de la réussite que constitue le SQ 12 que j'ai écouté hier.

    Rosenberg avait sous-titré son SQ 12 "riepilogo" - rétrospective, car celui-ci devait être le dernier ; pensait-il alors avoir exploré à fond ce moyen d'expression ? Toujours est-il que, lorsqu'en 1972 - quinze ans après le dernier quatuor - Rosenberg reçut une commande du Carl Nielsen Quartet, alors "Funen Quartet", plutôt que de d'écrire un 13e SQ, Rosenberg opta pour une suite, 6 Moments musicaux, et présentés comme un hommage à Nielsen.

    Je ne connais pas encore suffisamment l'oeuvre pour SQ de Rosenberg pour me rendre compte si en quinze ans (càd depuis 1957, année de son SQ 12) son écriture a évolué mais je retrouve certaines caractéristiques qui me semblent (peut-être) la "marque" de ce compositeur : de longues phrases à la "syntaxe" très rigoureuse ; de fréquents changements de rythme ; et surtout une écriture qui semble toujours "hésiter" (ce qui n'est pas gênant - et n'est d'ailleurs pas le bon terme) entre un style strictement mélodique, tonal et expressif, et un autre résolument plus moderne. La 3e pièce de cette suite, Lento expressivo, me semble bien symboliser ce double héritage : pièce très lente, presque erratique, enrichie de traces dodécaphonistes subtiles mais perceptibles, - mais d'un dodécaphonisme discret, qui ne se revendique pas comme tel ...

    Mention bien pour la suite et pour le SQ 4, passable pour le SQ 7.
    _____

    Le CD suivant comporte trois SQ : le 2, le 5 et le 8.

    Le SQ 2 est le plus court de tous : moins de 15 minutes, mais comporte néanmoins 4 mouvements ; pour qui se serait intéressé à ce petit compte rendu, et souhaiterait découvrir voire approfondir ce pan de l'oeuvre de Rosenberg, le SQ 2 est également, parmi les quatuors "de jeunesse", le seul à avoir été publié. Il serait donc intéressant d'examiner quel type de révisions entreprit l'auteur, vers le milieu des années 50. Pour l'auteur du booklet : to be sure, it is a matter of different surgical operations, so to speak, in different works ; but in principle of further developments and a striving toward more lucid structures, but also of sharpening, of dramatizing.
    Le fait est que ce SQ, malgré sa brièveté, me semble d'une densité dramatique remarquable, et bien supérieur au précédent, le SQ 1, qui m'avait très moyennement convaincu.

    Le SQ 5 (un hommage à Sibelius) fait partie de ceux que j'écouterai, durant cette première découverte, à deux reprises successives. Je pense que je commence à comprendre un peu mieux la "patte" de cet auteur : des phrasés amples, aux structures souvent complexes et variées, alternant volontiers passages lents et passages plus mouvementés, un lyrisme sans épanchement. Les marques, peut-être aussi, d'un travail qui s'entendent peut-être un peu trop parfois, au détriment de l'inspiration. Il n'en reste pas moins que certains passages, sans atteindre au génie, sont d'une grande beauté formelle.

    Le SQ 8 est quant à lui qualifié de "néo-baroque", - une assertion que je me garderai bien de commenter, n'ayant pas les compétences pour ce faire Le second mouvement est le plus intéressant : débutant telle une lamentation, la musique se complexifie peu à peu pour atteindre un niveau de développement extrêmement précis, détaillé, polyphoniquement très riche. Toutefois, même si c'est très agréable à écouter et très flatteur pour l'oreille, l'inspiration semble un peu à la traîne.

    Un très bon SQ 2 donc, et des SQ 5 et 8 très réussis également, mais moins inspirés.
    _____

    Très agréable surprise avec l'album suivant. Plus je découvre l'oeuvre pour SQ de Rosenberg, plus j'ai le sentiment d'y trouver du talent et de l'inventivité, une aptitude certaine à construire des oeuvres solidement structurées, très travaillées, audacieuses et parfois surprenantes mais ... pas vraiment la "touche de génie" que je me serais attendu à trouver chez ce contemporain de Holmboe. C'est la raisonpour laquelle je suis, finalement, assez agréablement surpris par l'album suivant. Peut-être ma première impression, mi-figue mi-raisin, était-elle trop sévère ?

    Toujours est-il que les deux SQ rassemblés sur cet album figurent à mon sens parmi les meilleurs de ce que j'ai entendu jusqu'à présent ! Le SQ 3 (sous-titre "pastoral") semble en effet le plus "romantique" de toute la série ; le style parfois heurté de Rosenberg est ici accalmé ; l'oeuvre est assez longue, plus de 25 minutes, et les deux premiers mouvements eux-mêmes sont assez longs : 8 et 12 minutes ; mais leur développement est plus homogène que ce que j'ai cru entendre jusqu'à présent ; la mélodie plus audible et plus immédiate, est aussi plus ample et moins saccadée. Petit à petit, le premier mouvement nous conduit vers un épilogue moins idyllique, plus énergique, auquel succède un superbe deuxième mouvement. Un troisième mouvement très court et plus nerveux, nous conduit alors vers une fin apaisée, très lente. C'est très beau !

    Le SQ 9, construit en deux mouvements tout comme le SQ 12, est à la hauteur de ce dernier. D'une écriture peut-être plus complexe mais toute entière structurée autour d'un thème unique à l'alto, la musique semble se traîner en longueur à travers l'imperceptibles variations (j'adore ça ) ; assez longue elle aussi (près de 28 minutes) l'oeuvre est à coup sûr à connaître, et sans doute annonciatrice du chef-d'oeuvre qu'est à mon sens le dernier SQ.
    _____

    À l'exception du dernier mouvement, le SQ 10 baigne dans une sorte d'attentisme un peu erratique qui n'est pas sans rappeler certaines pages de Bartok, et c'est très bon ! en tout cas je ne semble pas retrouver ici les traces de ce travail d'écriture un peu trop souvent perceptible chez ce compositeur, l'oeuvre se déroule à merveille et je suis particulièrement réceptif à ce type de langage "expressivement morne" (ce qui n'est pas péjoratif mais j'ai du mal à trouver d'autres mots qui seraient sûrement plus appropriés).

    Le SQ 11 est un peu dans la même veine, mais semble à cet égard un peu redondant face au 10. Je n'aime pas trop la fin, un peu trop "fabriquée" à mon goût.

    _____

    En conclusion, un coffret qu'il me faudra sans doute réécouter pour me prononcer davantage et avec plus de détermination ; car la première écoute est insuffisante, et l'écriture de Rosenberg n'est pas de celle qui se laisse approcher du premier coup. Quelques coups de coeur cependant, avec (dans l'ordre) les SQ 12, 9, 10, 2, 6, 3 et 4.

    Ces quelques notes prises "à la volée" sont sans prétention d'analyse, de critique ni même de bon goût ; elles n'ont qu'un seul objectif : celui de permettre à qui connaîtrait déjà ces quatuors de rebondir afin de nous en apprendre davantage, - ou peut-être même d'inciter certains à les écouter. Dans tous les cas, je serais ravi d'avoir votre avis sur ce compositeur et sur cette partie de son oeuvre, car je crois que c'est un de ceux dont on n'a jamais parlé ici (ni sur Abm si je me souviens bien)

  2. #2
    Membre Avatar de thierry h
    Date d'inscription
    octobre 2007
    Localisation
    Catalogne
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    4 360
    Merci Philippe pour cette longue présentation... tout cela est malgré tout bien énigmatique et tentant !
    Et puis des quatuors, j'en ai jamais assez !!!

  3. #3
    Modérateur
    Date d'inscription
    mars 2008
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    1 912
    oui tout à fait intéressant: je n'aiderai pas dans l'immédiat, je ne connais qu'une pièce brève de Rosenberg sur un disque de "musique ferroviaire" (une compilation avec des compositeurs aussi variées qu'Ibert, d'Indy, Johann Strauss ou Revueltas).
    Je lis qu'il a écrit 8 symphonies (ce qui excite tout de suite ma curiosité) et qu'il a fait l'objet d'un hommage de Ligeti sous forme d'une pièce pour violon et violoncelle.

  4. #4
    Membre Avatar de Kilgore Trout
    Date d'inscription
    novembre 2007
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    823
    Hilding Rosenberg c'est pas mal.

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