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Discussion: Pérotin

  1. #21
    Membre Avatar de raphael
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    Citation Envoyé par Couack Voir le message
    En revanche je ne pense pas que la possibilité de "tout dire" soit liée avec le sentiment de modernité que l'on a en écoutant Perotin, ceci pour au moins deux raisons :

    - d'abord parce que Perotin sonne de façon moderne à nos oreilles alors que ce n'est pas le cas d'autres compositeurs du Moyen-Age. Si l'on prend par exemple les oeuvres d'auteurs anonymes de ce cd Hilliard, il y a un abîme entre elles et celles de Perotin. Ou bien Machaut, qui a écrit de très belles choses d'ailleurs mais qui ne sonnent pas "modernes". Ockeghem, dont vous parliez, non plus. Celui qui me paraît le plus proche de cet esprit contemplatif quasi-minimaliste et hyper-esthétisant (je sais que ces qualificatifs ne vous plairont pas ) c'est Josquin dans ses Motets à la Vierge. Mais ce côté moderne me semble plus radical encore chez Perotin : il y a dans son esthétique conçue à une époque où les préoccupations quotidiennes étaient sans lien avec les nôtres, quelque-chose qui nous semble éminemment actuel aujourd'hui. Musicalement je ne me l'explique pas : cela vient sans doute de ce phénomène de miroitement que vous décriviez, et de cet étirement des valeurs rythmiques (?).

    - Ensuite parce qu'aujourd'hui on ne peut pas "tout dire", justement, et que l'oeuvre de Perotin cadre avec un certain courant esthétique linéaire-minimaliste qui n'existe d'ailleurs pas qu'en musique. Aujourd'hui il est à peu près exclu d'écrire quelque-chose dans le style galant ou le baroque de cour, et assez mal vu de faire du romantisme. Ce sont des styles historiquement marqués, et celui de Perotin ne l'est bizarrement pas du tout.


    Oui peut-être, enfin, je ne sais pas… Pérotin plus « moderne », par son côté incantatoire et répétitif rendrait une primitive impression de franchissement esthétique ? Je suis assez daccord. Mais l’organum de Guido d’Arezzo est pas mal non plus il me semble… Il donne l’impression de sortir des pierres de l’abbaye et d’avoir toujours été là. C’est pas loin de certaines pièces vocales de Nono, très dépouillées, mais plus belles tout de même !
    Connaissez vous les pièces subtiles du manuscrit de Chypre (codex J.II.9, musique française du début du 15e siècle)? Voilà qui devrait vous séduire question « modernité ». (cf à l’excellent cd de l’ensemble « La Morra ». Mais c’est moins « radical » et plus varié, je vous l’accorde.

    Pour en revenir au « tout dire », et bien je voudrais bien savoir ce qu’on ne peut pas dire aujourd’hui !? Le style galant ou romantique existe bel et bien dans la chanson, dans la musique de film (qui n’est pas un genre nécessairement mineur) et même chez certains jeunes compositeurs français.

    Tout, absolument tout est « historiquement marqué » et particulièrement notre époque. J’écoutais diverses créations dans l’émission radiophonique matinale de Derrien il y a quelques jours (France Mu), et c’était affligeant d’historicité contemporaine ! Pas une œuvre choisie ne sacrifiait à une technicité, hélas uniforme ici, et radicalement contemporaine (ce qui n’est cependant pas toujours le cas dans la musique d’aujourd’hui) —et ressentie comme terriblement chiante pour ma part. Est-ce la marque de l’époque ? En partie, mais pas seulement.

    À l’époque de Pérotin, tout le monde n’écrit pas comme lui. Mais lui a trouvé dans l’étirement de la matière sonore (particulièrement important) une sorte de sublimation désaffectée qui nous est plus fascinante. Je le ressens ainsi chez Reich également, une sorte de célébration sans affect, sans épanchement, du ‘mouvement organique’ de nos molécules. Ça pulse, ça miroite et, comme le feu me le procure pour l’œil, l’organum attire et hypnotise mon attention vers une mystérieuse couche d’un atavisme animal commun. Je dirais que quelque chose se satisfait à la chaleur du soleil. Ce que je ne ressens pas du tout chez Pärt. Pardon, j’avais pas envie de faire musicologisant ce soir !

    Amicalement,

  2. #22
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    Citation Envoyé par raphael Voir le message


    Ce qui est caractéristique de l'école Notre Dame, et plus particulièrement de notre ami Perotinus, c'est, d'une part l'étirement qu'il donne à chaque note de la monodie originelle grégorienne, (bien plus important que dans les styles précédents des 12e et 11e siècles), et d'autre part la modalité rythmique. On entendra en effet que cette pièce est en 1er mode rythmique, c-à-d une manière de formuler le temps sur un mètre (ou un pied, soit une cellule rythmique de base) qui est ici le trochée, c-à-d l'enchaînement 'Longue-Brève'. Ces cellules sont plus ou moins répétées en de courtes phrases de longueurs variables appelées "ordines". Cela s'entend très bien au début de la pièce par ex.

    Je suppose qu'il y a un lien avec la métrique de la poésie latine : si le mode rythmique 1 est un trochée (pour une longue et une brève), j'imagine que l'on retrouve le spondée (pour deux longues), l'iambe (pour une brève et une longue) - et peut-être aussi le tribraque, le dactyle et l'anapeste... non ?

    Je me posais également la question des modes mélodiques : la musique que l'on entend n'est pas tonale dans le sens où il y aurait une attraction de la sensible à la tonique; on est ici dans du modal plutôt que du tonal, et je me demandais s'il y avait aussi une liste des modes mélodiques comme il en existe pour les modes rythmiques ?

    Je profite de votre passage pour vous poser encore une question : que nous reste-t-il en gros de l'oeuvre de Perotin ?

  3. #23
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    Citation Envoyé par thierry h Voir le message
    Ouh! La! Faut pas te disperser Gilles! ( désolé pour cette intrusion )

    Rassure-toi Thierry, j'ai bien vu la peau de banane Pärt sur laquelle j'ai manqué de déraper

  4. #24
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    Dans le genre "tintinnabulant", je citerais la fin de "Noces" et celle de "Requiem Canticles" de Stravinsky ; qui ne tintinnabulent pas par hasard, il était orthodoxe lui aussi.

    (les catholiques ne détestaient pas les cloches non plus, cela étant).

  5. #25
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    Citation Envoyé par Couack Voir le message
    Rassure-toi Thierry, j'ai bien vu la peau de banane Pärt sur laquelle j'ai manqué de déraper
    Pärt et fracas, ça va de toutes façons toujours ensemble, alors on sait à quoi s'attendre.

  6. #26
    Membre Avatar de raphael
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    Citation Envoyé par Couack Voir le message
    Je me posais également la question des modes mélodiques : la musique que l'on entend n'est pas tonale dans le sens où il y aurait une attraction de la sensible à la tonique; on est ici dans du modal plutôt que du tonal, et je me demandais s'il y avait aussi une liste des modes mélodiques comme il en existe pour les modes rythmiques ?

    Je profite de votre passage pour vous poser encore une question : que nous reste-t-il en gros de l'oeuvre de Perotin ?

    Pour la modalité des échelles, il existe alors 8 modes, identifiés par leurs finales qui sont au nombre de 4, donc une finale commune pour 2 modes. Ces finales sont les notes RE, MI- FA, SOL. Chaque finale porte donc deux modes. Par ex. le mode de Ré peut être décliné dans une forme « aiguë » (on dit « authente ») plaçant la finale dans le grave de l’échelle, ou dans une forme grave, situant sa finale disons « au milieu » de son échelle (on dit « plagal »). C’est la théorie de l’Octoechos. On appelle encore aujourd’hui des 8 tons les tons ecclésiastiques. C’est un outil théorique permettant de classer chaque pièce de chant grégorien, non sans une simplification et uniformisation par rapport à la richesse originelle (on a modifié des pièces pour les faire « rentrer » dans l’octoéchos). Mais je n’ai pas envie de répéter ce que vous pourrez trouver dans n’importe quelle page d’une bonne histoire de la musique. Même ici on peut déjà en apprendre plus :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Octoéchos

    Quant à Pérotin, ce qu’on sait de lui nous est rapporté dans un traité anonyme de la fin du 13e siècle, très précieux pour comprendre la notation de cette période, traité remis à jour par Coussemaker au 19e siècle dans sa formidable collection latine de traités musicaux médiévaux. Ce traité s’intitule « De mensuris et discantu » mais Coussemaker, père de la musicologie moderne, l’a intitulé « Anonyme IV », appellation plus connue depuis qu’un célèbre ensemble vocal féminin le prit comme nom d’artiste.

    Ce que dit ce traité ? Que Pérotin succéda à Léonin, et commit des plus grands quadrupla (organum à 4voix) comme « Viderunt », « Sederunt » (avec des couleurs en abondance) et plusieurs tripla fameux comme « Alleluia posui adiotorium », « Alleluia Nativitas », etc. mais il a également fait des conduits triples, comme « Salvatoris hodie » et doubles comme « Dum sigillum summi patris », et aussi des conduits simples (1 voix) comme « Beata viscera ». etc.

    Ce traité précise aussi que « le Livre ou les Livres de Pérotin restèrent en usage jusqu’au temps de Robert de Sabilone et dans le chœur de la cathédrale (maioris ecclesiae Parisiensis) de la bienheureuse Vierge Marie, et a son temps jusqu’à ce jour » c-à-d vers 1275-80 date de rédaction probable de ce précieux traité. Ce n'est pas un petit détail, parce la composition elle, dont daté du tout début du siècle...
    Et pour ceux qui lisent un peu le latin, c’est ici : http://www.chmtl.indiana.edu/tml/13th/ANO4DEM_TEXT.html

    Et à mon avis, l’ami Pérotin a aussi commis les trois conduits quadruple qu’on trouve enregistrés par divers, dont le Hilliard Ensemble.



  7. #27
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    L'Ensemble Gilles Binchois avait naguère fait, et bien, un CD illustrant l'octoechos, il était intitulé Les 8 Tons de la Musique Ancienne. Je ne suis pas sûr qu'il soit toujours trouvable - peut-être au hasard d'une 'chine' dans les bacs d'occasion ou de fonds de stock ? (Si souhaité, je peux tenter de le mettre sur Simplify Media, mais ... il faut que qq'un de compréhensif et patient m'enseigne comment faire ! )

    Ce disque-ci, par ce même ensemble, est très bien (enfin ... je trouve) :



    Si l'on persiste dans l'exploration de cette musique 'ancienne', on s'enfonce dans un univers incroyable de découvertes et de merveilles à mille lieues de ce qu'on imagine souvent à tort comme 'primitif', austère, rébarbatif et obscur. Tout aussi passionnant à explorer que la musique de Bach à nos jours !
    Dernière modification par The Fierce Rabbit ; 09/01/2009 à 16h44.

  8. #28
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    Pour en revenir à l'école Notre-Dame :

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Pour ceux que ce genre intéresse, je mets ici un lien vers une discussion sur un forum plus spécialisé (musique médiévale) où l'on peut voir et entendre des choses de cette période : l'école Notre Dame.
    http://musiques-medievales.aceboard....-seulement.htm
    un autre plus particulièrement sur l'Ecole ND. :
    http://musiques-medievales.aceboard....Notre-Dame.htm
    je découvre, au hasard de mes pérégrinations sur le site de la médiathèque, ce petit dossier sur le moyen âge musical.

    Comme la plupart de ses consoeurs composant le dossier, cette page, consacrée à l'école Notre-Dame, contient plusieurs suggestions discographiques.

    J'espère qu'elles pourront être utiles à certains





    PS TFR :

    Citation Envoyé par The Fierce Rabbit Voir le message
    L'Ensemble Gilles Binchois avait naguère fait, et bien, un CD illustrant l'octoechos, il était intitulé Les 8 Tons de la Musique Ancienne. Je ne suis pas sûr qu'il soit toujours trouvable - peut-être au hasard d'une 'chine' dans les bacs d'occasion ou de fonds de stock ? (Si souhaité, je peux tenter de le mettre sur Simplify Media, mais ... il faut que qq'un de compréhensif et patient m'enseigne comment faire ! )

    Rien de bien compliqué pourtant (clic)
    Il faut installer le logiciel (et avoir de préférence iTunes) - la suite par MP si vous souhaitez persister

  9. #29
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    Citation Envoyé par Philippe Voir le message
    Rien de bien compliqué pourtant (clic)
    Il faut installer le logiciel (et avoir de préférence iTunes) - la suite par MP si vous souhaitez persister
    Moi j'ai tenté deux fois de mettre quelque chose sur SM, et j'ai laissé tombé. Mon problème ce n'est pas l'installation, mais c'est qu'est ce qu'on fait après l'installation. Comment je fais pour partager ma musique avec les amis ici ? Je n'ai pas le courage ni le temps de lire le fil, et je n'ai pas trouvé un poste avec une description claire qu'est qu'il faut faire APRES l'installation.

    Tant pis,

    Bruno

  10. #30
    Donnez nous votre nom d'utilisateur, nous vous enverrons une invitation, il vous suffira de nous accepter comme ami en bas de la fenêtre de Simplify Media. Si vous désirez une aide téléphonique, envoyez moi un message privé. Vous verrez, c'est très simple, et un outil merveilleux. Bonne journée.

  11. #31
    Membre Avatar de joachim
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    Je pense qu'en ce 12ème siècle, où l'on ne connaissait que le grégorien dans les églises, les organum de Pérotin - comme notamment Viderunt omnes et Sederunt principes - qui, partant du grégorien, arrive par répétition des syllabes, à une sorte de rythme de marche, ont dû être une vraie révolution !

  12. #32
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    Messe du Jour de Noël


  13. #33
    Membre Avatar de MusicaEnchiriadis
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    Pérotin, Léonin et Philippe le Chancelier sont les rares noms que nous connaissons pour des compositeurs liés à Notre-Dame. Mais il y en a certainement de très nombreux anonymes. C'est pour ça que de parler du style ou du génie de Pérotin, comme ci-dessus, est compliqué. Plusieurs pièces très élaborées de cette période sont sans doute de la plume d'autres compositeurs. En outre, des pratiques pas très éloignées avaient cours de façon improvisée. Ce que pouvait ressentir un auditeur à Notre-Dame était probablement saisissant (comme dit plus haut), mais pas non plus une nouveauté absolue. On sait que l'organum était une technique improvisée depuis plusieurs décennie à la façon de Léonin, et même écrite, notamment à Limoges ou en Espagne (Compostelle).

    Je suis en train de faire une série de trois vidéos sur cette école musicale fascinante. Voici déjà la première, sur le contexte.
    (suivront : 2. les genres, 3. la notation).


  14. #34
    Membre Avatar de MusicaEnchiriadis
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    Bonjour tout le monde,
    pour ceux qui ont vu la première vidéo, et qui seraient curieux de la suite, je poste ici les deuxième et troisième volets de ma série du Léonin, Pérotin et Notre-Dame !



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