Dans son gros livre "Maurice Ravel" (Fayard, 1986), Marcel Marnat ne fournit pas beaucoup de détails sur les liens personnels durables qui se sont établis entre Vaughan Williams et Ravel.
C'est toutefois un sujet que je trouve intéressant, relativement peu connu aussi. Je me permets donc de reproduire ci-dessous trois passages qui s'y rapportent directement, tirés de l'ouvrage en question .
Jacques
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"(...) De trois ans l'aîné de Ravel, Vaughan Williams était déjà un compositeur aguerri et, du Quatuor en sol mineur au cycle de mélodies avec accompagnement de quatuor intitulé On Wenlock Edge (1908-1909), l'influence de Ravel paraîtrait peu sensible s'il n'y avait eu, plus tard, une quantité de musiques d'orchestre étroitement liées au Ravel de Daphnis et Chloé (Flos campi, 1925). Ravel et Vaughan Williams travaillèrent ensemble de décembre 1907 à février 1908, contact bref mais enrichissant pour les deux musiciens et qui déboucha sur de durables relations amicales. Ravel fit d'une pierre deux coups, astreignant le musicien anglais à instrumenter celle de ses pages pianistiques qu'il souhaitait entendre autrement, où à refaire certaines œuvres de Borodine ou de Rimsky d'après leurs réductions pour piano. Ce faisant, le musicien français débrouillait le chemin menant à l'orchestration de son espagnolade et il est piquant que son «cours» se soit achevé au moment même où il parachevait la vêture de sa Rhapsodie espagnole."
"(...) En avril 1909 il [Ravel] partit, en compagnie de Florent Schmitt, pour une tournée de concerts organisée par la londonienne «Société des concerts français». C'est la première fois que Ravel est amené à se produire à l'étranger et même s'il faut percevoir ici l'efficacité de Ralph Vaughan Williams, chez qui Ravel logera durant son séjour, il faut remarquer que la curiosité britannique ne pouvait s'exercer à l'égard d'un inconnu. Ravel était donc déjà joué outre-Manche et son exhibition en tant que pianiste sera le prélude à bien d'autres voyages du musicien que l'on ose opposer au génie (sédentaire) de Debussy. Au cours de ces concerts, Ravel jouera la Sonatine, les Mélodies populaires grecques et les Histoires naturelles, programme élégant mais sans concessions qui sera très bien accueilli. Rentré début mai, Ravel s'avouera amoureux des charmes paradoxaux de la City :
«Me voici à nouveau parisien, mais un parisien bien nostalgique de Londres. J'ai toujours apprécié les pays que j'ai traversés jusqu'à maintenant et pourtant j'étais parti d'ici avec une certaine angoisse de l'inconnu. En dépit de la présence de Delage, en dépit de l'exquise réception de mes collègues anglais, j'ai failli me sentir là-bas étranger à tout. Il me manquait l'accueil sensible et chaleureux qui m'attendait à Cheyne Walk pour me faire sentir chez moi dans cet environnement nouveau et me donner une idée du charme et de la magnificence de Londres, presque comme si j'étais londonien.»
[ lettre de Ravel à Mrs. Vaughan Williams, 5 mai 1909 ]
"(...) Mais à l'automne [1919], Ravel est toujours prostré, indifférent à la nouvelle du triomphe de L'Heure espagnole à Covent Garden (dix-sept rappels) :
«C'est au moral qu'il me faut veiller et je ne sais comment m'y prendre [...]. Viendrez-vous prochainement à Paris ? Je serais très heureux de vous revoir après tant de terribles années. Je serais bien allé en Angleterre la saison prochaine, mais je pense qu'il est préférable que je travaille, si j'en suis encore capable.»
[ lettre de Ravel à Ralph Vaughan Williams, septembre 1919 ]
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