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Discussion: Isaac Albéniz

  1. #1
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    Isaac Albéniz

    Je n'ai pas encore beaucoup examiné la question, mais j'imagine que quelques parutions intéressantes (des rééditions, voire certaines nouveautés) marqueront le 100ème anniversaire de la mort d'Isaac Albéniz [1860-1909] .

    Ce prétexte en valant bien un autre, et sans vouloir le moins du monde faire de l'ombre au grand Joseph Haydn (comment le pourrais-je ?), mort cent ans plus tôt et sur lequel Thierry vient d'ouvrir un fil de discussion prometteur (j'y viendrai forcément moi-même plus tard, vu mes "tonnes de disques haydniens" ), j'ouvre donc cet autre fil, certes mineur mais quasi "incontournable" lui aussi. L'année 2009 étant particulièrement riche en anniversaires musicaux, comme déjà dit à propos de Villa-Lobos, il faut bien "se partager le boulot" ...

    De l'oeuvre d'Albéniz, qui fut un enfant prodige (d'origine catalane, il se produisit comme pianiste dès l'âge de six ans), qui composa beaucoup, surtout pour le piano (de la plus insignifiante bluette de salon jusqu'à l'ultime merveille qu'est la suite Iberia), qui connut une existence particulièrement nomade et mourut avant d'atteindre cinquante ans, je ne saurais pourtant prétendre être un spécialiste. Un récent inventaire m'a en effet révélé que si j'avais sept versions complètes d'Iberia (dont un arrangement pour trois guitares -- c'est dire à quel point ce chef-d'oeuvre tend à éclipser le reste !), je possédais en revanche assez peu d'enregistrements de ses autres compositions, dont j'apprécie les plus remarquables mais parmi lesquelles j'avoue me "perdre" un peu .

    Cela dit, l'ayant réécoutée aujourd'hui même, je commence par l'une de ses oeuvres les moins "espagnoles" et - par conséquent - les plus méconnues, son opéra Merlin (1898-1902), enregistré en première mondiale pour Decca en 1999 et paru l'année suivante :



    Si, avant d'apprendre l'existence de cet opéra (enregistré ici dans sa version originale en anglais et salué à l'époque comme une "révélation", "à connaître absolument", etc.), j'en avais entendu des extraits en aveugle, il est certain que je n'aurais jamais - au grand jamais - deviné qui en était l'auteur (). Certes, je savais que Chausson [cf. Le Roi Arthus] et Chabrier [cf. Gwendoline], entre autres, avaient "fait du Wagner" (d'ailleurs fort bien), mais Albéniz ( )... Cela dit, il y a dans Merlin de très belles choses, qui révèlent une étonnante maîtrise du genre (belles lignes mélodiques, richesse de l'harmonie, remarquable traitement de l'orchestre, etc.) et prouvent à tout le moins qu'Albéniz avait bien plus d'une corde à son arc .

    Pour l'anecdote, notre compositeur devait aussi être un hôte des plus charmants, et sans doute un "bon vivant" ()... Du moins si l'on en juge par les deux photos ci-dessous, prises en 1907 et le montrant deux fois en compagnie de Gabriel Fauré (d'abord à son propre domicile, attablé avec sa femme [tout à droite] et sa fille Laura [assise entre les deux compositeurs]; puis chez Fauré [lequel apparaît assis "la cigarette au bec" ], avec Léon Tehin et Clara Sansoni, cette dernière ayant semble-t-il été l'unique élève d'Albéniz) :






    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 05/02/2009 à 20h08.

  2. #2
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    C'est une bonne idée d'avoir ouvert ce fil sur un compositeur qui est né dans un très chouette coin des Pyrénées ( je salut mes pôtes vautours au passage ) et qui a grandi en mangeant l'une des meilleures charcuterie du monde!!
    Si je retombe dessus je vais envoyer quelques photos de son patelin natal!
    En attendant je vais réécouter un peu de piano par Esteban Sanchez...

    thierry

    PS : Môssieur Jacques! Ce n'est pas un fil mineur, Albeniz n'est pas un compositeur mineur. De toutes façon, mais je vais radoter, je ne sais pas ce qu'est un compositeur majeur et un compositeur mineur...mais je ne suis pas très malin...

  3. #3
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    Puisque j'y suis, autant poursuivre d'ores et déjà avec, cette fois-ci, mes versions d'Iberia .

    A part celle de Roger Muraro et l'arrangement pour trois guitares, elles figurent toutes sur des doubles albums comportant en complément soit d'autres pièces d'Albéniz, soit des oeuvres de Granados. Je suis conscient aussi que bien d'autres versions existent, mais j'avoue ne pas - ou très mal - les connaître. Ne les appréciant guère, j'en ai d'ailleurs écarté deux qui figurent pourtant dans ma collection (je n'y avais pas pensé) : celle de Ricardo Requejo (qui manque par trop de "punch") et celle d'Yvonne Loriod (un ancien enregistrement monophonique, intéressant - surtout si l'on songe que Messiaen avait pour l'oeuvre une admiration sans borne - mais hélas sans une once de sensualité).

    Les trois versions "officielles" d'Alicia de Larrocha tout d'abord (enregistrements EMI 1959, Decca 1972 et Decca 1987) :





    Il est d'usage, dans la critique, de trouver que la plus ancienne est la meilleure, car pleine de "fougue juvénile" (elle est toutefois gâchée par une prise de son très ingrate et beaucoup de souffle de bande). On estime en revanche la deuxième (sans souffle mais très réverbérée) "moins engagée", et la plus récente (avec une prise de son presque parfaite) "décidément trop sage". J'ai quant à moi de la peine à les départager, l'interprétation étant quand même dans chaque cas d'un très haut niveau, et je suis assez sensible à la qualité de la prise de son.


    D'abord diffusée par Ensayo, la version d'Esteban Sanchez - un prodigieux pianiste espagnol, trop tôt disparu - a été récemment rééditée par Brilliant Classics (une aubaine !) sous cette forme :



    Elle est d'une puissance expressive et d'un "idiomatisme" proprement extraordinaires ("toute l'âme espagnole y réside", tour à tour âpre, nerveuse ou sensuelle), et on ne peut que regretter la médiocre qualité de la prise de son, spécialement sèche et étriquée (elle date de 1968).


    Des deux enregistrement suivants, de Roger Muraro (1996) et de José Maria Pinzolas (1991), le premier est probablement préférable :



    Pinzolas est assez retenu, encore plus "sage" que de Larrocha dans sa troisième version (tout en faisant preuve de fort belles qualités néanmoins -- on sent qu'il est "habité" lui aussi par cette musique). Quant à Muraro, il est évident qu'il "se donne complètement" (peut-être même un peu trop, car il ne peut retenir parfois d'étranges fredonnements ou bruits de gorge -- c'est infiniment moins manifeste et constant que chez Gould, mais je m'en passerais volontiers quant à moi).


    Voici enfin, signalé aux curieux (car c'est très marginal et on peut douter qu'Albéniz - qui n'a rien composé pour la guitare - l'ait approuvé sans réserve), cet étonnant arrangement pour trois guitares :



    Une véritable prouesse de la part des excellents guitaristes danois qui s'en chargent, car c'est très difficile à exécuter et à rendre. Mais le résultat, aussi intéressant soit-il, laisse quand même l'auditeur sur sa faim (c'est la puissance sonore, avant tout, qui fait ici défaut). Pour les seuls passionnés de guitare, donc ...


    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 06/02/2009 à 00h56.

  4. #4
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    Citation Envoyé par thierry h Voir le message
    je ne sais pas ce qu'est un compositeur majeur et un compositeur mineur...
    Moi non plus, Thierry (les mots "majeur" et "mineur" ayant été pris par moi, bien entendu, en leur sens premier, et non pas musical -- "mode majeur" / "mode mineur" ).

    Mais je ne voulais heurter ni mécontenter personne (enfin ceux qui restent attachés à certaines "hiérarchies" ).

    Jacques

  5. #5
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    Citation Envoyé par thierry h Voir le message
    (...) je ne sais pas ce qu'est un compositeur mineur
    Thierry, rien de tel qu'une petite recherche sur Google Images pour en savoir plus



    Sinon merci, en effet, Jacques de continuer à nous faire partager vos connaissances et votre enthousiasme pour ce compositeur, - dont je ne connais, finalement, qu'une seule oeuvre (mais je ne vous dirai pas laquelle )

  6. #6
    Membre Avatar de thierry h
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    Citation Envoyé par Philippe Voir le message
    Thierry, rien de tel qu'une petite recherche sur Google Images pour en savoir plus




    Sinon merci, en effet, Jacques de continuer à nous faire partager vos connaissances et votre enthousiasme pour ce compositeur, - dont je ne connais, finalement, qu'une seule oeuvre (mais je ne vous dirai pas laquelle )
    Heu... Quelque chose qu'on joue assez souvent à la guitare ?

    Sinon je trouve Sanchez absolument époustouflant, il est d'une décontraction, d'une classe, enfin... il joue ça comme il respire! Tout est splendide! Concernant Alicia de Larrocha je ne connais pas sa dernière version!

    Bona nit a tots!


  7. #7
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    Quelques aspects de sa ville natale, Camprodon ( 3000 habitants )






  8. #8
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    Merci, Thierry (vos photos de Camprodon et la vidéo d'Esteban Sanchez jouant "El Puerto" sont superbes !) et Philippe , d'avoir alimenté ce fil qui pour l'instant ne semble pas attirer les foules. En l'état, je n'ai d'ailleurs plus grand chose à y ajouter moi-même .

    Deux précisions tout d'abord...

    1/ L'album Brilliant Classics que j'ai montré (Esteban Sanchez interprétant Albéniz, des enregistrements distribués auparavant par Ensayo) ne contient pas deux, mais trois disques.

    2/ J'ai réécouté une grande partie de ces derniers, en vue de dire encore quelques mots du reste de la musique pour piano d'Albéniz que je connais, et je crois avoir été beaucoup trop sévère quant à la qualité de la prise de son. Il est vrai que les prises Ensayo des années 60 et 70 ne flattaient guère le bas registre du piano; mais ce qu'on entend n'est finalement pas mal du tout, en particulier les pièces autres que celles de la suite Iberia (enregistrement intervenu plusieurs années après).

    J'en profite donc pour ouvrir une petite parenthèse (tout en restant dans le répertoire espagnol ) en signalant les deux albums ci-dessous, où le génial Esteban Sanchez atteint des sommets tout aussi vertigineux :




    En ce qui concerne ces autres pièces d'Albéniz, dont j'ai des enregistrements par Alicia de Larrocha, Esteban Sanchez et Pierre Huybregts (deux albums n'ont pas été montrés, mais peu importe), elles ont pour la plupart des titres très évocateurs et font partie pour l'essentiel (à part quelques compositions distinctes comme La Vega, Pavana-Capricio, Sonata para piano No 5, etc. [Sanchez]) des suites intitulées : Cantos de España [de Larrocha / Huybregts], Suite española [de Larrocha / Sanchez / Huybregts], España, Seis hojas de album [Sanchez] et Recuerdos de Viaje [Sanchez / Huybregts].

    Mais trêve de détails compliqués, car le choix est vite fait : c'est le triple album Esteban Sanchez de Brilliant Classics qui surclasse à mon avis tout le reste (même s'il ne contient pas Cantos de España) ! A un prix si modique, et pour peu qu'on s'intéresse à cette musique, il n'y a pas d'hésitation à avoir .

    Pour le cas très improbable où quelqu'un n'aurait encore aucune idée de ces pièces (plus simples et moins abouties - moins "visionnaires" - que celles de la suite Iberia, certaines sont devenues très populaires et appréciées du "grand public"), j'en présente deux ci-dessous, sous forme de vidéos, tirées l'une et l'autre de la Suite española (c'est Alicia de Larrocha qui est au piano) :






    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 07/02/2009 à 01h46.

  9. 07/02/2009 01h03
    Motif
    c'était inutile

  10. #9
    Administrateur Avatar de Philippe
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    Jacques

    Il doit exister aussi de belles pages d'Albeniz à la guitare, sans doute ?
    Pour m'en assurer j'ai commandé (à la médiathèque) cet album, - un peu au hasard je l'avoue.


    S'y trouve cet air très connu, mais j'espère bien faire d'autres découvertes !





    Si vous avez des pistes ... je suis toujours preneur de bons conseils lorsqu'il existe de bons albums de guitare (que j'avoue parfois préférer au piano, je sais, c'est très mal ... )

  11. #10
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    C'est TRES TRES mal ; vous serez châtié.

    Asturias, faut dire, ça sonne tellement comme de la guitare qu'on dirait que c'en est, mais c'est écrit pour piano, si mes souvenirs sont bons.

    Je ne sais pas si Albeniz a écrit pour guitare, d'ailleurs?

  12. #11
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    C'est une bonne question ; la plupart de ces morceaux semblent bien être, en effet, des transcriptions... Sont-elles d'Albeniz lui-même ? j'avoue que je l'ignore...

  13. #12
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    Citation Envoyé par Philippe Voir le message
    C'est une bonne question ; la plupart de ces morceaux semblent bien être, en effet, des transcriptions... Sont-elles d'Albeniz lui-même ? j'avoue que je l'ignore...
    Bonjour à tous .

    A vrai dire, Albéniz n'a jamais écrit une seule partition pour la guitare, malgré le fait que beaucoup des pièces qu'il a composées pour le piano l'évoquent irrésistiblement, comme si elles avaient été "pensées" pour elle ! D'où l'aisance qu'ont les guitaristes à en tirer d'excellentes transcriptions, la belle vidéo de Narcisso Yepes jouant Asturias en étant un parfait exemple. A tel point d'ailleurs qu'en allant sur YouTube, on peut avoir comme première impression qu'Albéniz a beaucoup composé pour la guitare, ce qui est tout à fait trompeur ().

    C'est d'ailleurs aussi le cas de Manuel de Falla, à une exception près : Homenaje pour le Tombeau de Claude Debussy (1920), souvent joué au piano mais composé à l'origine pour la guitare.

    En revanche, d'autres célèbres compositeurs espagnols comme Turina et - surtout - Rodrigo ont beaucoup "gâté" les guitaristes, leur consacrant tout un répertoire.

    Cela dit, j'aime personnellement beaucoup la guitare, et un récital Albéniz sur cet instrument n'est en rien "sacrilège" ou "déshonorant". Sinon j'aurais totalement passé sous silence cette transcription d'Iberia pour trio de guitares (Naxos), qui à la réécoute - hier - m'a paru quand même bien séduisante .

    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 07/02/2009 à 13h57.

  14. #13
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    Bonjour Jacques,
    Savez-vous s'il existe des intégrales du piano d'Albéniz?
    Parmi les séries en cours, j'ai relevé celle de Miguel Baselga (Bis, 5 volumes parus, le sixième à paraître) et celle de Guillermo González (Naxos, 2 vol. parus, dont un double).
    Comme vous l'avez noté, le succès d'Iberia occulte le reste du corpus, mais il serait dommage de passer à côté des chefs-d'œuvre que sont La Vega et Azulejos. À mon avis, ces pièces égalent les plus belles d'Iberia.

  15. #14
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    Citation Envoyé par Gustave Voir le message
    Bonjour Jacques,
    Savez-vous s'il existe des intégrales du piano d'Albéniz?
    Parmi les séries en cours, j'ai relevé celle de Miguel Baselga (Bis, 5 volumes parus, le sixième à paraître) et celle de Guillermo González (Naxos, 2 vol. parus, dont un double).
    Comme vous l'avez noté, le succès d'Iberia occulte le reste du corpus, mais il serait dommage de passer à côté des chefs-d'œuvre que sont La Vega et Azulejos. À mon avis, ces pièces égalent les plus belles d'Iberia.
    Merci, Gustave , pour ces informations.

    S'agissant de ces séries en cours, j'étais au courant mais n'ai pas encore "testé" les enregistrements déjà parus. Mais le petit faible que j'ai toujours eu pour les intégrales () pourrait bien me pousser à m'y intéresser de très près .

    Je ne connais pas encore Azulejos. J'ai toutefois redécouvert récemment La Vega (qui figure dans l'album Esteban Sanchez de Brilliant Classics) et partage entièrement votre avis .

    J'en profite, à propos de la suite Iberia, pour préciser qu'Albéniz voulait y inclure une pièce intitulée Navarra. Mais la trouvant "trop plébéienne", il la laissa finalement inachevée et la remplaça par Jerez. Après la mort d'Albéniz, c'est son grand ami Déodat de Séverac qui se chargea de compléter Navarra, dont il respecta le style à la perfection. Alicia de Larrocha semble en tout cas beaucoup y tenir, car elle figure dans chacune de ses trois intégrales (ce qui n'est le cas d'aucun des autres pianistes auxquels je me suis référé).

    Jacques

  16. #15
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    Et l'orchestre d'Albéniz, à part ce qu'on peut entendre dans ses opéras (comme Merlin, mentionné au début) ?

    Eh bien... sans que ce soit "le désert total", il n'y a rien qui soit de première main !

    C'est le cas de la Rapsodia española, qu'Albéniz composa - pour piano seul ou pour deux pianos - peu après sa rencontre avec Liszt en 1880 (âgé d'à peine 20 ans, le jeune compositeur espagnol vénérait son aîné et - comme par hasard - interpréta brillamment à cette occasion une Rhapsodie hongroise du vieux maître) mais dont il ne fit ensuite qu'esquisser l'orchestration. Après la mort d'Albéniz, c'est apparemment Georges Enesco qui s'aventura le premier à la compléter, dirigeant l'oeuvre à Paris en février 1911 mais suscitant l'indignation de Joaquin Turina "devant cette accumulation de lieux communs espagnolisants" (). Beaucoup plus tard, en 1959, Cristobal Halffter reprit le travail "à la base", réorchestrant l'oeuvre de façon beaucoup plus satisfaisante. C'est en tout cas dans cette version que l'oeuvre est les plus souvent jouée de nos jours.

    S'agissant d'Iberia, Albéniz en orchestra lui-même quelques pages mais sans pouvoir aller bien loin. Sa veuve confia ensuite le travail au violoniste, chef et compositeur espagnol Enrique Fernandez Arbos [1863-1939], qui entre 1910 et 1927 orchestra "Evocacion", "Corpus Christi en Sevilla", "El Puerto", "Triana", "El Albaicin" et "Navarra". Le résultat est plus qu'honorable, avec même quelques très beaux moments. On peut certes regretter que Ravel, qui songea dans un premier temps, lorsqu'Ida Rubinstein lui commanda une chorégraphie qui aboutit au Boléro, à orchestrer lui aussi tout ou partie d'Iberia, ait dû finalement s'incliner devant le "privilège d'exclusivité" dont jouissait Arbos... Mais la musique eût alors été privée de l'un de ses "tubes" les plus mémorables, et c'est peut-être mieux ainsi ...

    Quant à la Suite española ou d'autres pièces, Albéniz n'a sauf erreur jamais songé à les orchestrer. Rafael Frühbeck de Burgos s'est toutefois attelé à la tâche (dans les années 60, semble-t-il, et avec le même respect qu'Arbos), orchestrant sous ce titre : "Castilla", "Asturias", "Aragon", "Cadiz", "Sevilla", "Granada", "Cataluña" et "Cordoba" (cette dernière pièce étant tirée de Cantos de España et remplaçant "Cuba").

    Dans le double album Decca ci-dessous, on trouve - entre autres - de bonnes interprétations de cette orchestration partielle d'Iberia par Arbos (avec Ansermet et l'OSR), de la version Cristobal Halffter de la Rapsodia española (avec Alicia de Larrocha, Frühbeck de Burgos et le LPO) et de la Suite española telle qu'orchestrée par Frühbeck de Burgos (lui-même dirigeant le New Philharmonia Orchestra) :



    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 12/02/2009 à 01h45.

  17. #16
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    Ce disque Turina, Albeniz est très chouette... Merci Jacques de l'évoquer!

  18. #17
    Membre Avatar de Jacques
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    Depuis la dernière fois, j'ai continué à "tournicoter" un peu autour d'Albéniz, faisant une ou deux constatations et me posant quelques questions de moindre importance .

    A la F*** de Lausanne, cet après-midi, j'ai vu en tout cas sans surprise que l'anniversaire qui s'attache à ce compositeur n'était pas le moins du monde "célébré", pas plus d'ailleurs que pour Martinu ou pour Villa-Lobos (s'agissant en revanche de Haendel, de Mendelssohn et surtout de Haydn, aucun "souci" à se faire ).

    Je me suis aussi posé la question de l'existence d'éventuels disciples ou continuateurs qu'Albéniz aurait pu avoir ... Mais en musique, "tout bougeait" à grande vitesse à l'époque de sa mort (1909), et bien qu'il ait inspiré une admiration profonde à ses plus jeunes collègues espagnols (en particulier à de Falla, qui lui dédia ses Cuatro piezas españolas d'un style encore assez proche), on n'en trouve pas vraiment parmi les plus connus.

    Sauf peut-être Joaquin Turina [1882-1949], qui reçut d'Albéniz à Paris en 1907, à l'issue de "cette mémorable soirée" au cours de laquelle fut donné en première audition son "très franckiste" Quintette Op. 1 (il avait fréquenté la Schola), un conseil décisif qui changea toute sa carrière et lui fit reprendre avec talent "le flambeau du rhapsodisme ibérique". Manuel de Falla, soit dit en passant, était aussi un ami proche de Turina, et c'est à ce dernier, excellent pianiste, qu'il demanda de tenir la partie de piano d'El amor brujo à la création de l'oeuvre à Madrid en avril 1915.

    Certains esprits chagrins ou mal disposés ne voient encore en Turina qu'un compositeur "de second plan", sans audace ni originalité particulières, qui fut "franckiste" à ses débuts et "franquiste" à la fin de sa vie (... pardon pour ce jeu d'écritures un peu sournois, mais je l'ai vu une fois quelque part ). Ce qui n'aide pas beaucoup son oeuvre abondante, inégale, mais souvent splendide à être mieux connue hors d'Espagne. L'intégrale de sa musique pour piano chez Naxos en est quand même à son cinquième album, celle d'Albéniz (que Gustave m'a incité à me procurer aussi) ayant un peu moins d'avance car initiée plus tard. Mais toutes deux sont à mon avis d'un très bon niveau.

    Enfin, puisqu'il a été question de compositions pour guitare et ce "repreneur de flambeau" en ayant pour sa part écrit quelques-unes (essentiellement pour Segovia, entre 1923 et 1932), je montre encore ci-dessous, à côté d'un portrait de Turina à l'époque où Albéniz lui donna en personne cet "électrochoc artistique", un intéressant album Harmonia Mundi où est enregistrée l'intégrale de ces pièces (à savoir Sevillana Op. 29, Fandanguillo Op. 36, Rafaga Op. 53, Sonata Op. 61 et Homenage a Tarrega Op. 69 -- les compléments Tango No 2, extrait de Tres Danzas Andaluzas Op. 8, et Cinco Danzas Gitanas Op. 55 n'étant que des adaptations par Turina lui-même de certaines de ses propres pièces pour piano) :



    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 22/02/2009 à 01h50.

  19. #18
    Membre Avatar de Amitiou
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    Effectivement, j'ai découvert ce compositeur car ma compagne en jouait, et je me suis pris à l'apprécier, alors que je suis très loin des compositeurs d'origine espagnole. Du niveau écriture, il est quand même très loin de Franck...sa musique pour piano est resplendissante, et je recommande sa symphonie pour piano seul ou concerto pour piano seul, je ne me souviens plus du titre du morceau.

    Concernant la célébration de Haydn et de Mendelssohn, c'est normal, car on les a beaucoup mis également comme compositeurs de second plan, alors que, et surtout pour Haydn, ils ont inspirés plusieurs générations de compositeurs.
    Haendel a toujours eu une certaine renommée.
    Il est vrai que pour Villa-Lobos et Martinu, deux très grands compositeurs, c'est regrettable.
    Et Albeniz également ne reçoit pas l'honneur qu'il mérite. mais c'est avec tous les compositeurs eclipsés par les "Grands", Bach, Mozart et Beethoven... Et c'est dommage, car ces gens-là ne viennent pas de nulle part!
    Amicalement vôtre.

  20. #19
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    Citation Envoyé par Jacques Voir le message
    Je me suis aussi posé la question de l'existence d'éventuels disciples ou continuateurs qu'Albéniz aurait pu avoir ... Mais en musique, "tout bougeait" à grande vitesse à l'époque de sa mort (1909), et bien qu'il ait inspiré une admiration profonde à ses plus jeunes collègues espagnols (en particulier à de Falla, qui lui dédia ses Cuatro piezas españolas d'un style encore assez proche), on n'en trouve pas vraiment parmi les plus connus.

    Sauf peut-être Joaquin Turina [1882-1949], qui reçut d'Albéniz à Paris en 1907, à l'issue de "cette mémorable soirée" au cours de laquelle fut donné en première audition son "très franckiste" Quintette Op. 1 (il avait fréquenté la Schola), un conseil décisif qui changea toute sa carrière et lui fit reprendre avec talent "le flambeau du rhapsodisme ibérique". Manuel de Falla, soit dit en passant, était aussi un ami proche de Turina, et c'est à ce dernier, excellent pianiste, qu'il demanda de tenir la partie de piano d'El amor brujo à la création de l'oeuvre à Madrid en avril 1915.

    Certains esprits chagrins ou mal disposés ne voient encore en Turina qu'un compositeur "de second plan", sans audace ni originalité particulières, qui fut "franckiste" à ses débuts et "franquiste" à la fin de sa vie (... pardon pour ce jeu d'écritures un peu sournois, mais je l'ai vu une fois quelque part ). Ce qui n'aide pas beaucoup son oeuvre abondante, inégale, mais souvent splendide à être mieux connue hors d'Espagne. L'intégrale de sa musique pour piano chez Naxos en est quand même à son cinquième album, celle d'Albéniz (que Gustave m'a incité à me procurer aussi) ayant un peu moins d'avance car initiée plus tard. Mais toutes deux sont à mon avis d'un très bon niveau.

    Enfin, puisqu'il a été question de compositions pour guitare et ce "repreneur de flambeau" en ayant pour sa part composé quelques-unes (essentiellement pour Segovia, entre 1923 et 1932), je montre encore ci-dessous, à côté d'un portrait de Turina à l'époque où Albéniz lui donna en personne cet "électrochoc artistique", un intéressant album Harmonia Mundi où est enregistrée l'intégrale de ces pièces (à savoir Sevillana Op. 29, Fandanguillo Op. 36, Rafaga Op. 53, Sonata Op. 61 et Homenage a Tarrega Op. 69 -- les compléments Tango No 2, extrait de Tres Danzas Andaluzas Op. 8, et Cinco Danzas Gitanas Op. 55 n'étant que des adaptations par Turina lui-même de certaines de ses propres pièces pour piano) :

    Jacques
    Jacques

    Merci pour toutes ces précisions et indications discographiques...
    Si je puis me permettre, il n'y a rien de sournois à appeler un chat un chat et à rappeler les amitiés de Turina pour le National catholicisme de Franco et sa bande mafieuse... Surtout en ce mois de février, anniversaire de la Retirada des Républicains espagnols... il y a 70 ans...

    thierry

  21. #20
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    Citation Envoyé par thierry h Voir le message
    Si je puis me permettre, il n'y a rien de sournois à appeler un chat un chat et à rappeler les amitiés de Turina pour le National catholicisme de Franco et sa bande mafieuse... Surtout en ce mois de février, anniversaire de la Retirada des Républicains espagnols... il y a 70 ans...

    thierry
    Bonsoir Thierry ,

    Quand j'étais encore étudiant, autrement dit il y a maintenant très longtemps, j'ai été chargé d'un travail de longue haleine sur la Guerre civile d'Espagne par mon professeur d'histoire (un ancien admirateur de Maurras, mais qui s'en était ensuite écarté après avoir lu, de Bernanos qui pourtant était de l'Action française, le formidable pamphlet anti-franquiste intitulé Les Grands Cimetières sous la lune). Et je me suis acquitté de cette tâche de manière on ne peut plus "orientée à gauche" (sauf que certains événements survenus à Bercelone entre Républicains, des faits que j'ignorais auparavant totalement, n'avaient pas manqué de me troubler -- à leur sujet, je vous renvoie à un certain film de Ken Loach, le grand réalisateur anglais trotzkyste). A l'époque, à la seule idée que ce compositeur s'était "compromis avec le camp fasciste", je n'aurais pas toléré d'écouter une seule note de Turina. Pour des raisons analogues, ce qui me semblait tout naturel, je "vomissais" aussi en bloc tout ce qu'avaient pu composer "les deux Richard" (Wagner et Strauss), de même d'ailleurs qu'un certain Florent Schmitt...

    Puis, petit à petit et en me forçant un peu, j'ai appris à séparer de mieux en mieux art et politique, mes sympathies et mon orientation concernant cette dernière ne changeant pas d'un pouce pour autant. En d'autres termes, j'ai pris conscience qu'en persistant dans une telle attitude, s'agissant de musique, je me serais quand même privé de bien trop de choses de grande valeur (en littérature c'est autrement plus difficile, et je reste toujours incapable d' "encaisser" Céline, pour ne prendre que cet exemple)...

    Jacques

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