Plusieurs d'entre vous connaissent sans doute déjà ce documentaire traitant d'un sujet troublant et délicat s'il en est : l'Orchestre Philharmonique de Berlin sous le nazisme. Réalisé par Enrique Sanchez Lansch pour la Première chaîne allemande, il est sorti il n'y a pas très longtemps en DVD (2007) sous la forme suivante :
Je m'attendais pour ma part au pire. Et il faut en effet bien s'accrocher pour supporter les insanités proférées par Goebbels prenant la parole au début d'un concert, comme celui où Furtwängler dirige ensuite une fervente Neuvième de Beethoven. Ou pour voir ce même chef offrir aux ouvriers d'une grande usine, en 1942 dans le cadre de l'organisation "Kraft durch Freude" et sur une estrade ornée de croix gammées, une exécution marquante de l'ouverture des Maîtres chanteurs de Wagner. Aux côtés de Furtwängler, d'autres figures importantes de la musique sont bien sûr évoquées elles aussi dans cet affreux contexte (comme Richard Strauss, qu'on voit brièvement diriger son "Hymne olympique" en 1936, ou le chef Hans Knappertsbusch), et ça fait très mal de les voir ainsi, en dépit des réticences qu'on leur prête à l'égard de ce régime monstrueux.
J'ai tout de même été dans l'ensemble rassuré d'apprendre ce qu'il advint de cet orchestre, qui dès 1933 passa du statut qu'il avait de société privée à celui d'organe d'Etat et de "vitrine prestigieuse de la culture musicale allemande" (alors que ses membres juifs, en même temps qu'étaient retirés tous les portraits de Mendelssohn trouvés dans le bâtiment où se donnaient ses concerts, en étaient impitoyablement exclus sans aucune exception). Tout au long de cette période, l'orchestre compta certes une poignée de nazis actifs en son sein, faisant tout pour influencer les autres musiciens. Mais la grande majorité d'entre eux, en dépit de faveurs "princières", se signala au mieux par un refus catégorique de toute prise de position favorable au régime, au pire par la passivité - souvent dictée par la peur - qui paralysa tant d'Allemands à cette époque de mal absolu.
De tous les membres de l'orchestre ayant vécu ces temps abominables il ne reste que deux survivants, maintenant extrêmement âgés, et c'est sur leurs témoignages (ainsi que sur celui d'un descendant - vivant en Amérique - de l'un des musiciens juifs exclus) que l'auteur de cet intéressant documentaire se fonde pour l'essentiel.
Jacques