Beaucoup de grands fans de la diva ont une curieuse manie: ils préfèrent écouter ses enregistrements "live" au son parfois épouvantable que ses bons, disponibles et bien connus enregistrements de studio.
Il y a parfois un côté "plaisir d'initié" dans cette manie: un vrai fan de Callas doit être capable de renoncer à la HI-Fi et à son confort pour s'offrir le voyage dans le temps qu'offre ces instants miraculeusement préservés de vie et d'échange avec un public enthousiaste ou hostile.
Plus le son est proche de celui d'une retransmission en ondes courtes sur un vieux postes à lampes, relayée par un téléphone et recaptée au micro sur un vieux magnétophone dont la bande a été ultérieurement machée par une portée de chiots, plus la passion du callassophile qui réussira à jouir en l'entendant est considérée comme profonde!
Qu'en est-il pour le mélomane de base non fanatique?
Il faut faire la part des choses:
Certains documents (comme les Norma de Mexico ou de Trieste) sont réellement proches du rigoureusement inécoutable.
Certaines interprétations de Callas sont préférables dans leur version studio que dans leur versions "live" (par exemple Rigoletto et "I Puritani")
Mais heureusement, tous les "live" n'ont pas un son pourri. Certains sont même d'une qualité sonore totalement satisfaisante, tout à fait comparable à celle d'un enregistrement studio.
C'est le cas par exemple de la célèbre Lucia di Lammermoor dirigée par Karajan ou de la Sonnambula d'Edimbourg récemment publiée (relativement cher!...) par Testament.
Car le miracle est là: on découvre de temps en temps de nouvelles bandes jalousement conservées dans des collections privées: Testament a aussi publié une bande des "Vèpres Siciliennes" d'une qualité très supérieure à celle qu'on connaissait jusqu'à présent.
Les "live" de Callas sont indispensables quand il s'agit d'oeuvres qu'elle n'a pas enregistré en studio (ou, en tous cas, pas de façon satisfaisante), ou quand ils perpétuent le souvenir d'instants uniques d'interaction avec le public ou de coups de génie interprétatifs, nés du feu de l'action, et non reproduits ultérieurement dans l'objectivité froide du studio.
Les mêmes représentations paraissent parfois chez des éditeurs différents avec des qualités sonores très variables suivant les labels.
EMI, l'éditeur officiel s'est mis aussi à publier des live de sa diva fétiche, et ses coffrets, s'ils sont les plus luxueux au niveau présentation et livret, ne sont pas toujours les meilleurs du niveau sonore, loin de là.
Par exemple la Traviata de Lisbonne avec Kraus et la "Anna Bolena" de la Scala sont d'une qualité sonore incomparablement supérieure dans l'édition très économique de MYTO (sans livret, mais avec de jolies photos noir et blanc sur la pochette).
Beaucoup de merveilles dans cette collection MYTO:
La Traviata de Londres 1958 avec Valleti et Rescigno, (la meilleure de toutes les Traviata de la diva, on en a déjà parlé sur un autre fil).
La Médée de Dallas.
etc... (on en reparlera)
La Norma du 7 décembre 1955 vient de paraître dans cette collection et j'ai pu la comparer à l'édition "Gala" précédemment disponible.
Rappelons d'abord que c'est la meilleure Norma de Callas qui bénéficie de la présence de son Adalgisa préférée et complice: Giulietta Simionato, qu'elle n'avait pas pu retrouver (Simionato était liée par contrat à DECCA pour un enregistrement avec Cerquetti, jamais achevé ni publié) dans son second enregistrement studio avec Zaccaria et Corelli.
Pour les discophles, cette rencontre ratée était resté un éternel regret que ce live réussit à apaiser.
La qualité sonore est dans l'ensemble très correcte, à deux problèmes près: il manque le premier quart d'heure de l'oeuvre (la bande commence un peu avant l'air de Pollione), et l'air "Teneri figli" est perturbé par le passage d'une Vespa d'époque qui avait oublié son anti-parasite.
Pour le quart d'heure manquant Myto a fait comme Gala: emprunté l'extrait à la version de la RAI datant de la même année 1955 avec le même Mario Del Monaco. C'est donc Giuseppe Modesti et non Nicolas Zaccaria qui chante le premier air d'Orovese, le personnage de Flavio change d'interprète au cours de la seconde scène, et on s'aperçoit que l'orchestre de la Scala sonne beaucoup mieux que celui de la RAI.
Cette chirurgie passe inaperçue dans l'édition Myto, alors que le collant est plus qu'audible (trou, différence d'acoustique, et bien pire, différence de "pitch", donc de diapason) dans l'édition Gala.
Pour le second problème technique. Myto a conservé l'intégralité du document, malgré le bruit parasite.
Gala, par contre, a utilisé à nouveau une pièce raccommodée empruntée à la version de la RAI avec des collants plus discrets que pour le premier raccord.
Dans l'ensemble: la restauration Myto m'a paru plus confortable à l'oreille que la précédente et confirme la grande qualité de cette collection, très économique de surcroit.