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Discussion: Maurice Ravel

  1. #1
    Membre Avatar de Alfredo
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    Maurice Ravel

    On a beaucoup parlé de Debussy sur ce forum.

    On a moins parlé de son faux-jumeau de son double contraire: Ravel.

    A la fois le plus génial des émules de Debussy et l'anti-Debussyste absolu: le seul qui a réussi dépasser le maitre, en faisant tout le contraire, au lieu de chercher bêtement à l'imiter.... (Ce qu'avait été Debussy pour Wagner, en fait!...)

    Ravel est aussi un de mes compositeurs fétiches. Un des rares dont dont j'ai l'oeuvre intégrale, dont je thésorise la moindre miette, et dont je réécoute les oeuvres quasi quotidiennement avec un émerveillement et une émotion intacte.

    Quelques évidences, quelques pistes et quelques clefs pour ceux qui, comme Nicolas, sont encore hermétiques (comment est-ce possible?..) à son oeuvre.

    Le Boléro n'est pas, loin de là, son oeuvre la plus significative, c'est même une création tout à fait marginale dans son parcours, même si les raisons qui la font aimer du grand public sont typiquements "Ravéliennes".

    L'oeuvre intégrale de Ravel peut tenir en moins de vingt CD.
    Aucune grande symphonie, aucun grand opéra, rien que des "petits trucs" de dix minutes ou un quart d'heure. De petits bijoux fascinants de forme et d'éclat parfait, recelant malgré leur froideur de pierre précieuse un potentiel émotionnel absolument explosif, pour qui sait trouver le mécanisme d'ouverture.

    "Ça n'a pas mordu ce soir, mais je rapporte une rare émotion!..."

    Cette phrase initiale de la mélodie "Le martin-pêcheur" décrit mieux que toute autre la démarche artistique de Ravel, s'attaquant toujours à de grands projets fleuves, pour n'en garder en définitive, après tout un travail de distilation et d'alchimie ,que de petits échantillons de quelques millilitres d'elixir magique surperconcentré.


    Même Daphnis et Chloé, sa seule oeuvre "développée", peut être considéré comme une "faiblesse coupable": une oeuvre pour laquellle il a inexpliquablement négligé de jeter au feu les trois quart de la partition comme il le faisait habituellement.
    On peut estimer que le grand public qui n'a conservé de l'oeuvre que la "2ème suite" a fait le travail de tri à sa place.

    Debussy était le musicien des reflets, des songes et des brumes, écrivant à regret et par défaut pour des instruments matériels des approximations sans cesse retravaillées de musiques entendues dans ses rêves. Debussy aurait sans doute préféré pouvoir écrire des musiques mobiles, aux partitions modifiables, différentes d'une exécution à l'autre, des musiques "libres" dégagées de toute structure formelle, s'épanouissant de façon différente à chaque fois comme des nuages ou des volutes de fumée.
    Il a laissé autant de manuscrits inachevés que de partitions finies, et encore même quand ses oeuvres étaient éditées, il continuait encore à modifier sans cesse ses manuscrits, souvent de façons contradictroires, il aurait sans doute souhaité que la musique puisse se tranmettre directement de pensée à pensée, par transfusion sanguine ou par implant cérébral sans qu'aucun moyen instrumental matériel n'en dénature la substance irréelle.
    Il y a dans sa démarche quelque chose de chimérique et de vain, et son génie est de nous avoir transmis sa folie en nous ayant donné l'illusion qu'il avait parfaitement réussi à atteindre son but!... alors que lui aussi comme tous les autres n'a fait qu'écrire de banales notes sur des portées et des oeuvres très simplement structurées...

    Ravel, c'est le contraire: l'oeuvre écrite est "parfaite", non modifiable, comme le serait une grille de mots croisés, sans cases noires ou presque, et qui en plus pourrait se lire comme un texte poétique dans le sens horizontal, vertical et en diagonale!... Pas une seule lettre ne peut être changée!
    Un véritable tour de force formel, qu'on imagine calculé avec une précision d'architecte, et souvent pimenté d'un humour pince sans rire destiné à désamorcer d'un clin d'oeil complice les réactions trop admiratives...
    De plus, Ravel détruisait toujours ses brouillons une fois la partition éditée, pour que rien ne reste accessible des hésitations et des tatonnements de la création, une fois l'oeuvre parfaite achevée.

    Ravel se veut, s'affirme sans cesse comme un artisan méticuleux, refoulant comme une obscénité les moindres épanchements émotionnels romantiques, en taillant au micron près ses purs joyaux transparents et durs.
    Mais l'émotion refoulée se venge: plus elle est comprimée plus elle devient concentrée et plus elle acquiert de la force, et la minuscule parcelle d'Uranium enrichi qui finit par subsister au coeur du petit diamant final contient plus d'émotion que toutes les symphonies de Tchaikovski réunies! Une émotion d'autant plus percutante, pénétrante et explosive qu'elle est épurée de toutes ses délayages et de toutes ses scories.

    On n'a pas assez souligné les analogies entre Ravel et un de ses illustres contemporains: l'écrivain James Barrie, auteur de Peter Pan.
    Derrière l'apparence lisse du dandy tiré à quatre épingles, froid, ironique et cinglant, Ravel camouflait comme dans un coffre fort blindé, la vulnérabilité d'un coeur d'enfant mal grandi: au sens propre (Ravel et Barrie étaient des hommes de très petite taille) comme au figuré: impuissance sexuelle (alors que beaucoup de ses oeuvres musicales débordent d'un érotisme panthéiste totalement tellurique et dévastateur!...), attachement maladif à la mère, passion viscérale pour les jouets et les automates, les histoires de pirates, les contes de fées et les cauchemars délicieusement terrifiants!...

    <<Je sens battre son coeur!...>>
    aurait-il dit, émerveillé en approchant son oreille d'un oiseau mécanique!...

    Avoir un sourire ému en lisant cette phrase, c'est commencer à entrer dans le mystère Ravélien!....
    Dernière modification par Alfredo ; 03/04/2009 à 18h38.

  2. #2
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    J'approuve chaleureusement et le fond (à une ou deux nuances près mais vraiment des broutilles) et la forme (bravo!).

    Le trio, la sonate pour violon et violoncelle, pour ceux qui imagineraient que c'est seulement un colorieur (pour moi ce n'est jamais un colorieur, à dire vrai) ; "l'enfant et les sortilèges" pour tout le monde...; les "trois poèmes de Stéphane Mallarmé"...

    (je ne parle pas de ses tubes ; mais ce ne sont pas des tubes pour rien!)

  3. #3
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    Alfredo est fortiche pour nous donner de précieuses chloés afin de pénétrer l'univers de Ravel...

    C'est un tube : je suis dingue, dingue, dingue du Quatuor...


  4. #4
    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Aucune grande symphonie
    Si, si y'en a une! Ravel considérait Daphnis et Chloé comme une "symphonie chorégraphique en trois parties [...] L'œuvre est construite symphoniquement selon un plan tonal très rigoureux, au moyen d'un petit motifs dont les développements assurent l'homogénéité symphonique de l'ouvrage" (Roland-Manuel, Esquisse biographique, dictée par Ravel)


  5. #5
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    Maurice Ravel 1875-1937

    DAPHNE et CHLOE

    SUITE 2

    Lever du jour (5 min)


    Pantomime (5 min)


    Danse générale (4 min)

  6. #6
    Moui...
    Beaucoup plus idiomatique:


    à partir de 3'05

    ou encore...



    ou bien:




  7. #7
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    Oui... bon... Evidemment comparer le Grand Charles et le K. c'est un peu cruel... D'accord, Berlin comme à la parade ! Mais quitte à se vautrer dans les sonorités, fort belle hein! de cet orchestre, je préfère l'écouter dans la formidable version de Pierre Boulez, avec un Emmanuel Pahud à tomber par terre dans la sublime Pantomime ( cette pantomime est pour moi l'une des plus belles musiques de Ravel )




  8. #8
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    Moi, je craque toujours pour la version Cluytens avec la sensualité des sonorités frenchies d'époque et le lyrisme inimitable du chef:


  9. #9
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    je trouve la version de Boulez en 75 avec le NYP très supérieure à celle de Berlin. Malheureusement Sony ne semble pas avoir réédité en CD le vinyl CBS.

  10. #10
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    Il me semble que si, enfin je n'ai pas la date mais je ne crois pas qu'il ait enregistré deux fois Daphnis chez sony :
    http://www.amazon.fr/Ravel-Daphnis-C...8792017&sr=1-1

  11. #11
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    << je trouve la version de Boulez en 75 avec le NYP très supérieure à celle de Berlin. Malheureusement Sony ne semble pas avoir réédité en CD le vinyl CBS.>>

    Mais si, mais si!... (la prise de son est un peu sèche)




    Je remets l'image de ma version préférée:

    Dernière modification par Alfredo ; 03/04/2009 à 22h59.

  12. #12
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    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    je trouve la version de Boulez en 75 avec le NYP très supérieure à celle de Berlin. Malheureusement Sony ne semble pas avoir réédité en CD le vinyl CBS.
    Tiens... Je ne la connais pas !

  13. #13
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    Je ne connais pas la version de Berlin, mais, si je puis me permettre, c'est bien dommage que vous ne connaissiez pas la version de New York.

  14. #14
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    Claude Debussy 1862-1918

    LES NOCTURNES

    pour comparer Debussy et Ravel

    Nuages (8 min)


    Fêtes (5 min)


    Sirènes (10 min)

  15. #15
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    << je ne crois pas qu'il ait enregistré deux fois Daphnis chez sony >>

    Boulez a enregistré chez CBS la deuxième suite seule (avec choeurs) avec Cleveland puis, quelques années après l'intégrale avec New York.
    La prise de son est moins mate avec Cleveland.

  16. #16
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    oui vous avez raison ; je parlais du ballet intégral, en fait, mais je n'avais pas été très précis

  17. #17
    Membre Avatar de thierry h
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    Je ne connais pas la version de Berlin, mais, si je puis me permettre, c'est bien dommage que vous ne connaissiez pas la version de New York.
    Oh! Mais je sens qu'on va réparer tout ça et vite !

    Sinon pour rester dans les années 70, il existe également une fort belle version par Amsterdam et Kondrachine ! Elle doit être à nouveau disponible dans les gros coffret édités dernièrement par RCO Live ! Sinon elle doit trainer dans un coin de mon compte SM !

  18. #18
    Membre Avatar de Alfredo
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    << LES NOCTURNES pour comparer Debussy et Ravel >>

    Les mystères fantomatiques de la nuit contre l'éblouissement grisant de la lumière!

  19. #19
    Membre Avatar de JYDUC
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    Je vais sans doute enfoncer une porte ouverte, mais Ravel est tellement plus accessible que Debussy. Lorsque j'étais ado, Debussy me faisait fuir ; j'en avais peur ; Ravel, lui, c'était tout le contraire. Cela dit, je n'ai jamais vraiment aimé le Boléro, juste l'interprétation que l'on en donne, ni la Pavane pour une infante défunte ; en revanche, "Ma mère l'Oye", la Valse, les deux concertos, ainsi que sa musique de chambre, me ravissent toujours autant.
    Debussy, donc, c'est une évolution de l'oreille, à partir de "L'après-midi d'un faune" et, à un degré moindre, de "La mer". Quant à "Pelléas...", ce n'est même pas un opéra. C'est une île, une seule, sur une planète noyée par les océans. Je n'y aime pas tout, certes, mais certaines scènes sont absolument fascinantes. L'impression qu'il n'est pas possible de faire mieux, ni aussi bien, quand on a commencé dans ce style si personnel, si novateur... Malgré cela, je comprends les détracteurs de cette musique.

    Bien l'bonjour chez vous

  20. #20
    Membre Avatar de Alfredo
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    << Je vais sans doute enfoncer une porte ouverte, mais Ravel est tellement plus accessible que Debussy... >>

    Cela dépend des gens. Je connais des gens qui pensent le contraire.

    La différence essentielle c'est que dans Ravel "Il y a toujours une mélodie" ,ce qui rassure, alors que Debussy joue souvent avec l'émiettement. Mais je connais des gens que la violence comprimée de Ravel effraie bien plus que les vertiges Debussystes.

    << Quant à "Pelléas...", ce n'est même pas un opéra. C'est une île, une seule, sur une planète noyée par les océans.>>

    Vous me faites penser à ce film, où on parle d'opéra, d'ailleurs, le connaissez-vous?

    http://www.lemonde.fr/cinema/article...4508_3476.html

    Le scénario mélange habilement deux romans célèbres:
    "Le chateau des Carpathes" de Jules Verne
    et "L'invention de Morel" d'Adolpho Bioy Casarès

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