Yvonne Lefébure

[Jacques]

Je ne sais pas s'il est bien raisonnable d'ouvrir un fil de discussion spécial sur Yvonne Lefébure (1898-1986), une pianiste d'exception qui connut personnellement - et fut l'amie de - Fauré, Ravel et Dukas, qui eut notamment pour élèves Dinu Lipatti, Samson François et Michaël Levinas, mais à laquelle plusieurs hommages dispersés ont déjà été rendus sur ce forum.

Quoi qu'il en soit, je croyais n'avoir d'elle que deux récitals. Or je viens d'en retrouver deux autres (avec quelques "recoupements", mais pas beaucoup), et leur écoute m'a plongé dans l'enthousiasme le plus total . D'où mon idée...

Ces quatre disques sont les suivants :







Le premier disque n'est autre que le CD joint au DVD "Une Leçon de vie", un must absolu, totalement jubilatoire, que je recommande chaleureusement .

Le disque Fauré/Dukas est la merveille qu'avait signalée Alfredo sur le fil consacré à Fauré, avec Thème et variations, les Nocturnes Nos 6, 7, 12 et 13 et les Impromptus Nos 2 et 5 (Fauré), ainsi que Variations, Interlude & Finale et Prélude élégiaque (Dukas).

L'album Dukas/Roussel/Debussy comprend à nouveau ces deux dernières oeuvres avec en plus La Plainte au loin du faune (Dukas), ainsi que Trois pièces pour piano Op. 49 (Roussel) et le Livre 1 des Préludes (Debussy).

Quant au récital Ravel, il comporte Le Tombeau de Couperin, Jeux d'eau, Ma Mère l'Oye et Valses nobles et sentimentales, étant précisé que c'est la pianiste Gersende de Sabran qui se joint à Yvonne Lefébure pour interpréter Ma Mère l'Oye.


Ces sonorités très claires, ces tempi rapides ne sont peut-être plus ce qui se fait couramment de nos jours, mais c'est absolument extraordinaire !


Il n'y a hélas sur Youtube, à ce jour, qu'une seule - et très brève - vidéo où apparaît cette prodigieuse pianiste, si j'ai bien cherché. Elle montre d'abord Vlado Perlemuter dans un passage du Concerto pour la main gauche (Ravel), puis on voit pendant quelques instants Yvonne Lefébure interprétant la Sonate No 31 Op. 110 de Beethoven (où elle se permet même de "rater" une note -- mais quelle énergie, quel tempérament !).

Voici cette vidéo :

[/URL]


Jacques

[thierry h]

Jacques, le disque Ravel est superbe... Bonne idée que ce sujet... Intéressante vidéo en effet ! Après faudra plus se moquer de Lang Lang... Sinon j'ai lu quelque part qu'Yvonne Lefébure a joué un jour devant Claude Debussy... Debussy a été très content et lui a fait un gros bisous sur le front... voila!

[Philippe]

tous
Hé bien en ce qui me concerne, même si le nom ne m'est pas inconnu, je ne crois pas avoir jamais rien entendu d'elle
Curieux de voir ce dont il retourne, je suis allé faire un tour sur MusicMe et j'écoute en ce moment même le concerto n°20 de Mozart par ladite dame et Furtwängler : ça décoiffe !!!

[Jacques]

Merci, Thierry, d'avoir mentionné cette anecdote amusante (rencontre avec Debussy) que je ne connaissais pas .

Cela dit, si Yvonne Lefébure parlait avec une passion communicative des grands compositeurs français qu'elle adorait (que ce soit Debussy, Fauré, Ravel, Dukas et d'autres encore), je crois tout de même que le compositeur qui l'enthousiasmait le plus, et avec lequel elle se sentait pour ainsi dire "en totale communion", c'était Beethoven.

A un moment, en tout cas, sur le DVD "Une leçon de vie", elle affirme avec des transports de joie : "Beethoven, c'est mon homme !!!"

Jacques

[thierry h]

A un moment, en tout cas, sur le DVD "Une leçon de vie", elle affirme avec des transports de joie : "Beethoven, c'est mon homme !!!"

Jacques

Beaucoup d'humour la d'moiselle !

[Jacques]

Curieux de voir ce dont il retourne, je suis allé faire un tour sur MusicMe et j'écoute en ce moment même le concerto n°20 de Mozart par ladite dame et Furtwängler : ça décoiffe !!!

Bonsoir Philippe .

Je ne connais pas cette interprétation, mais que "ça décoiffe" ne m'étonne pas du tout. Elle était ainsi, Yvonne Lefébure . Un tempérament "à tout casser", avec aussi beaucoup de profondeur d'analyse et... d'humour.

J'ai regardé je ne sais combien de fois le DVD que j'ai évoqué, notamment l'émission où elle était invitée par Jacques Chancel ("Le Grand Echiquier", milieu des années soixante-dix sauf erreur), et c'est vraiment stupéfiant. Voir ensuite cette grande musicienne, alors âgée de presque 80 ans, interpréter avec fougue et une virtuosité ahurissante le Concerto en sol de Ravel, c'est presque "à tomber à la renverse" .

"On n'en fait plus, des comme ça..."

Jacques

[Amitiou]

Personnellement je ne la connais également que de nom!
Faudra que je me penche sur le problème.

[hideux67]

tous
Hé bien en ce qui me concerne, même si le nom ne m'est pas inconnu, je ne crois pas avoir jamais rien entendu d'elle
Curieux de voir ce dont il retourne, je suis allé faire un tour sur MusicMe et j'écoute en ce moment même le concerto n°20 de Mozart par ladite dame et Furtwängler : ça décoiffe !!!

Il existe une autre version du 20e de Mozart avec Casals (couplée au 22e par Serkin/Casals) :






La video de la sonate de Beethoven a été diffusée intégralement dans Classic Archive (sur la 5e, il y a quelques années) en compagnie du programme Chopin/Ravel de Perlemuter. Attendez qu'Arte, Mezzo ou Medici TV, ou EMI Classic Archives rediffusent ce magnifique enregistrement.

[Jacques]

De cet extraordinaire DVD consacré à Yvonne Lefébure ("Une leçon de vie"), dont je ne saurais trop recommander l'acquisition car il est d'une richesse inépuisable, je me suis amusé à tirer quelques "snapshots" que je montre ci-dessous .

Voici tout d'abord quelques photos de la grande pianiste, prises à divers moments de sa longue existence :







Sur la première photo, on la voit probablement telle qu'elle était quand elle joua, toute jeune, devant Gabriel Fauré et Claude Debussy (ce dernier lui donnant un "gros bisou sur le front", tant il fut content ). La quatrième la montre aux côtés d'Alfred Cortot, son maître qu'elle admirait profondément mais dont elle différait du tout au tout. Sur la sixième, on la voit en 1968 à Saint-Germain-en-Laye, avec assise au piano son élève Catherine Collard (alors toute jeune), prononçant un petit discours à l'occasion du Concours Debussy.


Les deux images suivantes montrent Yvonne Lefébure, toute exaltée de se retrouver dans ce qu'elle appelle "la patrie même" de Debussy, le "coeur de son univers", s'entretenant avec Mildred Clary dans un jardin de Saint-Germain-en-Laye :




Les images suivantes ont été prises lors de l'émission "Le Grand Echiquier", à laquelle Jacques Chancel l'avait invitée et qui permit à Yvonne Lefébure de donner toute la mesure de son humour, de son intelligence musicale prodigieuse et de son immense talent (très volubile, du ton inimitable qu'elle avait - cette façon de prononcer le français comme on devait le faire à Paris au début du XXème siècle -, elle exprime notamment son amour du travail et sa passion pour la musique, puis elle interprète diverses pièces, seule ou avec accompagnement d'orchestre) :








Voici enfin deux images montrant l'infatigable pédagogue et "dépositaire de la tradition" qu'elle était (il s'agit ici de l'une de ses célèbres "master classes") enseignant à une jeune fille la bonne manière d'interpréter Des pas sur la neige (Debussy) et à un jeune homme comment Ravel voulait qu'on jouât Jeux d'eau (à ce propos, je n'ai encore jamais entendu quelqu'un décrire avec autant de pénétration , en quelques phrases simples et imagées, tout ce qui à la fois "différencie" et "rapproche" les deux compositeurs) :




Jacques

[lebewohl]

Le jeune homme à chemise bleue à large col derrière Madame Lefébure, sur la première photo du Grand Echiquier, ressemble à Georges Pludermacher : serait-ce lui? les dates sont-elles compatibles?

[Jacques]

Le jeune homme à chemise bleue à large col derrière Madame Lefébure, sur la première photo du Grand Echiquier, ressemble à Georges Pludermacher : serait-ce lui? les dates sont-elles compatibles?

Bonjour Lebewohl .

C'est fort possible qu'il s'agisse de Georges Pludermacher, encore que je ne puisse pas l'affirmer avec certitude.

Mais pour ma part, je crois bien que c'est lui, vu l'apparence qu'il a, une dizaine ou une quinzaine d'années plus tard, sur certains disques que j'ai de lui .

Jacques

[Jacques]

Il existe une autre version du 20e de Mozart avec Casals (couplée au 22e par Serkin/Casals)

La video de la sonate de Beethoven a été diffusée intégralement dans Classic Archive (sur la 5e, il y a quelques années) en compagnie du programme Chopin/Ravel de Perlemuter. Attendez qu'Arte, Mezzo ou Medici TV, ou EMI Classic Archives rediffusent ce magnifique enregistrement.

Un grand merci pour tous ces renseignements !

Je vais faire mon possible pour acquérir ces documents (le disque Sony et cette vidéo) .

Jacques

[hideux67]

Il suffit d'en parler et cela existe :

THE FRENCH PIANO SCHOOL

Vlado Perlemuter: RAVEL: Concerto for the Left Hand
Vlado Perlemuter (piano); l'Orchestre Philharmonique de l'ORTF Source: INA
RAVEL: Le Tombeau de Couperin,Toccata; CHOPIN: Etude Op.25 No.11,
Mazurka Op.17 No.4 Source: BBC
Yvonne Lefébure: BEETHOVEN: Piano Sonata No.31 Op.110 Source: INA
Robert Casadesus: FAURÉ: Thème et variations, Op.73, thème, 1.], 2, 11
Hephzibah Menuhin: SCHUBERT: 12 Waltzes for Piano, D969 'Valses nobles'
Dino Ciani: CHOPIN: Nocturne in E major, Op.62 No.2 Source INA

Among the rediscovered treasures are recordings of three outstanding representatives of the French Piano School:Vlado Perlemuter, who worked closely with Ravel on many of his compositions, demonstrates his superb mastery of the composer's Piano Concerto for the Left Hand in this Paris recording of 1966; Yvonne Lefébure, also well known for the multitude of compositions dedicated to her, goes from strength to strength with her Beethoven interpretations; Robert Casadesus proves himself yet again as an outstanding interpreter of French repertoire.

The two bonus tracks feature Hephzibah Menuhin, who studied for several years in Paris with Marcel Ciampi, and Dino Ciani who came to perfect his art under the guidance of Alfred Cortot.

Picture Format: NTSC · 4:3
Sound Formats: PCM Mono
Region Code: 0
Booklet Notes:Tracklisting in English, French, German
B/W Running Time: 66 mins
FSK: all


Medici arts DVD NTSC 3078578

[hideux67]

Et un peu plus sur l'homme de sa vie :




Joue l’opus 106

Piano Sonata No. 29 (Hammerklavier) Op. 106
Piano Sonata No. 32 Op. 111

Carl Maria von Weber: Invitation a la Valse Op. 65

Yvonne Lefébure - piano

This recording of two outstanding Beethoven sonatas and Weber’s Invitation to dance (the French refer to this piece as a waltz) demonstrate the dedication and brillance that French pianist Yvonne Lefébure brought to the piano.

Solstice SOCD238


+ les Diabelli chez les "Rarissimes" d'EMI (avec le 20e de Mozart par Furt) :

[hideux67]

Disque avec des bandes équivalentes (Roussel, Debussy) au cd Vogue présenté ci-dessus.

Et concernant l'éternel débat :

Couperin : au piano ou au clavecin ?
Debussy et Roussel au piano acoustique ou au clavinova ?



WORKS FOR PIANO

Couperin: Le Tic-Toc-Choc, Les baricades mistérieuses
Debussy: Ist book of preludes
Roussel: Allegro con brio, Allegro grazioso, Allegro con spirit

Yvonne Lefébure (piano)

Following the death of Yvonne Lefébure (1986) the contents of this disc, of which Book 1 of Debussy’s preludes form the essential part, were released on the Vogue label. A few years later an English label, Coup d’Archet issued the same programme on LP! Recently however it has been discovered, purely by chance, that Yvonne Lefébure had in fact bequeathed all her recording rights to the Solstice label! So at last Solstice is able to release this fine recording that completes a comprehensive survey of her recordings, which without doubt, constitutes a first rate piano legacy.

Solstice SOCD239

[hideux67]

Il y a ça aussi :

[Jacques]

J'ai comme l'impression que mon porte-monnaie (via ma carte de crédit), vu les commandes que toutes ces nouvelles informations m'incitent à passer, risque d' "en prendre un sacré coup" dans les jours à venir ...

Merci en tout cas infiniment d'avoir signalé ces diverses publications, dont plusieurs m'étaient encore totalement inconnues .

Jacques

[The Fierce Rabbit]

Puisqu'à ma grande satisfaction certains sur ce forum semblent découvrir avec bonheur et se passionner pour de grandes dames françaises du clavier, je me permets d'attirer leur attention sur une contemporaine d'Yvonne L. qui ne bénéficia peut-être pas d'autant de notoriété mais n'en fut pas moins une belle représentante de notre école nationale.
Pour mon goût, cela vaut plus qu'un simple coup d'oreille en passant.

http://www.doremi.com/delabrucholleri.html

Et puis si vous trouvez des enregistrements d'Aline van Barentzen, allez-y voir aussi un peu, c'est très fréquentable.

Bonne fin de week-end à tous.

[lebewohl]

Et on m'a dit que Lucette Descaves n'était pas non plus à ignorer totalement. En tout cas son concerto de Jolivet dirigé par Bour est ma foi fort bien, mais il est vrai que les points de comparaison sont limités (une fois en concert par Marie-Josèphe Jude).

[Jacques]

Monique de la Bruchollerie [1915-1972] et Lucette Descaves [1906-1993] ont été de très grandes pianistes elles aussi, ce qu'il était opportun de rappeler .

Si Yvonne Lefébure demeure peut-être moins "oubliée" aujourd'hui, elle le doit sans doute à son intense activité de pédagogue et aux liens personnels qu'elle a noués très tôt avec quelques grands compositeurs, en particulier Fauré, Dukas et Ravel. D'où son prestige (d'ailleurs amplement mérité).

J'en profite pour signaler que j'ai retrouvé dans ma collection un cinquième disque d'elle, qui est le suivant (NB: mon scanner reproduit mal les lettres dorées, de sorte qu'on distingue tout juste, en haut à gauche, les noms BEETHOVEN et SCHUBERT -- mais j'ai fait de mon mieux) :



En conclusion du texte extrêmement fouillé par lequel il présente cette version très personnelle des Variations Diabelli de Beethoven, Michel P. Philippot écrit ceci (cf. aussi l'anecdote que j'ai signalée au post 5 ) :

"Comme pour les Variations, rendre compte de l'interprétation d'Yvonne Lefébure est une chose difficile car, là aussi, l'indispensable maîtrise instrumentale s'efface, comme elle le doit, devant la profonde compréhension de la musique : c'est presque accomplir un miracle. Pourquoi donc ne pas céder la parole à Alain qui, jadis, écrivait à l'interprète la lettre dont nous extrayons ces quelques lignes : «L'oeuvre est reçue par une nouvelle fille de Beethoven, qui la comprend, la modère et la console. Je voudrais dire que dans une interprétation telle, le rapport des doigts aux sons se trouve renversé; les mains recueillent et calment un bruit cosmique; le vieil Oedipe a son Antigone, servante prompte et non distincte. Ici mon imagerie mythologique est redoublée par ceci que Beethoven était sourd... Qu'ai-je appris alors, sinon la marche du frivole irrité au sublime apaisé ? J'avais bien remarqué déjà une manière de commencer qui vous est propre; en musique, le commencement fait tout; il exige la suite. Et j'ai pensé alors, sans savoir que Beethoven était votre Dieu : heureux, selon mon opinion, celui qui va de la violence à la charité, car il n'y a point d'autre chemin...»"


Jacques