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Discussion: Ahmed Adnan Saygun (1907-1991)

  1. #1
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    Ahmed Adnan Saygun (1907-1991)

    Pour ceux qui aiment sortir des sentiers battus, voici quelques mots sur la découverte la plus importante qu’il m’ait été donnée de faire dans le catalogue, pourtant riche de centaines de compositeurs peu connus, du label CPO, le compositeur turc Ahmed Adnan Saygun (1907-1991), dont les cinq symphonies ont été magnifiquement enregistrées par l’orchestre d’Etat de Rhénanie-Palatinat sous la direction éclairée d’Ari Raisilainen.

    Notes biographiques

    Ahmed Adnan Saygun est né en 1907 à Izmir. Fils d’un professeur de mathématique mais aussi membre de l’ordre soufiste des Mevlevi, il a montré très tôt des dispositions pour la musique, pratiquant le piano et les instruments traditionels (oud et luth) composant dès l’âge de 14 ans. Professeur de musique avant l’âge de 20 ans au sein de son propre lycée, il a bénéficié d’une bourse d’étude de trois ans en 1928 qui lui permit de suivre à la Schola Cantorum l’enseignement d’Eugène Borrel et de figurer parmi les derniers élèves de la classe de composition de Vincent d’Indy, puis de Paul le Flem.

    Avec Ulvi Cemal Erkin, Cemal Reşit Rey, Hasan Ferit Alnar, et Necil Kazim Akses, il forma le groupe des Cinq Turcs qu’on considère comme les réformateurs et les premiers compositeurs l’école nationale turque, étroitement encouragés par Kemal et ses successeurs. Auteur des deux premiers opéras turcs, Saygun est celui dont la carrière connut le retentissement international le plus important. Lorsque Bartok fut invité en 1936 par le gouvernement turc à un voyage d’étude à travers l’Anatolie, c’est Saygun qui l’accompagna, relevant en sa compagnie divers chants et danses folkloriques qui devaient nourrir plus tard sa musique de piano : leurs discussions incitèrent Saygun à se lancer dans la composition de quatuors à cordes, dont le premier fut créé à Paris en 1951, et le second à New York par le Julliard String Quartet. En dirigeant en 1958 son oratorio de 1946 (sur des poèmes de) Yunus Emre devant les Nations Unies, Stokowski lui apporta une renommée internationale.

    Entre 1952 et 1985, Saygun se consacra essentiellement à la musique symphonie, écrivant 5 symphonies et 5 concertos dans un style néo-classique et post-romantique qui utilise l’orchestre européen et des tournures inspirées des modes de la musique traditionnelle qui peuvent rappeler le travail des musiciens soviétiques d’Azerbaïdjan ou de Géorgie, avec plus de liberté dans l’intégration des techniques contemporaines comme le montre le finale de sa deuxième symphonie qui présente des exemples de polytonalité et de polyrythmie assez saisissants (dès 1933 il avait composé un quatuor pour clarinette, saxophone, piano et percussions). A l’écoute de tous les courants qui ont parcouru le 20ème siècle, poursuivant inlassablement des recherches sur l’unification des modes pentatoniques grecs, orientaux et nordiques (ses travaux sur le folklore finlandais lui vaudront la médaille Sibélius) Saygun a écrit une musique très personnelle, très structurée, brillamment orchestrée, qui le place aux côtés de Martinu et de quelques néo-romantiques américains parmi les figures les plus originales de la musique tonale du siècle dernier.



    Sur le site Musica et Memoria , on trouvera, en plus d’un résumé biographique l’article d’Eugène Borrel qui fut son professeur (et grand spécialiste lui-même de la musique orientale ancienne) parue dans la revue musicale de France en mai 1947 à l’occasion de la première parisienne de l’oratorio Yunus Emre, opus 26.

    http://www.musimem.com/saygun.htm

    J’en extrait ces quelques lignes qui paraissent s’appliquer particulièrement bien à Saygun, à ce qu’on peut s’attendre à y trouver, ou non, compte tenu que sa musique vocale est souvent plus facile et de nature plus populaire que sa musique instrumentale :
    « Cerains auditeurs ont été déçus de ne pas retrouver ce qu’ils croient constituer les éléments de la couleur locale, notamment les secondes augmentées et les rythmes bizarres (chers à l’art arabo-persan du sérail de Constantinople)… Une partie des chants anatoliques (dont beaucoup sont à 4 temps) appartient à des échelles très voisines de nos premiers et deuxième modes grégoriens ; il faut louer l’auteur d’avoir su conserver à ces thèmes leur caractère modal, par l’emploi de pédales inhérentes à l’essence même de ces cantilènes ».

    Pour les amateurs de piano spectaculaire (dans la lignée des Toccata de Prokofiev ou de Khachaturian) voici Horon (qu’on entend plus souvent dans la version violon et piano de la Demet suite opus 33)

    Gülsin Onay (élève de Saygun, dédicataire du second concerto pour piano) joue 2 préludes sur des rythmes Aksak au Bilkent Hall d’Ankara


    Finale du concerto pour violon
    Dernière modification par sud273 ; 24/05/2009 à 23h29.

  2. #2
    Membre Avatar de thierry h
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    ...La vache... ça décoiffe ! Je vais illico m'occuper de ce compositeur... Et puis un pote de Bartok mérite toute mon attention !!!
    Merci !


  3. #3
    Membre Avatar de Jacques
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    Je m'associe à ce que vient d'écrire Thierry .

    Car là, vraiment, si le compositeur portugais Luís de Freitas Branco m'était vaguement connu mais pratiquement pas sa musique, le compositeur turc Ahmed Adnan Saygun aussi bien que les quelques musiques de lui que j'ai pu entendre sont pour moi des découvertes absolues .

    "Affaire à suivre", donc ...

  4. #4
    Merci pour cette présentation. D'autres vidéos dans la discussion sur la Turquie. Il va falloir que je réécoute ces symphonies qui ne m'avaient pas enthousiasmé.

  5. #5
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    Le monde est petit ; hier je n'avais jamais entendu parler de ce compositeur, et voilà un fil sur lui, et le soir-même je trouve une revue d'un enregistrement de sa musique.
    Le commentateur (dans la revue étatsunienne Fanfare) raconte que Saygun avait écrit à Bartok pour corriger un de ses écrits (de Bartok) sur la musique anatolienne ; ils sont devenus à l'occasion d'un voyage en Turquie que Bartok fit ensuite. Il a écrit un ouvrage sur Bartok qui lui valut des récompenses en Hongrie (et il a épousé une cantatrice hongroise).

    Le disque en question :




    avec la 2e sonate et la 1ère rhapsodie de Bartok, la suite Opus 3 et la sonate opus 20 de Saygun.

    Chaleureusement recommandé par Fanfare, qui recommande aussi l'enregistrement des concertos pour piano 1 et 2 par Gülsin Onay et Howard Griffiths (chez cpo), enregistrement auquel Fred Audin fait allusion plus haut :


  6. #6
    Membre Avatar de thierry h
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    ...Et dans ClassicsToday les enregistrements CPO sont chroniqués et fort bien notés... Par exemple les Quatuors :

    http://www.classicstoday.com/review.asp?ReviewNum=9884

  7. #7
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    je ne connais pas encore les quatuors (mais je ne désespère pas...), ni le disque Bartok-Saygun, comparaison sans doute intéressante. Il semble que ce soit Bartok qui ait poussé Saygun à écrire des quatuors et que beaucoup de leurs discussions aient autant porté sur ce genre que sur la musique traditionnelle.
    Je crois que le livre auquel il est fait allusion constituait la parution du "rapport" de Bartok sur la musique en Turquie, augmenté par les recherches de Saygun.
    J'ai un penchant assez affirmé pour la symphonie sous toutes ses formes. Le disque de concertos est excellent est accessible, mais je pense que je conseillerais pour une première approche réussie la 3ème symphonie, absolument magnifique et d'une très belle construction.

  8. #8
    J'ai réécouté les symphonies 3 et 5. Je dois dire que j'ai éprouvé nettement plus de plaisir que lors de ma première écoute. Mais peut-être est ce moi qui m'accoutume à la musique symphonique, à force d'abnégation.
    Thierry et Jacques, le disque est sur SM.




    Un ami turc m'avait vanté les mérites de l'oratorio Yunus Emre, quelqu'un connait ?


  9. #9
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    Citation Envoyé par vernin Voir le message
    J'ai réécouté les symphonies 3 et 5. Je dois dire que j'ai éprouvé nettement plus de plaisir que lors de ma première écoute. Mais peut-être est ce moi qui m'accoutume à la musique symphonique, à force d'abnégation.
    Thierry et Jacques, le disque est sur SM.
    Un grand merci pour cette information (présence sur SM des Symphonies 3 et 5 d'Ahmed Adnan Saygun) !

    Jacques

  10. #10
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    Citation Envoyé par Jacques Voir le message
    Un grand merci pour cette information (présence sur SM des Symphonies 3 et 5 d'Ahmed Adnan Saygun) !

    Jacques
    Merci aussi !

  11. #11
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    Citation Envoyé par vernin Voir le message
    Un ami turc m'avait vanté les mérites de l'oratorio Yunus Emre, quelqu'un connait ?
    Oui
    Tandis que les quatuors de Saygun m'avaient laissé une impression mitigée, comme si quelque chose d'« inachevé » venait assombrir la qualité généralement prenante de la composition (et de l'interprétation), Yunus Emre est une oeuvre parfaitement "finie". Comme l'explique Sud, c'est Ataturk lui-même qui encouragea Saygun et le « groupe des cinq » à redynamiser une musique classique turque originale dans l'optique d'une conception moderne édifiée sur des traditions nationales.
    Ataturk, qui considérait la musique comme l'un des critères les plus importants d'une civilisation, prônait pour l'état qu'il fondait, une "prédominance de la culture" et voyait "les arts et la science comme [ses] deux enfants jumeaux".
    L'oratorio Yunus Emre de Saygun (sur mon compte SM avec le double album des quatuors) est pour moi l'une de ses meilleures réalisations :


  12. #12
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    Chaleureusement recommandé par Fanfare, qui recommande aussi l'enregistrement des concertos pour piano 1 et 2 par Gülsin Onay et Howard Griffiths (chez cpo), enregistrement auquel Fred Audin fait allusion plus haut :

    J'ai également recommandé chaudement ce joli disque (illustré d'une aquarelle de Macke). La critique est ici:
    http://classiqueinfo-disque.com/spip...php?article758

  13. #13
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    J'ai également recommandé chaudement ce joli disque (illustré d'une aquarelle de Macke). La critique est ici:
    http://classiqueinfo-disque.com/spip...php?article758
    N'aurais-je pas les bonnes lectures ?

  14. #14
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    si fait! c'est juste l'occasion de comparer avec l'avis des critiques américains

  15. #15
    Membre Avatar de Couack
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    Un grand merci à Fred pour cette alléchante introduction à l'oeuvre d'un compositeur dont j'ignorais jusqu'au nom.

    Ca m'a pris un peu de temps et j'arrive plusieurs heures après la bataille, mais j'ai écouté tous les cd CPO qui regroupent les 5 symphonies et les concertos (deux pour piano, un pour violon, un pour alto et un pour violoncelle). Le sentiment que j'en retire est assez mitigé :

    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    Saygun a écrit une musique très personnelle, très structurée, brillamment orchestrée, qui le place aux côtés de Martinu et de quelques néo-romantiques américains parmi les figures les plus originales de la musique tonale du siècle dernier.
    Par exemple, je trouve ce constat assez optimiste : le style de Saygun ne m'a pas paru extraordinairement original. Ses symphonies sont écrites dans un style hyper-chromatique, avec un orchestre qui fonctionne la plupart du temps en gros blocs uniformes (cordes/cuivres), c'est-à-dire sans beaucoup de raffinement. Fred faisait allusion à la musique américaine, et le parallèle me semble très clair : la 1ère symphonie fait beaucoup penser à Copland - c'est d'ailleurs pour moi la plus réussie, car la seule où il semble s'intéresser à l'orchestre - et les autres à Piston.

    Autre défaut à mon avis : le climat m'a semblé uniformément brutal et menaçant, il n'y a pour ainsi dire par de zone où la tension s'appaise, on est continuement plongé dans la même atmosphère, sans contraste. Ca m'a semblé le cas pour toutes les symphonies (sauf la 1) et les concertos.


    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    « Cerains auditeurs ont été déçus de ne pas retrouver ce qu’ils croient constituer les éléments de la couleur locale, notamment les secondes augmentées et les rythmes bizarres (chers à l’art arabo-persan du sérail de Constantinople)… Une partie des chants anatoliques (dont beaucoup sont à 4 temps) appartient à des échelles très voisines de nos premiers et deuxième modes grégoriens ; il faut louer l’auteur d’avoir su conserver à ces thèmes leur caractère modal, par l’emploi de pédales inhérentes à l’essence même de ces cantilènes ».
    A vrai dire je fais partie de ces auditeurs déçus : je n'ai pas trouvé ça très "turc", même si ça se justifie musicologiquement comme le révèle le texte qui précède. Si les modes anatoliens ressemblent aux modes grégoriens, ça ressemble en effet à ce qu'on a déjà entendu ailleurs. Je n'attendais pas de l'accompagnement de danse du ventre, mais je suppose que la musique anatolienne doit avoir des rythmes spécifiques qu'il ne semble pas du tout utiliser dans sa musique symphonique - ou alors dilués de telle façon qu'ils sont indiscernables.

    Sur le cd Naxos de sa musique pour piano, c'est du reste très apparent : la pièce Anadolu'dan ("de l'Anatolie") utilise précisément des rythmes beaucoup plus riches et plus originaux que ses pièces symphoniques.

    Mis à part ça il faut admettre que c'est bien écrit, avec des architectures claires et une très grande cohérence. Tout s'enchaîne impeccablement sans aucune faute de goût, et malgré les regrets exprimés plus haut j'ai passé un bon moment à écouter ces oeuvres. Pour ne rien gâter les pochettes sont magnifiques - mais c'est presque toujours le cas chez CPO...

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