J'ouvre ce fil pour signaler une absolue merveille, probablement passée inaperçue en Europe, comme elle était passée à côté de ma propre attention pendant de longues années.
Les quatuors à cordes de Beethoven deviennent pour moi de jour en jour, à chaque année qui passe, de plus en plus l'alpha et l'oméga de la musique.
A partir de l'opus 59 No.3 jusqu'aux dernières mesures de l'opus 135, c'est à un niveau d'inspiration et de génie que les mots ont beaucoup de mal à décrire.
Moi qui n'ai pas assez de temps pour découvrir les autoroutes infinies de la musique de la seconde moitié du XX ième siècle et de la musique contemporaine, cela reste le seul corpus pour lequel je continue à m'enrichir de nouvelles lectures au disque qui m'ouvrent à chaque fois des perspectives nouvelles sur les beautés de ces oeuvres, et je ne rate non plus aucun concert donnant ces oeuvres à l'endroit où je me trouve.
Depuis les disques des quatuors Capet, Calvet, Budapest première formation et Bush dans les années 30, jusqu'à la superbe lecture du Quatuor Takacs, en passant par les grandes lectures des années 50: Hongrois, Vegh, Budapest dernière formation et Hollywood pour les quatuors de la fin, ceux des années 60: Juilliard, ceux de la charnière des années 60 à 70: Italiano, Fine Arts (les vrais), Vegh II, Vlach et Yale et Smetana pour les quatuors de la fin, ceux des années 70: Talich, Berg et Lasalle pour les quatuors de la maturité, l'intégrale très inégale, mais avec des fulgurances, des Juilliard à la Library of Congress au début des années 80, celle des Lindsays et celle des Melos dans les années 80, celle des Guarneri à la charnière des années 80-90, celle des Emerson dans les années 90 et même celle des Prazak au tournant du siècle (qui ne me semble pas valoir tout le bien qu'on en a écrit d'ailleurs, et qui est, à mes oreilles, derrière la plupart de celles que j'ai citées dans ce message), je pensais ne pas avoir laissé passer grand chose.
Et puis, j'ai acquis, presque par hasard, l'intégrale que le Cleveland Quartet a enregistrée pour Telarc, à la suite de leur tournée d'adieu, où ils ont joué essentiellement le corpus du Grand Sourd, avant leur démantèlement en 1995, dans leur dernière formation, et je ne cesse de découvrir combien leur lecture est merveilleuse.
Certes, comme tous les quatuors américains, par rapport à leurs homologues européens, il manque la joie et l'allégresse: comme si le Grand Sourd était encore trop une source d'admiration timide pour les grands ensembles américains pour pouvoir le "tutoyer" dans cette composante là.
Mais, à par cela, quelle hauteur de vue, quelle compréhension intime, quelle jeu habité, plein, riche, inventif.
Commencez par l'andante con moto quasi allegretto de l'opus 59 No 3 ou l'adagio quasi un poco andante de l'opus 131 ou encore l'enchaînement de l'allegro assai Alla Danza Tedesca et de la Cavatine de l'opus 130 pour vous rendre compte que le voyage va être immense et merveilleux.
Le Cleveland Quartet a arrêté ses activités en 1995. Comme ils l'expliquent sur le site internet qui leur est consacré, ils étaient épuisés et l'enseignement leur manquait.
Depuis ils ont oeuvré de façon incessante pour la promotion de jeunes quatuors à cordes talentueux.
Heureux ceux qui ont eu ces quatre musiciens comme professeurs: it is priceless.