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Discussion: Lev KNIPPER, l'espion qui venait du froid

  1. #1
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    Lev KNIPPER, l'espion qui venait du froid

    Nous sommes demain dimanche, voici donc une édition spéciale d'Ici Moscou, le journal que vous n'achèterez pas:

    J'ai parlé ailleurs de Lev Knipper, et il restera beaucoup à en dire, car le peu qui est accessible de son oeuvre montre qu'il fut un compositeur de talent, et qualité suprême, d'une grande persévérance puisqu'il écrivit en 1972 sa 21ème symphonie, ce qui le place pour la production dans le peloton de tête des compositeurs du 20ème siècle, avec Miaskosky, Hovanness, Havergal Brian et... Leif Segerstam.

    Les curieux peuvent consulter la brochure éditée par le Chant du Monde:
    http://www.chantdumonde.com/Publishe...rochure36p.pdf
    il est probable qu'on ne peut pas faire mieux: ou si justement, pour tout ce qu'elle passe sous silence. Comment expliquer qu'un compositeur de talent (techniquement au moins Knipper est l'un des grands compositeurs soviétiques) à la tête d'une pareille production n'ait connu que si peu d'enregistrements?

    Malgré cette absence de témoignages, la 13ème symphonie est restée une oeuvre mythique (qui trouvera le vinyl qui le montre?) L'enregistrement de la 4ème qui contient le tube mondial Plaine ma Plaine (Poliushko Polie) a changé ma vie, puisque je ne songeais pas avant à partager le peu de connaissances que j'avais et que le fait de la retrouver (merci Philippe) m'a permis d'écrire quelques lignes sur la musique soviétique, probablement celle qui me touche le plus au 20ème siècle avec l'avant-garde internationale des années 20, et reste pour le moins négligée des histoires officielles.

    Mais il n'est pas question ici de parler de la musique, mais de raconter une histoire, dont les personnages sont (photo extraite de la brochure ci-dessus)


    Lev et sa tante Olga Knipper-Chekhova, épouse d'Anton Chekhov (photo 1947)

    et sa soeur, Olga Chekhova, première épouse de Mikhail Chekov, fils du frère aîné du dramaturge, et actrice la plus célèbre du cinéma allemand après Marlene Dietrich et Zarah Leander


    Olga et sa soeur Ada, photo déchirée

    Considérez cependant que ce n'est pas moi qui parle et qu'il ne s'agit que de raconter un roman d'épouvante, susceptible de distraire le chaland.


  2. #2
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    Le mystère Knipper
    (traduction de l’article de Jill Kitson, donnant la transcription de la conférence d’Anthony Beevor sur son livre –Le mystère Olga Chekhova- en 2004 au festival de Littérature de Cheltenham)

    Antony Beevor :
    Aux premières heures du 9 mai 1945, la radio de Moscou annonça la reddition de l’Allemagne. La population de Moscou descendit dans les rues pour célébrer la victoire finale sur l’envahisseur allemand. Le Kremlin organisa une grande parade militaire sur la Place Rouge pour commémorer l’issue de la Grande Guerre Patriotique. Des membres du Théâtre d’Art de Moscou pensèrent qu’ils devaient aussi apporter leur pierre à l’édifice, témoignant de la survie de la culture russe devant l’holocauste nazi. Ils décidèrent de donner une représentation exceptionnelle. La mouette de Chekov brodée sur le rideau de scène de leur théâtre rendait le choix de l’auteur inévitable. Le choix se porta sur son ultime pièce La Cerisaie. La veuve de Chekov, membre fondateur de la compagnie jouerait le rôle de la propriétaire, Ranyevskaya. Elle l’avait créé 41 ans plus tôt en janvier 1904, sous les yeux de ses amis, Chaliapin, Maxim Gorky et Rachmaninov.

    Les années de la Révolution et du stalisnisme n’avaient pas été faciles mais elle avait survécu, récompensée comme Artiste du Peuple dès 1928, ce qui sous Staline ne constituait pas un passe-droit. Durant toute la guerre elle avait craint d’être arrêtée par la police secrète, le NKVD : cette peur, au temps de l’espionnage généralisé était compréhensible. Tans son père que sa mère étaient d’origine allemande. Son frère avait assisté l’Amiral Koltschak, commandant les armées blanches de la guerre civile en Sibérie, et son neveu préféré, le compositeur Lev Knipper, avait fait partie des officiers des armées Blanches, combattant les Bolcheviques dans le sud de la Russie. Mais plus dangereux encore, sa nièce Olga Chekhova (sœur de Lev Knipper) avait été la star de l’industrie cinématographique allemande, honorée depuis 1936 cille « Actrice d’Etat » du 3ème Reich, et selon la rumeur adorée d’Hitler. Des photos d’elle aux côtés du Führer durant des réceptions officielles circulaient et les Knipper-Chekhov étaient une famille immigrée dans la xénophobie de l’ère stalinienne. Qu’ils aient survécu à la guerre civile et à la terreur était en soi un fait étonnant.

    Pendant toute la durée de la guerre, Olga Knipper-Chekhova n’avait plus été invitée à parler à la radio ou à se produire sur scène comme auparavant, et maintenant il s’avérait que la victoire n’avait pas allégé la paranoïa du régime stalinien. La récente vague de dénonciations et de raids du NKVD avaient laissé les moscovites dans l’angoisse d’une reprise des purges. En cette soirée de portée significative, il n’avait pas dû être aisé pour elle de se sentir à l’aise dans son rôle, bien qu’elle l’ait joué plus d’un millier de fois, mais elle s’en tira bien. Le rideau final tomba sur le bruit hors-scène des hâches s’attaquant aux premiers cerisiers de la plantation. Le public nombreux se leva comme un seul homme pour faire une ovation en cette circonstance particulièrement émotionnelle. Olga Knipper-Chekhova baissa les yeux jusqu’à entrevoir les premiers rangs. Dans l’assistance une femme élégante, d’une quarantaine d’année, lui envoya un salut discret. Olga Knipper-Chekova recula et s’effondra dans la coulisse, terrorisée. La vamp qui venait de la saluer, au beau milieu de la capitale soviétique triomphante n’était autre que sa nièce, Olga Chekhova, la star régnant sur le cinéma nazi et l’actrice favorite d’Hitler !



    Ce livre a trouvé son origine non loin de Moscou dans un petit musée dédié à Anton Chekhov. Il y a quatre ans, tandis que je faisais des recherches sur la Bataille de berlin, j’entendis de la bouche de la mère de Luba, ma merveilleuse assistance depuis une dizaine d’année, cette histoire extraordinaire. La nièce de Chekhov avait été rapatriée de Berlin à Moscou au moment même où la bataille faisait encore rage. En fait un avion avait été spécialement affrété, et Viktor Abakumov, patron du SMERSH, le service de contre-espionnage s’était déplacé en personne pour aller la chercher. Le musée Chekhov de Melikhovo était sur le chemin de la dacha de Vinogradov, et je demandai à Luba de m’y laisser au cas où je trouverai quoi que ce soit d’intéressant dans ses archives. Je n’espérai pas grand-chose mais la véracité de l’histoire paraissait un point à vérifier.

    Melikhovo, propriété d’Anton Chekov dans les années 1890 s’étendait sur 600 acres de bois de boulots et de champs non cultivables, regroupant une petite maison de rondins de bois et quelques bâtiments annexes… Dans l’une de ces petites huttes mal éclairés se trouvait un placard aux portes délabrées à l’intérieur duquel étaient rangés des dossiers et des lettres de famille. Des documents émanants du Smersh s’y trouvaient, confiés au premier cousin d’Olga, Vladimir Knipper, dans les années 1990, au moment où l’effondrement du régime avait permis leur transmission aux victimes de la terreur. C’était une exception, car, objectivement, Olga Chekhova n’avait pas été une victime.
    Parmi ces documents figuraient des rapports, certains initiés par Beria lui-même, comportant des commentaires sur l’époque à laquelle Olga avait été rapatriée à Moscou fin avril 1945. Il était évident, à la façon dont ils en parlaient, qu’elle était tenu en haute estime par l’espionnage soviétique. Iol faut rappeler qu’en ce temps-là, les émigrés russes blancs démasqués à Berlin étaient assassinés ou rapatriés pour être déportés vers les Goulags. Il y avait même des lettres d’Olga au redouté Abakumov, portant l’en-tête, « Cher Viktor » et s’enquerrant de quand elle aurait le bonheur de le revoir. Tout ceci semblait confirmer les allégations d’un chef du NKVD parmi les gardes du Kremlin, selon lesquelles Abakumov aurait conduit Olga dans une résidence sûre du NKVD, pour des ébats sexuels, aussitôt après son retour à Moscou…

    Olga était compromise dans des jeux dangereux et avait besoin de tous les alliés potentiels qu’elle pouvait trouver. Le rapport du général Vardis, chef du Smersh en Allemagne, et responsable de l’identification post-mortem du corps d’Hitler, faisait un tableau détaillé de tout ce que ses services avaient fait pour Olga lorsqu’elle revint à Berlin en Juin 1945. Elle fut traîtée comme une VIP. Le Smersh l’installa dans le secteur soviétique, dans une maison luxueuse, bien située, pourvue d’une garde rapprochés, de voitures, d’essence, d’argent, et même d’une vache à traire pour avoir du lait frais. Berlin était en ruine et sa population mourait de faim. On confia même à Olga une arme dont elle se servit pour tirer sur les soldats soviétiques ivres qui tentaient de voler sa voiture. Tout Allemand trouvé avec une arme était exécuté sur le champ et les membres de sa famille avec. Il est évident qu’elle n’aurait pas été traîtée comme une princesse si elle n’avait pas rendu d’éminents services à l’Union Soviétique.



    Nous avons découvert plus tard qu’Olga, comme son frère Lev, avaient été directement appointés par Beria, chef du NKVD, et le NKVD n’aurait certainement pas laissé leurs rivaux du SMERSH mettre leur nez dans des opérations confidentielles. Mais comment une fille de la haute bourgeoisie tsariste en était-elle arrivée à jouer un rôle aussi important dans l’espionnage soviétique ?

    Olga avait 16 ans en 1914 quand elle rencontra Mikhail Chekov, son cousin par marriage. Misha était un jeune acteur brillant, choisi par Konstantin Stanislawsky, co-fondateur du Théâtre d’Art de Moscou, et qui révolutionna l’art drammatique à l’aube du 20ème siècle. Dans la jeune génération des Chekov et des Knipper, Misha était le leader charismatique des rebelles. Son don pour l’imitation faciale et vocale, son regard hypnotique lui permettait d’être crédible dans tous les roles et de jouer les jeunes premiers comme les vieillards, alors qu’il n’avait pas encore 20 ans. L’innocente Olga l’adorait ; elle ne se doutait pas que son charme et son talent cachaient une profonde irresponsabilité et une tendance latente à l’alcoolisme, héritée de son père, Alexander, frère aîné de l’écrivain.

    Quels que soient les détails qui conduisirent à leur décision de se marier si jeunes, Olga et Misha agirent dans le feu de l’action. Ils savaient que s’ils avaient demandé la permission, on leur aurait refusé et Olga aurait été immédiatement reconduite à Saint-Petersbourg. Un matin de Septembre 1914, peu après le début de la guerre, Olga fit sa valise, et, n’emportant que son passeport et une chemise de nuit, quitta incognito la maison de sa tante.
    Les aléas du mariage avec Misha la confrontèrent rapidement à la réalité. Elle devait vivre dans un petit appartement avec une belle-mère abusive qui lma traitait en rivale, avec un époux alcoolique qui ne se préoccupait que de lui. Elle tomba rapidement enceinte. Quand elle s’en ouvrit à Misha, il haussa les épaules et quitta le domicile. En septembre 1916, quand naquit sa fille, Olga n’avait que 18 ans.
    Olga découvrit rapidement qu’il n’y avait pas que son mariage qui tombait en pièces. Toute la Russie, et l’existence stable qu’elle avait connue depusi son enfance s’en allait à vau l’eau avec la désintégration des armées tsaristes et l’agitation révolutionnaire qui gagnait la rue. Les parents Knipper partirent vers la Sibérie où l’expertise du père d’Olga dans le domaine des chemins de fer était un atout certain. Ils emmenèrent avec eux la fille d’Olga, dont les chances de survie étaient plus grandes à la campagne, et Olga resta à Moscou avec sa sœur Ada.

    En 1920, après la défaite de l’armée de Kolchak, les parents rentrèrent à Moscou avec la petite fille, qui ne reconnut pas sa mère. C’était la dernière fois qu’Olga voyait son père. Elle pensait à émigrer, au moins provisoirement. Dans ces années de famine, survivre était dégradant. De nombreuses jeunes femmes en étaient réduites à se prostituer… Olga pensait à tenter sa chance à Berlin, laissant une fois encore sa fille aux soins de sa mère. Vêtue comme une paysanne, âgée de 23 ans, elle quitta Moscou par la gare Belorussky ; ses rares biens étaient réunis dans un sac taillé dans un vieux tapis. Elle raconta plus tard avoir caché sous sa langue un solitaire en diamant qu’elle comptait négocier à Berlin, faisant croire qu’elle était sourde-muette. L’eût-on trouvée qu’elle aurait été immédiatement arrêtée.

    Dès son arrivée à Berlin Olga eut de la chance et rencontra Erich Pommer, magnat du cinéma et Murnau qui l’engagea pour le premier rôle d’un film muet « Le château Vogelöd » ; elle prétendit avoir été l’élève de Stanislawsky pour décrocher le rôle. C’était une invention, et comme elle ne parlait pas un mot d’allemand elle dut travailler à partir d’une traduction du script. Elle n’avait aucune idée de ce qui adviendrait. Mais le film fut un succès et du jour au lendemain elle fut élevée au rang de vedette. Elle saisit l’opportunité, apprit l’allemand et travailla sans relâche aux studios de Babelberg, tournant bientôt jusqu’à huit films par ans. Sa vengeance fut complète quand son ex-mari, Misha Chekov, débarque à Berlin quelques années après avec sa seconde femme. Ils étaiernt réfugiés ; Misha l’idéaliste ne pouvait plus supporter les dictats du réalisme soviétique stalinien. Elle lui trouva un appartement proche du sien afin qu’il puisse voir fréquemment sa fille et lui obtint un rôle dans le film Troika où elle tenait le rôle principal. Elle s’offrit même le luxe de le diriger dans un autre film titré « L’imbécile amoureux ».
    Sans qu’elle le sache encore, Adolph Hilter était tombé secrètement amoureux d’elle après l’avoir vu dans Burning Frontiers en 1926. Ce n’est qu’après 1933 et l’accession au pouvoir des nazis qu’elle rencontra Hitler lors d’une réception organisée par Goebbels…

  3. #3
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    Pendant ce temps le frère cadet d’Olga, Lev Knipper, avait tracé sa propre route. Quand Olga mourait de faim à Moscou, il avait combattu avec les Arlées Blanches en Ukraine et dans le Caucase. Sa tante, Olga Knipper-Chekhova qui n’avait jkamais réussi à avoir d’enfant d’Anton Chekhov, l’adorait comme un fils et s’inquiétait de son destin. Coupée de tout contact avec le Théâtre, elle aussi s’était réfugiée dans le sud de la Russie, sans jamais avoir de nouvelles de son neveu. Elle dut prendre le chemin de l’exil par-delà la Mer Noire, vers Constantinople et les Balkans.
    Enfin Tante Olga découvrit –on ne sait toujours pas comment- que Lev avait été évacué en 1920 par la Mer Noire avec les restes de l’Armée de Crimée du Baron Wrangel Ces survivants d’une cause perdue étaient laissés à l’abandon sur la péninsule de Gallipoli, et tel était aussi le destin de Lev, jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre de sa tante, avec de l’argent, afin qu’il la rejoigne à Zagreb où avaient émigré les survivant du Théâtre d’Art de Moscou…

    Tous deux auraient aimé regagner Moscou, mais ils étaient suspects aux yeux du régime bolchévique, considérés comme émigrés d’ascendance allemande. Lev, en tant que garde Blanc risquait une longue peine de prison, voire l’exécution sommaire. C’est pourtant sans encourir de sanctions qu’il décroche l’année suivante l’autorisation de se rendre en Allemagne pour poursuivre ses études musicales. Selon les aveux tardifs du chef espion, le General Pavel Sudoplatov, Lev avait été recruté par la Tcheka pour infiltrer les cercles émigrés à Berlin. Sa parfaite maîtrise de l’allemand en faisait un agent utile aux services secrets soviétiques. C’est probablement au cours d’un de ses voyages à Berlin, presque certainement en 1923 qu’il aurait à son tour recruté sa sœur. D’après le professeur Anatoli Sudoplatov (fils du précédent) elle aurait été recrutée comme « agent dormant » pour être utilisée plus tard à travers ses contacts.



    En 1924 en tout cas, Olga, sa fille, sa soeur et sa nièce reçurent des permis de sortie officiels d’Union soviétique. L’importance d’Olga grandit quand elle apparut sur des photos aux côtés d’Hitler. L’envoyé de Beria, Merkulov (membre de la délégation de Molotov qui se rendit à Berlin en novembre 1940, quand Molotov cherchait à renforcer le pacte germano-soviétique) rencontra Olga à l’ambassade soviétique d’Unter der Linden en compagnie de Ribbentrop, Goering et d’autres dirigeants nazis.

    En Septembre de l’année dernière, Luba et moi nous retrouvâmes à Moscou en compagnie d’une équipe de la BBC qui filmait nos recherches, et nous conduisimes des interview avec des experts des services secrets et des vétérans du KGB qui avaient travaillé avec Lev Knipper et sa femme Maria. Elle était d’origine arménienne et descendait d’une famille princière. Son père avait été le chef de la police tsariste à Tbilissi, capitale de la Géorgie. Et afin de survivre à la prise du pouvoir en Géorgie des troupes soviétiques, son père avait conclu un marché avec Lavrenty Beria, et s’était mis à travailler pour lui. Maria avait ainsi grandit sous le patronnage de Beria. Elle parlait plusieurs langue et s’était révélée un agent de première classe. Lev, devenu instructeur de l’Armée Rouge dans le Caucase quand les allemands envahirent l’Union Soviétique en juin 1941 fut rappelé à Moscou avec Maria au mois d’octobre.
    L’avance des allemands menaçait Moscou et Staline donna ordre à Beria de préparer par tous les moyens la guerre totale. La tâche assignée à Lev et Maria était d’assassiner Hitler ou n’importe quel haut dirigeant nazi susceptible de se rendre à Moscou en cas de victoire. Avec son apparence d’aristocrate allemand, Lev avait pour mission d’infiltrer le commandement allemand, en prétendant passer à l’ennemi, ce que leur ascendance et la célébrité de sa sœur à Berlin auraient pu rendre crédible auprès des services secrets allemands. Des préparatifs incluant des plans d’assassinat et de sabotage concernant 11 sections du NKVD furent élaborés, on équipa des caches d’armes et d’explosifs dans tout Moscou. Le General Sudoplatov, responsable de ces opérations sur ordre de Beria, avait prévu que la défection de Lev devait avoir lieu par l’Iran et la Turquie, sous prétexte de rejoindre sa sœur à Berlin. Les services secrets soviétiques, dans leur incompréhension des systèmes capitaliste et nazi, pensaient qu’Olga Chekhova resterait en contact étroit avec Hitler et qu’elle serait capable d’amener l’équipe d’assassins de Lev jusqu’à l’intérieur des QG allemands. Le plan était condamné d’avance. Lev était peut-être prêt à se sacrifier mais Olga a dû être particulièrement ébranlée en découvrant lors de son exfiltration vers Moscou en 1945 que le NKVD était prêt à la perdre, elle et toute sa famille.

    Le roman d’espionnage que constituent les vies de Lev et Olga et bien sûr très intrigant. Mais le plus intéressant dans l’écriture de ce livre est qu’il constitue une sorte d’épopée mineure. C’est l’histoire d’une famille prise dans la Révolution et la guerre civile, éclatée entre la terreur stalinienne, l’accession au pouvoir des nazis, et la terrible guerre soviétique de 1941-45. En ce qui concerne Lev il dut certainement trahir nombre de ses amis et de ses collègues. Olga fut sans doute plus chanceuse. Elle était, en des temps dangereux, une opportuniste qui doit saisir sa chance. Elle détestait probablement autant le communisme et le nazisme. Comme le dit un rapport du SMERSH, elle était dans le fond la représentante d’un conservatisme démodé. Dans la polarisation pitoyable de l’âge totalitaire et de la guerre civile pan-européenne, cette femme née russe de sang allemand avait une conviction centrale, la nécessité de se protéger et de protéger sa famille. La survie était la seul chose importante dans un monde devenu fou… le mystère d’Olga Chekhova, l’histoire des Knipper et des Chekhov s’articule au centre de cette dangereuse fascination entre l’Allemagne et la Russie qui domine l’histoire mondiale pendant la majeure partie du 20ème siècle.

  4. #4
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    Je passe à côté du bouquin de Beevor depuis quelques années sans y porter beaucoup d'attention... Voila de la lecture pour les vacances ! Je signale que Beevor est un excellent historien de la Seconde Guerre Mondiale et à écrit une histoire de la Guerre d'Espagne plutôt pas mal....

  5. #5
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    je crois que je vais finir par me pencher dessus, à vrai dire je ne connais que ce résumé sur lequel je suis tombé en recherchant ce qui pouvait se rapporter à Knipper. Je trouve cette histoire fascinante. C'est un peu trop raconté à l'américaine mais avec un certain talent, j'ai coupé quelques digressions sur les nazis et le cinéma.
    Malheureusement j'attends toujours qu'Haitink se mette à une intégrale des symphonies et ça ne va pas vite!
    Celà dit, j'ai trouvé ce soir une nouvelle partition de Knipper, donc je devrai parler musique dans quelques jours.

  6. #6
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    Haitink mouline, re-mouline, re-re-mouline la musique de tonton Gustav... à son âge c'est sécurisant et ça fait plaisir aux fans... Mais il fait comme tous ses collègues passé l'âge de la non-retraite !

  7. #7
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    j'avais un vague espoir après son intégrale Vaughan-Williams (assez réussie) et son intégrale Chostakovich (complètement ratée) mais je crains qu'il se mette plutôt à Miaskovsky...

  8. #8
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    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    j'avais un vague espoir après son intégrale Vaughan-Williams (assez réussie) et son intégrale Chostakovich (complètement ratée) mais je crains qu'il se mette plutôt à Miaskovsky...
    Ratée je dirais pas, il y a de beaux morceaux tout de même et des prises de sons assez flatteuses...
    Bon on s'éloigne de Knipper là !

  9. #9
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    Fred doit certainement déjà connaître mais je viens de dénicher une rareté : Concerto-monologue pour violoncelle et orchestre de Knipper, Russian Disc 1993.

    Sur mon compte SM pour ceux qui veulent découvrir

    Et pour ceux qui en redemandent, suffit de demander : j'ai également trouvé qqch qui est sûrement encore plus rare : sa symphonie n°4, Olympia OCD 202

  10. #10
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    oui belle oeuvre, version Rostropovich probablement, republiée dans Rostro en Russie (chez Emi je crois, 10cd) Il existe également un Concerto-Poème pour violoncelle de Knipper dont on trouve un enregistrement.

    La grande nouvelle en ce qui concerne Knipper est que Northern Flowers vient d'annoncer dans la poursuite de sa série "War Music" l'enregistrement d'une autre symphonie de Knipper, la 8ème... Prévu aussi le premier enregistrement mondial de la 3ème symphonie pour cordes de Gavriil Popov (et trois suites d'orchestres de musique de film du même!)... et la première de Weinberg et la 5ème et dernière Dante Symphonie de Tischenko!
    Aaargggh, l'impatience et la frustration me consument...
    Seul problème, il est pour l'instant impossible de se les procurer dans les circuits de distribution usuels.

  11. #11
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    Les Northern Flowers ? oui en effet il est difficile de se les procurer

    Je connais un excellent disquaire indépendant à Bruxelles (car il en reste encore quelques uns, si si) qui devrait pouvoir plancher sur la question

  12. #12
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    Quelques Northern Flowers ont l'air disponibles sur ce site.

    Le disquaire bruxellois dont je parlais peut obtenir l'ensemble du catalogue Northern Flowers disponible : il les importe directement

    J'ai cependant demandé quelques détails supplémentaire ...

  13. #13
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    Citation Envoyé par Philippe Voir le message
    Quelques Northern Flowers ont l'air disponibles sur ce site.

    Le disquaire bruxellois dont je parlais peut obtenir l'ensemble du catalogue Northern Flowers disponible : il les importe directement

    J'ai cependant demandé quelques détails supplémentaire ...

    Les CDs Northern Flowers sont disponibles sur eBay

    http://stores.shop.ebay.fr/Rare-Russ...?_sop=10&_sc=1

    Claude Torres

  14. #14
    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message


    Lev et sa tante Olga Knipper-Chekhova, épouse d'Anton Chekhov (photo 1947)
    C'est pas plutôt la tante de Pierre Perret sur la photo


  15. #15
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    vous n'êtes pas sérieux monsieur Nico; c'est la fi-fille à Bruckner voyons!

  16. #16
    Sans rire, y'a vraiment une ressemblance avec le Pierre en question...

  17. #17
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    Citation Envoyé par Fred Audin Voir le message
    La grande nouvelle en ce qui concerne Knipper est que Northern Flowers vient d'annoncer dans la poursuite de sa série "War Music" l'enregistrement d'une autre symphonie de Knipper, la 8ème... Prévu aussi le premier enregistrement mondial de la 3ème symphonie pour cordes de Gavriil Popov (et trois suites d'orchestres de musique de film du même!)... et la première de Weinberg et la 5ème et dernière Dante Symphonie de Tischenko!
    Comme dans un célèbre Magasin parisien, on trouve tout chez JPC ! J'ai également repéré le Popov et le Weinberg ! Y'a plus qu'à attendre aussi le papier du spécialiste dans ClassicInfo !


  18. #18
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    Je viens de réécouter cette 4ème symphonie, extraordinaire, qui ne ressemble à aucun des contemporains de Knipper, que ce soit Chosta ou Prokofiev, Popov...
    Dommage que l'on ne trouve pas grand chose de ce compositeur, à mon avis injustement oublié. Félicitations à Fred pour ses passionnantes informations sur le compositeur.

  19. #19
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    Bonjour Joachim, ravi de te voir par ici. Tu es aussi une mine de passionnantes informations, sur divers compositeurs peu connus. Il n'y a pas deux jours je suis allé lire tes interventions sur Camargo Guarneri, sur un forum pourtant pas classique.

    Le disque ci-dessus dont parle Thierry et que j'ai critiqué ici:
    http://classiqueinfo-disque.com/spip...cle957&lang=fr
    est vraiment très bon, surtout pour le très dramatique concerto pour violon, complètement à l'opposé du 2ème le "petit" qu'on connaissait déjà par le disque Rare repertoire couplé avec le magnifique Karayev, un bon Khrennikov et un Rakov assez décevant.

    Bon, c'est vrai que le reste demeure très difficile à trouver et que le plus intéressant est sans doute encore dans les tiroirs, l'opéra Le petit Prince, et la 13ème symphonie que beaucoup réclament et qui ne semble pas avoir connu d'enregistrement en vinyl.

  20. #20
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    Pour en revenir au livre de Beevor, merci à Fred de l'avoir signalé. M'en vais l'acheter. Ai lu de lui Berlin et Stalingrad, deux excellents livres dont J. Littell s'est inspiré (certains passages sont très reconnaissables) dans Les Bienveillantes.

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