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à l'occasion de la sortie d'un disque (premier enregistrement mondial) présentant un peu plus de l'oeuvre pour piano de Polovinkin que le peu qu'on en connaissait jusque là (les postludes et la suite à deux pianos), j'aurais voulu rédiger un article de fond, mais faute de temps, je vais improviser:
On prend Polovinkin pour un compositeur de musique de piano, une sorte de Chopin bolchévique dans la descendance de Scriabine. Il y a d'autres candidats au titre, Samouil Feinberg entre autres, plus proche encore de Scriabine, et probablement une influence majeure sur la musique de piano de Polovinkin, sur les sonates et les Evénements qui connaissent un coup d'arrêt dans les années 30. Lourié parmi les émigrés pourrait endosser le maillot aussi même s'il passa les années de son exil américain à tenter de finir son unique opéra, pendant que Polovinkin en écrivait quatre. Après 1935, l'utilisation du piano par Polovinkin n'est plus qu'un moyen d'exister par des adaptations et des transcriptions (il se tourne dans les dernières années vers le quatuor à cordes). En ce qui concerne la publication, c'est semble-t-il moins vrai. Il y aurait de nombreuses partitions de Polovinkin dans les tiroirs d'Universal; il serait avec Miaskovsky le principal "achat" russe de l'éditeur allemand dans les années d'avant guerre.
Polovinkin a conservé l'image d'un compositeur révolutionnaire principalement parce qu'il s'est trouvé à la tête de l'AMC (association pour la musique contemporaine) au moment des combats entre les progressistes et les associations prolétariennes condamnant la musique symphonique au profit du chant de masse et des ensembles de plein air. En conséquence il a été associé à Chostakovich et Mossolov, avec qui il co-écrivit au moins un ballet et dont il partagea les premières les plus scandaleuses (le concert anniversaie d'octobre resté fameux qui vit la création de son Prologue symphonique, de la 2ème symphonie de DSCH et des Fonderies d'acier. On ne trouve même pas le nom de Polovinkin dans la biographie de Chostakovich rédigée par Krystof Meyer. Seul Kabalevsky lui consacre quelques lignes ironiques dans ses mémoires, évoquant l'excitation enfantine que Polovinkine et Mossolov déployaient pour se montrer leurs dernières oeuvres et tenter des expériences de "piano préparé". L'un comme l'autre ont été balayés par l'histoire.
Pourtant Polovinkin n'a pas été aussi directement visé par Staline et ses sbires que les autres compositeurs. Comme les écrivains d'avant-garde, les maîtres de l'absurde tels Daniil Harms (Kharms) (http://fr.wikipedia.org/wiki/Daniil_Harms) Polovinkin a pensé trouver un moyen de survivre en se consacrant à la musique pour les enfants, une voie que suivirent aussi Zara Levina et Nina Makarova. Polovinkin était le compagnon de Nathalie Sats (Saz), directrice du Théâtre pour Enfants de Moscou, où il remplissait la fonction de directeur artistique après avoir dirigé divers orchestres d'opéra dans les autres théâtres de Moscou. Selon une pratique habituelle c'est Nathalie Sats qui fut arrêtée à la fin des années 30 afin sans doute de faire pression sur les musiciens qu'elle protégeait, dont Prokofiev récemment revenue en Russie, à qui elle avait commandé Pierre et le Loup (elle en fut la première récitante). C'est à sa demande aussi que Tolstoi écrivit le livret de l'opéra la Clé d'Or pour Polovinkin, dont la suite demeure sans doute le seul morceau pour orchestre de son auteur officiellement enregistré (quoique introuvable) sous le régime soviétique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Natalia_Saz