+ Répondre à la discussion
Page 4 sur 4 PremièrePremière ... 2 3 4
Affichage des résultats 61 à 63 sur 63

Discussion: Vacheries et arrangements (Chopin et autres)

  1. #61
    Membre Avatar de Fou des chutes
    Date d'inscription
    octobre 2007
    Messages
    389
    Citation Envoyé par Theo B Voir le message
    Oui, mais si je me souviens bien, le contexte dans lequel il le dit est surtout stylistique au sens habituel, et dans ce cas le propos est nettement plus consensuel, et je pense que nous sommes tous d'accord avec cela. Et quand dans une oeuvre de Mozart le schéma diffère, on parle volontiers de dimension pré-beethovénienne (les dernières symphonies, par exemple les fortisimo fulgurants du finale de la Prague).

    Je pense que l'on peut jouer des sonates de Beethoven en lissant beaucoup la dynamique et en compensant par la densité de la conduite harmonique (Appassionnata par exemple), mais qu'il est compliqué de faire tenir une manière d'interprétation beethovénienne sur cette option (en gros, qu'il est impensable de faire tenir les 32 comme ça).

    Mais donc, non, ce n'est pas exactement à cela que je pensais, mais à la relation de l'écriture au mouvement harmonique, ou encore: la façon dont le compositeur traite la relation entre forme et harmonie. Le génie formel de Beethoven est d'abord un génie de la variété formelle: il se renouvelle tout le temps, ses exposés sont d'une variété insensée d'une oeuvre à l'autre, les relations de ses digressions au développement du matériau initial aussi: de ce point de vue, il écrase tous les autres dans la musique tonale, à toutes les époques: Rosen le montre très bien. Mais il en résulte à mon sens un appel à l'égard de l'interprète qui oblige celui-ci à adpater son jeu à cette forme particulière de nécessité, de logique de l'enchainement: d'une certaine façon, à épouser la structure: le mouvement global, la traversée de l'oeuvre ne suffit pas, ou rarement: d'ailleurs, je suis assez d'accord avec ceux qui disent que le grand héritier spirituel de Beethoven n'est ni Schumann, ni Brahms, ni Mahler, ni Wagner (ils le sont tous mais par petits bouts), mais Bruckner - j'ajouterais Sibelius et éventuellement Tchaikovsky. Jusque là, c'est assez bateau, ce que je dis.
    Et jusque là, je suis, mais pourquoi en serait-il autrement à cet égard pour d'autres compositeurs. Ne faut-il pas dans tous les cas "épouser la structure", quel que soit le compositeur?

    Citation Envoyé par Theo B Voir le message
    Mais ce qui me parait intéressant, dont on parle plus rarement ou alors d'une façon qui ne me convient pas, c'est ce qu'il y a de si différent [de?] chez Mozart et Chopin, si on ne parle que de piano.L'explication selon laquelle l'un serait plus volontariste, prométhéen, tout ça, ne me satisfait pas entièrement pour expliquer que Beethoven ne s'accomode pas ou mal d'un lissage de la dynamique et d'une conduite purement harmonique comme Mozart et Chopin, et une bonne partie de Liszt et Rachmaninov... et assez le dernier Brahms, quand même. Mais c'est un point sur lequel je n'ai guère de certitudes, je cherche toujours à comprendre plus précisément.
    Là, vous me trouvez aussi perplexe que vous, et presque autant que Kilgore Trout. Oui, c'est quoi donc, au juste, ce qu'il y a de si différent, d'abord?

    J'ai de plus en plus le sentiment d'ailleurs que les explications stylistiques courantes sont des échappatoires faciles: on dit de Bach que cela fonctionne très bien sans dynamique parce que la musique n'a pas été écrite avec des dynamiques et que l'instrument ne permettait pas d'en faire; Mais ça ne pas grand chose de la musique, au fond: la question est beaucoup plus riche si on la retourne: comment rendre la tension terrible contenue dans le geste harmonique qui a été pensé sans l'appui de la dynamique? Et quels sont les gestes techniques (au piano) qui correspondent à ce geste harmonique du compositeur?

  2. #62
    Membre Avatar de Theo B
    Date d'inscription
    octobre 2007
    Localisation
    Paris
    Messages
    5 974
    Il y a un petit malentendu sur le terme de "structure", je crois: pour Beethoven, dans ce que cite Fou des chutes, je parle de structure au sens formel le plus rigoriste et traditionnel: presque justement par opposition à la trame harmonique globale et à sa conduite.

    Si on prend le premier mouvement de la troisième sonate de Beethoven, par exemple, au plan de la trame harmonique j'entends pour ma part une montée en tension très significative sur le second thème par rapport au premier, et pas parce qu'on passe de majeur à mineur mais à plutôt à cause d'une opposition diatonique/chromatique, ce qui n'a pas du tout la même portée à mon sens: pour autant il me semble inconcevable de jouer l'ensemble de l'exposé dans un imperceptible crescendo continu, par exemple, comme cette gradation le suggérerait: on est obligé de jouer à fond les fortissimo du premier et de respecter la logique de brève détente sur le second. On est obligé de jouer le jeu, on ne peut pas prendre la tangente, passer "par-dessus" la forme au sens traditionnel.

    Je ne trouve jamais ce genre d'impératif chez Mozart.
    En schématisant, je veux donc dire qu'il me semble possible de déséquilibrer la forme sonate (soit, grosso modo, la fonction des thèmes dans le couple tension/détente) chez Mozart sans défigurer l'oeuvre.

    On pourrait peut-être dire: la forme déterminée par les relations tonales est la même que celle déterminée par les relations de caractère, elles se confondent, mais la forme déterminée par le continuum harmonique est autre.

    Dans la 3e de Chopin, en exagérant à peine, je pense que cela marche très bien de tout jouer entre piano et mezzforte jusqu'au thème lyrique et d'attaquer celui-ci forte. On peut aussi jouer ce mouvement presque entièrement sur une dynamique: par un grand pianiste, cela ne remet pas une seconde en cause l'équilibre formel. Ceci dit, la réponse spontanée du musicologue sera sans doute ici: "mais c'est parce qu'il y a une avalanche continuelle de thèmes enchainés, il y en a au moins six bien identifiés!". C'est vrai, mais ça ne me satisfait pas complètement, comme réponse.

    edit: et puis, dans le I de la Symphonie Héroïque aussi la forme sonate est à six thèmes!! L'Héroïque sans dynamiques ou pas les bonnes, heu, je crois que ça ne tient pas la route.
    Dernière modification par Theo B ; 09/01/2010 à 14h16.

  3. #63
    Membre Avatar de Fou des chutes
    Date d'inscription
    octobre 2007
    Messages
    389
    Là j'ai plus de mal à suivre, mais j'ai écouté le mouvement de la sonate No3, et si j'ai comme vous l'impression qu'on ne pourrait jouer autrement que fortissimo ces arpèges étagés et ce qui s'en suit, cela tient me semble-t-il entièrement au discours. Comme vous le disiez auparavant:

    "Pour moi, il est extrêmement problématique de ne pas exhiber les relations dynamiques telles qu'elles sont écrites chez Beethoven, parce que c'est trop important pour la tenue du discours. Quand je dis telles qu'elles sont écrites, je veux dire: d'une part en en respectant les proportions, d'autre part en les jouant en valeur absolue: ff, c'est vraiment très fort, ce n'est pas sous-entendu, c'est premier degré."

    Ces phrases sont volontairement brutes et brutales et ne sauraient se jouer autrement que fortissimo. Qu'y a t-il d'autre à en dire, sinon qu'elles occupent une place dans le développement d'un discours? On a l'impression que si ces notes n'étaient pas jouées fortissimo elles ne contiendraient même aucune musique, tellement elles sont banales et lourdes. Quasiment une transfiguration du laid par saturation. Ce n'est pas le seul passage de Beethoven qui fonctionne ainsi, je pense à l'op. 54.
    Dernière modification par Fou des chutes ; 10/01/2010 à 08h04.

+ Répondre à la discussion
Page 4 sur 4 PremièrePremière ... 2 3 4

Informations de la discussion

Utilisateur(s) sur cette discussion

Il y a actuellement 1 utilisateur(s) naviguant sur cette discussion. (0 utilisateur(s) et 1 invité(s))

     

Règles de messages

  • Vous ne pouvez pas créer de nouvelles discussions
  • Vous ne pouvez pas envoyer des réponses
  • Vous ne pouvez pas envoyer des pièces jointes
  • Vous ne pouvez pas modifier vos messages