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Discussion: John Adams

  1. #1
    Membre Avatar de Couack
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    John Adams

    Je sais qu'il est assez controversé en France, pourtant c'est, je crois, l'un des compositeurs les plus fascinants et les plus originaux de ces 30 dernières années.

    Bien sûr tout n'est pas égal, il y a des ratages (pas mal d'ailleurs), mais certaines oeuvres, beaucoup même, sont de vraies merveilles. Adams a un univers sonore personnel et très structuré dont les traits distinctifs sont les suivants : une rythmique complexe qui est une forme de minimalisme détourné de son but (car ce n'est plus minimaliste), des sonorités translucides qui convoquent fréquemment la flûte et la clarinette, une harmonie modale lumineuse et sans grincement, laquelle produit des lignes mélodiques fluides et sans heurts, et enfin un traitement des parties vocales en ascendances comme dans les chants tibétains.

    Contrairement à Reich ou à Glass, il a réussi à sortir du dogmatisme minimaliste qui l'aurait conduit droit dans le mur, comme tout système de composition qui repose sur une formule. D'une façon générale je trouve son oeuvre très au-dessus de la mêlée en termes de personnalité et d'inspiration. C'est optimiste, sans pathos, jamais pédant.

    Après évidemment, on aime ou on n'aime pas ses lunettes :




    Pour aller vite, car tout le monde connaît plus ou moins sa musique, les meilleures oeuvres me semblent être en vrac :

    - Le concerto pour violon (1993) , de mon point de vue un des plus beaux que je connaisse toutes époques confondues
    - la Chamber Symphony (1992)
    - Hallelujah Junction (pour 2 pianos) (1996)
    - John's Book of Alleged Dances (pour quatuor) (1994)
    - Shaker Loops (pour cordes) (1978)
    - Phrygian Gates (pour piano) (1977)

    Il y a des tas de vidéos d'oeuvres d'Adams sur Youtube, j'en ai sélectionné trois particulièrement parmi les oeuvres susmensionnées : ici la fin du 3ème mvt du Concerto pour violon, superbement interprétée par Ernst Kovacic :



    Le 1er mouvement de la Chamber Symphony :



    et l'étonnant Phrygian Gates :


  2. #2
    - Avatar de mah70
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    novembre 2007
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    Je ne déteste pas ce que je connais de Adams (le gros coffret anthologique 10CD chez Nonesuch) mais sa musique manque un peu de distanciation brechtienne, il me semble...
    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

  3. #3
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    octobre 2007
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    Certes

    Mais j'aurais pu faire pire et créer un fil sur Glass. Ceci dit, tout vient à point...

  4. #4
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    le concerto pour violon, bof... c'est gentil.
    Pour moi les chef d'oeuvres sont
    My father knew Charles Ives
    Of the transmigration of souls
    Nixon in China et Death of Klinghoffer
    Ensuite je trouve qu'il a viré irrémédiablement catho, et ça ne me remue pas plus que du Penderecki 2ème manière.

  5. #5
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    octobre 2007
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    Tiens marrant, moi à l'inverse je ne suis pas très fan de ses opéras : Nixon in China n'est pas mal à la rigueur, surtout parce que cest un langage assez personnel (même si on sent nettement l'influence de Einstein on the Beach dans certains passages). The Death of Klinghoffer, malgré un très bon livret m'a paru très statique et monotone.

    Je trouve que Dove, dont on a parlé dans un autre fil, s'est beaucoup nourri du langage d'Adams pour faire des opéras meilleurs que ceux d'Adams.

    Je ne savais pas qu'il avait viré catho - je n'ai pas l'impression que ça a eu un impact significatif sur son style. Il a écrit quelques oratorios assez nuls, il est vrai.

  6. #6
    Membre Avatar de thierry h
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    Citation Envoyé par mah70 Voir le message
    Je ne déteste pas ce que je connais de Adams (le gros coffret anthologique 10CD chez Nonesuch) mais sa musique manque un peu de distanciation brechtienne, il me semble...

    Heu... pour Brecht faut aller voir sur le fil Hanns Eisler ! ( Ah! zut! j'avais promis de ne pas polluer ce fil bêtement)

  7. #7
    Membre Avatar de Kilgore Trout
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    Penderecki non plus n'a pas viré catho.

  8. #8
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    Je suis pour le moment surtout sensible aux (rares) pièces pour piano.
    Mais quelqu'un qui a fait une orchestration de la Berceuse de Busoni ne peut pas m'être complètement indifférent. On trouve cette pièce sur l'un des albums Naxos dirigés par M. Alsop.

  9. #9
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    Il y a un cd Naxos consacré à l'oeuvre de piano - l'interprétation et la prise de son sont excellentes (vous pensiez peut-être à celui-là) :



    Ma pièce préférée est Hallelujah Junction (pour 2 pianos) que je trouve absolument jubilatoire et lumineuse. C'est très représentatif de l'univers sonore d'Adams, qui n'a, je pense, aucun équivalent. La vidéo de Youtube est une prise amateur mais ça donne une idée :


  10. #10
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    Ce qu'il y a de paradoxal, c'est que cette musique répétitive est aussi imprévisible, car on ne sait jamais jusqu'à quel point telle cellule va être répétée, ni quand un autre motif va venir la contrarier, etc. Le début de Hallelujah Junction est symptomatique à cet égard.
    Dans le domaine de la musique pour deux pianos, il y a l'extraordinaire Piano phase de Reich, qui date de sa période expérimentale - donc avant-gardiste - et dont l'écoute est assez éprouvante, il faut bien le reconnaître. Mais dans les œuvres de cette époque, moins séduisantes que les suivantes, on sent que Reich et les autres sont en train de mettre au point quelque chose de nouveau, il y a un côté pionnier qui me touche plus que dans les créations plus tardives.

  11. #11
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    Vous seriez surpris de voir la partition de Phrygian Gates : rien n'est répété, il n'y a aucun signe de reprise, contrairement à ce qu'on trouve souvent chez les minimalistes. Car, comme vous le soulignez, Adams est assez imprévisible et il n'y a pas de "cellule" que l'on puisse reprendre ad libitum : l'oeuvre est mouvante et change constamment, et la rythmique est très complexe (voyez sur la première ligne la position instable du "ré" dans l'extrait ci-dessous).



    J'aime assez l'un des commentaires posté sous la vidéo d'Emmanuel Arciuli dans YouTube :

    "I wonder how long it takes a professional pianist to learn this piece... so much insane rhythmical irregularities at breakneck tempo..."

    pour les non-anglophones : Je me demande combien de temps met un professionnel à apprendre cette pièce...toutes ces irrégularités rythmiques démentes à ce tempo insensé...

  12. #12
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    Je n'avais jamais vu la partition. Très intéressant! Mais quand vous dites que "rien n'est répété", c'est une façon de parler: je dirais plutôt que la moindre irrégularité suffit à détraquer la répétition.

  13. #13
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    Oui. Disons qu'il n'y a pas de "cellule" repétable, mais l'oeuvre en elle-même est une vaste frise. Comme vous dites, c'est une répétition "détraquée", et pas seulement rythmiquement : la progression du mode phrygien au mode lydien, l'avalement de l'un par l'autre et l'inversement de l'harmonie auxquels on assiste tout au long de l'oeuvre produit un effet de renouvellement des couleurs qui fait que, bien que minimaliste, l'oeuvre n'est jamais lassante. Ca n'est donc répétitif qu'en apparence, hormis l'effet d'ostinato - qui est irrégulier.

    Reich non plus n'est pas franchement répétitif, puisque le "phasing" consiste en une modification progressive et à peine sensible de la cellule de départ, qui change lentement de visage. Ca a forcément influencé Adams, et Reich subissait lui-même l'influence de Feldman : Triadic Memories est conçu sur le même principe de phasing. Sauf que ni chez Feldman ni chez Reich il n'y a de progression harmonique.

  14. #14
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    Sur l'influence de Feldman sur Reich, je me demande s'il s'agit d'un héritage reconnu (pour Reich) et surtout d'une paternité assumée (pour Feldman). C'est vrai que je connais mieux Feldman que les répétitifs ou prétendus tels, mais j'ai du mal à saisir une filiation. Mais il y a peut-être quelque chose qui m'échappe!
    En tout cas votre commentaire sur Phrygian Gates est éclairant, et toute cette discussion hautement stimulante. Merci!

  15. #15
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    A part aimer quelques pièces de Reich, je ne connais rien de précis à ce courant musical mais il m'avait semblé lire, entendre dire, et entendre tout court que, chez tous, le principe était de "faire semblant" de répéter mais justement de changer imperceptiblement ou presque à un endroit puis à un autre jusqu'à arriver à un endroit trrrrrès différent du point de départ.
    C'est seulement chez Adams, alors?

  16. #16
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    Il y cette interview de Feldman de 1983 qui devrait vous intéresser, et dans laquelle il dit entre autre ceci (MF c'est Morton Feldman, comme on l'aura compris, qui répond à Thomas Moore) :

    TM: What new or emerging trends or composers do you feel have been important for the '70s and '80s?
    MF: Nothing, we had nothing in the '70s. We had—
    TM: Or even the '60s?
    MF: We had popular music, like Steve Reich or Philip Glass, but they're show business. Serious stuff, if I may use that word, experimental stuff, if I may use that word, nothing, nothing. Cage and myself are still doing the most interesting work. The young people are a disaster.


    ce qui donne à peu près :

    TM : Quels courants ou compositeurs importants ont émergé dans les années 70 et 80 selon vous ?
    MF : Aucun, nous n'avons rien eu dans les années 70.
    TM : Et même pas dans les années 60 ?
    MF : Nous avions de la musique populaire, comme Steve Reich ou Philip Glass, mais c'était du show-business. Pour les choses sérieuses, si je peux parler comme ça, les choses expérimentales, si je peux parler comme ça, rien, rien du tout. Cage et moi nous faisons toujours les choses les plus intéressantes. Les jeunes sont un désastre.


    Ceci dit, il faut relativiser car Feldman devait être d'humeur excécrable ce jour-là : dans d'autres interviews il est plus indulgent avec the young people et Reich en particulier.

  17. #17
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    A part aimer quelques pièces de Reich, je ne connais rien de précis à ce courant musical mais il m'avait semblé lire, entendre dire, et entendre tout court que, chez tous, le principe était de "faire semblant" de répéter mais justement de changer imperceptiblement ou presque à un endroit puis à un autre jusqu'à arriver à un endroit trrrrrès différent du point de départ.
    C'est seulement chez Adams, alors?
    Non non, chez Reich aussi. Pas chez Glass par contre, qui lui répète ad libitum des cellules : à bien des titres Glass est le plus radical de tous les minimalistes. On voit bien ce principe de répétition ici dans cette partition de Mad Rush (une des plus belles pages de Glass à mon avis) :



    et ici joué par le compositeur :


  18. #18
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    on dirait Boulez parlant de Carmen et de Chosta (et de Rachma : "du piano bar"...) ; j'aime bien quand des gens comme ça se lâchent, en fait

  19. #19
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    Moi aussi!
    D'ailleurs Boulez disait de Feldman que c'est du bricolage, ou quelque chose dans le genre. Ce qui ne manque pas de pertinence, vu que Feldman revendiquait une approche artisanale de la composition, avec gomme et crayon à papier.
    La page de Glass postée par Couack m'enthousiasme moyennement.

  20. #20
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    Citation Envoyé par Gustave Voir le message
    La page de Glass postée par Couack m'enthousiasme moyennement.
    Il y a une version pour orgue qui sonne beaucoup mieux.

    J'ai trouvé cette très intéressante interview d'Adams (il y en a beaucoup sur internet) où il parle de Feldman :

    Were you also making a break from the minimalists?

    Minimalism was the most important stylistic breakthrough in the latter 20th century. Terry Riley, Philip Glass and Steve Reich. I don't count anyone else. People try to cite Morton Feldman or La Monte Young. But for me minimalism has to have that pulse, it has to have that body feel of pulsation and movement. It's a very American thing. You hear it in our jazz and pop music and our black music. It's got that pulse. It's what differentiates us from European music, particularly European art music.


    Glass and Reich were modernists in their formal rigor but they made you feel. People were excited, and suddenly instead of concerts with 20 people in the audience, you couldn't get a ticket to see "Einstein on the Beach" or "Drumming." A lot of older contemporary composers just rolled their eyeballs and held their nose and said this is all commercial trash. They held fast to their belief of atonal music. But it's now 30 years later and there's no question of how important that music was.


    ce qui donne (+ ou - ) :



    Etiez-vous en train de vous éloigner du minimalisme ?


    Le minimalisme a été la plus importante évolution musicale de la fin du XXème siècle. Terry Riley, Philip Glass et Steve Reich. Je n'y inclus aucun autre. Les gens mentionnent parfois Morton Feldman ou La Monte Young. Mais pour moi, le minimalisme doit avoir cette pulsation, il faut que le corps sente la pulsation et le mouvement. C'est quelque chose de très américain. On entend ça dans le jazz, la pop et la musique noire [soul, reggae etc]. Elles ont cette pulsation. C'est ce qui nous différencie de la musique européenne, en particulier de la musique européenne savante.


    Glass et Reich étaient des modernistes dans leur rigueur formelle, mais ils vous faisaient sentir quelque chose. Les gens étaient enthousiastes : soudain au lieu de concerts avec 20 personnes, vous ne parveniez même pas à avoir un billet pour aller voir Einstein on the Beach ou Drumming. Certains compositeurs plus âgés on levé les yeux au ciel et se sont bouché le nez en disant tout ça n'était que de la daube commerciale. Il se sont accrochés à leur foi dans la musique atonale. Mais aujourd'hui, 30 ans plus tard, l'importance de ce courant [minimaliste] n'est plus à démontrer.



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