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Discussion: Pelleas et Mélisande (Debussy)

  1. #21
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    Citation Envoyé par JYDUC Voir le message
    Peut-on dire qu'il était une sorte de Mozart ?
    non, je vous confirme qu'on ne peut pas: une sorte de Beethoven, de Wagner ou de Richard Strauss, si vous voulez...

  2. 24/10/2009 16h37
    Motif
    Je n'ai pas ma place sur ce forum

  3. #22
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    Merci Fred pour ce numéro attendu (espéré, j'ose même dire, pour donner un peu de piquant au débat!...)

    Une démarche de dénigrement ironique similaire pourrait s'appliquer tout aussi bien à Tristan et Isolde ou La Tétralogie, reconnaissez le.

    Et même (encore plus) à certains grands classiques du cinéma:





    << Peut-on dire qu'il était une sorte de Mozart ?
    non, je vous confirme qu'on ne peut pas: une sorte de Beethoven, de Wagner ou de Richard Strauss, si vous voulez... >>

    Ouais! Sur le fond je suis plutôt d'accord.
    Dernière modification par Alfredo ; 24/10/2009 à 16h52.

  4. #23
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Janine Micheau est loin d'avoir le charme et le magnétisme de Suzane Danco, son côté "petite bourgeoise catho entre thé et petits gâteaux" convient à Micaêla mais pas à Mélisande.
    Il y a des moments où je me dis qu'il vaut mieux lire cela qu'être aveugle.

    Janine Micheau est l'incarnation parfaite de cette fille non immunisée contre la vie qu'est Mélisande.

    Elle chante et incarne exactement ce que décrit André Boucourechliev, lorqu'il dit " Tout est sans retour, sans symétrie, sans répétition, sans retour en arrière".

    Un André Boucourechlievdont les propos sont, comme d'habitude, d'une pertinence et d'une acuité extrèmes.

  5. #24
    - Avatar de mah70
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    Citation Envoyé par JYDUC Voir le message
    Peut-on dire qu'il était une sorte de Mozart, tant sa musique paraît intemporelle ?
    Si je peux me permettre, je ne suis pas d'accord: ni Debussy, ni Mozart, ni personne d'ailleurs, ne me semble créer quoi que ce soit d'intemporel. Tous les musiciens créent une musique de leur époque et ceux qui ne le font pas sont généralement des épigones vaseux d'une valeur sujette à caution.
    Et encore il faudrait s'entendre sur le concept car le fait de ne pas faire une musique à la pointe de la modernité ne veut pas dire faire une musique hors de son temps: de supposés "néo-romantiques" comme Barber ou Vaughan Williams (pour citer des gens que j'aime beaucoup) auraient horrifié par leurs audaces les mélomanes de la fin du XIXe siècle

    Donc, à mon avis, toutes les musiques sont marquées par leur époque. Simplement, alors que chez les mauvais compositeurs ça fait daté, cette temporalité est évacuée par les grands compositeurs. Ils créent avec les tics d'écriture du moment et ça n'est pas grave.
    Notez que ça marche aussi avec les écrivains et les cinéastes

    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

  6. 24/10/2009 17h16

  7. 24/10/2009 17h18

  8. #25
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    Sur mon piano, quelque part à Lausanne :




    Jacques

  9. #26
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    << Peut-on dire qu'il était une sorte de Mozart ?
    non, je vous confirme qu'on ne peut pas: une sorte de Beethoven, de Wagner ou de Richard Strauss, si vous voulez... >>

    Ouais! Sur le fond je suis plutôt d'accord.
    Quel rapport avec Richard Strauss? Et avec Beethoven?

    Autrement, concernant les versions, je n'ai guère le temps d'écouter aujourd'hui mais j'ai quand même réécouté l'acte 3 scène 1 dans les versions Haitink, Ansermet, Baudo et Abbado, et en étant attentif seulement à la direction.

    Et ca confirme qu'Haitink est complètement à côté de la plaque : il ne joue simplement pas ce qui est écrit. La partition est remplie de nuances et de crescendos et decrescendos sur des notes et des motifs qui indiquent comment il faut phraser et qui ne sont ici simplement pas joués : alors qu'on devrait entendre des respirations dans le motif et le son, des variations d'intensité à l'intérieur du son et de la construction mélodique qui font toute la subtilité et le sens de cette musique, on entend dans la version Haitink des notes tenues et égales dans presque une seule nuance. Le résultat : neurasthénie générale, aucun investissement des nuances et non-respect du texte. Complètement raté, donc.

    L'opposé, celui qui joue toutes ces respirations, c'est Abbado, et c'est évidemment comme cela qu'il faut le jouer, ca bouge et ca respire de partout, dans chaque mesure, chaque phrase et chaque motif a son sens et sa juste place. Simplement parce qu'il est joué ce qui est écrit.

    Baudo et Ansermet font mieux qu'Haitink, mais les orchestres sont un peu ternes et ca ne va pas aussi loin dans la précision et le respect du texte qu'Abbado, même s'il y a des qualités et des défauts pontuels dans cette scène.
    Dernière modification par Kilgore Trout ; 24/10/2009 à 17h53.

  10. #27
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    Deux instantanés pris le 11 mai 1902, soit douze jours après la première de Pelléas, montrant Debussy dans la bibliothèque de Paul Dukas ("C'était une figure ironique et charnelle, mélancolique et voluptueuse" -- André Suarès) :




    Des photos montrant deux autres "Mélisande" que la créatrice du rôle [Mary Garden], soit Maggie Teyte et Rose Féart, avec au-dessous des commentaires illustrant le fait que Debussy changeait parfois radicalement d'opinion sur ses interprètes et pouvait se révéler plutôt "vache" avec elles (transposé à l'époque actuelle, il n'en aurait pas moins fait un excellent participant au présent forum, à mon avis ) :




    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 24/10/2009 à 18h37.

  11. #28
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    Je ne connaissais pas ces avis de Claude Debussy sur Maggie Teyte et Rose Féart, et je les trouve extrèmement sains, à la fois artistiquement et intellectuellement.

    Et ils constituent une preuve de plus que l'oeuvre possède une vie propre qui dépasse son créateur lui même.

    Cet exemple devrait contribuer à calmer ceux qui ont l'avis absolu....poutant, c'est loin d'être le cas.

  12. #29
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    Tahar a écrit:

    << Janine Micheau est l'incarnation parfaite de cette fille non immunisée contre la vie qu'est Mélisande.
    Elle chante et incarne exactement ce que décrit André Boucourechliev, lorqu'il dit " Tout est sans retour, sans symétrie, sans répétition, sans retour en arrière".>>

    Pourtant souvenez-vous que sur le forum Abeille cette pauvre femme était détestée par certains qui voyaient en elle l'incarnation la plus haïssable d'un certain chant français retro démodé et obsolète.
    Je ne partage pas cet avis extrème et j'apprécie cette chanteuse dans certains rôles, mais je maintiens que pour mes oreilles à moi et ma sensibilité à moi la comparaison avec Suzane Danco (qui a tout de même un charisme, un mystère et une vibration argentée de lumière lunaire dans le timbre que sa rivale n'a absolument pas) est écrasante pour Micheau.
    Je ne prétends pas détenir la vérité mais les émotions que procurent ou ne procurent pas certaines voix ne se commandent pas et je ne dis que ce que je ressens, en toute sincérité et sans tricher
    Libre à vous de contester, corriger ou compléter mes points de vue et d'apporter un autre éclairage si vous n'êtes pas d'accord.

    Cela dit, cette version Fournet est plus que recommandable, ne serait-ce que pour Maurane qui est le meilleur de tous et Roux qui est excellent. De plus le son mono est meilleur que pour Ansermet 1952, mais pour mes oreilles, elle sonne plus "retro" que cette dernière, y compris au niveau de la direction.

    Si vous aimez janine Micheau, il y a aussi une excellente bande radio dirigée par Cluytens avec Pierre Mollet et Henri Etcheverry chez Andromeda.

    (Boucourechliev parlait-il de Melisande en tant que personnage ou de son incarnation par Janine Micheau, cela n'est pas clair dans votre citation?)

    << Donc, à mon avis, toutes les musiques sont marquées par leur époque. Simplement, alors que chez les mauvais compositeurs ça fait daté, cette temporalité est évacuée par les grands compositeurs. Ils créent avec les tics d'écriture du moment et ça n'est pas grave.>>

    Entièrement d'accord.

    << Quel rapport avec Richard Strauss? Et avec Beethoven? >>

    Pas grand chose en fait. Juste le fait que eux deux, privilégient comme Debussy (et à l'opposé de Mozart ou Bach) l'impulsion émotionnelle créatrice plutôt que la recherche d'une beauté pure dans la construction formelle abstraite.
    L'invention de formes novatrices est pour eux la conséquence et non l'a-priori de l'impulsion créatrice.
    Dernière modification par Alfredo ; 24/10/2009 à 19h27.

  13. #30
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    << Et ca confirme qu'Haitink est complètement à côté de la plaque : il ne joue simplement pas ce qui est écrit. La partition est remplie de nuances et de crescendos et decrescendos sur des notes et des motifs qui indiquent comment il faut phraser et qui ne sont ici simplement pas joués : alors qu'on devrait entendre des respirations dans le motif et le son...
    L'opposé, celui qui joue toutes ces respirations, c'est Abbado, et c'est évidemment comme cela qu'il faut le jouer, ca bouge et ca respire de partout, dans chaque mesure, chaque phrase et chaque motif a son sens et sa juste place. Simplement parce qu'il est joué ce qui est écrit.>>

    Bon admettons que j'aie tort d'écouter sans avoir la partition sur les genoux et que je me sois trompé.
    Pouvez-vous comparer partition en main au début de l'acte deux la scène de la chute de la bague jusqu'à "Qu'allons nous faire maintenant!" dans la version Abbado et dans la version Désormières.
    Ce que fait Abbado à cet endroit me gêne beaucoup (il faut dire que c'est aussi une scène où l'interprétation de Maria Ewing est particulièrement consternante) et est à l'opposé de ce que fait Désormières, et je voudrais savoir lequel des deux a "raison" par rapport à la partition.
    Dernière modification par Alfredo ; 24/10/2009 à 19h27.

  14. #31
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Ce que fait Abbado à cet endroit me gêne beaucoup (il faut dire que c'est aussi une scène où l'interprétation de Maria Ewing est particulièrement consternante) et est à l'opposé de ce que fait Désormières, et je voudrais savoir lequel des deux a "raison" par rapport à la partition.
    Qu'est-ce qui vous gêne à ce moment là exactement chez Abbado? Au-delà du rendu orchestral, je n'entends pas de grosse différence, les deux sont proches de la partition, mais j'ai peut être raté quelque chose.

    A noter qu'il y a chose assez rigolote à ce moment là... une indication de nuance aux contrebasses qui fait p crescendo pp decrescendo. Debussy a inventé le crescendo vers une intensité plus basse! C'est probablement une erreur d'impression...

  15. #32
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    << Qu'est-ce qui vous gêne à ce moment là exactement chez Abbado? Au-delà du rendu orchestral, je n'entends pas de grosse différence, les deux sont proches de la partition, mais j'ai peut être raté quelque chose. >>

    Chez Desormières, la pulsation est relativement rapide et surtout immuable avec un respect strict des durées et des silences au niveau de la partie vocale, ce qui crée une impression saisissante d'effritement dans le silence d'une musique qui pourtant continue inexorablement à avancer (cela fait penser à la fin des épigraphes antiques et aussi à la fin de "Jeux de vagues" quand elle est dirigée par un chef comme Paray ).
    Chez Abbado, le rubato et le tempo lent font perdre la pulsation et les minauderies vocales de Maria Ewing ne permettent plus d'entendre les si importants silences.

  16. #33
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Boucourechliev parlait-il de Melisande en tant que personnage ou de son incarnation par Janine Micheau, cela n'est pas clair dans votre citation?
    Sans vouloir répondre à la place de Tahar, je me permets quand même de relever que Boucourechliev, par la citation figurant à la fin du post 17 (je l'ai trouvée dans l'un des articles de la revue montrée, signé Sylvie Douche & Jean-Christophe Branger et intitulé "Un siècle de regards sur Pelléas et Mélisande - La parole aux compositeurs", plus précisément sous le chapitre "L'écriture de Pelléas et Mélisande"), montrait sa propre perception - en effet remarquable - de l'oeuvre dans sa globalité, sans aucune référence à tel ou tel personnage et encore moins à des interprètes.

    Or il s'est simplement agi, je crois, d'exprimer l'avis à propos de Janine Micheau que la manière dont elle incarnait Mélisande répondait idéalement à cette perception de Boucourechliev, condensée dans son expression saisissante : "tout est sans retour, sans symétrie, sans répétition, sans regard en arrière".

    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 24/10/2009 à 20h06.

  17. #34
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    Oui, ce que je voulais exprimer, c'est tout à fait ce que Jacques a écrit.

    Pour moi, ma compréhension et ma sensibilité, oui, l'interprétation gravée par Jean Fournet et ses artistes: Janine Micheau, Rita Gorr, Michel Roux, Camille Maurane est datée, mais au meilleur sens de ce terme: c'est une étape dans l'interprétation de cette oeuvre, quelque chose de parfaitement achevé. On peut faire différent, avant comme après, mais c'est une interprétation qui, dans sa totalité, est en parfaite adéquation avec l'analyse d'André Boucourechliev, et; si on me demande, peut-être encore plus Janine Micheau et Michel Roux que Camille Maurane.
    Dans ce drame, c'est le couple Golaud-Mélisande qui est moteur, tout comme c'est le catcher qui crée la dynamique d'un match de baseball et non pas le pitcher ou les batteurs, et aucun couple ne m'a donné plus cet impression d'inexorable, comme dans les chasses du comte Zarloff, que Janine Micheau et Michel Roux: that's all, Folks.

  18. #35
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Shirley, Soderstrom, McIntyre, Minton Dir Boulez
    Même si les inconditionnels de Boulez tentent depuis quarante ans de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, cette version est un ratage total en raison d'une distribution vocale aberrante. Si Boulez voulait prouver au monde entier que le texte de Maeterlinck est ridicule, il a pleinement réussi. Effectivement, quand on écoute sa version, on se dit sans cesse "Quelle mauvaise pièce, quel mauvais texte! quelle belle partition orchestrale mais quel dommage qu'ils chantent!..."
    Le problème c'est que quand on écoute d'autres versions le même texte parait magnifique, poétique, riche de sens et les parties chantées sublimes...
    donc c'est bien la preuve qu'il ya un réel problème!...
    A propos de Pierre Boulez, je voulais quand même signaler qu'il a fait à mon avis bien mieux dans cette production de 1992 avec l'Orchestre et les Choeurs du Welsh National Opera et des solistes qui, pour être tous britanniques et avoir un léger accent (lequel n'est toutefois jamais gênant et ne nuit en rien à la compréhension du texte), sont pour la plupart très satisfaisants néanmoins :



    Le Pelléas de Neill Archer laisse un peu à désirer et Kenneth Cox, dans le rôle d'Arkel, paraît être un vieillard centenaire. Mais Alison Hagley est une excellente Mélisande (qualité de la voix et de l'interprétation, jeu scénique, fragilité, émotion, etc.), tandis que le Golaud de Donald Maxwell est impressionnant dans tous les sens du terme. Même Samuel Burkey, le gamin qui incarne Yniold, est étonnant de maîtrise pour son âge et, dans l'ensemble, chante "juste". Pas de problème de texte ici, donc, sauf pour ceux qui s'obstinent à le trouver a priori "ridicule" et n'en démordront de toute façon jamais. Quant à la sobre mais très belle mise en scène de Peter Stein et au grand soin apporté à chaque détail, ils contribuent à faire de cette réalisation filmée la meilleure de celles que j'ai vues à ce jour sur DVD.

    En voici quelques images, qui bien sûr n'en donnent qu'une très faible idée :








    Jacques
    Dernière modification par Jacques ; 24/10/2009 à 22h46.

  19. #36
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    J'aime bien cette version Fournet que je possède aussi en CD et que je réécoute régulièrement , même si je préfère Ansermet 1952 et plus encore Previtali 1953 inédit en CD qui réunit à mon avis le meilleur des deux équipes.

    En fait si j'étais sur une île déserte sans possibilité de choix n'importe quelle version de Pelleas réussirait à me contenter... ou presque: il n'y a que la version Boulez que je jetterais sans hésiter aux requins, préférant ma mémoire intérieure d'une oeuvre que je connais par coeur du début à la fin.

    Pour vous prouver la relativité des opinions puis-je me permettre de citer, (en l'abrégeant légèrement) une discographie comparée signée Marcel Marnat et datant du milieu des années 1960 à une époque où quatre versions seulement étaient en vente chez les disquaires.

    << Première en date, celle célèbre dirigée par Roger Désormières (...) déçoit les jeunes par son chant déclamatoire et parfaitement académique. En outre (...) la partie orchestrale est quasiment sacrifiée à ces voix qui aujourd'hui ne paraissent plus tellement envoûtantes (...)

    Un enregistrement confié à Jean Fournet (...) où l'on regrette seulement le timbre très corsé de janine Michaux (sic!) et celui au contraire trop juvénile de Xavier Depraz.

    En 1957 un nouvel enregistrement "de prestige" fut entrepris par VSM (...) dir. Cluytens. Un souci d'analyse parfaitement dépourvu de force dramatique ne fait qu'accentuer le disparate d'une distribution où chacun oeuvre pour son compte. Face à Jansen, très neutre, et à Los Angelès, parfaitement infantile, le Golaud saisissant de Gérard Souzay y prend des proportions ogresques qui frisent le grand Guignol (...)

    La situation n'a pas été définitivement tranchée par l'enregistrement récent dirigé par Ansermet (Camille Maurane, Erna Spoorenberg, George London, Guus Hoekeman). En opposant le meilleur Pelléas imaginable à des chanteurs étrangers, l'éditeur prenait un risque qui méritait d'être couru, mais seulement en partie: si nous trouvons bien là, la meilleure Mélisande et un excellent Arkel, George London détonne cruellement dans le rôle de Golaud et en particulier dans les scènes finales où ni la voix, ni le style ni l'accent ne sont seulement tolérables. Ce défaut majeur ruine quasiment une entreprise magnifique et qui est la seule à donner à la partie orchestrale l'immense importance qu'elle doit avoir. (...)

    Il n'empêche que la version la moins décevante reste celle de Fournet où Maurane à lui seul poétise les interventions trop lourdes de sa partenaire et où l'excellent Golaud de Michel Roux assure à l'ensemble une homogéneïté que l'on ne trouve pas ailleurs (...) une constante puissance dramatique fait que de manière plus soutenue qu'ailleurs Pelleas est ici un opéra qui émeut et qui vit. >>

    Même si je suis d'accord sur un certain nombre de points, je suis très surpris que la trémulante Erna Spoorenberg soit qualifiée de "meilleure Mélisande"; et "corsé" n'est pas l'adjectif qui me vient en premier à l'esprit pour qualifier la voix de janine Micheau!...
    Dernière modification par Alfredo ; 24/10/2009 à 23h11.

  20. #37
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    C'est vrai que le DVD de Boulez est plutôt agréable à regarder et vocalement (et même orchestralement) moins consternant que son enregistrement avec Shirley, Soderstrom et Mc intyre... mais franchement, le Pelleas de Neil Archer est largement au dessous du minimum décent acceptable... ("laisse un peu à désirer" est un charmant euphémisme!...) surtout quand on pense que Dudziak était disponible et rêvait d'enregistrer le rôle!...
    Dernière modification par Alfredo ; 24/10/2009 à 23h10.

  21. #38
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    Citation Envoyé par Alfredo Voir le message
    Chez Desormières, la pulsation est relativement rapide et surtout immuable avec un respect strict des durées et des silences au niveau de la partie vocale, ce qui crée une impression saisissante d'effritement dans le silence d'une musique qui pourtant continue inexorablement à avancer (cela fait penser à la fin des épigraphes antiques et aussi à la fin de "Jeux de vagues" quand elle est dirigée par un chef comme Paray ).
    Chez Abbado, le rubato et le tempo lent font perdre la pulsation et les minauderies vocales de Maria Ewing ne permettent plus d'entendre les si importants silences.
    Vous faites référence à la partie après les "oh, oh!"? Sur la partition, rien n'indique qu'il faille absolument maintenir la pulsation. Cela dépend du rôle que l'on donne à l'accord de septième et quinte diminuée à la harpe/pizz qui "casse" la première phrase ("elle est si loin de nous") et comment on choisit de structurer la séquence. Abbado reste dans l'optique d'investissement du phrasé (qui fonctionne par groupe de deux mesures) et suit ce qu'il se passe dans les phrases qui suivent, fondées sur le même matériau musical et où les indications sont plus nombreuses et usent effectivement de ritenente - il reste dans la même optique depuis la chute jusqu'à l'accélération un peu plus loin. Ca ne me choque pas, je trouve ca même plus expressif que chez Désormières, c'est plus immédiatement dramatique sans doute et moins abstrait, mais là chacun verra midi à sa porte, les deux interprétations (qui en sont vraiment pour le coup) ne contredisant pas la partition...

  22. #39
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    <<Vous faites référence à la partie après les "oh, oh!"? >>

    Oui!

    << Sur la partition, rien n'indique qu'il faille absolument maintenir la pulsation. Cela dépend du rôle que l'on donne à l'accord de septième et quinte diminuée à la harpe/pizz qui "casse" la première phrase ("elle est si loin de nous") et comment on choisit de structurer la séquence. >>

    C'est justement tout le délicat problème posé par ce passage capital!

    << Abbado reste dans l'optique d'investissement du phrasé ... Ca ne me choque pas, je trouve ca même plus expressif que chez Désormières,
    c'est plus immédiatement dramatique sans doute et moins abstrait, mais là chacun verra midi à sa porte, les deux interprétations (qui en sont vraiment pour le coup) ne contredisant pas la partition... >>

    C'est justement la raison qui me fait préférer Désormières qui crée une impression d'avancée irrépressible d'un destin indifférent qui échappe aux humains comme de l'eau qui glisse entre les doigts et qu'on ne peut pas retenir.
    Je ne suis pas capable de le justifier, mais je pense que c'est lui qui a raison.

  23. #40
    - Avatar de mah70
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    Petit interlude didactique (tu parles!)

    Vous me direz que ceci n'a rien à voir mais je ne peux plus écouter du Maeterlinck sans penser à ça.
    C'est paru en février 1896


    Une mauvaise nuit
    VAGUE SCÉNARIO POUR LE THÉÂTRE DE L'ŒUVRE

    J'avais salué ce monsieur, machinalement, sans me rappeler où, ni quand je l'avais connu.
    Lui me rendit un coup de chapeau, pas mieux informé.
    Ce n'est qu'un bon quart d'heure après cette marque de mutuelle et banale courtoisie que je me souvins.
    Ce gros homme rasé avait occupé — pas longtemps, mais il l'avait occupé — un petit appartement contigu à celui que j'habitais sur les hauteurs de Montmartre.
    Il était quelque chose comme un substitut de province, ou je ne sais quoi d'autre dans la même industrie.
    Affublé, en dehors de ses appointements, d'une rondelette aisance personnelle, il avait loué, à Paris, une petite garçonnière, où il venait consommer ses extra-judiciaires et honteuses fredaines.
    Une fois par semaine, à peu près, je l'entendais rentrer chez lui sur le coup de deux heures du matin, avec une provisoire compagne.
    Du fond de ma chaste couche, je percevais comme un murmure assourdi de débauche, je gloussais la douce protestation de l'homme surpris en plein sommeil, et je me rendormais de plus belle.
    Un soir que je me trouvais dans la loge de ma concierge, dont la fille me demandait des billets de théâtre, je vis mon luxurieux voisin, et sa maîtresse d'une nuit.
    Lui, pareil à ses semblables.
    Elle, une jolie petite bonne femme du Moulin-Rouge, sur laquelle je me sentais poindre, depuis quelque temps, de véhémentes intentions.
    Le substitut entr'ouvrit la porte de la loge et demanda :
    — Rien pour moi?
    — Rien, monsieur! répondit ma concierge.
    Et la petite concierge, dès l'huis clos, me dit :
    — C'est votre voisin.
    C'était lui, mon voisin!

    C'était ce gros veau libidineux qui se permettait d'occuper, en compagnie de femmes légères, un appartement séparé du mien que par l'épaisseur d'un pelure d'oignon à peine.
    Et je me fis, sur mon propre autel, le serment que ce justicier départemental ne dormirait pas cette nuit, ou qu'il dormirait mal, ce qui est plus terrible que de ne pas dormir du tout.
    A peine fus-je entré dans ma chambre, que mon oreille se colla sur la cloison.
    Mon voisin n'avait pas perdu de temps.
    Déjà, il contait un tas de saloperies à la petite courtisane.
    Cette dernière bâillait et tuait le temps à l'aide d'un breuvage dont je ne pus déterminer la teneur exacte.
    Ils se couchèrent.
    Alors, moi, chaussé de pantoufles dont la semelle semblait empruntée à la peau de dessous les pattes de je ne sais quel félin silencieux, j'ouvris ma porte, me glissai vers la sonnette du débauché.
    Ding ding ding ding ding ding!
    Avez-vous entendu retentir jamais les sonnettes de Jéricho? Non! dites-vous. Eh bien, imaginez-les-vous.
    Onze secondes s'écoulèrent et déjà mon oreille s'était remise à son poste contre la cloison.
    Avez-vous jamais (pardonnez-moi de vous interpeller ainsi à tout bout de champ), avez-vous jamais, dis-je, perçu une couleur avec votre oreille?
    Non! dites-vous.
    Eh bien! moi, j'entendis, j'entendis que ces deux individus étaient devenus blêmes.
    — On a sonné!
    — Oui, on a sonné!
    — Quelqu'un a sonné!
    — Il y a quelqu'un qui a sonné!
    Bref, on se serait cru dans un drame de Maeterlinck.
    Il y a quelqu'un qui a sonné!
    Un petit branle-bas s'opéra dans la chambre. L'homme s'arma d'un revolver. (Les magistrats, peu confiants en le glaive de la justice, portent toujours sur eux un pistolet complémentaire.)
    Il s'avança vers la porte d'entrée, accompagné de la jeune femme, elle-même armée d'un flambeau en simili-bronze :
    — Qui est là? Qui est là?
    Personne, comme de juste, ne répondit. Ils insistèrent.
    — Est-ce qu'il y a quelqu'un qui est là? derrière cette porte?
    Le nommé Peau de Balle s'obstina dans son silence à la Maeterlinck. (Il jouait sans doute le rôle de l'Homme qui ne dit pas qu'il est là.)
    Ils se rassurèrent alors : quelqu'un de la maison, sans doute, s'était trompé de porte. Et ils reprirent leurs ébats. Moi, alors, nouveau coup de sonnette. Eux, seconde et, plus effroyable encore, terreur. J’entendis nettement leur lividité croissante.
    Et pour en finir à jamais avec la magistrature de mon pays, je me saisis d'un balai.
    Pas un de ces balais qui servent aux sorcières à se rendre au sabbat...
    Mais un de ces balais en forme de T, tout à fait propres à heurter un point situé hors de votre portée et sur votre plan.
    Pan, pan, pan.
    Trois coups frappés, la nuit, sur une persienne d'un cinquième étage d'une maison sans balcon! Mystère! Horreur!
    A peu près certain que ces personnalités sans mandat ne dormiraient plus de la nuit, moi je goûtai un repos bien mérité.
    Le lendemain matin, l'homme donnait congé de son appartement.
    Et, peu après, la petite femme épousait un brave commerçant du quartier.


    Alphonse Allais
    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

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