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Discussion: William Grant Still

  1. #1
    Membre Avatar de Couack
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    William Grant Still

    La musique classique américaine compte peu d'afro-américains, dans un sens ça nous a ailleurs valu de remarquables jazzmen, genre dans lequel ils pouvaient s'exprimer librement. Dans un autre, le fait que tout cela soit le fait de la ségrégation raciale qui a sévi aux USA jusqu'en 1967, mine de rien, est évidemment consternant.

    C'est dans ce contexte pour le moins défavorable que William Grant Still se décide pour une carrière de compositeur classique, parallèlement à celle d'arrangeur de musique de film - il fut paraît-il un des orchestrateurs de Tiomkin, et il faut signaler quand même que son nom ne figura jamais aux génériques.

    Je cite un passage de l'article "Ségrégation raciale aux Etats-Unis" de la Wikipedia qui dépeint de façon assez terrifiante le climat qui régnait du temps de la jeunesse de Still, ça permet de situer un peu le contexte :

    Ils étaient aussi exclus des restaurants, des bibliothèques, des jardins publics (où l'on pouvait lire des signes tels que "Negroes and dogs not allowed", "les Nègres et les chiens ne sont pas admis"). Les Noirs devaient systématiquement s'effacer devant les Blancs, en laissant le passage dans la rue, tandis que sous aucun cas un homme noir ne pouvait regarder dans les yeux une femme blanche. On les appelait "Tom" ou "Jane", mais jamais Monsieur, Madame ou Mademoiselle.

    L'historien Howard Zinn précise qu'« entre 1889 et 1903, deux Noirs, en moyenne, étaient assassinés chaque semaine (pendus, brûlés vifs ou mutilés) »[1].

    La musique de Still, bien écrite, très formelle, est rarement passionnante, il faut l'admettre. Subissant dans une première période l'influence de Delius, et dans une deuxième celle de Copland. La question qui se pose est : pouvait-il en être autrement ? Je ne suis pas spécialiste de l'histoire des USA, mais j'aurais tendance à croire que le contexte dans lequel Still a écrit devait être extraordinairement restrictif et frustrant.

    Il faut souligner que c'est Howard Hanson et son Rochester Orchestra qui dès le début des années 30 a pris l'initiative de jouer les symphonies de Still, ce qui avait créé l'événement à l'époque - ça en accroit d'autant mon admiration pour Hanson.

    J'ai donc écouté ses symphonies, et les dernières voient percer une réelle personnalité musicale derrière un style par ailleurs très conformiste et discipliné. Dans le détail ça donne ceci (en image la version que j'ai entendue) :

    Symphonie n°1 "Afro-American" (1930 - 24')

    Plaisant, du Delius avec des accents jazzy, très doux et calme, mais jamais impressioniste ou diffus, tout est clair et tranché. L'élément africain reste très circonscrit au jazz et tout à fait anecdotique; à aucun moment d'ailleurs, Still ne se risquera à utiliser vraiment la musique africaine. L'oeuvre fut créée par Hanson en 1931, il sera suivi pas plusieurs de ses collègues ensuite, mais il faut insister là sur le rôle de pionnier qu'a joué Hanson dans un contexte hautement défavorable.




    Symphonie n°2 "Song of a New Race" (1937 - 32')

    Cette fois c'est complètement du Delius, très agréable mais sans grande originalité.



    Symphonie n°3 "The Sunday Symphony"
    (21' - ?)

    Celle-là n'est pas facile à trouver, elle est sortie chez le très discret label Cambria. Je ne suis pas parvenu à mettre la main sur sa date de composition. Très coplandien 1ère période, la symphonie illustre un dimanche avec le réveil, la messe, la détente et la soirée; naïf mais agréable. Elle ne fut jamais jouée du vivant de Still.



    Symphonie n°4 "Autochtonous" (1947 - 26')

    Ca devient plus intéressants : beaucoup de très beaux passages lents à la nostalgie pastorale très coplandienne, parfois influencée par le Chicago jazz; globalement une oeuvre sans effets, presque intimiste, avec des colorations harmoniques dorées tout à fait particulières.

    Symphonie n°5 "Western Hemisphere" (1945 - 20')

    Composée avant la 4 apparemment. C'est la plus belle des cinq : un langage vraiment original; fait de gravité étrange, clair et décidé avec des passages Americana plus amples et optimistes qui ont des couleurs appaisantes de coucher de soleil sur le Mississipi.


  2. #2
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    C'est une bonne idée ce fil , je tourne autour des disques Naxos depuis quelques temps...
    Quelque part entre Delius et Copland... ça me va !



    ps : liberté des Jazzmen... mouais : attention aux époques, aux lieux et aux contextes en tout cas ( mais je comprends ce que tu veux dire )

  3. #3
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    C'est une bonne idée ce fil , je tourne autour des disques Naxos depuis quelques temps...
    Quelque part entre Delius et Copland... ça me va !



    ps : liberté des Jazzmen... mouais : attention aux époques, aux lieux et aux contextes en tout cas ( mais je comprends ce que tu veux dire )

    ps II : Les bouquins d'Howard Zinn sont remarquables !

  4. #4
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    Fort intéressant, j'ai toujours cru qu'il n'y avait que deux symphonies... je n'avais sans doute pas cherché bien loin, le disque Naxos ne devant pas être très difficile à trouver.
    Je suis d'accord avec la description des deux premières, pas passionnant mais plutôt mieux fait que pas mal de symphonies américaines de la même époque. Que peut-on ajouter? dans l'ombre William Grant Still fut aussi l'arrangeur attitré de l'orchestre de Paul Whiteman, qui finit par lui commander des pièces originales.

    Dans la discographie d'Hanson republiée par Mercury en CD on trouve deux extraits du ballet Sahdji (Fiesta in Hi-Fi, avec des pièces de Ginastera, Lyndol Mitchell, Ron Nelson et Mc Bride)


    Il y avait chez Koch un enregistrement de La Guiablesse (ballet) avec Summerland et Danses de Panama (Berliner Symphoniker).
    Je dois avoir quelquepart dans un très mauvais son radio Toubled Island (sur un livret de Langston Hughes), son opéra qui fut le premier opéra composé par un afro-américain (1937-1946) joué par une compagnie importante à New York et diffusé par la radio nationale, mais j'en ai trop peu de souvenirs pour juger de l'intérêt de la partition.

  5. #5
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    Heu... Treemonisha de Scott Joplin c'est pas un opéra ?

  6. #6
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    on dit que si, mais à part une lecture (partielle) dans une version de concert avec piano en 1915 à Harlem, la partition éditée à compte d'auteur (sans orchestration) ne fut retrouvée qu'en 1970 et la création scénique eut lieu à Atlanta... en 1972.
    Cela dit, la question mérite un examen sérieux car je lis que Joplin écrivit en 1903 un opéra A guest of Honor, pour lequel il engagea une troupe d'une trentaine de personne et que l'oeuvre tourna dans quelques villes dont Springfield et Kansas city, jusqu'à ce qu'un membre de la troupe parte avec la caisse, causant la confiscation du matériel, non déposé, ce qui fait que l'oeuvre est réputée perdue.
    Dernière modification par sud273 ; 08/11/2009 à 02h01.

  7. #7
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    Puisqu'on en parle, j'ai aussi écouté Highway One USA (très belle pochette je trouve, chose rare chez Albany) :



    dirigé par l'excellent Philip Brunnelle. Le livret est écrit dans une veine réaliste glauque à la Steinbeck mais en plus téléphoné; dommage, avec cette pochette et ce titre je m'attendais naïvement à un remake de On the Road... L'autoroute n'a pas grand chose à voir avec l'intrigue, et les drames réalistes entre 4 murs ça m'ennuie. Musicalement c'est du Copland pas très imaginatif mais bien tourné.

  8. #8
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    Grande nouvelle, Naxos va éditer dans les prochains mois les symphonies n°2 et n°3 réunies pour la première fois sur un seul disque :

    http://africlassical.blogspot.com/20...-symphony.html

    J'ai découvert très récemment ce compositeur et je suis complètement sous le charme, comme je l'avais été en découvrant Coleridge-Taylor (variations sur un air africain, Hiawatha, symphonie parfois maladroite mais inspirée mélodiquement, etc.), avec qui Couack est tout aussi tiède. Ce mélange de Gershwin et de Delius ne pouvait que me plaire. En fait il faudrait relativiser l'influence supposée de Delius sur Still. Dans une lettre datée du 31/12/1937, Still s'explique à son interlocuteur : "Did you notice that Lawrence Gilman has twice accused me of imitating Delius? When I wrote the first composition of which he said that, I had not heard a not of Delius' music in my life. Moreover, recently I was reading a book about Delius, wherein it was said that Delius received his first inspiration to compose from hearing the Negroes sing on his Florida plantation."

    J'ai trouvé ce site particulièrement intéressant sur la correspondance de Still, chacun de ses interlocuteurs et le rôle qu'ils ont joué est présenté : http://library.duke.edu/rubenstein/s...tterindex.html

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