Il fut comme chacun sait l'un des professeurs intransigeants de Boulez, avec qui il se fâcha. On raconte que, parmi les sources de leur discorde, se trouve la première sonate de Boulez, dédiée au maître qui lui avait fait découvrir Webern et la musique sérielle. Leibowitz avait eu la relativement pas trop bonne idée de rendre à Boulez sa sonate avec les corrections en rouge, ce que son élève ne lui pardonna jamais.
En fait, si on connaît Leibowitz aujourd'hui, c'est principalement parce qu'il fut l'un des professeurs de Boulez et aussi parce qu'il écrivit pour la collection Solfèges une mémorable biographie de Schoenberg, laquelle sonne comme un manifeste de l'orthodoxie sérielle. Ceux qui l'on lue doivent se souvenir de son ton définitif et méprisant à la limite de l'insupportable.
Intransigeant et pas trop ouvert sur les bords, c'est ce que lui reprocha aussi Boulez d'ailleurs, Leibowitz semble l'avoir été. Le personnage apparaît donc assez peu sympathique, et pour celui qui a été de l'autre côté l'élève de Messiaen, il est certain que le choc devait être un peu brutal.
Ca faisait un moment que je voulais entendre sa musique, et je suis tombé il y a quelques jours sur ce cd :
qui contient beaucoup de choses car Leibowitz écrit un peu comme Webern : des miniatures ultracourtes, hypersérielles et (supposément) mégadenses.
Pour la densité chacun jugera; pour le reste la musique correspond à l'image que l'histoire a laissé de l'homme : hiératique, froide, intransigeante. Ajoutons-y une pincée de brutalité, un sens de l'orchestration annulé par l'utilisation systématique du sérialisme intégral, et autant de sensualité et de lyrisme que dans le mode d'emploi d'un frigo.
On discutait avec Tahar sur le fil Macmillan des émotions en musique : voici un cas radical de musique qui ne parle absolument pas à autre chose qu'à la tête et qui ne suscite aucune émotion.
Le cd contient les pièces suivantes :
- Sonate pour flûte op.12
- 3 Pièces op.19
- Sérénade op.38
- Marijuana, variations non-sérieuses op.54
- 3 Poèmes op.73
- Motifs op.74
- Petite Suite op.75
- Chanson de Dada op.76
- Suite op.81
- 4 Lieder op.86
- 3 Intermezzi op.87
Globalement tout se ressemble un peu, c'est sériel, froid, mathématique, sans fantaisie. Parfois c'est même atroce, comme par exemple la Chanson de Dada avec sa voix d'enfant niaise qui évoque le désordre psychologique, ou les Motifs, avec narrateur dégingandé qui raconte une histoire glauque. Les Marijuana Variations ont un côté curieux, avec ce trombone lascif, mais on ne sait pas si c'est de l'humour. Pour le reste, la Suite op.81 pour ensemble instrumental est ce qui s'écoute le mieux, avec des effets de timbres cristallins assez agréables, qui ne sont sans doute que le produit intattendu de la mécanique sérielle.
A part ça Leibowitz était un chef d'orchestre estimé et reconnu, mais je n'ai rien entendu de lui. J'ai vu que, paradoxalement, il avait enregistré Offenbach...