C'est un compositeur que je connaissais mal et que je découvre avec un enthousiasme toujours croissant, tant son langage est à la fois extraordinairement visionnaire, très peu romantique en comparaison de celui de la plupart de ses contemporains, et éminemment personnel. Il a en outre le talent de ne pas s'enfermer dans un style : aux accents impressionnistes des Années de pèlerinage répondent les fantaisies hongroises d'inspiration traditionnelles et les poèmes symphoniques au style clairement expressionniste.
J'avais déjà évoqué dans le fil Ravel la parenté entre les Jeux d'eau à la villa d'Este et le piano de Ravel, mais il y a aussi un lien évident entre les sirènes de Debussy et le Magnificat de la Dante Symphonie, sans parler des correspondances dans l'oeuvre pianistique (l'Angelus de la 3ème Année de pèlerinage c'est déjà quasiment du Debussy).
Par ailleurs, les Historische ungarische Bildnisse me font furieusement penser à du Bartok, les symphonies (Dante et Faust) n'annoncent pas simplement Scriabine : les symphonies et poèmes symphoniques de Scriabine sont tout simplement du Liszt, quant au piano le plus halluciné des dernières sonates (les Insectes et la série des Messes) il n'a pas grand chose à envier à la dernière partie de la 3ème Année de Pèlerinage (Sursum corda. Erhebet eure Herzen), et j'exagère à peine.
Les correspondances avec Wagner sont également légion, mais là je ne sais pas lequel des deux a influencé l'autre : le thème de la descente dans l'Inferno de la Dante Symphonie me rappelle la scène de la mine dans l'Or du Rhin, le traitement harmonique exacerbé et complètement expressioniste des deux oeuvres est très proche. Mais comme elles ont été composées à la même période (1854-55), difficile de dire qui s'est inspiré de qui.
Enfin bref, je suis par le génie de ce type. Et je ne fais que commencer l'exploration de son oeuvre, aussi j'espère que des forumistes moins néophytes que moi pourront éclairer certains aspects de cette oeuvre (bons et mauvais).