Bonjour.
J'avais promis à Jyduc un Poème de l'extase pour la playlist de mai, je n'ai pas tenu promesse. Donc, en guise de compensation, je vous propose un petit voyage parmi les différentes versions que je connais (comme j'aime bien le morceau, je n'en manque pas). Pour faire joli, voici un modeste début dans l'ordre chrnologique.
Nous commençons par Albert Coates en 1920 avec le LSO. A noter que le chef avait serré la paluche à Scriabine et avait discuté le coup pour savoir comment les choses devaient se passer. C'est évidemment un enregistrement acoustique, et ça ne traine pas (18'55").En raison des contraintes d'enregistrement, les violons sont devant le cornet avec une partie des vents; les percussions et les cuivres sont très minorés, coincés dans le fond pour ne pas saturer. Une fois celà dit, et sachant que la hiérarchisation des plans est très sommaire (pour parler clairement, c'est assez le bor.del dans la polyphonie), c'est une version à l'arrache, avec des changements de tempo assez déments, une grande violence et une avancée forcenée. Excitant malgré le son.
Après, c'est Leopold Stokowski qui s'y colle en 1932, avec Philadelphie. Tout autre chose. Les violons sont de nouveau très en avant et les cuivres (sauf la trompette solo) très en arrière, mais c'est un choix. Stoky développe une conception beaucoup plus douce, où les accents sont fondus dans la masse, sans pour autant sombrer dans un legato hors de propos. Faute de mieux, je dirais que c'est Rimskien - sauf que ça ne ressemble pas trop à Rimsky, plutôt au jeune Stravinsky. Cela dit, à force de rester sur la réserve et de se presser là où tout le monde s'étale un peu dans les grands épisodes cuivrés, et à force de limiter la dynamique, j'en suis resté un peu sur ma faim.
Le même Stokowski a remis le couvert en 1958 à Houston. La conception reste globalement la même (et les tempis aussi, 18'10 à Houston contre 17'20 à Philadelphie) mais... si l'orchestre (vaillant) de Houston était l'équivalent du double-crème de Philadelphie ça se saurait. C'est donc plus tranchant, avec des couleurs plus différenciées et plus de nerfs par la force des choses. On entend plein de petites choses partout, il y a un beau travail sur la dynamique des cuivres, qui s'insinuent en partant d'un niveau sonore très bas au lieu de déferler comme des malades, mais l'accord final, tenu très peu de temps, n'explose pas plus ici que dans le précédent enregistrement. Dans les deux cas, Stokowski défend une conception cohérente que je trouve un peu frustrante.
Premier Russe sur les rangs: Nikolai Golovanov en 1952 avec l'orchestre de la Radio (et Serguei Popov à la trompette). Première remarque: de l'autre côté du rideau de fer on prend plus son temps (22'05"). Après trois versions pressées, ça fait tout drôle. Et l'orchestre de la Radio de l'URSS voudrait faire dans la mollesse subtile qu'il ne pourrait pas. Exit, donc, le fondu de l'orchestre, bonjour les cuivres qui claquent et les bois qui vibrent. Golovanov, qui commence très lentement, est presque sage, évitant les emballements dont il est coutumier mais lâche la foudre dans les parties vigoureuses et, pour la première fois, on entend les cloches dans la partie finale. Au total, une version manquant sérieusement de fini mais qui en jette.
Retour à l'ouest avec Dimitri Mitropoulos, en concert à New-York en 1953. Difficile de donner un avis en raison du son manquant de présence dans mon édition (AS Disc). De ce que j'en ai perçu, c'est une version rapide (18'05") très lyrique, insistant plus que d'autres sur les basses de l'orchestre (c'est peut-être la mauvaise qualité de la bande qui fait ça). Mitropoulos s'appuie sur un orchestre vaillant, évite l'hystérie et fait bien chanter tout ce qui se présente, noyant un peu les détails. C'est fondu comme Stokowski, mais plus engagé et visant moins à une certaine légèreté.
La suite dans pas trop longtemps (Le Poème de l'extase n'est quand même pas de ces petits machins qui s'écoutent à la file). Je laisse entretemps la parole à celles et ceux qui veulent la prendre...
mah