Suzanne Giraud- Création mondiale - lundi 1er février 2010 - Paris - La Péniche Opéra

[Tahar Mouslim]

Pour celles et ceux qui seront à Paris à cette date là - et ce ne devrait malheureusement pas être mon cas - je signale le très beau programme consacrée à cette superbe musicienne, en reprenant ici la note envoyée par Suzanne elle-même:

j'ai le plaisir de vous convier à ma prochaine création qui aura lieu le:

LUNDI 1er FEVRIER, à 20h30

"Neuf-cent-vingt-six et demi

Opéra minuscule"

création commande de La Péniche Opéra

Robert : “ Si c’est comme l’année dernière, ça va être facile, oui, très facile…
Dès ce soir, hop ! fini l’avenir ! ”

livret : Jean-Nestor Debazille
musique : Suzanne Giraud
mise en scène : Mireille Larroche
avec : Paul-Alexandre Dubois, Christophe Crapez, Till Fechner,
Amira Selim, Caroline Dubost

en 1ère partie :

ENVOÛTEMENTS, par Stéphane Tran Ngoc, violon
ZÉPHYR, par Wilhem Latchoumia, piano

La Péniche Opéra
amarrée face au 46, quai de la Loire, Paris 19è,
métro : Jaurès
tel : 01 53 35 07 77

Editions Musicales Artchipel

Vous allez découvrir cette histoire théâtrale, pleine de suspens et de cruauté!

Robert, le père, ancien ingénieur en statistiques, est à la retraite. Par son savoir, il a calculé:
1° son profil, qui est celui d'un individu moyen
2° le nombre de jours qu'il lui reste à vivre
3° que cela lui laisse le temps d'effacer toutes ses traces

Jean-Paul, le plus jeune des deux fils, a adopté un petit Cambodgien en couple avec son compagnon Jean-Jacques. Il ne sait pas comment l'annoncer à son père.
La plupart du temps, il chante en duo avec son frère aîné, Jean-Pierre qui, de son côté, a eu un enfant hors mariage et ne sait pas non plus comment l'annoncer.

Il vont mourir avant d'avoir pu le faire, car leur père va leur tirer dessus!

Alors intervient une mystérieuse femme qui dévoile petit à petit le fin mot de l'histoire de cette famille. Mais elle sera, à son tour, rattrapée par l'ordre social.



Je connais les deux oeuvres de la première partie, qui sont superbes.

Le brillant Wilhem Latchoumia sera de la partie, ce qui rend cette soirée encore plus excitante, si besoin était.

Je ne me fais guère d'illusion sur le fait que cela attirera moins le chaland (sans mauvais jeu de mot) que n'importe quel chef d'orchestre dans un programme rabâché, ou que le moindre pianiste dans une chopinerie quelconque: quant à moi, j'espère avoir une deuxième chance de pouvoir entendre un jour ce programme.

[Agamemnon]

C'est toujours excitant une création ! A ce moment, le champ des possibles est infini et on peut imaginer l'oeuvre parfaite... Ensuite les hommes la prennent en charge et commence le doux et excitant massacre !

C'est noté et merci de faire suivre l'info !

[Tahar Mouslim]

Une autre raison pour laquelle c'est excitant, c'est que c'est très rare et qu'on se sait pas si on aura une deuxième chance de si tôt si on loupe la première: c'est le cas pour les très beaux opéras d'Isang Yun par exemple, et bien d'autres.

[Theo B]

Je ne me fais guère d'illusion sur le fait que cela attirera moins le chaland (sans mauvais jeu de mot) que n'importe quel chef d'orchestre dans un programme rabâché, ou quele moindre pianiste dans une chopinerie quelconque: quant à moi, j'espère avoir une deuxième chance de pouvoir entendre un jour ce programme.

Tu sais Tahar, j'ai intrinsèquement la plus grande sympathie pour ce militantisme - en matière musicale, j'ai de façon générale de la sympathie pour toute attitude de dimension militante, politique, qui fait des choix et qui ne place pas tout à égalité.

Mais j'aurais beaucoup plus de sympathie si tu te fondais sur une image des pratiques "bourgeoises" de la musique "classique" plus proches de la réalité. Tu as peut-être cessé d'aller aux types de concerts que tu évoques plus haut. Si oui, le fait est que tu n'es pas le seul. Surtout si tu ajoutes les modalités que j'ai soulignées dans ton propos. T'imagines-tu vraiment que beaucoup de pianistes , dans une récital convenu, remplissent une grande salle à Paris? La proportion est d'environ un pour quinze, et je suis gentil. Et encore, au TCE, car il y a une survivance d'habitus bourgeois de la "saison de pianistes au TCE". A part pour Zimerman, je n'ai jamais vu Pleyel ni le Châtelet à guichet fermé pour un récital de piano, et ce en des dizaines de soirées. Jamais. Et je connais beaucoup plus de mélomanes qui lèvent des yeux las au ciel quand on leur parle d'un programme Chopin que l'inverse. C'est dommage, car Chopin est à mon sens un compositeur certes très joué, mais mal connu et assez sous-estimé, comme Haydn ou Rachmaninov par exemple.

Pour ce qui est de l'orchestre, sur peut-être 200 concerts à Paris, j'ai dû en voire quatre ou cinq à guichet fermés. J'ai aussi vu Paavo Järvi entamer son intégrale Beethoven dans un TCE à peu près vide, cette année Saint Petersbourg Ph. donner le Lac des Cygnes et Shéérazade (!!!) devant les seuls orchestre et 1er balcon. J'ai vu le second balcon de Pleyel fermé au public pour un concert Strauss-Schumann de Dohnanyi ou pour un récital Liszt-Chopin de Berezovsky. Je peux continuer des pages.

La plupart du temps les grandes salles sont au tiers vide. Rarissimes sont les concerts, aussi "classiques" et prestigieux soient-ils, auxquels je n'ai pu assister aux toutes meilleures places, parce qu'il n'y a personne sinon des passionnés qui payent entre cinq et vingt euros et se répartissent plus ou moins librement dans la salle.

Il y a toujours eu moins de monde pour soutenir la création que le répertoire connu, c'est un fait, et ça n'est pas prêt de changer. Mais c'est catastrophique de les opposer, et d'opposer leurs publics, car les deux sont dans un état à peu près aussi cataplectique l'un que l'autre.

[Theo B]

A part ça, si tu le conseilles et que je n'ai rien d'autre, j'irai bien entendre ce concert, d'autant que cela fait belle lurette que je n'ai pas mis les pieds à la Péniche (genre quinze ans, mais je m'en souviens, Gérard Lesne, Médée).

[Kilgore Trout]

Je trouve que tu exagères quand même Théo : même si ce n'est pas à guichet fermé, je vois rarement la salle Pleyel peu remplie, et chaque fois que je l'ai vue vraiment mal remplie, c'était pour des programmes rares. C'est sans doute plus complexe : il y a des trucs rebattus qui font fuir, des grands pianistes inconnus, des stars qui remplissent automatiquement quoi qu'ils jouent et aussi mal qu'ils jouent (Lang Lang )... différents publics, différentes demandes, différentes manières d'aller au concert. Et les mélomanes forcenés que nous sommes ne représentent qu'une part minime du public, et sans doute négligeable pour le remplissement de la salle. Après, je ne suis pas certain que la musique de Beethoven soit la plus à plaindre dans l'histoire.

Et peut être que les programmateurs se trompent : on voit parfois la cité de la musique (une salle certes plus petite) jouer à guichet fermé pour des trucs que l'on ne joue jamais ailleurs (le concert Xenakis récemment). Peut-être que, contrairement à ce que les programmateurs peuvent croire, ces programmes sont capables de remplir Pleyel, tout du moins autant qu'un programme plus classique?

Et Saint Pétersbourg, c'était vraiment plus vide pour Le Lac des cygnes que pour les deux autres concerts? Parce que c'était quand même bien plein sur ceux là, c'est surprenant.

[Theo B]

Oui, pour Saint Petersbourg, ça n'avait rien à voir avec les deux concerts suivants auxquels tu est venu. Le premier parce qu'il y avait le concerto que les gens ont vu joué par Mélanie Laurent dans un film à succès - "la surprise du box-office, le coup du bouche-à-oreilles" disent les journaux, j'aime le concept du bouche-à-oreille placardé dans toutes les stations de métro de Paris

Le second (déjà moins plein) parce qu'on était samedi soir.

Je ne nie pas du tout les nuances que tu mets dans ton premier paragraphe, ni que j'ai rarement vu la Cité vide pour des programmes contemporains. Mais c'est une salle "à public" et heureusement qu'il y en a, comme le Louvre sera toujours plein pour un pianiste de 18 ans parfaitement inconnu jouant un programme classique parce qu'il y a juste assez de monde qui sait que cette institution est la seule à Paris qui a saisi quelque chose de la notion de critère qualitatif de programmation.

Il en faut, mais ce sont des cas d'espèce. Et effectivement, on parle de jauges de 500 à 900 places, pas de 1600-2000.

[Kilgore Trout]

La cité de la musique c'est 1000 places.

[Theo B]

Et effectivement, on parle de jauges de 500 à 900 places, pas de 1600-2000.

La cité de la musique c'est 1000 places.

Hou le chipoteur. Le Louvre c'est 450!

Plus sérieusement: l'intérêt de tout cela n'est jamais de parler d'état des lieux, mais d'évolutions. Et le taux de fréquentation des salles, tous répertoires confondus, n'est-il pas en baisse structurelle depuis au moins trente ans?

Si oui, il faut en tirer des conséquences quant aux discours, et ne pas faire de clivage entre publics "traditionnels" et public de la création, car cela c'est un luxe qui me parait superflu.

Ou alors il faut changer de cible (je m'adresse à nouveau à Tahar). Je soutiens à fond quiconque part en guerre contre les organisateurs de concerts au TCE et à Pleyel (car c'est commode de se cacher derrière la clientèle bobo-élitiste de la Cité) pour les inciter à mettre de la création régulière dans leurs salles. De la même manière que quand je m'en prends à la médiocrité et la stupidité de la programmation pianistique parisienne, je m'en prends aux producteurs, pas au public qui a pour seul tort de lire les âneries des magazines et d'écouter les radios.

[Tahar Mouslim]

Beethoven a moins besoin de public qu'Isang Yun, et pourtant le second laisse une trace dans la grande histoire de la musique qui ne dépare pas celle du premier.

En peinture, Georgia O'Keeffe - prise totalement au hasard, et morte il y a peu, a un impact comparable à un Rembrandt, un Vermeer, un Watteau.

En littérature, l'impact de Toni Morisson et Nadine Gordimer, dans la littérature de langue anglaise n'est absolument pas inférieur à celui d'une Jane Austen ou d'un Charles Dickens auprès d'un public de passionnés cultivés et savants.

Il n'y a qu'en musique où on voit un quatuor à cordes nommé Alban Berg faire salle pleine lorsqu'il joue des "classiques" et faire salle presque vide lorsqu'il joue les oeuvres du compositeur dont il a pris le nom.

Il n'y a qu'en musique qu'une grande partie du public a ce comportement de citadelle assiégée et d'antiquariat radoteur.

l'oeuvre pour quatuor à cordes d'Alban Berg date d'il y a plus de 80 ans. Il y a 15 ans, il n'y avait pas d'internet, pas de téléphone portable. Il y a 7 ans, seulement 3 pour cent des foyers américains aviaent accès à l'internet haut débit.

Je sais bien qu'il est censé ne pas avoir d'innovation en art, que le métabolisme artistique n'a rien à voir avec le métabolisme social, et patin couffin, mais "give me a break".

D'autant plus que, encore une fois, dans d'autres arts, on n'assiste absolument pas au même phénomène, et d'autant plus que, lorsqu'on "expose" quelqu'un qui ne connait rien à la musique dite classique, au meilleur de la musique contemporaine, ce quelqu'un en sort très souvent enthousiaste.

La musique, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, vit dans un monde marchand, et les organisateurs feront ce que le public veut.

Dédouaner le public dans le cadre que je viens de décrire me semble donc un peu facile.

[Theo B]

D'accord, mais ça m'intéresse de savoir pourquoi, à ton avis, ce schéma est particulier à la musique - vaste question.

D'autant que si j'admets sans peine qu'il n'est guère semblable pour les arts plastiques, ainsi que pour la littérature, ce n'est me semble-t-il pas le cas pour l'architecture - je suis relativement bien placé pour connaitre le mépris dans lequel bien des spécialistes de l'architecture classique tiennent les architectes et a fortiori les théoriciens de l'architecture contemporaine (lesquels, il faut dire, y mettent du leur).

Je suis loin de connaitre sérieusement le sujet, mais il m'a semblé relever quelques similitudes entre ces deux mondes, pour ce qui est de cette question. Une fois encore, on ne peut pas être ici dans la pétition de principe.

[Zimrilim]

Joyeux anniversaire Tahar et joyeux noël à tous !

[Theo B]

Pareil!