Avez-vous suivi la retransmission sur Arte?
Sur beaucoup de points, c'était bien meilleur que le 7 décembre à la Scala.
La direction d'orchestre d'abord, ciselée, précise, incisive, alors que Barenboim était assez monolithique et massif.
Ensuite on a entendu ce soir la meilleure Micaëla des cinquante dernières années: Anne-Catherine Gillet. Un timbre satiné et nacré comme on n'en avait plus entendu depuis Gundula Janowitz, ajoutez une diction française parfaite et une forte présence théatrale. Qui est cette soprano qu'on nous cachait jusqu'à présent? C'est elle qui a reçu du public l'ovation la plus enthousiaste au rideau final, dans un rôle qui est pourtant rarement mémorable.
Nicolas Cavallier n'a pas un timbre très séduisant, mais il chantait bien plus juste et surtout bien plus en place rythmiquement que Erwin Schrott à la Scala, et avec une belle autorité.
La voix du ténor Andrew Richards parait plus claire et naturelle, moins artificielle et "construite" et surtout moins engorgée que celle de Jonas Kauffmann, plus conforme en tous cas à l'idée qu'on se fait du ténor d'opéra-comique français.
Anna-Catarina Antonacci a totalement le physique du rôle, elle prononce le français aussi bien que si c'était sa langue maternelle et c'est une superbe actrice, d'une sensualité ensorcelante.
Si on la compare à Anita Rachvelshvili, son timbre est évidemment beaucoup moins rond et velouté dans le registre grave, et surtout moins régulier et égal sur l'ensemble de la tessiture.
La bascule entre sa voix poitrinée et son registre aigu s'entend parfois, surtout quand elle utilise une sorte de "quasi parlando" très efficace pour donner plus d'impact à son registre grave un peu trop fragile.
Mais peu importe, c'est une véritable bête de scène et une vraie grande Carmen.
Joie également d'entendre la vraie Carmen de Bizet seul, et non la Carmen retouchée par Viollet-le-Duc... pardon je veux dire par Guiraud.
Donc des récitatifs en moins mais plein de morceaux en plus par ci par là, dont une scène très rarement jouée entre Moralès et les soldats entre le départ de Micaëla et la garde montante.