Bonsoir.
Sur un autre fil, Erwan cite un message que j'avais laissé il y a bien longtemps sur un autre forum où je disais ceci, commentant l'intégrale des symphonies de Miaskovsky par Svetlanov:
"Mais il faut quand même savoir que le gros des enregistrements date des années 1991-1993, et ce n'est pas à mon avis la meilleure période pour les enregistrements de Svetlanov. (Je veux bien développer un peu sur le sujet si quelqu'un cite cette partie de mon message)"
Et Erwan ajoute:
Donc voici: le plus ancien enregistrement de Svetlanov que je connaisse date de 1952 - il a 24 ans - et il accompagne Vera Firsova dans un air de "La nuit de Noël" de Rimsky-Korsakov. Nommé chef assistant du Bolchoï en 1955, il enregistre quelques intégrales. Dans le même temps, il donne quelques disques symphoniques avec l'orchestre de la radio de Moscou (dont un Boléro de Ravel couplé avec les Nocturnes de Debussy ). Dans cette période, c'est encore un chef en devenir, soigneux et estimable, mais pas transcendant à mon goût.
En 1965, il succède à Konstantin Ivanov à la tête de l'orchestre d'Etat. A noter que, à cette occasion, l'orchestre d'Etat prend le titre honorifique de "Académique", ce qui fait que les deux intitulés coexistent sur les pochettes, les commentateurs disant parfois que Svetlanov est à la tête de deux orchestres
Une fois nommé il se met à enregistrer à tour de bras beaucoup de musique Russe mais pas seulement. Si l'on songe que son intégrale des symphonies de Tchaikovsky date de 1967, on peut dire qu'il a assez rapidement pris le pouls de l'orchestre et a su tout de suite en tirer le maximum - ils avaient quand même déjà enregistré quelques disques avant 1965, donc ils se connaissaient.
La période 1965-1985 est ma période favorite pour Svetlanov: grande tension, cuivres qui claquent - ils claquent de plus en plus au fil du temps et au début des années '80 c'est parfois un peu trop - tempo allant (final de la Symphonie Classique de Prokofiev, Ouverture de fête de Chostakovitch), cohésion sans failles, couleurs crues, tout ce que j'aime - et qui peut déranger certaines oreilles...
A partir de 1985, la tension baisse, l'orchestre prend de la graisse - de la lourdeur si on est de mauvaise humeur - et les recherches de couleurs deviennent plus présentes. Ça peut avoir son charme même si j'aime un peu moins, et ça donne quand même de belles réussites. Mais je garde un souvenir peu ému de l'intégrale Glazounov de 1989-1990, et pas seulement à cause de la musique que je n'adore pas.
Puis, de 1990 à la fin de sa vie, Svetlanov cède avec plus ou moins de bonheur selon moi au pêché mignon de certains chefs vieillissants: le ralentissement généralisé de la pulsation. Il y aurait une thèse à écrire là-dessus, pour se demander d'où ça vient mais Svetlanov n'est pas seul: il y a eu Celibidache, bien entendu; mais aussi Giulini, et ses 8e de Dvorak en 45 minutes, ou Bernstein et son dernier mouvement de "Pathétique" de Tchaikovsky qui dépassait le quart d'heure... Le dernier enregistrement du "Poème de l'extase" par Svetlanov dure 29', 9' de plus que son enregistrement public à Londres! Ça donne parfois des choses fascinantes ("Lîle des morts" ou... la Symphonie de Chausson avec l'orchestre de la radio Suédoise ).
Pour les Miaskovsky s'ajoute un autre problème extérieur qui a son influence: en 1991, c'est la fin de l'URSS, c'est la fin de Melodiya, et c'est l'entrée dans une période de total n'importe quoi pour les institutions Russes. Les services publics disparaissent, l'emploi à vie des musiciens est remis en cause, les quelques institutions maintenues voient les salaires ne plus être payés... Un part non négligeable de l'orchestre d'Etat est pompée à coups de dollars par l'orchestre fabriqué par DG pour Pletnev...
Dans l'enregistrement des Miaskovsky, daté globalement 1991-1993 sans détails, on pourrait presque suivre la chronologie des évènements selon le degré de précision de l'orchestre. Dans les dernières sessions, on a visiblement oublié de répéter et on enregistre en vitesse un déchiffrage à vue - les 5e, 10e et 12e symphonies, par exemple, sont totalement bâclées, même si l'esprit est là. La rumeur veut que Svetlanov, qui tenait à cette intégrale, ait payé de sa poche les derniers enregistrements...
Et puis il y a aussi les habituelles erreurs qui me crispent dans la présentation - j'ai l'édition Russian Disc, je suppose que Warner dit les mêmes couenneries. La 27e n'est pas un enregistrement nouveau, c'est une réédition de l'enregistrement de 1980, lequel a un parasite aigu dans le premier mouvement ici nettoyé au Kärcher. La symphonie 19 n'est pas enregistrée en 1970, c'est la 22 qui l'est... Et puis personne ne semble vouloir rajouter au corpus l'un des 3 (!) enregistrements du concerto pour violoncelle, que ce soit avec Rostropovitch (un live paru chez EMI), en studio avec Luzanov ou en public avec Gutman. Mais, quand j'aurai le temps et l'envie, je dirai peut-être pourquoi j'ai abandonné l'Edition Svetlanov de chez Warner dès le volume 2....