Je reviens quant à moi avec un album acheté il y a déjà longtemps et qui m'avait beaucoup intrigué quand je l'ai vu paraître (l'enregistrement est d'octobre 1993).
Le Concerto en ré mineur BWV 1052 a toujours compté parmi mes préférés ... J'en ai donc plusieurs versions, avec comme instrument soliste un clavecin, ou un piano moderne, ou même un violon (dans ce dernier cas, j'ai l'enregistrement réalisé pour Chandos en avril 1992 par Simon Standage et le "Collegium Musicum 90").
Mais quand c'est l'orgue qui est soliste, comme ici, c'est vraiment très impressionnant :
Dans la brochure accompagnant l'album, Gilles Cantagrel présente de la manière suivante les oeuvres qui y sont enregistrées :
"Sinfonia en ré majeur BWV 29/1
Cette page instrumentale ouvre aujourd'hui la cantate BWV 29, grande œuvre de circonstance écrite pour fêter l'élection du nouveau Conseil municipal de 1731. Elle fut reprise pour une occasion semblable en 1739 et 1749; mais déjà, un peu plus tôt, Bach avait utilisé ce morceau pour ouvrir la deuxième partie d'une cantate de mariage (BWV 120a), qui ne nous est parvenue que très fragmentairement. Or cette page n'est jamais que la transcription pour orgue et orchestre du prélude de la troisième Partita pour violon seul (BWV 1006), l'une des pièces instrumentales les plus connues de Bach. Le compositeur a commencé par transposer l'original de mi en ré majeur, qu'il a confié à la main droite de l'organiste; et il a enrichi son propre texte en déployant les basses et les lignes contrapuntiques qui ne sont que sous-entendues, implicites dans le texte pour violon seul, réalisant ainsi un véritable allegro concertant. Orchestration brillante : trois trompettes, deux hautbois, timbales, cordes et continuo, avec partie d'orgue concertant entièrement rédigée. Ce mouvement offre un éloquent exemple de l'introduction à l'orgue du style de l'écriture pour instrument à cordes, avec notamment sa plasticité mélodique et sa technique propre du bariolage.
Concerto en ré mineur BWV 1059a
L'histoire de cette œuvre aujourd'hui inconnue des mélomanes dit bien à quel patient travail d'enquête se sont livrés les musicologues. Parmi les nombreux concertos écrits par Bach durant son séjour à Coethen et en partie perdus, il en est un pour violon ou hautbois resté introuvable mais dont le compositeur rédigea une transcription pour clavecin et cordes en ré mineur (BWV 1059). Nouveau malheur : si le manuscrit de cette transcription nous est bien parvenu, il s'interrompt au bout de neuf mesures... Or, ces mesures sont exactement celles du début de la sinfonia introductive de la cantate BWV 35 de 1726, pour orgue concertant avec trois hautbois et cordes. Tout permet donc de penser que, comme à l'habitude, la suite de la sinfonia reprend tout le premier mouvement du concerto. Dès lors, n'est-il pas tentant de chercher à retrouver les deux autres mouvements perdus ? La cantate nous y invite : l'aria d'alto qui suit la sinfonia, un adagio rêveur en la mineur (ton relatif de ré), exige également la participation d'un orgue concertant, de même que la sinfonia, presto, qui ouvre la deuxième partie de la cantate, à nouveau en ré mineur. Et voici réunis les trois mouvements d'un concerto parfaitement cohérent, offrant toutes les garanties souhaitables - et de Bach à l'état pur.
Concerto en ré majeur BWV 1053a
A nouveau, l'original de cette œuvre est un concerto pour flûte ou pour hautbois de l'époque de Coethen aujourd'hui perdu. Mais la transcription pour clavier qu'en fit Bach est cette fois bien connue, puisqu'il s'agit du Concerto pour clavecin et cordes en mi majeur BWV 1053. Or, là encore, ses trois mouvements se retrouvent dans des cantates d'église. Transposé de mi en ré, le premier allegro sert de sinfonia d'ouverture à la cantate BWV 169. dans une instrumentation étoffée de trois hautbois, tandis que le deuxième mouvement génère le second air d'alto de la cantate, à présent dans le ton funèbre de si mineur pour dérouler en sicilienne sa poignante déploration sur les mots «Meurs en moi, meurs en moi, monde !». Quant au finale du concerto pour clavecin, ce n'est pas dans cette cantate qu'on le rencontre, mais dans une autre, BWV 49, pour hautbois, cordes et orgue concertant, exécutée deux semaines plus tard que la précédente. Cette fois, le musicien a adapté sa partition sans en modifier la tonalité. Pour reconstituer le concerto pour orgue, il convient donc de transposer en ré majeur cet allegro vigoureux.
Concerto en ré mineur BWV 1052a
Après les Brandebourgeois, c'est sans doute le plus connu des concertos de Bach, dans sa version pour clavecin et cordes. Mais sait-on que lui aussi provient d'un original perdu pour le violon ? Et que lui aussi a connu un troisième état, pour orgue et orchestre ? Bach a en effet réemployé intégralement le célèbre allegro initial pour préluder à la cantate BWV 146, toujours de 1726, «Wir mùssen durch viel Trübsal in das Reich Gottes eingehen» («A travers bien des tribulations nous devons accéder au royaume de Dieu»); il en a maintenu le ton de ré mineur, avec son énergie presque pathétique, et comme dans les autres transcriptions, il a, pour mieux dialoguer avec l'orgue, étoffé le dispositif instrumental de trois hautbois (ou plus précisément, deux hautbois et une taille, ou hautbois da caccia, l'ancien cor anglais en fa). Le chœur qui, dans la cantate, suit cette sinfonia est à son tour adapté de l'adagio du concerto. Quant au finale, on n'en connaît pas de transcription pour orgue et orchestre de la main de Bach; mais une note du compositeur indique qu'il l'avait prévue comme sinfonia liminaire pour sa cantate «Ich habe meine Zuversicht» («J'ai placé ma confiance en mon Dieu fidèle») BWV 188 de 1728, pour hautbois, cordes et orgue obligé. La partition de cette œuvre a été éparpillée en feuillets séparés, et on ne la connaît que très incomplètement; mais la précieuse recommandation de Bach incite assurément à lui obéir pour compléter le concerto !"
Jacques