Finalement, après avoir longuement écouté cette réalisation achetée il y a peu:
et réalisée en juillet et novembre 2006 en marge de la représentation de concert donnée au Festival de Radio-France à Montpellier le 28 juillet 2006, je me dis que le jeune Marc Minkowski, lorsqu'il a réalisé cet enregistrement en novembre décembre 1989, à la Maison de Radio-France, en marge des représentations parisiennes, avait vraiment du talent:
D'abord, il faut dire que le bel ensemble qu'est Al Ayre Español Orquestra n'est pas aidé par une prise de son assez caverneuse et très réverbérée à l'Auditori Palau de Congressos de Girona, qui est pourtant une salle à la belle acoustique dans mes souvenirs, même si je n'y suis allé qu'une seule fois à l'été 1997.
La direction de l'ami Eduardo López Banzo est elle aussi didactique, limite ennuyeuse, et ne met pas en valeur cette musique de chair et de sang, par une direction qui me fait penser aux moments les plus placides d'Alan Curtis.
Sur un autre fil, Didier reproche à Abendroth de "violer" la neuvième de Bruckner: j'avoue que c'est la neuvième de Bruckner que je préfère, et que j'aimerais qu'on "viole" la musique d'Amadigi plus que ne le fait le chef espagnol.
Marc Minkowski violait par moments cette musique, et cela servait beaucoup mieux le drame à mon sens.
En plus, il vaut mieux avoir une mezzo géniale comme la jeune Bernarda Fink dans le rôle du " faux méchant" Dardano qu'un contre ténor assez placide et peu à l'aise techniquement comme Jorge Domenech.
La jeune Nathalie Stutzmann aurait été une des plus grandes interprètes de la musique de tonton Haendel, si elle avait persévéré dans ce registre: la comparaison avec Maria Riccarda-Wesseling, si plate et à la voix sans résonance, en est une preuve de plus.
Sharon Rostorf-Zamir et Elena de la Merced sont bonnes: je le savais déjà pour la première, mais Jennifer Smith et Eiddwen Harrhy l'étaient aussi.
Dans un cas, je ne vois pas passer les deux heures et demi, et j'ai une preuve de plus du génie dramatique de tonton Haendel, et dans l'autre - le plus récent - je me demande bien pourquoi vouloir jouer cette musique si brûlante, si c'est pour la faire ressembler à une grenouille démédulée.
Il y a dans l'enregistrement de Banzo tous les excès que je n'aime pas chez Curtis: tonton Haendel est le plus grand dramaturge musical de son temps, et un dramaturge aussi haut qu'Aristophane, Shakespeare, Racine ou encore John Milton dans l'Histoire de l'art.
Je préfererai toujours des chanteurs à la voix et à la dramaturgie hors norme, même s'ils sont hors style et pas musicalement informés, comme Marian Anderson, Joan Sutherland, Teresa Stich Randall, Maureen Forrester ou Marylin Horne à des robinets d'eau tiède, soit disant stylés et informés, comme certains chanteurs initiaux de Gardiner il y a 30 ans, ou ce que nous font madame Wesseling et monsieur Domenech.
C'est d'ailleurs une très grosse déception, pour ma part, en ce qui concerne Maria Riccarda-Wesseling, dont la caractérisation du rôle de Medea dans la production de Teseo de l'opéra de Postdam 2003 en DVD m'avait enthousiasmé.
Quant à la direction d'orchestre de Banzo, comme celle de Curtis dans certaines oeuvres qu'il a enregistrées, si c'est pour faire aussi peu vivant, aussi peu engagé, aussi plat, aussi macrobiotique, sans drame, sans chair et sans sang, je me demande bien pourquoi être érudit et musicalement informé, et je dis "Eh Manu: pourquoi faire? ".
Heureusement qu'on a depuis une vingtaine d'années une génération de chanteurs à la fois musicalement informés et grand dramaturges: le jeune Minkowski avait eu le nez creux pour en réunir certains il y a presque vingt ans, et ce n'est pas cet enregistrement récent qui va me faire jeter mon coffret Erato à la poubelle.