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Discussion: Erroll Garner (1921-1977)

  1. #1
    Membre Avatar de raphael
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    Erroll Garner (1921-1977)

    2007, c’est aussi le 30e anniversaire la mort de cet autre géant du piano jazz, né une poignée d’années avant Oscar Peterson et tout aussi original que lui.



    Voici un musicien et pianiste, enfin un prince du piano à mon avis, de qui il y a beaucoup à apprendre, que l’on soit musicien classique ou jazz : de son rapport à l’instrument si naturel, son aisance, sa tenue qu’aucun professeur ne pourrait scientifiquement cautionner (l’homme de petite taille s’asseyait très haut et très près du clavier), la clarté de son discours et de ses idées, son bonheur d’improvisateur etc., De la tête au pied, je suis toujours fasciné de voir comme il domine son sujet.

    Et j’ai tellement de plaisir à savoir qu’il ne savait pas lire la musique... (si vous pouviez savoir !)

    Oui ! Comme Charlie Parker, voici des gens qui ont fait de la musique avec leurs oreilles et leurs doigts, seulement, l’œil tourné vers l’intérieur.

    Oui, c’est tellement bon de rappeler, dans une société de plus en plus normative, ce qu’on peut faire hors des sentiers battus de la lecture et de la sainte écriture.

    Son deal était assez simple. very simple : I play my music, and you give me your money !

    Pour le plaisir donc, voici Erroll en 1962 au faîte de sa forme ! Le voici attablé comme un gastronome à son piano, se réjouissant des meilleurs mets disposés devant lui (mais le piano est-il séparé de lui ? n’est-il pas en monologue avec lui-même ? Ne voit-on pas que c’est son oreille qui commande ses doigts, ne sent-on pas une liaison directe oreille-doigts ? ) comme ici dans « Where or When »


    Ou tout aussi impressionnant dans ce medley : d’abord en 62, « The One and Only » coupé dans ce montage vidéo pour « One note Samba », puis en 1964, dans une autre pièce que je ne sais intituler (où l’aisance de sa technique de jeu d’accords et d’octaves stimulera pas mal de pianistes), et d’autre encore dont une belle ballade :


    En 1964, à la BBC dans « just one of those things »,

    Toujours en 1964, dans 2 pièces printanières revitalisantes, successivement « Spring is here », « It might as well be spring »



    « I get a kick out of you » (il est toujours très en forme). Quelle joie et expression de contentement sur son visage ! Vous voilà en forme pour la journée !


    En couleurs et en France (1972), où l’on peut voir sa main presque perpandiculaire au clavier dans « All the Things You are ». C’est presque un geste de plasticien qu’il adopte, touchant le son plus que la touche du clavier.


    Dans la même série « Something »


    J’en termine avec deux pièces pour les concerts BBC Jazz 625. Une de mes versions préférées de « The Lady is a Tramp », sans doute en 1964 :

    Et son fameux « Lover »

    Quel bonheur que tout ceci...

  2. #2
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    (l’homme de petite taille s’asseyait très haut et très près du clavier.
    L'anti-Gould pour sa position au piano et sa jovialité!
    Merci pour tous ces liens.

  3. #3
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    De la musique qui rase de près... De bon matin, ça fait du bien !!!...

  4. #4
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Fou des chutes :
    L'anti-Gould pour sa position au piano et sa jovialité!
    Ignete :
    De la musique qui rase de près... De bon matin, ça fait du bien !!!...

    Oui ! Comme je l’écrivais à un ami, un type comme Garner montre ce que peut être la musique comme prolongement de son corps. Comme Gould, il est habité et mû de la tête aux pieds par ce qu'il produit intérieurement mais, à l’inverse du canadien, sans jamais avoir eu la sécurité de l'écrit pour y parvenir.

    Tout est « sur le fil du rasoir », pour reprendre l’image d’Ignete.

    Tout est dans sa mémoire et dans ses doigts. Sur le plan de l’expression personnelle, je me demande souvent ce que nous valons, nous « artistes classiques », dévots l’œuvre écrite, répétiteurs et perfectionnistes acharnés, par rapport à ce fait....

    Personnellement, écriture mise à part puisque Garner, autodidacte, faisait tout d’oreille, je place le génie d’un musicien de l’acabit de Garner sur le même plan que celui d’un Mozart où je retrouve la même précocité, la même respiration de l’invention, la même énergie inépuisable. Leur œuvre n’est pas comparable, c’est évident, mais la puissance de leur génie est semblable. Tous deux remodèlent le paysage des sentiments et du corps.

  5. #5
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Oui ! Comme je l’écrivais à un ami, un type comme Garner montre ce que peut être la musique comme prolongement de son corps. Comme Gould, il est habité et mû de la tête aux pieds par ce qu'il produit intérieurement mais, à l’inverse du canadien, sans jamais avoir eu la sécurité de l'écrit pour y parvenir.
    Cela me paraît très juste.

    Personnellement, écriture mise à part puisque Garner, autodidacte, faisait tout d’oreille, je place le génie d’un musicien de l’acabit de Garner sur le même plan que celui d’un Mozart.
    Dans le document suivant, Bill Evans tente une comparaison un peu similaire entre le jazz et la musique classique, qui devrait vous intéresser (mais qui paraîtra un peu naïve à certains, par son expression):

    Voyez notamment à partir de 6m46, puis plus particulièrement après 7.48. Evans dit en substance que le jazz est une renaissance sous une autre forme de ce que l'on trouvait dans la musique européenne jusqu'au 18e siècle, à savoir l'improvisation. Il ajoute qu'il considère le jazz moins comme un style de musique que comme une façon ("a process") de faire de la musique.

    "It is the process of making one minutes’ music in one minute’s time, whereas when you compose you can make one minute’s music and take three months."

    "You might say that Chopin or Bach, Mozart, or whoever (…) were in a way playing jazz."
    Dernière modification par Fou des chutes ; 04/01/2008 à 00h27.

  6. #6
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Oui, merci pour ce témoignage édifiant Fou des chutes ! Je crois que nous le comprenons de la même manière.

    C’est à 8’35’’ de la vidéo que vous mettez en lien et B. Evans dit effectivement ceci que je partage à 100% :

    « « ...but, I think we must remember than in a absolute sense, Jazz is more a certain creative process of spontaneity, than a style. Therefore you might say that Chopin, or Bach or Mozart, or whoever improvise music, that is, was able to make music of the moment, was in a sense, playing jazz. » »

    que je propose de traduire pour respecter la règle des forums en français (bonne règle) par :

    « « ... mais, je pense qu’il faut se souvenir que dans l’absolu, le Jazz est plus un processus de créativité de spontanéité, qu’un style. C’est pourquoi on peut dire que Chopin, ou Bach ou Mozart, ou quiconque improvise de la musique, c-à-d qui fait de la musique de l’instant, étaient dans un sens, entrain de jouer du Jazz. » »

    Et il a entièrement raison de rappeler que l’improvisation, à l’inverse de la composition, est une manière de faire de la musique et de faire œuvre en temps réel. Cela n’a rien de naïf mais est tout à fait juste.

    Et il est vrai que le jazz perpétue cette tradition abandonnée par l’occident au profit d’une exploration et stimulation scripturale —et pour les interprètes, de la maîtrise de celle-ci.

    À ce sujet, dans le classement opéré par les prestigieux mélomanes parisiens que je peux lire parfois ici (dont les oreilles sont si fines), on peut souvent constater que la musique improvisée est inexistante (c-à-d « l’oralité » musicale en général), ou n’a pas droit de cité car écartée de par sa différence de genre, ou encore se voit dénigrée comme étant de valeur moindre par rapport à la musique écrite, c-à-d à l’œuvre possédant une existence scripturale. On dirait parfois qu’il suffit d’écrire pour être... On préfère même souvent commenter et prendre des positions de principe sur des œuvres moches, creuses, conceptuelles à 100% mais écrites plutôt que s’ouvrir aux musiques qui soufflent le risque de l’avoir à dire en temps réel...

    Il y a certes moins de contrôle dans l’improvisation que dans l’écriture et jadis, lorsque l’improvisation était une respiration musicale quotidienne (pour tout musicien digne de ce nom), jusqu’aux 18e s., les traités contrepoint différenciaient la pratique improvisée du « cantus super librum » (chant sur le livre) de la « res facta » (chose faite) c-à-d de la musique écrite (notons qu’on était à ce sujet plus souple dans l’improvisation).

  7. #7
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par raphael Voir le message

    « « ...but, I think we must remember than in a absolute sense, Jazz is more a certain creative process of spontaneity, than a style. Therefore you might say that Chopin, or Bach or Mozart, or whoever improvise music, that is, was able to make music of the moment, was in a sense, playing jazz. »
    Décidément, vous avez de l'oreille.

    Je suis content que vous ne le trouviez pas naïf. Ce qui me le paraissait, en plus de sa périodisation un peu schématique (mais puisqu'elle vous convient, c'est épatant), c'est qu'il sous-entende, vers le début de l'entretien, que si les moyens de reproduction inventés au 20e siècle avaient été à leur disposition, les musiciens du 17e siècle n'auraient pas abandonné l'improvisation au profit de la musique écrite, "cérébrale".

    "(…) because of the fact there was no electrical recording technique, so any way to permanize music, or to catch music, and to record it, the music was written, so that it could be permanized that way; and so slowly but surely, the writing of the music and the interpreters of the written music gave way to more and more interpretation and more and more cerebral composition, and less and less improvisation, until finally improvisation became a lost art in classical music and we have only the composer and the interpreter. So… the composer even very seldom improvised, didn’t have to, say around the late eighteen hundred, so at the turn of the century. But jazz has in a way resurrected that process, which I call the jazz process ".

    "(…) parce qu'il n'y avait pas de technique d'enregistrement électrique, donc pas de moyen de fixer la musique, ou de la capturer, et de l'enregistrer, la musique était écrite, de sorte qu'elle puisse être fixée de cette façon; et ainsi, lentement mais sûrement, l'écriture de la musique et les interprètes de la musique écrite donnèrent lieu à de plus en plus d'interprétation et de composition cérébrale, et de moins en moins d'improvisation, jusqu'à ce que finalement l'art de l'improvisation disparaisse complètement de la musique classique et que ne restent plus que le compositeur et l'interprète. Vers la fin des années dix-huit cent, au tournant du siècle, les compositeurs n'improvisèrent plus, n'eurent plus à le faire. Mais le jazz a dans un sens ressuscité ce processus, que j'appelle le processus du jazz".
    Dernière modification par Fou des chutes ; 05/01/2008 à 06h22.

  8. #8
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Ah c’est très chouette de donner de votre temps Fou des chutes et d’offrir cette traduction ! Merci encore ! Je me permets d’ajouter la phrase qui suit et qui fait le lien avec la première que vous aviez proposée en premier, bouclant ainsi tout un passage :

    B. Evans :
    « « And Jazz —as we tend to look at it— is a style, but I feel that Jazz is not so much a style as a process of making music. It’s the process of making music, making one minute’s music in one minute’s time. » »


    et donc en gros, dans cet anglais de Dubaï , Mohammed Evans a dit :

    « « Et le Jazz —nous avons tendance à le voir comme ça— est un style, mais j’ai la sensation que le jazz n’est pas tant un style qu’un processus de fabrication musicale. C’est le processus de fabrication musicale en faisant une minute de musique en une minute de temps. »

    Je le suis encore en 101%.

    Et gardant le fil, je me permets de corroborer en revenant à ce délicieux et génial frimeur qu’est Garner ! (bien que ce soit un musico-humoriste, je n’aime pas ce que Mr. Allen, —le commentateur de la même vidéo— dit de Garner).

    Dans Sonny Boy (enregistré pour l’émission JAZZ 625) on peut entre autres choses admirer Garner dans son jeu en accords à la main droite (à partir de 1’20’’ env).


    En l’écoutant, et avant de le voir, j’ai toujours imaginé qu’il se mettait techniquement « dans le rouge », par ex. dans son célèble « Alexander’s ragtime band » dont je ne trouve pas lien sur le net. Mais en fait il regarde à peine son clavier. L’aisance que lui procure l’urgence de l’invention est confondante et c’est aussi ce qui est remarquable sur le plan de la prestation pure. En fait, il y arrive parce qu’il doit le faire.


    Dans la ballade My silent love,
    c’est l’introduction en soliste qui me fascine le plus. Le toucher y est rude, brut de décoffrage, très loin de tout « joli son » comme on l’entend de manière classique ou comme il le montrera plus loin —avec beaucoup de distinction— dans la partie accompagnée de cette pièce.

    On est sur ce plan très loin d’un Peterson ou d’un Evans. Mais plutôt comme un (un autre quasi autodidacte), essentiellement gouverné par sa pensée mélodique qui fait matière, il donne du sens au temps. L’urgence de l’invention, et son caractère jovial aussi, lui font attaquer le clavier par la partie dure de ses doigts, comme s’il s’agissait de chercher une réaction de celui-ci, comme s’il pouvait lui retourner un signe de vie.
    Mais non. La grosse bête laquée est morte et ne bouge pas ! Et la partie swing peut commencer...

    Pour élargir le débat, cela me semble exactement le contraire de ce qu’apprend un musicien de l’écrit. L’interprète, qui parce qu’il reproduit une musique à qui il doit fidélité et obéissance, ne peut connaître ou imaginer ce type de rapport improvisé de la matière même, je dirais « sans ménagement ». Il sera au contraire éduqué au « beau son » . Quitte à y perdre parfois (un peu de) sa vitalité et sa justesse. De là, naissent bien des millions de lignes critiques...

    Raison pour laquelle il semble nécessaire de réintroduire la pratique de l’improvisation dans ce qu’on nomme parfois improprement chez nous, super-français, « l’éducation musicale ».

  9. #9
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Difficile pour moi de vous renvoyer la balle, il faudrait que d'autres se joignent au débat. Vous avez raison sur les propos de Steve Allen à l'égard de Garner, qu'il met au rang de simple, bien que brillant, entertainer, facile à imiter –ou dont le jeu serait déjà parodique en lui-même–, par rapport à Evans, "influence sérieuse", c'est-à-dire dont l'influence est plus en profondeur, et auquel, poursuit Allen, ne viendrait pas l'idée de réunir un groupe de jeunes pianistes pour "jouer dans son style". Malgré le recul que nous avons, je ne saurais dire lequel des deux a eu la plus grande influence sur le piano jazz (bien qu'Evans ait peut être eu une plus grande influence sur le jazz ou la musique en général??), mais ils sont chacun et tout autant, à l'instar de Monk, d'Ellington, de Basie, de Solal (au style souvent "parodique" lui aussi, délibérément mais de façon assez systématique) peut-être aussi de Peterson, et de bien d'autres pianistes, immédiatement reconnaissables dès leur premières notes. (Et de ce point de vue, n'appartiennent-ils pas à l'histoire universelle de la musique, tout comme Schumann et Schubert, et plus généralement à l'histoire universelle des existants, espèce animales ou végétales, ou éléments chimiques, définis dans tous les cas par leur écarts différentiels, par leurs traits distinctifs, cela indépendamment de toute hiérarchie. Mais je digresse imprudemment.)

    Cela dit, j'avais été très intéressé par ce que dit Allen juste à la suite –pour illustrer la supériorité d'Evans, mais il me semble qu'une partie de son propos s'applique en fait beaucoup plus, au vu de ces images filmées de ses performances, à Garner– lorsqu'il compare l'improvisation musicale avec… la conduite automobile! Non pour nous apprendre si Errol Garner avait besoin du bottin téléphonique aussi lorsqu'il s'assoyait au volant, mais pour faire ressortir ce phénomène d'"incorporation" de la musique que vous décriviez précédemment vous-même:

    Oui ! Comme je l’écrivais à un ami, un type comme Garner montre ce que peut être la musique comme prolongement de son corps. Comme Gould, il est habité et mû de la tête aux pieds par ce qu'il produit intérieurement mais, à l’inverse du canadien, sans jamais avoir eu la sécurité de l'écrit pour y parvenir.


    Allen explique que lorsqu'on apprend à conduire, on apprend à déléguer à notre subconscient de plus en plus d'opérations manuelles (enfoncer la clef de contact, desserrer le frein à main, tourner le volant, freiner, etc.) auxquelles il nous faut tout d'abord employer toute notre attention, de sorte que l'essentiel de la conduite en vient,
    lorsque nous sommes devenu un conducteur expérimenté, à être pris en charge par notre subconscient, libérant notre conscient qui peut ainsi s'adonner à d'autres activités telles que converser ou écouter la radio. Il en va donc de même avec l'improvisation selon Bill Evans:

    (…) he [Evans] argues in fact that style, for better or for worse, eventually comes of itself, out of that mysterious interior well of creative inspiration which I guess (nourishes?) every body to one degree or another. It is much more important, Evans feels, to master fundamentals, both in theory –so that you understand what you're doing– and then an active practice, developing one's musical muscles, not just technical facility, but the brain connection with the arm muscles, so to speak, – developing that facility to the point where the subconscious mind can take over the basic mechanical task of playing, thus freeing the conscious to concentrate on the spontaneous creative element that distinguishes the best jazz, and I guess, the best and perhaps all human activity.

    "Evans soutient en fait que le style, pour le meilleur ou pour le pire, finit par venir de lui-même, qu'il provient de ce mystérieux puits de créativité intérieure qui je suppose (alimente?) tout le monde à un degré ou à un autre. Il est beaucoup plus important, selon Evans, de maîtriser les fondamentaux, à la fois en théorie –pour comprendre ce que l'on fait– et, en pratique, de développer ses muscles musicaux –non seulement les aptitudes techniques, mais la connexion entre le cerveau et les muscles, si l'on veut– de développer donc cette aptitude à tel point que l'esprit subconscient prenne en charge l'aspect élémentaire et mécanique du jeu, libérant de cette façon le conscient, qui peut se concentrer sur l'élément de créativité spontanée qui distingue le meilleur jazz, et je suppose, la meilleure –et peut-être même toute– activité humaine".

    J'ai pris la peine de transcrire et de traduire tout ce passage, car il y a là je pense de quoi en intéresser d'autres. Je trouve les propos de Allen très intéressants, et sans doute fidèles à cette idée de 'Universal musical mind' qui est celle exprimée par Bill Evans lui-même au générique du film (intitulé The Universal Mind of Bill Evans). Mais si d'un côté il explique fort bien la dimension corporelle, ou incorporée (à la façon de Merleau-Ponty, pour qui nous ne sommes pas pour l'essentiel des sujets pensants mais des corps inscrits dans un monde) de l'activité de l'interprète-improvisateur, de l'autre il reconduit dans cette distinction entre le conscient qui improvise (qui crée) et le subconscient qui exécute la traditionnelle opposition cartésienne entre esprit et corps, qui ne semble pas très utile pour comprendre le processus d'improvisation.

    Or, il y avait quelque chose de particulièrement prometteur dans cette comparaison avec la conduite automobile, car lorsque l'on voit Erroll Garner perché sur son bottin, le sourire fendu et les yeux pétillants, tournant la tête de tous les côtés, accordant la même attention à ses mains que si elles étaient posées sur le volant de sa voiture (attitude très différente de celle de Bill Evans, immobile, cou cassé, visage impassible, qui paraît effectivement absorbé dans des pensées),
    on a vraiment l'impression qu'il va se mettre à parler avec le public. Et pourtant il est de la tête aux pieds dans la musique, comme vous l'avez observé. Il ne semble pas y avoir de privilège au cerveau par rapport à tout le reste de son corps.
    Dernière modification par Fou des chutes ; 06/01/2008 à 08h01.

  10. #10
    Membre Avatar de Patricia
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Bonjour les fous du jazz!


    Sans aucune intention polémique, mais vraiment aucune, j'aimerais que cela soit très clair , je voudrais poser une timide question à raphael dont je relève ici quelques déclarations (de bon sens, me semble-t-il):



    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Et j’ai tellement de plaisir à savoir qu’il ne savait pas lire la musique... (si vous pouviez savoir !)

    Oui ! Comme Charlie Parker, voici des gens qui ont fait de la musique avec leurs oreilles et leurs doigts, seulement, l’œil tourné vers l’intérieur.

    Oui, c’est tellement bon de rappeler, dans une société de plus en plus normative, ce qu’on peut faire hors des sentiers battus de la lecture et de la sainte écriture.

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Tout est dans sa mémoire et dans ses doigts. Sur le plan de l’expression personnelle, je me demande souvent ce que nous valons, nous « artistes classiques », dévots l’œuvre écrite, répétiteurs et perfectionnistes acharnés, par rapport à ce fait....
    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Et il a entièrement raison de rappeler que l’improvisation, à l’inverse de la composition, est une manière de faire de la musique et de faire œuvre en temps réel. Cela n’a rien de naïf mais est tout à fait juste.

    Et il est vrai que le jazz perpétue cette tradition abandonnée par l’occident au profit d’une exploration et stimulation scripturale —et pour les interprètes, de la maîtrise de celle-ci.

    À ce sujet, dans le classement opéré par les prestigieux mélomanes parisiens que je peux lire parfois ici (dont les oreilles sont si fines), on peut souvent constater que la musique improvisée est inexistante (c-à-d « l’oralité » musicale en général), ou n’a pas droit de cité car écartée de par sa différence de genre, ou encore se voit dénigrée comme étant de valeur moindre par rapport à la musique écrite, c-à-d à l’œuvre possédant une existence scripturale. On dirait parfois qu’il suffit d’écrire pour être... On préfère même souvent commenter et prendre des positions de principe sur des œuvres moches, creuses, conceptuelles à 100% mais écrites plutôt que s’ouvrir aux musiques qui soufflent le risque de l’avoir à dire en temps réel...

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    Pour élargir le débat, cela me semble exactement le contraire de ce qu’apprend un musicien de l’écrit. L’interprète, qui parce qu’il reproduit une musique à qui il doit fidélité et obéissance, ne peut connaître ou imaginer ce type de rapport improvisé de la matière même, je dirais « sans ménagement ». Il sera au contraire éduqué au « beau son » . Quitte à y perdre parfois (un peu de) sa vitalité et sa justesse. De là, naissent bien des millions de lignes critiques...

    Raison pour laquelle il semble nécessaire de réintroduire la pratique de l’improvisation dans ce qu’on nomme parfois improprement chez nous, super-français, « l’éducation musicale ».
    Or dans ce fil, vous invitez les forumistes à mettre la main à la pâte en travaillant une partition écrite que vous offrez en partage, partition transcrite d'oreille en une superbe performance et sur laquelle vous "fixez" donc par écrit (la sacro-sainte écriture que vous fustigez par ailleurs) une musique nullement faite pour cela et dont tout le charme réside dans la surprise de l'inspiration de l'instant, les détours de l'imaginaire sonore d'un musicien de jazz. Vous les invitez donc, non à tenter une approche d'improvisation, mais à reproduire fidèlement (comme vous l'avez fait en en créant une partition) une musique ce qu'un autre voyait comme un instant éphémère.

    N'y a-t-il pas là une contradiction?
    N'est-il pas presque sacrilège de vouloir écrire cette musique? La mettre par écrit ne signe-t-elle pas sa mort même, dans le sens où une fois reproduite à l'identique par un autre, elle perd son sens? N'est-ce pas une mise en boîte qui tue la saveur de la nourriture?

    Autant je comprends le désir, pour soi-même de la prendre en dictée pour se la représenter et pour la travailler dans sa propre intimité (je me souviens avoir fait cela aussi à 16 ans avec le Krakoviak de Chopin parce que je n'avais pas l'argent pour la partition!), autant je ne comprends pas que quelqu'un qui fait toutes ces déclarations ci-dessus offre dans le même temps une partition qui théoriquement n'existe pas à travailler.

    Moi, je n'y connais rien en jazz et je le regrette. Je regrette effectivement de n'avoir jamais appris dans mes jeunes années à faire autre chose que de reproduire des partitions écrites. J'aurais adoré être beaucoup plus libre au piano, et qu'on m'enseigne les bases de l'improvisation. Votre démarche m'étonne, car elle va à mon avis complètement à l'encontre de ce que vous prônez.

    Mais c'est pas grave, hein! On a tous des contradictions, non?
    Et encore une fois, la performance est tellement brillante qu'il faut la saluer!

    Bien à vous et bonne journée!

  11. #11
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Fou des chute :
    Difficile pour moi de vous renvoyer la balle, il faudrait que d'autres se joignent au débat.


    Mais merci encore d’avoir enrichi et fait dériver la discussion sur Bill Evans ! Vous apportez du grain à moudre et c’est pour moi très stimulant cet échange ! Il faudrait du coup simplement rebaptiser le titre de ce fil (ce que je ne sais pas faire) « E. Garner, B. Evans, la fabrication musicale improvisée... ».

    (Et de ce point de vue, n'appartiennent-ils pas à l'histoire universelle de la musique, tout comme Schumann et Schubert, et plus généralement à l'histoire universelle des existants, espèce animales ou végétales, ou éléments chimiques, définis dans tous les cas par leur écarts différentiels, par leurs traits distinctifs, cela indépendamment de toute hiérarchie. Mais je digresse imprudemment.)


    Bien sûr qu’ils appartiennent à -et font l’histoire de- la musique, au même titre qu’un Boucourechliev ou un Boulez ou une Gubaïdulina (compositeurs sensiblement de la même génération qu’eux). De ce point de vue, pour moi en tout cas, Keith Jarrett œuvre autant pour la musique contemporaine que Tristan Murail. Mais il sera très difficile d’admettre à un musicien ou mélomane de culture « classique » le point de vue d’Evans sur la fabrication musicale, cette forme majeure de jaillissement musical ou de production instantanée qu’est l’improvisation. La plupart du temps, il y a un hiatus entre improvisation et écriture. Et ce dès la première éducation musicale (ce que je voulais souligner) tout simplement parce qu’il est difficile et inutile de juger du geste improvisé (ce qui n’est pas le cas pour une lecture de notes par ex. ou pour la restitution d’un texte écrit). Et en France : pas jugé = pas au programme.

    (Allen) : "Evans soutient en fait que le style, pour le meilleur ou pour le pire, finit par venir de lui-même, qu'il provient de ce mystérieux puits de créativité intérieure qui je suppose (alimente?) tout le monde à un degré ou à un autre. Il est beaucoup plus important, selon Evans, de maîtriser les fondamentaux, à la fois en théorie –pour comprendre ce que l'on fait– et, en pratique, de développer ses muscles musicaux –non seulement les aptitudes techniques, mais la connexion entre le cerveau et les muscles, si l'on veut– de développer donc cette aptitude à tel point que l'esprit subconscient prenne en charge l'aspect élémentaire et mécanique du jeu, libérant de cette façon le conscient, qui peut se concentrer sur l'élément de créativité spontanée qui distingue le meilleur jazz, et je suppose, la meilleure –et peut-être même toute– activité humaine".
    (Fou des chute) : Mais si d'un côté il explique fort bien la dimension corporelle, ou incorporée (à la façon de Merleau-Ponty, pour qui nous ne sommes pas pour l'essentiel des sujets pensants mais des corps inscrits dans un monde) de l'activité de l'interprète-improvisateur, de l'autre il reconduit dans cette distinction entre le conscient qui improvise (qui crée) et le subconscient qui exécute la traditionnelle opposition cartésienne entre esprit et corps, qui ne semble pas très utile pour comprendre le processus d'improvisation.


    De mon côté, je ne vois pas d’opposition corps/esprit dans le processus décrit par Allen-Evans auquel je souscris à 102%. Que ce bon vieux René se soit planté est autre chose ! (Il fréquentait peut-être trop d’esprits sans corps ?! attention à la discussion franco-française qui pourrait suivre... )

    Cependant, la connaissance pratique (par le corps et les sens) n’a pas échappé aux plus grands théoriciens avant lui. Ainsi, par exemple, Jean de Murs (début 14e s.) dit ceci dans le Prologue de sa « Notitia artis musicæ » —un paragraphe que B. Evans n’aurait sans doute pas rejeté à mon avis— :

    « Toutefois, puisque l’art a trait aux universaux, l’expérience aux choses singulières, et puisque les universaux présuposent les choses singulières, l’art présuppose donc l’expérience. Certes, l’expérience a créé l’art et nous constatons que les hommes d’expérience sont fort utiles à ceux qui possèdent la raison sans l’expérience. Aussi est-il nécessaire dans chaque art, de disposer avant tout d’une théorie et d’une pratique appropriés, afin que ce qui est connu en tant qu’universel puisse être appliqué au singulier. Mais comme tout art dépend des choses dont on fait l’expérience, il faut que chaque homme de l’art commence par acquérir une connaissance pratique de son art. »

    Oui, le corps et l’esprit doivent parfaitement s’unir pour qui improvise. Et cela entraîne des exercices adaptés à l’accueil et la traduction de « « ce mystérieux puits de créativité intérieure » » comme dit Allen. Exercices que je nomme quant à moi « routines » et que l’on retrouve dans tout langage, que ce soit dans la parole articulée du verbe ou des nombres ou dans les sons musicaux. Sans ces routines —sorte d’automatismes construits sur des représentations communes— qui permettent par association la formulation d’une pensée complexe et riche, il n’y aura que balbutiement. D’où la nécessité d’apprendre intervalles, modes, enchaînements harmoniques et rythmiques etc. La notion de forme quant à elle suppose une pensée structurelle plus abstraite et évoluée.

    La leçon d’un Garner (ou d’un Reinhardt ou d’un Parker) est qu’on peut se passer de théorie et s’en tenir à la pratique. Il faut alors être très habile et doué pour pouvoir s’auto-stimuler grâce à une boucle analysante oreille/cerveau/main. Ils font mentir toutes les théories.



    Et pourtant il est de la tête aux pieds dans la musique, comme vous l'avez observé. Il ne semble pas y avoir de privilège au cerveau par rapport à tout le reste de son corps.


    Il est vrai que le sérieux Bill semble bien coincé sur son siège à piano comparativement à Erroll ! Garner donne effectivement l’impression du poisson dans l’eau (et du poisson heureux !) et c’est ce qui me fascine chez lui ; ce côté « animal » qui obéit à ce que l’instinct lui commande. Il n’y a pas de « fracture » entre son cerveau et le reste de son corps, comme vous le remarquez justement. Et pourtant c’est un homme qui fait de la musique dans un langage évolué, nourri de centaines de « routines » lui aussi. C’est un homme qui fait exception dans son genre et c’est pourquoi le jugement qualitatif de S. Allen m’énerve (d’ailleurs il n’imite que le plus simple du jeu de Garner dans son exemple) car si Garner n’atteint pas les finesses harmoniques d’un Evans, il n’en demeure pas moins un exemple supérieur de respiration musicale vivante.
    Être subjugué n’est pas moindre qu’être séduit. C’est seulement différent et frustrant car ça demande probablement je dirais plus de talent initial brut. Ça, Mr Allen semble l’occulter bien vite.

  12. #12
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Patricia :
    Votre démarche m'étonne, car elle va à mon avis complètement à l'encontre de ce que vous prônez.
    Permettez-moi de vous dire que ce qui m’agace dans votre message Patricia, c’est que d’emblée vous êtes dans le jugement. Jugement porté sur ce que vous analysez comme étant « une contradiction » comportementale de ma part. Je vais cependant répondre après à votre question. Mais pour clore ce point formel, est-ce le fond du sujet qui motive votre intervention, en précisant soigneusement d’emblée :
    Sans aucune intention polémique, mais vraiment aucune, j'aimerais que cela soit très clair , je voudrais poser une timide question à raphael
    ou une nouvelle tentative de régler son compte aux ex Dufay et Scrountsch, petits personnages numériques que j’ai incarnés sur les forums Abeille ?? Auquel cas je ne vais pas rester longtemps ici.


    Ceci étant dit, merci pour votre question en substance et sans me dérober je tâche d'y répondre.

    Or dans ce fil, vous invitez les forumistes à mettre la main à la pâte en travaillant une partition écrite que vous offrez en partage, partition transcrite d'oreille en une superbe performance et sur laquelle vous "fixez" donc par écrit (la sacro-sainte écriture que vous fustigez par ailleurs) une musique nullement faite pour cela et dont tout le charme réside dans la surprise de l'inspiration de l'instant, les détours de l'imaginaire sonore d'un musicien de jazz. Vous les invitez donc, non à tenter une approche d'improvisation, mais à reproduire fidèlement (comme vous l'avez fait en en créant une partition) une musique ce qu'un autre voyait comme un instant éphémère.

    N'y a-t-il pas là une contradiction?
    N'est-il pas presque sacrilège de vouloir écrire cette musique? La mettre par écrit ne signe-t-elle pas sa mort même, dans le sens où une fois reproduite à l'identique par un autre, elle perd son sens? N'est-ce pas une mise en boîte qui tue la saveur de la nourriture?

    Alors successivement point par point :
    - Je ne fustige pas l’écriture. Je dénonce l’opposition organisée, valorisée, institutionnalisée chez nous entre écriture et improvisation —ce qui n’est pas la même chose. Opposition fictive car l’écriture n’est au fond qu’une improvisation ralentie, calibrée, étagée si je puis dire, faite en quelque sorte par étapes successives.

    - D’abord, loin de moi l’idée de faire des concerts répétant les improvisations des jazzmen ! Comment ceci étant posé, pouvez-vous affirmer que ce qui est improvisé n’a pas à être par la suite réécouté, étudié et pratiqué, rédigé dans un but didactique ? (surtout quand ça vient d’un cerveau supérieurement organisé et inventif comme celui d’un Peterson !) C’est peut-être votre perception du Jazz qui induit cette contradiction, mais comment ceux qui n’ont pas la capacité d’entendre à la vitesse réelle peuvent-ils alors prendre connaissance de l’œuvre, du langage et s’en servir par la suite ? Et surtout, est-ce que parce que cela a été improvisé, cela ne mérite t-il pas d’être noté quand on est dans l’exception ?? Ne serait-ce pas là une manière chafouine de placer l’écriture au-dessus du Jazz ?

    - J’invite les pianistes classiques à lire ce qu’ils ne trouveront pas forcément dans le commerce, oui, ça c’est une chose car la musique d’Oscar vaut vraiment la peine, à mon avis. Et je les invite aussi à improviser et à réfléchir à la place et l’apport de l’improvisation dans leur exercice d’interprète. Ça change la donne de savoir prendre la parole sans partition (que pensez-vous du jeu de Garner ?). Mais pour improviser il faut se nourrir aussi, il faut avoir du grain à moudre, un thème, ou un mode, un cadre, des exemples... Tout cela n’a rien de contradictoire mais me semble au contraire très complémentaire.

    - Croyez-vous qu’un artiste qui accepte de se rendre dans un studio devant micros et caméras et qui signe pour des droits et royalties reversés sur la vente des supports d’enregistrement s’imagine créer « un instant éphémère » ? Il y a alors des instants éphémères qui durent depuis plus d’un demi-siècle ! Je vous propose plutôt de considérer que l’écriture magnétique puis numérique (sur les supports d’enregistrement) sont de nouvelles formes d’écriture. La machine a ici remplacé la main de l’homme.

    - Je n’arrive pas à comprendre comment le fait de fixer l’œuvre de l’instant détruirait l’œuvre. On peut alors dire ça de toute œuvre écrite qui fut d’abord d’une manière ou d’une autre, à diverses étapes, improvisée. Cela me paraît un mysticisme que je rejette. Par ex. les premières organa de l’Ecole Notre Dame ne furent pas enregistrées (en 1180!!) mais écrites. Elles sont aussi consignées dans les traités musicaux de l’époque comme étant improvisables (par des règles et listes d’exemples et de formules soigneusement notés). Sans doute a t-on alors noté les meilleures formules ? Parce qu’elles étaient considérées comme les plus belles, ou pour pallier à un manque passager d’inspiration du soliste en charge d’improviser ? Les aller-retour sont constants.

    Comme Evans l’explique si bien, je pense qu’il y a « musique » indépendamment du style et de l’intention. Elle peut être née sur l’instant ou avoir été réfléchie (improvisée ou composée). Le fait d’écrire n’altère en rien la qualité tout simplement parce que l’écriture n’est pas sur ce plan une qualité en soi. (Je ne nie pas que l’écriture peut être une valeur ajoutée dans d’autres formes de création musicale.) Mais l’écriture n’apporte pas de valeur en plus ou en moins à l’œuvre improvisée autre que la possibilité de pouvoir temporiser plus aisément la compréhension des éléments du discours et de la structure, donc d’élargir le champ des praticiens de l’œuvre (interprètes et commentateurs de la musique). Ce qui est peut-être artificiel, je vous le concède. Et tout au moins sans portée sur ce forum de mélomanes (qui ne sont pas praticiens), j’en conviens. (Mais c’était ma dette à Oscar !).

  13. #13
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Merci raphael pour votre réponse. Je n'ai aucun compte à régler avec personne mais j'imaginais bien que vous le prendriez comme ca parce que vous l'avez toujours fait ainsi, c'est pourquoi j'ai pris mes précautions - inutiles apparemment.
    Peu importe. Votre réponse éclaire bien votre démarche et je la comprends mieux (il y avait quand même des éléments qui manquaient pour le faire), je vous remercie d'y avoir répondu. Pour ne pas vous agacer davantage (même si cette question de l'improvisation écrite susciterait encore d'autres réflexions et/ou questions), je m'en tiendrai là. Bonne journée!
    Dernière modification par Patricia ; 07/01/2008 à 09h29.

  14. #14
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    J’invite les pianistes classiques à lire ce qu’ils ne trouveront pas forcément dans le commerce, oui, ça c’est une chose car la musique d’Oscar vaut vraiment la peine, à mon avis. Et je les invite aussi à improviser et à réfléchir à la place et l’apport de l’improvisation dans leur exercice d’interprète. Ça change la donne de savoir prendre la parole sans partition (que pensez-vous du jeu de Garner ?). Mais pour improviser il faut se nourrir aussi, il faut avoir du grain à moudre, un thème, ou un mode, un cadre, des exemples... .
    Bonjour raphael,

    Justement, que proposeriez-vous comme approche de l'improvisation pour des gens comme moi et comme la plupart des gens de ma génération qui ont suivi un cursus classique ?
    J'ai assisté à un stage d'impro, il y a deux ans, très décevant puisqu'il s'agissait juste de se désinhiber (alors que si on s'inscrit au stage c'est qu'en principe ce problème est réglé), puis d'inventer une mélodie sur quelques accords de septièmes...
    J'ai une collègue qui anime un atelier d'impro pour les premiers cycles, axé essentiellement sur les sonorités du piano préparé. C'est un bon début, mais je trouve qu'on atteint vite les limites de l'exercice.
    Moi-même je fais improviser les débutants, mais je manque de connaissances et d'outils pour poursuivre ensuite, et pourtant j'ai constaté que les élèves avaient une bien plus grande aisance physique lorsqu'ils s'y mettaient, ce qui serait précieux pour résoudre certains problèmes techniques !

  15. #15
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Comme je viens de l'écrire sur un autre sujet, je ne permettrai pas d'attaques personnelles sur ce forum. Les échanges virulents sont les bienvenus, les règlements de compte se font par messagerie privée ou autour d'une plaque de chocolat
    Dominique

  16. #16
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par raphael Voir le message
    De mon côté, je ne vois pas d’opposition corps/esprit dans le processus décrit par Allen-Evans auquel je souscris à 102%. Que ce bon vieux René se soit planté est autre chose ! (Il fréquentait peut-être trop d’esprits sans corps ?! attention à la discussion franco-française qui pourrait suivre... )
    La leçon d’un Garner (ou d’un Reinhardt ou d’un Parker) est qu’on peut se passer de théorie et s’en tenir à la pratique. Il faut alors être très habile et doué pour pouvoir s’auto-stimuler grâce à une boucle analysante oreille/cerveau/main. Ils font mentir toutes les théories.
    Bonjour Raphael et merci pour votre message que j'ai lu encore avec grand intérêt. Je n'en relève que ces deux extraits afin de préciser un point. Il me semble que le second va dans la même sens que mon allusion trop rapide à la dichotomie cartésienne du corps-machine et de l'esprit. Je continue de penser qu'Allen, et Bill Evans, sont influencés par ce type de dualisme (loin d'être seulement français) lorsqu'ils essayent de représenter le processus à l'œuvre dans l'improvisation, comme résultant d'une division des tâches entre le corps-inconscient qui exécute et la conscience qui commande. Mais une fois qu'on a reconnu tout ce que les "routines", comme vous les nommez de façon très pertinente, et que l'on pourrait aussi désigner "l"habitus du musicien", incorporent comme activité inconsciente du cerveau, on devrait sans doute remettre en question le rôle effectif de la pensée consciente dans ce processus (en se demandant quel peut être son degré d'autonomie ou d'influence par rapport au reste).

    Je me réfère à un article lu il y a quelques années qui faisait allusion aux travaux d'un neurophysiologiste ayant démontré, dans le case d'un certain nombre d'actions simples concernant le sens du toucher,
    l'existence d'un phénomène "d'assignation rétrospective" (backward referral) de ces actions (sensations) à la conscience, à savoir:
    1. ces sensations sont enregistrées par la conscience environ une demi-seconde après qu'elles se sont produites et que le cerveau a pu commander des gestes en réponse (comme éloigner son doigt d'une source de chaleur brûlante)
    2. elles sont replacées, dans la chronologie de la conscience, au moment exact où elles ont été enregistrées par le cerveau.
    Par exemple (et par extension), alors que vous marchez sur le trottoir, vous évitez in extremis une flaque d'eau : 1. votre cerveau a commandé (à votre insu) à votre pied de se poser à côté de la flaque ou du trou, 2. en raison de ce phénomène (si on pouvait le démontrer dans un tel cas), vous pensez après coup que vous avez délibérément exécuté ce pas de côté car votre cerveau vous a envoyé le film de l'événement et que vous ignoriez être au cinéma (en quelque sorte).

    La conscience ne constituerait donc qu'une sorte d'écran sur lequel s'affichent avec un léger retard les opérations de notre cerveau. L'auteur en question généralise, de façon assez iconoclaste, ce phénomène, et prétend qu'en réalité la plupart de nos actes, y compris la parole et le discours intérieur, s'y conforment: autrement dit, nous ne décidons presque de rien (consciemment). Pour expliquer comment nous influons (malgré tout) sur nos actes, il se réfère à un modèle de gradient des affects, que je ne vais pas exposer, mais qui se traduit par un effet de feedback ou de boucle cybernétique, tout à fait similaire à celui que vous mentionniez, par lequel nos affects influent en retour sur, par exemple, notre discours, dans le cours de son déroulement (spontané).

    J'ai hâte de savoir ce que vous en pensez, mais l'improvisation en jazz semble un contexte tout à fait similaire à celui de la conversation (avec la contrainte du tempo et les sollicitations des partenaires pour en affecter le gradient), et cette théorie semble donc à même d'en rendre compte. Quoi qu'il en soit, "
    l'on n'a pas matériellement le temps d'«avoir l'intention de dire » tout ce que l'on dit effectivement dans le feu" d'une improvisation.

    Je mets ci-dessous un lien à cet article. Pour ceux qui ne veulent pas se le farcir au complet, je colle aussi quelques extraits.

    http://www.persee.fr/showPage.do?zoo...0_T1_0179_0000
    (à partir de la p.179; en cliquant sur les onglets au bas de la page, vous tournez les pages de l'article, que vous pouvez également retrouver sur la page internet de l'auteur: http://pauljorion.com/index-article-3.html

    (…) À partir des années 60, Benjamin Libet, un neurophysiologiste de l'Université de Californie à San Francisco, entreprit une série d'expériences sur la conscience dont l'une des conclusions possibles - et certainement la plus plausible - est qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir causal. La conscience est une fenêtre ouverte sur le monde, un « regard », mais tout pouvoir que l'on serait tenter de lui attribuer comme étant le lieu à partir duquel des décisions sont effectivement prises, est, semble-t-il, illusoire. En d'autres termes, sur ce qu'on appellerait le plan « rationnel », où trouverait à s'exercer une faculté comme la « volonté », la conscience est un cul-de-sac auquel des informations parviennent sans doute, mais sans qu'il existe un effet en retour de type décisionnel. C'est au niveau de l'affect, et de lui seul, que l'information affichée dans le regard de la conscience produit une rétroaction mais de nature « involontaire », automatique.

    (…) Qu'est-ce que cela implique ? Que notre discours
    [ou la performance du musicien improvisateur](aussi bien intérieur qu'extérieur) au moment où il est entendu, modifie notre affect, c'est-à-dire modifie le profil du gradient d'affect qui sous-tend notre discours alors même que celui-ci est en train de se dérouler. Il y a rétroaction (Feedback), effet en boucle, et comme pour tout effet en boucle - effet cybernétique — la dynamique se nourrit du léger retard qui existe entre le « me l'entendre dire » et « me mettre en émoi ». L' assignation rétrospective (backward referral) intervient là, de la même manière que dans tout autre type de perception, dans la parole et dans le dialogue intérieur propre à certains processus de pensée, générant une boucle de rétroaction permettant à la dynamique d'affect sous-tendant un univers de signifiants stockés comme traces mnésiques de s'auto-entretenir jusqu'à ce qu'une relaxation intervienne du fait même que des phrases sont produites, qu'un discours est généré, quitte à s'interrompre parce qu'il n'y a « plus rien à dire »

    (…) L'on n'a donc pas matériellement le temps d'« avoir l'intention de dire » tout ce que l'on dit effectivement dans le feu de l'action d'une conversation ou d'un discours quelconque, c'est-à-dire qu'une fois lancée sur sa pente, la parole se poursuit jusqu'à extinction, relaxation, à savoir jusqu'à ce que le gradient d'affect vienne mourir dans un puits de potentiel. Dans la conversation, c'est le discours de l'autre qui, mettant mon affect en émoi, relance le processus, à savoir crée un nouveau gradient. (Paul Jorion).

  17. #17
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par Patricia Voir le message
    Votre réponse éclaire bien votre démarche et je la comprends mieux (il y avait quand même des éléments qui manquaient pour le faire), je vous remercie d'y avoir répondu.
    Merci Patricia de l'avoir posée et Raphael d'y avoir répondu.
    La réponse de Raphael m'a fait songer à la différence entre la notation musicale en tant que notation normative ou descriptive.

    Citation Envoyé par raphael
    - D’abord, loin de moi l’idée de faire des concerts répétant les improvisations des jazzmen !
    Jean-Yves Thibaudet l'a fait, en enregistrant un disque dans lequel il interprète des repiquages d'interprétations de Bill Evans de morceaux composés par lui-même. On en trouve des extraits sur la toile. Le disque de Thibaudet s'appelle Conversations With Bill Evans, qui fait allusion aux Conversations with Myself d'Evans, disque où le pianiste américain improvise en overdubbing sur ses propres traces.

    Le resultat? Difficile à dire, de quoi justifier et les réserves de Patricia et la défense de Raphael.

  18. #18
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Chiarina :
    Moi-même je fais improviser les débutants, mais je manque de connaissances et d'outils pour poursuivre ensuite, et pourtant j'ai constaté que les élèves avaient une bien plus grande aisance physique lorsqu'ils s'y mettaient, ce qui serait précieux pour résoudre certains problèmes techniques !



    Bonsoir Chiarina,
    Je comprends votre demande et votre sentiment d’être quelque peu démunie (?) face à la pratique improvisée. Mais en matière d’improvisation au piano, soyons honnête, bien que je sache baragouiner un peu et entendre deux trois trucs, je ne pense pas être crédible pour vous conseiller car je ne fais pas de concert avec. C’est pour moi un point essentiel et il me manque donc un élément de la chaîne pour valider ce que je pourrais avancer. Je pense qu’il faut vous adresser aux professeurs des départements jazz des CRD et CRR qui maîtrisent tous les maillons pédagogiques quant à ce langage. Au Val Maubuée (Seine-et-Marne), il en existe un très bon.

    Mais en revanche, j’enseigne l’improvisation vocale dans le cadre de diverses polyphonies médiévales et renaissantes et pratique cela en concert au sein d’un ensemble dédié (qui s’appelle « Le chant sur le Livre » — qui est une formule ou un programme de l’ensemble Obsidienne). Voici, en très brièvement résumés quelques éléments de notre démarche, des pistes que l’on peut appliquer également instrumentalement (ce que nous faisons aussi) :

    Le cadre mélodique :
    C’est celui de la modalité ancienne, laquelle s’établit autour de huit modes que nous connaissons par une pratique préalable de la monodie (plain chant grégorien). Ce point est capital. Il faut un background. Les plus angoissés penseront au célèbre adage : improviser ne s’improvise pas ! Et c’est par la voix que ça rentre le mieux. Ensuite (et en même temps en fait) nous nous entraînons à improviser à une voix dans ces modes en mettant en musique un texte.

    Improviser à deux voix :
    À l’exception des canons solistes, nous improvisons généralement dans un cadre mélodique préexistant : un thème liturgique, ou de chanson, appelé « cantus firmus ». Ce thème est fait par une ou deux personnes dans des valeurs définies à l’avance : soit 2, 3 ou 4 temps par note s’il s’agit d’une monodie liturgique, soit le rythme écrit de la chanson profane, tel quel.
    Nous avons appris d’abord à ajouter une seule voix sur ce thème, d’abord faite systématiquement d’intervalles sélectionnés, note contre note (contrepoint simple). Par exemple pour le 15e s. tierces, sixtes, alternance des deux (3ce/6te) ou 3ce/5te en prenant soin de résoudre les cadences comme il convient.
    Savoir finir une phrase et respirer est un point capital dans tout discours musical (et dans tout savoir d’interprète). L’organisation des cadences (moments privilégiés de la vie musicale modale qui figurent les respirations de tout un chacun) est donc une première chose à mettre en place.

    Puis chacun doit savoir « fleurir » ce contrepoint simple, c’est-à-dire introduire quelques « diminutions » variant les formules rythmiques et mélodiques (notamment des syncopes amenant des dissonances recherchées pour l’intérêt du discours). Ceci permet d’abord d’acquérir quelques repères de base quant à la connaissance et la pratique des intervalles. Sans oreille intervallique précise, pas d’improvisation à l’ancienne !

    Ajouter des voix :
    Ensuite, lorsque nous augmentons le nombre de voix (3, 4 et 5), chaque improvisateur —à l’instar de B. Evans— doit savoir le rôle que la règle de composition lui assigne. Il doit avoir conscience de ce qu’il fait et des interactions avec ses partenaires. Sans entrer ici dans le détail, nous appliquons les règles de contrepoint selon les époques et genres choisis, ce qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, sécurise et facilite la mise en route (par réduction du champ des possibles). L’intérêt majeur est que tout ne marche pas avec tout, mais qu’il faut réagir en temps réel selon ce que fait le voisin, et plus particulièrement la basse. Je dois dire que ça développe une manière « animale » de réagir et de s’adapter (il faut aller très vite).

    Les moyens :
    Il faut répéter régulièrement ! Puisque rien de tout cela ne se fait seul, il faut offrir son temps à ses camarades pour les accompagner dans leurs essais car chacun cherche... Se souvenir que personne n’est divin du premier coup ! Ce qui est important, c’est de savoir quel cadre on définit au départ et essayer de s’en tenir à celui-ci. Ne pas hésiter à faire des choses simples au début. Par exemple, sur une simple chanson profane, savoir partir à l’unisson, puis doubler à la tierce inférieure ou supérieure et terminer à l’unisson avec une cadence bien conduite (c-à-d du « gymel ») en chantant les paroles sera un bon début. La confiance est un élément très important.

    Il y a bien d’autres pistes en solo, à deux, trois et plus... Mais ce n’est pas le lieu je pense.

    Ce qui est fondamental, c’est de le faire faire, de le proposer aux apprentis musiciens au même titre que la répétition de morceaux écrits. Et encore plus fondamental est de l’accueillir avec bienveillance, sans jugement qualitatif dévalorisant mais au contraire d’encourager, et d’encourager...

    Tout s’apprend.
    (Sauf le génie)

    ((Mais il n’est pas besoin de génie pour s’exprimer))

    Cordialement.


    ------------
    [Fou des chutes, merci pour l'édifiante réponse de 18H19 sur laquelle j'essaierai de rebondir dès que possible ! (plus de temps ce soir !) Bien à vous !]

  19. #19
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par Dominique Voir le message
    Comme je viens de l'écrire sur un autre sujet, je ne permettrai pas d'attaques personnelles sur ce forum. Les échanges virulents sont les bienvenus, les règlements de compte se font par messagerie privée ou autour d'une plaque de chocolat
    Gould n'improvisait pas car, intelligent, il savait qu'il n'atteindrait jamais au niveau du génie des compositeurs comme Bach, Beethoven, etc... Il élargissait seulement au maximum sa « liberté d'interprète »...

    Aucun improvisateur n'a improvisé de musique aussi géniale que la musique ÉCRITE, par ex., de Beethoven ou Chopin, qui étaient eux-mêmes de grands improvisateurs... qui ont laissé de la musique — très savante pour leur époque : ECRITE...

    Plus la musique devenait savante (plus la notion d'œuvre émergeait), plus elle avait besoin d'être écrite, forcément... Cela rejoint la notion de progrès dans la technique et les moyens mis en œuvre dont je parlais sur un autre fil...

    La musique n'est pas extérieure au procès de civilisation : de l'oral à l'écrit...

    Quand je pratiquais l'instrument, je préférais cent fois suer sang et eau sur une partition d'un grand compositeur que, par paresse, « improviser » ma pauvre petite musique...
    Dernière modification par ignete ; 07/01/2008 à 23h50.

  20. #20
    Membre Avatar de Fou des chutes
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    Re : Erroll Garner (1921-1977)

    Citation Envoyé par ignete Voir le message
    Quand je pratiquais l'instrument, je préférais cent fois suer sang et eau sur une partition d'un grand compositeur que, par paresse, « improviser » ma pauvre petite musique...
    Confidences partagées, au bout de dix minutes à suer sur une partitition (facile) d'un grand compositeur, je ne peux empêcher mes doigts d'improviser (mal) sur Beautiful Love… et de retourner ensuite à la partition…

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