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Theo B
Il s'agit pour moi des plus belles réussites dans ce genre à l'ère postromantique. Contemporain du fameux opus 81 de Dvorak, ile premier assume très dignement la filiation brahmsienne. Le N°2 peut même prétendre prolonger la quête stylistique nouvelle du Brahms tardif, non pas celui du Quintette avec piano opus 34 mais celui des ultimes oeuvres de musique de chambre et de piano. Au fond, peut-être que personne ne l'a vraiment fait, et cela devrait suffire à ne pas faire passer pour passéiste une oeuvre datant de 1923.
Le N°1 en Ut mineur a été composé en 1895 (Dohnanyi avait 18 ans). Il se caractérise essentiellement par une profusion thématique et une maturité expressive étonnante, qui ne cède absolument en rien face aux réalisations de Schumann, Brahms, Dvorak dans le genre. Le premier thème de l'oeuvre exposé au piano, qui comme dans le Quatuor opus 13 de Mendelssohn sert à introduire la conclusion du finale, est particulièrement inoubliable, et génial par son ambiguïté émotionnelle (la modulation majeure le concluant, irrésistible!). Le second thème, lyrique, sera en quelque sorte développé par l'exposition de celui du mouvement lent placé en troisième position. L'ensemble de l'oeuvre vise avec succès à une unité de nature plus organique que réthorique.
C'est d'ailleurs en cela que le passage au N°2 en Mi bémol mineur (eh oui), oeuvre de la pleine maturité (1923), fait penser à la trajectoire de Sibelius entre la Symphonie N°1 et la Symphonie N°7. La volonté d'organicité est cette fois totalement assumée et réalisée, les trois mouvements se structurant de façon concentrique autour d'un thème pivot magnifique et énigmatique, agissant comme une sorte de "mystère" régénérateur, à partir duquel le sens se crée et se reconstruit. Naturellement, la musique reste celle d'un compositeur peu préoccupé par l'agitation novatrice alentour - bien qu'ayant joué un rôle non négligeable dans la formation d'un certain Bela Bartok. C'est aussi en ce sens qu'elle offre un pendant chambriste à la musique symphonique de Sibelius au même moment: une petite histoire et une modernité en sa propre singularité, créant une sensualité immédiatement reconnaissable.
Tout amoureux de musique de chambre se doit d'écouter ces deux chefs d'oeuvres.