C’est le titre d’un bon article commis par J. Drillon pour Le Nouvel Observateur de cette semaine. Voilà un papier qui dresse un tableau du déclin de la musique classique (selon son auteur) sans compromis, avec lucidité, s’accordant quelques prises de position mais sans morale poussive. Il énumère quelques-unes des causes et conséquences de « l’agonie » du tableau classique dans le domaine du disque, de l’enseignement, des médias...
La bête est malade vous savez... Allait-elle mieux autrefois ? Drillon semble sous entendre que oui mais sans chanter en mode passéiste. Au contraire, il me semble que sa lucidité permette de poser un pied pour réagir, si réaction il devait y avoir (ce dont je doute).
Quelques petits extraits pour en juger :
« « « [...] Déjà, l’élite est coupée de la musique. On peut être PDG, ministre, universitaire, directeur de journal, et ne pas savoir se qu’est un allegro de sonate. « Autrefois disait Daniel Barenboïm, les gens qui connaissaient la peinture de Picasso connaissaient aussi la musique de Stravinsky. Ce temps est révolu. » Déjà, on est obligé de préciser musique classique et y compris sur les ondes de Radio-Classique comme si c’était un genre à part, et que musique tout court évoquerait plutôt la Star Ac.
Déjà, France-Musique est obligée de découper les concerts qu’elle diffuse pour intercaler des œuvres qui détendent l’atmosphère : une heure et demie de quatuor à cordes, quelle horreur, passons un air d’opéra ![...] » » »
« « « [...] On a tout fait pour « amener les gens à aimer les grandes œuvres » [J.C. Casadesus], pour leur « ouvrir les portes ». Ils ont passé la porte, et sont ressortis. Bien entendu, les amateurs ne disparaîtront pas ; mais ils vivront dans les catacombes de l’art, entre eux, bien cachés, et sûr de leur dérisoire supériorité.[...] » » »
Hum hum. . .
« « « Elle [La musique classique] a déserté ses deux terrains de prédilection : l’église et l’école. La liturgie s’est appauvrie jusqu’au grotesque ; guitare, flûte à bec et cantiques atroces ; les rares curés s’en fichent, et la masse des « fidèles » n’est plus une masse, mais un petit groupe clairsemé, qui fond à chaque décès. Quant à l’école, la dégringolade de l’enseignement musical est à pleurer [. . .] » » »
Justement, évoquant la musique au collège, lucide, mais cédant à une coupable généralisation. . .
« « « Je pars de ce qu’ils connaissent dit une jeune agrégée. Leur tomber dessus avec une symphonie de Brahms ? Ils décrocheraient tout de suite. Donc on étudie une chanson qu’ils ont entendue, et de là, je peux m’écarter un peu, leur faire entendre un lied de Schubert, leur expliquer ce qu’est un rythme binaire ou ternaire, et petit à petit on avance. » On se demande ce qui se passerait en mathématiques si le professeur partait « de ce qu’ils connaissent ». Il n’irait pas loin. Pour le professeur de musique, l’élève doit être apprivoisé (comme une bête sauvage), ménagé (comme un malfaiteur) courtisé (comme un client). Ce n’est plus de la pédagogie, c’est de la trouille. En sorte qu’au bout de quatre malheureuses années de collège, l’élève est rendu à son ignorance originelle, vierge de tout viol intellectuel. [. . .] » » »
Et de conclure avec bon sens à ce sujet :
« « « Or la musique la musique procure un grand plaisir, mais difficile, dans l’écoute comme dans la pratique, et qui ne se gagne qu’à force d’attention, d’exigence et de travail. Et les abandonnant [les collégiens] à « ce qu’ils connaissent », nous laissons les enfants en proie à l’ennui, au ricanement, au désespoir.[...] » » »
Il parle également d’autres sujets avec pertinence (l’enseignement en école spécialisée, l’effondrement des ventes de disques, la starisation, la concurrence étrangère etc.) me semble t-il. Mais à chacun son avis.
Peut-être y aura t-il des réactions à ce noir constat ?...
Allez, une dernière à ce sujet :
« « « La relève viendra d’Asie. Les musiciens coréens, japonais, chinois raflent tous les prix internationaux. Leur formation est féroce, ils ont un niveau technique ahurissant, ne serait-ce qu’en Chine où il y a 50 millions de pianistes... [...]» » » [Jacques Drillon]
On a beau être au chaud au fond les catacombes, très supérieurs, même dérisoires , on se sent tout petits subitement. . .