Un fil général de discussion sur André Caplet (1878-1925) se justifiait-il ? Peut-être pas, vu le nombre restreint de ses compositions et la discographie relativement modeste consacrée à ces dernières. Je prends néanmoins le risque d'en ouvrir un, même s'il est peu probable qu'il prenne beaucoup d'extension ().
Sur le compositeur, l'Internet recèle pas mal d'articles, comme par exemple celui-ci, avec quelques photos, et cet autre, qui est particulièrement long et détaillé. Je reproduis quand même partiellement ci-après un texte de Jean-Michel Nectoux (connu notamment pour sa remarquable biographie de Gabriel Fauré), qui figure dans la brochure d'un album paru en 1992 (label Accord) :
"Caplet est de ces figures discrètes que l'histoire de la musique n'a que trop tendance à reléguer dans l'ombre. Le mouvement qui tend à redécouvrir son oeuvre personnelle révèle un compositeur marquant du premier quart du XXe siècle, dont le style original, concentré, sans concession n'est réductible à aucun autre. (...)
Né au Havre en 1878 dans une famille modeste, Caplet fut dès l'enfance confronté à la nécessité de jouer dans un orchestre. Entré à dix-huit ans au Conservatoire de Paris, il y fit de brillantes études d'écriture couronnées par un premier grand prix de Rome en 1901, devant... Ravel. Élève d'Arthur Nikisch et de Felix Mottl en Allemagne, il se révéla bientôt comme l'un des meilleurs chefs d'orchestre de son temps, carrière qui le conduisit à devenir l'assistant d'Édouard Colonne à Paris. Remarqué par Debussy, il devint son collaborateur et son ami, réduisant pour piano Les Images ou La Mer, relisant pour lui d'un oeil perspicace les épreuves de maintes partitions et orchestrant à sa demande de larges fragments du Martyre de Saint Sébastien dont il fut le créateur à Paris (1911). L'année précédente, Caplet avait accepté le poste de chef titulaire de l'Opéra de Boston (1910-1913). C'est dire qu'il trouva peu de temps à consacrer à la composition; exigeant envers lui-même et sans doute sans indulgence pour les moeurs éditoriales, il laissa en manuscrit une bonne moitié de son oeuvre, qui reste à éditer encore aujourd'hui. La Grande Guerre ne pouvait laisser indifférent cet homme si intègre : engagé, il en revint gravement atteint dans sa santé. (...)
Pressentant peut-être que ses jours étaient comptés (il mourut à quarante-six ans, le 22 avril 1925), Caplet réduisit ses activités de chef d'orchestre après la guerre pour trouver le temps de composer. (...)"
Dans un post ultérieur, je montrerai quelques enregistrement que je possède de la musique d'André Caplet. Je tiens toutefois à évoquer dès maintenant, au travers de deux vidéos figurant sur YouTube, ce qui pour moi est l'une des oeuvres les plus fortes et singulières de ce compositeur méconnu : le Conte fantastique pour harpe et quatuor à cordes (1923), repris de l'Etude symphonique pour harpe et cordes d'après le Masque de la mort rouge d'Edgar Allan Poe qu'il avait composée en 1908 en réponse à une commande de Gustave Lyon (ce dernier avait mis au point pour la maison Pleyel une harpe chromatique sans pédales mais avec deux rangées de cordes).
L'auteur du texte de la brochure jointe à l'un de mes disques où figure ce Conte fantastique en dit ceci :
"(...) Dès la première audition, cette oeuvre frappe par ses audaces harmoniques et rythmiques, par l'emploi très nouveau des cordes - que l'on trouve rarement même chez Debussy - (par ex.: legno gratto, pizzicati en flageolet, effets de ponticello dans le registre aigu, etc.) et par ses couleurs qui s'apparentent beaucoup plus à l'école viennoise (par exemple à la Suite lyrique d'Alban Berg composée peu après) qu'à l'impressionnisme français. La partie de harpe est incroyablement colorée et virtuose, les accords qui résonnent comme des cloches et les coups frappés sur la caisse de résonance (lors de l'apparition de la mort) prouvant que Caplet avait une imagination sonore qui préfigurait le développement ultérieur de la musique. Caplet n'a pas mis le texte fascinant de Poe en musique, ce serait de la musique à programme, il a tenté de transformer en sons l'atmosphère lourde de la peur qui peu à peu paralyse la joyeuse société de danse. (...)"
Voici ces vidéos (celui qui a les a mises sur YouTube a dû scinder l'oeuvre en deux parties) :
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Jacques