Musique de bal "rétro"

[Jacques]

Le dixième anniversaire de la projection spéciale de "The Shining" évoquée sur le fil Penderecki étant tout proche, j'ai recherché et retrouvé certaines des notes sur Kubrick que j'avais préparées pour l'occasion (elles étaient dans mon exemplaire du bouquin de Michel Ciment) .

À l'époque, je connaissais bien l'usage fait dans ce film de la musique de Bartók, de Penderecki et de Ligeti mais ne savais pratiquement rien de quatre chansons (avec crooner) plus ou moins jazzy qu'on entend dans quelques scènes mémorables du film, notamment celle du "bal des fantômes" ou l'énigmatique "travelling avant" final. Or, il s'agissait de quatre succès des années 1931 à 1934, en ce temps-là très appréciés en Angleterre, notamment. Ils devaient faire merveille dans certains bals plutôt "chic", fréquentés par des gens se voulant "à la mode" ().

Mais j'ai fini par en savoir un peu plus sur eux, m'étant procuré leurs versions originales. Et j'en ai tiré la vidéo ci-dessous (), dont les images fixes correspondent aux scènes où on peut entendre lesdits succès (la vidéo n'a rien d'effrayant en soi, sauf peut-être les classiques rictus de Jack Nicholson et les sourires sataniques de deux de ses protagonistes ).

Les quatre chansons, dont la deuxième est devenue quasi "légendaire" grâce au film, sont :

1/ "Masquerade" (par Jack Hylton et son orchestre - chanteur indéterminé);
2/ [dès 2:00] "Midnight, the Stars and You" (par Ray Noble et son orchestre - chanteur : Al Bowlly)
3/ [dès 5:30] "It's All Forgotten Now" (mêmes interprètes que pour la deuxième chanson);
4/ [dès 8:51] "Home" (par Henry Hall "and his Gleneagles Hotel Band" - chanteur : Maurice Elwin).


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Jacques

[Jacques]

Je crois que même dans l’URSS de l’époque stalinienne la plus "dure", on pouvait entendre ce genre de musique un peu jazzy ()...

C’était toutefois uniquement dans des salles de bal réservées à quelques rares visiteurs ou résidents étrangers (personnel diplomatique, etc.), qu’il fallait bien distraire un peu de temps en temps ().

Mais comme il n’était pas question d’y laisser se produire des formations venues tout droit de "l’occident bourgeois décadent", les autorités soviétiques avaient recours à des ensembles locaux spécialisés, mêlant de façon amusante à des mélodies aux tournures russes quelques éléments empruntés au jazz (usage fréquent du saxophone, un peu de percussion, mais pas trop, etc.).

Je n’ai pas trouvé d’exemples sur YouTube de cette musique bien particulière (j’en ai sur un documentaire consacré à Staline, mais c’est très fugitif et l’authenticité de ce qu’on entend n’est pas garantie).

Je me rabats donc sur la célèbre petite Valse No 2 tirée de la Suite de Jazz No 2 de Chostakovitch [1938]. Elle nous ramène au classique, mais n’est quand même pas si éloignée que ça de cette "musique de danse cosmopolito-soviétique" ().

Et c’est de nouveau parmi les vidéos relatives à Kubrick que je suis allé chercher celle montrée ci-dessous. C’est une évocation de son dernier film, "Eyes Wide Shut" [1999], qui fait un large usage de la petite valse en question (NB : dans "Barry Lyndon" [1975], le Trio pour piano, violon et violoncelle No 2 de Schubert avait connu le même sort enviable, l’œuvre devenant du coup relativement populaire auprès du grand public).


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Jacques

[Jacques]

PS : pour voir la vidéo du post précédent, il faut (comme ça arrive parfois) procéder en deux temps : d'abord cliquer sur la flèche, puis sur les mots "Visionner sur YouTube".

Jacques

[mah70]

Bonjour.

A ma connaissance, le jazz soviétique était très répandu en URSS même sous Staline, on en entend volontiers dans les films des années '30, notamment les comédies. Comme ces films n'étaient pas destinés à l'exportation (seuls les films sérieux sortaient des frontières), on peut exclure toute volonté de propagande et le public russe y retrouvait sans doute des éléments de son quotidien.

L'un des jazzmen les plus réputés de l'URSS était Alexandre Tsfasman, et il y a un certain nombre de ses disques accessibles sur Youtube. En voilà un dont le titre est à lui seul tout un programme:



Mais Tsfasman est loin d'être le seul représentant de cette série.

Chez les alliés temporaires, dans l'Allemagne nazie, on jazzait aussi de temps en temps, mais c'était du jazz "blanc": voir Theo MacKeben qui, après avoir été de l'Opéra de quat' sous avec Weill et Brecht, continua a diriger sous Hitler des choses de moins en moins américanisées jusqu'à composer la musique d'un film de propagande anti-anglais de 1941 Le président Kruger. C'est dans ce film que l'Allemagne nazie s'indignait de l'invention par l'Angleterre, durant la guerre des Boers, des camps de concentration.
Deux ans plus tôt, il composait la musique d'un Bel Ami d'après Maupassant réalisé à Berlin, dont voici un enregistrement bien de chez nous, effectué en 1941 Ça ne swingue pas trop...

[mah70]

Tiens, je tombe sur un blog convenant fort bien à ce fil, il me semble:

http://leroicortot.musicblog.fr/

[Jacques]

Bonjour Mah70 . Et merci beaucoup.

Vous avez "mis dans le mille", avec les deux posts qui précèdent .

Car à propos du jazz dans l'ex-URSS (en particulier celle de Staline), un sujet qui m'intriguait mais dont je n'avais qu'une très vague idée, c'est exactement l'aide que j'espérais sans le dire.

Il est vrai que j'aurais pu faire davantage d'efforts dans mes "recherches" () et utiliser de meilleurs mots-clés. Mais je ne connaissais aucun nom (ça m'aurait été bien utile), même pas celui d'Alexandre Tsfasman.

Cela dit, j'avoue avoir été assez épaté par ce que vous m'avez permis d'entendre de lui. C'est même pas mal du tout, dans l'ensemble .

Surtout quand on songe aux circonstances historiques, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'étaient pas "banales" ()

Jacques

[mah70]

Bonjour.

D'après l'auteur du blog cité précédemment, Tsfasman a dû mettre de l'eau dans son jazz à partir des années '40 et se "contenter" d'engagements en tant que pianiste : la grande guerre patriotique, puis la guerre froide, ont nettement limité les possibilités de musiques entrainantes - on voit effectivement cela aussi dans le cinéma postérieur à 1941. Et lors du dégel de 1956 la mode avait changé. Mais il reste quand même une trace tardive de cette activité soliste de Tsfasman: à la fin des années '50, il a enregistré Rhapsody in Blue de Gershwin avec l'orchestre d'État de l'URSS dirigé par Rojdestvensky.

Il a existé un CD d'enregistrements des années 1937-1940, désormais disponible en téléchargement



http://www.amazon.fr/Aleksander-Tsfa...8846648&sr=1-3

Mais si on entre le nom en cyrillique sur Youtube on trouve plein de choses sympathiques:

http://www.youtube.com/results?searc...%B0%D0%BD&aq=f

[Jacques]

Un grand merci à nouveau, Mah70 .

J'ai pris bonne note de vos compléments d'information et marqué (placé dans mes "favoris") la page YouTube que vous avez signalée, pour la retrouver plus facilement.

C'est une bien jolie découverte que vous m'avez permis de faire !

Jacques