Bonjour.
J'ai un peu tardé avant de vous parler de ceci:
D'abord parce que je me suis rarement pris une telle claque en pleine tête. Ensuite parce qu'il m'est toujours difficile de parler de ces disques dont je sais qu'il m'accompagneront pendant le restant de mes jours.
En 1977, la radio suédoise commande un concerto pour violon à Alan Pettresson, concerto devant être joué par Ida Haendel. La violoniste a dû tirer une drôle de binette en voyant arriver un immense machin de 55 minutes en un seul mouvement qui rabaisse le 1er concerto pour violon de Chostakovitch, pourant pas bien gai, au rang de charmante bluette.
C'est sombre tout en étant d'un lyrisme éperdu, c'est incroyablement tendu sans pour autant sombrer dans le cataclysme sonore et bruyant (on attend une quarantaine de minutes avant d'avoir une plage de repos durant plus de trois mesures) et comme le (grand) orchestre est un peu à fond tout le temps, les équilibres doivent être coton à ménager: en concert, on ne doit pas entendre grand chose de la partie soliste, très difficile et pourtant guère brillante (au sens de "faisant briller la technique de l'instrumentiste"). Bref ce concerto est un apostolat qui demande de l'abnégation. Le premier quart d'heure, correspondant en gros à un premier mouvement relativement rapide, a déjà de quoi épuiser le plus résistant des solistes, les quarante minutes suivant n'étant guère plus propices au repos.
Ida Haendel se jette a corps perdu dans sa partie et emporte le morceau en ne se ménageant guère. Blomstedt suit le mouvement jusqu'à une conclusion presque apaisée en comparaison des cataclysmes de la première partie.
Autre caractéristique : j'ai rarement entendu un aussi beau début de concerto. A preuve.
Le texte de présentation le précise: tout le concerto est basé sur la première des "Chansons aux pieds nus", dont le thème s'insinue partout. Impossible pour moi de confirmer. Toujours est-il l'arrivée de la chanson de manière effectivement reconnaissable constitue le premier moment de relatif repos signalé ci-dessus.
Pour donner une comparaison littéraire (mais je vais citer un auteur un peu obscur), le style de Pettersson me rappelle un peu celui de Léon Bloy, lequel guettait les signes d'une apocalypse imminente, hurlant sa douleur en une langue sonore et biblique. Ici c'est un peu pareil: ce n'est de la musique plaisante mais je trouve ça superbe.