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Discussion: Jardin des critiques Falstaff

  1. #1
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    Jardin des critiques Falstaff

    La tribune était consacrée aujourd'hui à cet opéra à part s'il en est, y compris dans la production de Verdi.
    Malgré mon ignorance de l'art lyrique, je ne peux m'empêcher de commenter le contraste entre Toscanini et tous les autres chefs entendus dans cette confrontation. Il y a chez lui une vie, une énergie irrésistible (et non de l'énervement), une agilité musclée défiant la gravité qui captivent l'auditeur. Pour ne citer que les chefs qui dominent cette discographie (d'après les jardiniers), Karajan reste remarquable, mais comme d'habitude il tend à gommer les aspérités; Bernstein est enthousiaste et me comblerait s'il n'avait, à mon sens, le pied lourd sur l'accélérateur; Muti est irréprochable, mais ne m'accroche pas (ça ne doit pas le chagriner!), pourquoi?
    Ceci est un avis de Candide, mais cela n'interpelle-t'il pas les connaisseurs qu'un artiste arrache l'adhésion des innocents?
    D'un autre côté, il y a l'écueil de la démagogie...

  2. #2
    - Avatar de mah70
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    Ça n'interpelle rien du tout: Toscanini est épatant dans Falstaff, c'est tout. Ça fait trente ans que je m'en contente et m'en émerveille
    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

  3. #3
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    Il semblerait qu'en la matière, en fait, ce qui est essentiellement primordial avant tout pour réussir un opéra c'est le chef.
    Eventuellement peut-être et accessoirement, quelques cantatrices et chanteurs, par ci par là, mais éventuellement seulement ! Ca meuble entre les parties orchestrales.

  4. #4
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    Vos gueules les goualeurs!

    Ah! Mon p'tit lapinou, vous me manquiez! Votre persiflage est on ne peut plus pertinent, et sans vous je n'aurais effectivement pas pensé aux chanteurs! Pas plus tard que hier, un copain n'a pas voulu d'un de mes doublons, à savoir un vinyle d'extraits de Norma par La Callas, au motif qu'il ne supporte pas sa voix. Je l'ai aussitôt conforté dans son opinion en lui révélant que la géniale Maria elle-même n'aimait pas son timbre...

  5. #5
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    Mon 'persiflage' était tout à fait général, avec pour objet une tendance actuelle envers les enregistrements lyriques, tout en visant un peu plus particulièrement les 'Jardiniers' qui donnent pas mal dans cette mode-là. Je ne m'adressais pas particulièrement à vous, car vous n'êtes pas le centre de mes pensées, Jeffounet, soyez-en tout à fait convaincu, j'ai infiniment mieux à faire. Si je suis un peu premier degré, de votre côté ne tournez pas trop parano ! Portez-vous bien.

    Une autre tendance est de tartiner copieusement et oiseusement sur la MeS, et d'expédier les chanteurs vite fait en fin de chronique, quand encore on les mentionne.
    Un opéra, c'est d'abord et avant tout des CHANTEURS, ensuite mais ensuite seulement un orchestre, éventuellement des choeurs, et un chef - et accessoirement, une mise en scène, mais seulement accessoirement, fort heureusement, vu les horreurs répétitives dont on est abreuvé. Toutes les MeS ne sont pas à jeter aux orties, il en est de très réussies et pertinentes, mais c'est l'exception.

    C'était là le but de mon persiflage : dans un opéra, parlons AUSSI et AVANT TOUT des chanteurs.

  6. #6
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    Je nuancerais ; si un opéra sans chanteur n'est pas facilement concevable, certains opéras dépendent crucialement du chef et de l'orchestre ; presque plus que des chanteurs, parfois.

    Si vous me parlez de Norma, n'importe quel tâcheron devrait réussir à faire oumpahpah oumpahpah à l'orchestre sans grand dommage, et on attend les chanteurs, et eux seuls (comment ça, j'exagère? à peine...).
    Dans Falstaff, sans chef, tout s'effondre, et ce n'est pas comme s'il y avait des cabalettes belcantistes pour rattraper le coup.
    Dans Pelléas, dans Wozzeck, l'orchestre est absolument crucial ; dans Les Noces de Figaro, tout est crucial, les voix, l'orchestre, la coordination. Et dans Boris Godounov, je crois que je préfère presque des chanteurs moyens et un bon choeur que l'inverse (bon pas pour Boris ni l'innocent).
    Mais bon... je dis ça, je dis rien...
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  7. #7
    - Avatar de mah70
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    Il faudrait aussi s'entendre sur ce qu'est ou non un bon chanteur. Je ne suis pas spécialement en admiration devant Pavarotti et je suis allergique au peu que je connais de Sutherland. Comme je n'aime pas les opéras du Bel canto avec leurs livrets patauds et leurs cabalettes virtuoses, ça ne me dérange pas trop mais bon...
    Une bonne troupe sans individualités marquantes mais bien soudée peut valoir mieux qu'une réunion de vedettes, il me semble, surtout fédérée par un grand chef. D'où la réussite de Toscanini et de son équipe dans Falstaff. Parce que, sans vouloir être désobligeant, ni Herva Nelli, ni Cloe Elmo, ni Antonio Madasi, ni Frank Guarrera ne sont de grands noms du chant, il me semble. Giuseppe Valdengo un peu plus, mais à peine, non? Donc on parlera plus du chef que d'eux.
    La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)

  8. #8
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    Je nuancerais [...]
    Citation Envoyé par mah70 Voir le message
    Il faudrait aussi s'entendre [...]
    Je souscris à 95% à tout cela !
    J'aimerais simplement que lorsqu'on parle d'opéra, on ne passe pas sous silence total sans autre forme de procès ceux sans qui il n'y a pas DU TOUT d'opéra : ceux qui le chantent. Qu'ils soient grandioses, ou seulement bons, ou seulement moyens, ou ... Mais qu'on ne fasse pas comme s'ils n'existaient pas et n'étaient pour rien dans la chose.
    C'est vrai qu'en l'espèce, Falstaff par Toscanini - que j'aime beaucoup, pour Toscanini -vaut autant (plus, diront certains) par Toscanini que par son plateau. Je l'aimerais plus encore avec d'autres chanteurs, et à l'époque il n'en manquait pas. L'équipe vocale de Toscanini est loin d'être indigne ou médiocre, mais il y avait alors d'autres pointures (mettons à part Merriman et Stich-Randall !) !
    Aussi suis-je plus comblé par d'autres versions où au niveau du chant, je trouve plus mon compte, où les chefs sont loin d'être des manches non plus, et leurs orchestres largement aussi bons que le NBCSO (d'où le mérite de Toscanini !)
    Et on a parfaitement le droit de ne pas aimer plus que cela Pavarotti, Sutherland - et même Callas dont je ne suis pas inconditionnel non plus !

  9. #9
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    C'est bien involontairement que j'ai déclenché ce débat sur l'importance, évidente, des chanteurs. J'avais pourtant pris la précaution de prévenir que j'étais un ignare en matière de chant lyrique, en n'exagérant presque pas. Je ne voulais pas, par esprit constructif, avouer que la plupart des voix d'opéra m'insupportent grave. La Callas, je l'ai rappelé, n'aimait pas son timbre, mais son génie dramatique arrache l'adhésion, un peu comme certaines chanteuses paysannes à la voix acide ou éraillée (et fausse selon les critères de la musique écrite) captivent leur auditoire par leur art de vivre l'histoire qu'elles racontent -si du moins on comprend leur langue.

    Mais la divina n'est pas la seule à souffrir d'une "sonorité" peu gratifiante. Pour moi, il y a un problème général de la voix lyrique, totalement artificielle, émise comme contre nature. Au reste, là où j'ai entendu nombre de chanteurs paysans septuagénaires chanter dans la danse avec une énergie phénoménale, je ne connais aucun exemple de voix lyrique qui ait assuré un rôle sur scène à un âge aussi avancé. Chaliapine, peut-être? Mais lui fut le seul sans doute à être plus proche d'un tel chanteur paysan que des chanteurs "classiques". Il a cette dimension tellurico-cosmique qu'on ne retrouve que chez un Manuel Torre, apparemment très peu connu, ou un Herri Rumen, totalement inconnu lui, en-dehors des témoins de la renaissance du kan-ha-diskan au milieu des années 50 (voir le double CD que nous avons consacré au cinquantième anniversaire de cette renaissance chez Coop Breizh). De ce dernier, un ami amateur de musique et de traditions orales a dit que son chant se distinguait par un lyrisme exceptionnel. C'est ce genre de voix que je ne retrouvre pratiquement jamais dans les enregistrements d'opéra que je connais, telle que le timbre lui-même est constitutif de l'expression lyrique précisément. Voila pourquoi je n'éprouve du plaisir à écouter un opéra comme Falstaff que si le chef a la force de conviction d'un Toscanini.

    Maintenant, Carmen ne me subjugue que si le rôle-titre est tenu par une cantatrice d'exception.
    C'est-à-dire presque jamais...

    PS: On vient d'entendre sur France-Musique Kathleen Ferrier dans le dernier des Kindertotenlieder (Concertgebouw-Klemperer 1951). Rarissime exception de timbre prenant...

  10. #10
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    En effet, le timbre d'un chanteur "classique" est artificiel, c'est tout l'art ; parce que justement, c'est de l'art ; mais ce n'est pas plus artificiel que l'opéra en tant que tel, raconter une histoire souvent idiote ou absurde en chantant, "marchons" en faisant du surplace pendant des heures ou "je suis mort" jusqu'à la fin de l'acte. Mais quand on pense à la somme de travail que représente un piano ou un violon ou n'importe quel instrument, leur son n'est pas très naturel non plus!

    Je me fais un peu l'avocat du diable, j'ai longtemps trouvé ça insupportable moi aussi!

    (et j'ajouterais qu'on n'a pas toujours besoin de comprendre la langue pour être captivé par un chanteur "populaire" (adjectif retenu faute de mieux) (je préfère ça en tout cas à "du monde") : j'adore le flamenco, et je ne comprends pas un traître mot!)
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  11. #11
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    Et pour d'autres fois : n'hésitez surtout pas à déclencher volontairement des débats!
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  12. #12
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    Le timbre d’une voix n’est pas artificiel. Tout le monde a une voix, et chaque voix a un timbre, c’est justement sa caractéristique majeure qui permet de reconnaître une voix sans voir qui parle ou chante, même au quotidien. Et tout le monde peut chanter, bien ou mal, avec sa voix telle qu’elle est.
    Certaines voix à l’état brut, ont un timbre naturel remarquable, et certaines personnes ont une facilité naturelle à utiliser leur voix.
    Après vient l’art. Et le don ne suffit pas, il faut de l’apprentissage et du travail. Même pour les chanteurs de la tradition populaire. Pour reprendre un exemple cité plus haut, les grandes voix du cante jondo ne se sont pas faites juste comme ça, pour atteindre leur niveau de technique et d’expressivité et tirer le meilleur parti de leur voix, il a fallu aux cantaoras et cantaores apprendre à chanter avec leurs homologues des générations précédentes.

    Une voix pour le ‘classique’ n’est aucunement anti-naturelle ou artificielle. La technique du chant classique est fondée sur les phénomènes naturels de la phonation, observés, étudiés, analysés et peaufinés depuis des siècles. Tous les enseignants d’art lyrique ressassent cela à leur élèves : apprenez à exploiter toutes les ressources de votre voix en restant naturel/le ! Moyennant quoi vous parviendrez à chanter sur deux octaves, ou plus, et si vous êtes raisonnable dans la conduite de votre carrière, votre voix évoluera sans se détériorer autrement que par l’évolution naturelle de vos cordes vocales et de votre larynx. Il n’y a là rien que de très naturel.
    Si vous ne chantez pas ‘naturel’, vous forcerez votre voix à faire autre chose que ce qu’elle peut faire, et vous ne tiendrez pas longtemps – exemple, Sylvia Sass, grandes promesses, ruine rapide.
    Si vous restez dans les limites naturelles de votre voix, vous chanterez longtemps. Chaliapine s’est retiré à 68 ans. De nombreux autres ont chanté jusqu’au-delà de leur 70 ans, dans toutes les tessitures féminines et masculines -OK, certain(e)s n’auraient pas dû ! Mais bon nombre l’ont fait avec succès ; exemples, Hotter, Kraus, Barbieri, Patti, Lauri-Volpi pouvait encore chanter Nessun dorma à 80 ans, et voyez Domingo ! Il est vrai toutefois que la plupart des chanteurs se retirent dans leurs sixties.

    Cuénod n’avait pas de voix, il le disait lui-même. Mais il avait un art extraordinaire. Ce qui lui a permis de chanter non pas jusqu’à son dernier souffle (108 ans !), mais fort tard ! C’est exceptionnel, OK !

    Callas n’aimait pas son timbre, elle avait raison. Sans être laid, il n’était pas très beau, elle a toujours eu des difficultés sur le passage, et bien de ses contemporaines avaient des timbres bien plus agréables. Mais avec une technique à toute épreuve (on n’est pas élève de De Hidalgo et admiratrice inconditionnelle de Ponselle pour rien !) et quelques astuces et ‘tricheries’, elle savait gérer ses défauts avec un art consommé. Vocalement, d’autres à son époque sont aussi ‘grandes’. Son statut d’icône vient en fait d’autres choses que strictement sa voix : sa capacité d’incarnation des rôles, son investissement, ses dons d’actrice aussi bien tragique que comique, sa facilité à enchaîner Lucia, Tosca, La Somnambule, Turandot, Anna Bolena, Macbeth … ; sa résurrection de rôles délaissés, Alceste, Armide, Médée, … ; son culot l’autorisant à inviter à aller se faire voir le surintendant de la Scala et le directeur du Met ! et sa vie personnelle ‘people-isée’ à outrance. (NB : quand on songe qu’après son retrait elle a vécu à Paris sans qu’aucune institution d’enseignement musical français ne fasse appel à elle, c’est à se taper le derrière par terre devant tant de çonnerie …)

    Il y a eu, et il y a encore des cantatrices tout à fait capables de chanter Carmen extraordinairement, à l’étranger et chez nous – exemples, Antonacci, d’Oustrac. Après, c’est question de goût, tout dépend à quels envoûtements on est personnellement sensible ou pas !

    J’ai du mal à percevoir en quoi Chaliapine avait des affinités avec le chant/déchant breton, à vrai dire ! D’autres voix sont aussi ‘telluriques’, Hotter, Ghiaurov, Salminen, Greindl, etc. Mais à part quelques exceptions – exemple, utiliser une cantaora, comme prévu par le compositeur, pour L’Amour Sorcier – je vois mal un chanteur de tradition populaire interpréter un rôle d’opéra. Mais j’ai peut-être mal compris le propos. En tous cas, même dans le chant classique, le timbre est bel et bien constitutif de l’expression lyrique. Pour reprendre un exemple rebattu, Casta diva : par Callas, Caballe, Sutherland et Bartoli, pour ne prendre que celles-là, c’est toujours Casta diva, mais l’expression lyrique diffère de par le timbre même des cantatrices, sans parler de leurs choix interprétatifs respectifs.

    La voix de Kathleen Ferrier est en effet exceptionnellement touchante. Mais je ne suis pas d’accord avec le superlatif ‘rarissime’, il y a bien d’autres voix ‘envoûtantes’, là aussi dans toutes les tessitures féminines et masculines. Mais là aussi, reste à savoir à quels sortilèges vocaux on est sensible ou pas !

    J’ai été très long, sans doute trop, qu’on me pardonne. J'espère n'avoir agressé ou vexé personne, si c'est le cas telle n'était pas l'intention, qu'on veuille bien me pardonner également.
    Dernière modification par The Fierce Rabbit ; 05/07/2013 à 11h19. Motif: Corrections

  13. #13
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    C'était long mais pas du tout trop long. Et je suis d'accord! Oui la voix est naturelle ; mais une voix classique est travaillée dans le naturel, ce qui fait qu'elle peut paraître artificielle. Bon je vais réfléchir à une formulation plus claire, ce qui doit supposer, si on en croit le poète, une meilleure conception!
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  14. #14
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    Citation Envoyé par The Fierce Rabbit Voir le message
    aucune institution d’enseignement musical français
    ... française ... Sorry ! (On a beau relire et corriger ...)

  15. #15
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    Désolé, ai pas eu le temps de répondre jusqu'ici.

    Est-ce Maria Ivogün qui dit à Elisabeth Schwarzkopf, en guise de mise au point après l'avoir entendue pour la première fois: "Tout est à reprendre!"?

    Jamais je n'ai entendu parler (ou écrire!) d'une réflexion aussi cinglante à l'adresse d'un jeune chanteur relevant d'une tradition orale. J'ai du mal à comprendre, mon p'tit lapinou préféré, que vous ne preniez point la mesure de l'écart qu'il y a entre un art écrit et une tradition orale. Dans le premier cas, chaque chanteur se trouve face à un défi, qui est de chanter qq chose d'écrit qui ne l'a pas été pour lui (elle) s'il (elle) n'est pas l'artiste auquel (à laquelle) le compositeur a pensé. Le chanteur de la tradition orale, et je crois que ça ne se limite pas à la Bretagne bretonnante, n'a qu'un (si j'ose écrire) défi à relever: captiver son auditoire. Il (elle) y parviendra d'autant mieux qu'il (elle) le surprendra. Là où un public sado-atrabilaire guette le cassage de gueule dans l'air de la Reine de la nuit, et ne rend les armes que si la cantatrice a négocié l'obstacle avec l'aisance d'un coureur du Tour de France chargé à mort dans l'ascension du Tourmalet, le public du chanteur de tradition orale se f... de la référence à une partoche dont il ignore qu'elle puisse exister. Or donc, camarade addict aux carottes, (très bon pour la santé: le WE dernier j'ai fait un rôti-de-porc-carotte par goût pour les carottes, et j'ai âdôôôré!), chez nous, le chanteur paysan exploite ses moyens vocaux sans jamais se demander si un contre-ut ferait bien dans le tableau, et surtout sans jamais se sentir obligé de risquer ses cordes vocales en faisant... de la corde raide avec! Je pourrais, si ça ne prenait pas tant de temps pour retrouver mes sources, vous citer le témoignage d'une personne parlant d'un paysan dont on reconnaissait le chant à trois kilomètres de distance lorsqu'il rentrait des champs. Les chanteurs de la campagne se répondaient d'un champ à l'autre sans avoir jamais bénéficié des cours de Maria Ivogün: il n'y en avait pas DU TOUT! Tout le monde chantait, mais seules les individualités remarquables bénéficiaient de l'appellation chanteur. Si vous pouvez me citer un seul exemple de chanteur lyrique ayant débarqué dans le rôle, tiens, de Boris Godounov, sans avoir jamais bénéficicié d'un enseignement approprié, je suis preneur.

    Non, décidément, l'art lyrique nécessite des voix artificielles, en ce que personne au monde ne naît avec les capacités de chanter le répertoire sans travailler sa voix dans ce but. Et vous connaissez l'étymologie de ce verbe...

  16. #16
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    Citation Envoyé par JEFF Voir le message
    Désolé ...

    Décidément, je ne dois pas avoir le talent d'écrire de façon à être lu et compris pour ce que j'écris et pour ce que je dis, pas pour autre chose.

    Je mesure tout à fait ce que vous n'imaginez pas que je puisse mesurer. J'ai vécu en Corse où on n'est pas mal loti non plus en matière de chant populaire traditionnel, je sais tout à fait ce que c'est que le chant non écrit, a paghjella ou a chiama e rispondi et sous toute autre forme ; j'ai vu comment on 'apprend' à chanter cela, et ça ne vient pas juste par infusion et opération de l'esprit saint. J'ai quelques notions sur le flamenco, et sur quelques autres traditions du même genre. Ce serait gentil de votre part de cesser de me prendre pour une buse, ou à tout le moins de cesser de me le dire même si le sentiment est justifié (pour vous et d'autres) !

    Le chanteur de la tradition orale n'a qu'un défi à relever: captiver son auditoire.
    Ce qui signifierait a contrario qu'un chanteur classique n'a pas pour objectif d'entre entendu d'un auditoire et de le captiver ?
    Pourquoi alors avoir voulu être chanteur ? Pour le coup, c'est moi qui ai du mal à comprendre.

    Or donc : les chanteurs populaires savent chanter sans avoir à apprendre et sont des voix restant à l'état natif naturel. Les chanteurs classiques doivent apprendre donc leur voix devient artificielle. Apprentissage = perte du naturel et aliénation dans l'artificiel. Vive Mowgli et Kaspar Hauser.

    Comme je n'aime pas trop les dialogues de sourds, et en vertu de mon premier alinéa, je m'en tiendrai là, en vous souhaitant bonne journée, bonne mer et bon vent !
    Dernière modification par The Fierce Rabbit ; 09/07/2013 à 09h51. Motif: corrections

  17. #17
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    Citation Envoyé par The Fierce Rabbit Voir le message
    pour objectif d'entre entendu
    "... d'être entendu" ; cela allait sans dire, mais c'est plus sûr de le dire.

  18. #18
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    Bon, je n'ai pas été assez précis: vous vous en doutez, je me réfère à ce que je connais, et ce n'est pas en Corse que j'ai connu des chanteurs paysans. L'apprentissage, chez nous, se fait par imitation et imprégnation, pas par des leçons, ni dans le chant, ni ailleurs, pas même dans le matelotage. Je n'ai jamais vu un marin breton expliquer comment on fait un noeud de chaise: il le fait, et chacun se dém... pour faire pareil. Moi je n'y arrive pas, parce que je ne suis pas tombé dedans quand j'étais petit, et parce que je n'ai pas l'occasion de consacrer le temps nécessaire à un apprentissage classique par des moyens pédagogiques.
    Même remarque pour les crêpes: depuis qu'il y a des écoles de crêperie, y'a plus moy' de dégotter une crêpière capable de faire de vraies crêpes tellement fines qu'elles en sont translucides, ou des galettes tellement fondantes qu'on fond soi-même à les déguster. Les meilleures crêpières que j'ai connues ont toutes appris en observant leur mère-tante-grand-mère or whoever you will!
    Quant au chant, personne n'avait de temps à perdre pour expliquer comment fonctionne l'organe de la phonation, et d'ailleurs personne ne le savait. Les beurtons sont-ils une race à part?

    Autre précision: quand j'écris que les dits chanteurs paysans n'avaient d'autre défi à relever que celui de captiver leur auditoire, vous me comprenez parfaitement. Le chanteur lyrique, lui, en a un autre à relever avant même d'ouvrir la g... devant un auditoire plus ou moins averti: maîtriser la technique ad hoc pour restituer une partition, la même pour tous ceux qui s'attaqueront au même rôle.

    Au cours du XVIII° siècle, des cadres (tous étrangers au pays bretonnant) de la mine de plomb argentifère de Poullaouën, sans doute effarés par l'ignorance dans laquelle le populo local était des évangiles, ont adapté dans un breton approximatif un Noël importé (et pour cause: il n'y en avait aucun). Les airs étaient peut-être notés qq part, mais personne ne savait les lire. Peu importait: chaque chanteur en faisait ce qui était dans ses moyens vocaux, sans s'occuper de savoir s'il respectait la gamme tempérée (inconnue dans les campagnes avant le service militaire et l'école obligatoire). La notion même de "chanter faux" pose un gros problème, puisque ça ne surprenait personne qu'un chanteur (ou même un sonneur) ait une gamme à lui. Au reste, subir à la messe le chant de la communauté des fidèles était une épreuve pour toute personne acclimatée à la dite gamme tempérée...

    C'est ainsi: dans des sociétés qui ne connaissaient pas la norme écrite (il pouvait y en avoir d'autres), dès lors qu'elles n'avaient pas les moyens de rétribuer des intellectuels professionnels -ce qui était le cas des druides- la notion même d'apprentissage se confondait avec la nécessité vitale de l'observation. S'agissant du cas particulier de la voix, tout individu était amené à "lancer" la sienne, et c'est ainsi que chacun se forgeait un organe qui lui était propre, sans aucune nécessité de s'aligner sur quelque norme que ce fût, ne serait-ce que pour se ranger dans une catégorie, genre baryton, soprano, voire goualeur médiatique. Seule comptait la faculté de se faire entendre de (très) loin.
    Maintenant, je suppose que les druides, et donc les bardes, avaient leurs figures imposées. Mais la classe intellectuelle celtique cultivait l'ésotérisme (d'où le non-recours à l'écriture), et par le fait même, ses normes ne sont pas passées dans la plèbe, bien que le registre de la gwerz porte la marque d'exigences spécifiques. Notons au passage que ce mot est apparenté au latin versum...

    Un grand merci, mon lapin si incisif, pour m'avoir obligé à surmonter ma flemme!

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