Einar Englund est un compatriote de Sibelius, né en 1916 et mort en 1999. Il n’a composé que de la musique instrumentale, ce qui n’est pas pour me déplaire puisque j’aime si peu la musique chantée. J’ai écouté le disque The Great Wall of China - symphonies 4 & 5, par le Tampere Philharmonic Orchestra dirigé par Eri Klas. J’ai toujours une oreille favorable aux concitoyens de mon géant préféré, et là ça me plaît plutôt bien. Sauf que ça ne rappelle en rien Sibelius mais un autre de mes géants. L’auteur du texte de présentation, Jaako Haapaniemi, écrit que « Stylistiquement, Englund peut être compté parmi les néoclassiques dont les modèles sont Stravinsky et, plus tard, Bartok ainsi que Chostakovitch et Prokofiev. Englund lui-même considérait Stravinsky comme son plus grand modèle dont il était admirateur fervent dès les années 1930 alors qu’il étudiait à l’Académie Sibelius. » Mais en fait de Stravinsky, je trouve que le modèle qu’il a le plus suivi dans sa Symphonie n° 4 “Nostalgic” pour cordes et percussion (1976) est plutôt Shostakovich. On y retrouve des quasi-citations de plusieurs oeuvres de ce dernier. Le premier mouvement, Prelude (Adagio) rappelle à s’y méprendre le 1er mouvement de la 8ème Symphonie de Shosta : thème, orchestration et atmosphère sont quasi-identiques dans les deux pièces. Ensuite, c’est tout un passage du 2ème mouvement, Tempus Fugit, qui est manifestement calqué presque note pour note sur le 2ème mouvement de la Symphonie de Chambre. Dans le 3ème mouvement, Nostalgia (Andante), il fait deux ou trois brèves citations de Tapiola de Sibelius, mais l’atmosphère du morceau et l’orchestration font toujours penser à Shostakovich. Et c’est également le cas dans le 4ème mouvement, Intermezzo + Épilogue (Allegretto grazioso - Adagio), où l’on entend des réminiscences du largo final de la Symphonie de chambre dans une atmosphère tout aussi sombre et mélancolique. Jaako Haapaniemi écrit que la symphonie « a été dédiée à la mémoire d’un grand compositeur qui peut être aussi bien Stravinsky que Chostakovitch qui tous les deux avaient beaucoup compté pour Englund et qui étaient décédés au début des années 1970 ». Mais il me semble assez évident que c’est bien Chostakovitch l’inspirateur de la pièce et pas du tout Stravinsky. Haapaniemi confirme d’ailleurs que « c’est surtout la mort de Chostakovitch en 1975 qui a incité Englund à écrire cette symphonie bien qu’il ait affirmé que la dédicace pouvait concerner n’importe quel grand compositeur de l’histoire de la musique ».
la 5ème Symphonie “Fennica” (1977) possède aussi des accents très shostakoviens, avec une orchestration puissante comme les aimait l’auteur du Nez. Elle est très dense, en un seul mouvement d’une grande force et d’une belle éloquence. Le compositeur la considère comme une « symphonie de guerre [où] l’on entend les terribles et sombres sensations que tous ceux qui ont vécu la guerre portent en eux. »
Et ce sont toujours des réminiscences du même Shostakovich qu’on retrouve dans la musique de la pièce La Muraille de Chine, avec dès l’ouverture une quasi copie de quelques mesures de trompettes prises dans le 2ème mouvement de la Symphonie n° 8 pour laquelle Englund semble avoir un faible. Je ne lui en ferai d’ailleurs pas le reproche. Les mêmes notes de trompette reviennent encore dans le troisième morceau de la suite, Inquisition. Le sixième morceau s’intitule carrément Marche à la Shostakovich, et c’est un pastiche très réussi de certains passages “grotesques” très caractéristiques du compositeur russe, tels ceux qu’on peut entendre dans sa Symphonie n° 5 qui avait tant déplu à Staline (avec lequel pour le coup je me trouve en parfait accord).
Tout ce que je viens de dire semble indiquer que la musique d’Englund n’est peut-être pas très originale mais je vais quand même essayer de trouver d’autres disques de ce compositeur car, après tout, composer dans le style de Shostakovich ne peut pas être rédhibitoire pour moi.