Les Variations pour une porte et un soupir de Pierre Henry sont sans doute son oeuvre la plus célèbre. Mais il faut se demander pourquoi elle est célèbre. Est-ce pour sa valeur propre en tant qu’œuvre musicale ou bien parce qu’elle est unique en son genre et fait figure de curiosité qu’on ne peut ignorer, même si on n’est guère disposé à l’écouter en tant que pièce de musique ? Car même au sein de l’œuvre de Pierre Henry, les Variations occupent une place à part. Elles ne font pas musique. On a plutôt l’impression d’écouter un catalogue de sons, extraits de l’immense sonothèque du compositeur, ceux rangés sous les catégories “bruits de portes” et “bruits de respiration”. Il s’agit en fait des différents bruits émis par une seule porte, celle de son grenier, et la respiration (le soupir) est probablement la sienne. Le compositeur n’a bien sûr pas mis ces sons simplement bout à bout, ce qui aurait vite été ennuyeux à écouter, mais il faut bien dire que son travail de composition est assez sommaire. Comme il y a deux canaux stéréophoniques à occuper, il place souvent deux bruits de porte différents sur le canal droit et le canal gauche. Mais alors pourquoi avoir intitulé la pièce “Variations pour une porte...” ? Car du coup, l’auditeur a l’impression d’entendre deux portes qui semblent se parler, se répondre. Ou bien on a la porte sur un canal et la respiration sur l’autre. D’autres fois, porte et respiration passent d’un canal à l’autre, ou bien on a une porte a gauche, l’autre à droite, en même temps qu’une respiration à gauche et une autre à droite. Il aurait donc dû appeler la pièce “Variations pour deux portes et deux soupirs”. Il reste que, même si l’écoute de la pièce n’est pas ennuyeuse (on se prend à apprécier le grain, le chant particulier de ces bruits) on a toutefois l’impression de suivre une histoire sans queue ni tête. Les sons se croisent et se succèdent comme des personnages dans une succession de petites scènes qu’on suit en se demandant ce qu’elles ont à nous raconter. On pourrait d’ailleurs en modifier l’ordre sans que cela ne change grand chose. Mais c’est vrai aussi de toutes les variations sur un thème. On se demande aussi pourquoi avoir utilisé des bruits de porte et des bruits de respiration ? Quel rapport y a-t-il, ou doit-il y avoir, entre les uns et les autres ? Quelle est l’histoire qui peut mettre en scène une porte et un soupir ? N’aurait-il pas été plus intéressant de composer une pièce avec les seuls bruit de porte ? Ou les bruits de plusieurs portes ? Car toutes les portes n’ont pas le même caractère et ne grincent pas de la même voix. J’imagine assez bien un opéra de portes plein de bruits, de fureur, d’emportements... et de claquements de portes.