Marianna Pizzola n'est pas extrêmement connue, en tout cas du tout grand public, mais pourquoi fait-on croire aux profanes que les minauderies nasillardes de Schwarzkopf étaient du beau chant alors que Marianna Pizzola (mezzo, je sais...) a cette voix onctueuse et ce style naturel :
? IP
Cette chanteuse me fait surtout penser à Sena Jurinac.
Votre questionnement est très bon. Pourquoi a-t-on fait tant de chichis avec Maria Callas alors qu'il y avait tant d'autres cantatrices, à l'époque, qui étaient au moins aussi douées qu'elle ?
C'est vrai : Jurinac avait aussi un timbre crémeux et un style sans affectation.Envoyé par Jean-Yves Duchemin
IP
Il y a une raison qui me semble valable: lorsque Callas est arrivée, on avait droit, dans son répertoire, à quelques rossignols impavides qui alignaient les notes sans aucun dramatisme (je résume à la truelle, bien entendu, mais vous voyez l'idée). Entendre une Callas débarquer dans des rôles tenus par Lily Pons, ça a dû faire un choc... D'autres chanteuses avaient peut-être une voix plus plaisante, et moins de tics dans l'interprétation, mais elles n'avaient pas le tempérament ni la capacité à recréer les rôles. On peut dire qu'il y a, qu'on l'aime ou non, un avant et un après Callas. Malgré la qualité de l'interprète, on ne peut pas dire qu'il y a un avant et un après Jurinac... Et comme l'apport de la Callas a été (avec plus ou moins de bonheur) intégré après elle, il ne nous apparaît plus aussi essentiel.
Je m'étais longtemps demandé pourquoi la "Joconde" qui est au Louvre était à ce point célèbre. Un ami peintre m'avait expliqué que le tableau montrait une absolue rupture avec ce qui l'avait précédé. Si on y songe, le tableau date de la fin de la vie d'un Boticelli. On est effectivement dans un autre monde (et ne me faites pas dire que je n'aime pas Boticelli), celui d'un art réaliste et fouillé, avec un arrière-plan particulièrement travaillé, où les détails sont intégrés jusqu'à ne plus se voir. Si on compare Mona Lisa avec, mettons, Elisabetta Gonzaga, tableau de Raphaël contemporain qui a une composition semblable, on voit une oeuvre moderne d'un côté, un tableau qui sent sa fin de moyen-âge de l'autre. Mais comme tous les peintures ayant suivi Léonard De Vinci ont assimilé sa leçon, je n'avais pas su voir cette rupture.
Peut-être y a-t-il une autre chose à signaler: nous ne demandons pas tous la même chose aux chanteuses. Tout le monde ne veut pas forcément une voix crémeuse et onctueuse, ni un style naturel. J'ai écouté l'extrait de Zelmira proposé par IP. Ça crème et ça onctue, c'est sans chichis en effet. Un chant plein de santé, très franc, bien maîtrisé, très propre. Dans la deuxième partie de l'air, plus dramatique, ça reste propre, sans chichis, franc, plein de santé et il ne me semble pas se passer grand chose. C'est joli, quoi, alors que ça devrait quand même me remuer un peu plus. Sans dire que nous en revenons aux rossignols impavides, je trouve que ça manque de dramatisme. Je ne suis pas fan des effets incessants de Schwarzkopf (elle a chanté Zelmira?), de sa manière de détimbrer ou de chanter sur le souffle, mais elle a plus de personnalité, et ses effets sont parfois très efficaces.
La seule certitude que j'ai, c'est d'être dans le doute. (Pierre Desproges)
Moi qui suis surtout fan des voix "wagnériennes", j'ai été fasciné, plus jeune, par les interprétations dramatiques de Callas qui me paraissaient tellement plus fouillées que celles de Leyla Gencer, par exemple. Mais, le temps passant, je me suis guéri de cette attirance systématique. La présumée laideur de sa voix m'est alors apparue - sa vie privée ne m'a jamais intéressé. S'il y a un parallèle à faire chez les hommes, je pense à Jon Vickers. Je me suis détaché des opéras italiens, petit à petit, et c'est sans doute la raison pour laquelle j'ai zappé les interprétations de la diva. Dans mon souvenir, chaque fois que je l'écoutais dans un rôle précis, j'avais l'impression qu'elle en réinventait le style. Je pense très sincèrement qu'elle a été surcotée dans certains rôles, Norma, Tosca ; pour d'autres, elle n'avait pas la bonne tessiture. En gros, sa voix avait des défauts capitalisés grâce à ses talents d'actrice - elle en faisait souvent trop, mais bon, on oublie.
Je lui préfère Julia Varady, s'il fallait n'en citer qu'une.
Quant à Elisabeth Schwarzkopf, elle me laisse de glace, même dans Le chevalier à la rose.
Je ne suis pas un spécialiste de l'opéra, très loin de là, par contre j'adore les lieder, avant tout Schubert, mais également des choses du style Strauss, entre autre les Vier letzte Lieder. Schwartzkopf soutenu par Szell y est tout simplement fabuleuseet que pour cette unique prestation elle mérite l'Olympe des chanteurs
. Mais Monsieur Georges Szell devait être également un profane qui ne comprend rien au chant. Je n'aime pas particulièrement la Callas, mais est-ce une raison pour me gausser de son chant?
La prestation de Madame Pizolla me semble excellente et touchante, j'ai essayé de trouver des disques d'elle, mais je n'ai réussi qu'à trouver la reine de l'accordéon (une plus ou moins homonyme). J'eusse préféré quelques informations supplémentaires sur la dame, sa discographie d'intérêt, plutôt que des attaques qui elles sont sans intérêt.
Je ne veux pas dire qu'elle n'a fait que des minauderies nasillardes pendant toute sa carrière, je trouve seulement regrettable qu'on laisse croire qu'elle n'a fait que des choses excellentes. J'aime beaucoup les lieds de Schubert qu'elle a enregistrés avec Fischer (pour son timbre à elle et pour la sonorité de Fischer), dans les opéras de Mozart (Fiordiligi, Elvire...), elle est très bonne actrice en chant, et ses Vier Letzte Lieder sont en effet très beaux. Mais j'ai un souvenir horrible de ses nasillements dans son enregistrement EMI du Livre de chants espagnols de Wolf. J'aurais aimé en donner un exemple sonore, mais il n'y a sur YourTube qu'un lied de ce cycle chanté par elle (aveu muet de ses admirateurs ?) :Je ne suis pas un spécialiste de l'opéra, très loin de là, par contre j'adore les lieder, avant tout Schubert, mais également des choses du style Strauss, entre autre les Vier letzte Lieder. Schwartzkopf soutenu par Szell y est tout simplement fabuleuse
La prestation de Madame Pizolla me semble excellente et touchante, j'ai essayé de trouver des disques d'elle, mais je n'ai réussi qu'à trouver la reine de l'accordéon (une plus ou moins homonyme). J'eusse préféré quelques informations supplémentaires sur la dame, sa discographie d'intérêt, plutôt que des attaques qui elles sont sans intérêt.
(on ne précise d'ailleurs pas l'enregistrement) et je dois reconnaître que c'est nettement meilleur que le souvenir d'ensemble que m'a laissé le disque. Peut-être le tempo modéré lui permet-il de soigner l'émission. Quand j'avais écouté le disque, j'avais souvent été frappé par des sonorités comme celles que dans la vidéo précitée on entend à 1:57, à 2:18, de 2:27 à 2:29 et à 2:39.
Dans cette version-ci, de Marie-Claude Chappuis :
je ne prétends pas que la voix est constamment plus belle que celle de Schwarzkopf (dans l'ensemble, il me semble qu'elle l'est un peu moins), mais les passages correspondants :
1:49, 2:08, 2:16 et 2:27
me semblent nettement moins nasillards.
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Dernière modification par InnocentParadis ; 29/06/2014 à 15h58.
Je dois faire une correction : ce n'était pas un enregistrement EMI, mais DGG. Je suis maintenant un peu sceptique sur mon post précédent : pour comparer des demi-secondes de chant, le son des vidéos YouTube n'est peut-être pas l'idéal...
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