M'étant acheté la partition l'autre jour, j'ai voulu en écouter une attentivement et me suis rendu compte que j'en avais un nombre insoupçonné. Comme cela va plus vite à faire que pour une symphonie, j'ai donc décidé de toutes les écouter - ce qui m'a évité de passer l'équivalent en temps à en choisir une - et à en rendre succinctement compte ici.
Voici dans l'ordre vaguement chronologique (de mémoire, regarder les pochettes m'énerve).
- Schuricht/Radio Bavaroise
L'un des incipit les plus excitants, car rapide et avec des attaques farouches aux premiers violons - malheureusement ces derniers dominant trop le quintette; petite harmonie magnifique sur le premier développement, cuivres globalement beaucoup moins bons. Version fort rapide, mais comme souvent avec Schuricht accusant quelques défauts de tenue rythmique (aux V1 encore), et un manque d'assise sur les basses.
- Monteux/Concertgebouw
En concert. Impressionnant de profondeur et d'assise, une des versions les plus fortes aux timbales et aux contrebasses. L'harmonie ne suit pas toujours et il y a des incidents - non rédhibitoires. L'excitation du concert est évidente, mais contrairement à Schuricht et comme presque tout le monde, Monteux ralentit trop dans le développement central. Cela reste tout de même remarquable de tenue et d'intelligence de phrasés.
- Karajan/Vienne
Absolument superbe, flamboyant, clairement une référence. Tenue rythmique exemplaire, cas quasi unique à ce tempo allant, cordes, timbales et cors extraordinaires. Brillant unique de l'orchestre. On aimerait simplement que Karajan mette parfois plus en valeur les bois, ce qui n'a jamais été son fort, certes. Mais il y a une continuité du discours, une respiration évidente, et un souffle épique permanent que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Un très grand cru Brahms/Karajan que ce disque, avec la magnifique 1ère Symphonie qui l'accompagne.
- Giulini/Philharmonia
Très bien, mais l'orchestre n'est pas toujours idéal, et il y a parfois du relâchement rythmique.
- Klemperer/Philharmonia
Exceptionnellement clair et droit, sans surprise... c'est admirable de maîtrise de conception et de direction, mais l'orchestre n'est pas assez caractérisé et manque de tranchant à l'harmonie (grande et petite).
- Giulini/Chicago
Plus engagé qu'avec le Philharmonia, plus rapide et tendu, cela aurait pu être la meilleure version de Giulini, mais... l'orchestre est moyen à tous les pupitres, malheureusement.
- Haitink/Concertgebouw
J'aime beaucoup au début: version acérée, directe, assez proche de Schuricht et Karajan dans l'esprit, se situant entre les deux pour ce qui est de la tenue rythmique. Il y a un vrai climat, sombre et fantastique. L'orchestre est beau, poétique et engagé, mais il y a quelques imperfections, et la tension retombe un peu au milieu bien que le ralentissement ne soit pas excessif ici. Un peu didactique à partir de là.
- Böhm/Vienne
Superbe. Peut-être le pus bel orchestre de ce comparatif, le plus équilibré et riche en couleurs (le dernier accord est à tomber de beauté): le début du développement aux bois est introduit et soutenu de façon magnifiquement claire, c'est rare et en dit long. Les plans sonores sont magnifiquement gérés, et c'est net et précis, les couleurs naturelles donnant le climat fantastique sans que le chef n'ait à apporter de surplus artificiel. La grande classe. Seules réserves, l'entrée de la coda n'est pas assez enlevée, et la section centrale toujours un peu trop lente. De toutes les versions, avec Haitink/Boston, celle pour laquelle le qualificatif "noble" se présente le plus spontanément.
- Haitink/Boston
Curieuse version qui met du temps à démarrer et ne se révèle vraiment (après encore un développement trop alangui) que dans la dernière section à partir de la réexposition du thème majeur. Peut-être le plus bel orchestre avec Böhm, Karajan et Levine, superbement "balancé", avec le ciselé unique des cordes de Boston. Cela finit beaucoup plus fort que cela n'a commencé. Très recommandable pour l'excellence absolue de l'équilibre orchestral du début à la fin.
- Giulini/Vienne
C'est bien sûr trop lent, mais curieusement, l'effet "pervers" (mais bienvenu) est que l'on ne change pas complètement de tempo au milieu). La tenue rythmique reste satisfaisante et il y a certaines qualités rares, comme la mise en valeur des cors à des endroits inhabituels. Cela reste très prenant, notamment les dernières minutes, oppressantes.
- Levine/Vienne
En concert;.On a encore la signature de Vienne dès le départ, avec cette tenue des voix intermédiaires idéale. La direction est plus caractérisée que Böhm, le lyrisme plus appuyé que presque partout ailleurs, mais cela passe: (réserve de) puissance étourdissante dans cette version, encore supérieure à Karajan, Böhm, et Giulini avec le même orchestre. Mais une nouvelle fois, on ralentit trop dans le développement central. Mais tout de même, de toutes les versions, sans doute la coda la plus dévastatrice, un tremblement de terre au début.
- Abbado/Berlin
Version fouillée et lyrique, qui débute remarquablement bien dans un tempo rapide. Cela musarde un peu trop ensuite, malgré plein (trop) d'idées scrutant le texte parfois au détriment de la continuité. L'ensemble schématise un peu trop la tension/détente. Mais il y a quantité de moments remarquables cependant.
Bilan: Karajan l'emporte assez nettement. C'est pas tous les jours, alors faut le dire. Les priorités me semblent ensuite Böhm, Haitink/Boston et Levine, les trois plus beaux orchestres. Il n'est pas impossible que ces quatre versions bénéficient aussi de prises de son toutes supérieures à la moyenne. Monteux est un très beau complément.
Edit: bon là je vais faire des courses, mais j'aurais peut-être du commencer par une présentation de l'oeuvre, je le ferai tout à l'heure.