La musique des alexandrins de Racine

[Patricia]

J'ai hésité un peu avant de savoir où poster ce sujet: le café du commerce me paraissait bien léger ou politique, l'espace détente aussi, dans l'espace "livres, DVD, médias", il manquait l'indication théatre; le forum "actualité, événements" aurait pu convenir, mais je préfère ces "Autres sujets", finalement, car cela reste avant tout musical, même si cela n'en a pas l'air...

Tout cela pour vous dire qu'au cas où vous ne le sauriez pas, il se joue en ce moment aux Théâtre des Bouffes du nord l'un des plus belles (sinon la plus belle, à mon goût) pièces de Racine: Bérénice.
Et que cela se joue encore jusqu'au 22 mars, pour ceux qui veulent vivre une soirée à pleurer d'émotion et de bonheur.

Dieu que ces alexandrins sont beaux, chantent et caressent l'oreille et les sens! C'est une musique qui se suffit à elle-même, pas besoin d'instruments, juste cette langue si riche et si belle, si expressive dans sa concision et sa justesse... Que notre si belle langue française est maniée là dans toute sa splendeur, et que les alexandrins deviennent naturels et évidents, comme s'il devenait impossible de parler autrement!

Dieu que le sens du devoir y est traité avec noblesse et grandeur, que les personnages transpirent la sincérité et la vérité!

La mise en scène de Lambert Wilson est d'une rare sobriété, d'une rare efficacité aussi. On ressort de là anéanti par tant de beauté et tant d'élévation. Tous les acteurs sont excellents, avec une mention particulière pour Fabrice Michel dans le rôle d'Antiochus.

Encore deux semaines à l'affiche tous les soirs, et autant d'occasions de vivre un très grand bonheur de théâtre...

[Jürgen]

Bonjour Patricia,

J'ai vu ce spectacle et je suis aussi sorti très ému. Pour moi c'était quasi parfait. Lambert Wilson était extraordinaire en tant que comédien, et comme metteur en scène il a utilisé l'espace de la scène des Bouffes du Nord très intelligemment.

La critique du Monde n'avait pas aimé: Elle écrit entre autres:

"Cette Bérénice « total respect » rappelle les matinées classiques et réjouira sans doute classes et enseignants sans trop décevoir les amateurs de théâtre. Mais de là à laisser un grand souvenir, « dans un mois, dans un an », que l'on nous permette d'en douter."

Jürgen

P.S. à l'attention des modérateurs : Est-ce qu'on pourrait créer une rubrique "Littérature, théâtre, arts plastiques, cinéma" ou quelque chose dans ce genre, pour des fils comme celui-ci ou aussi celui sur la littérature contémporaine ?

[Patricia]

La critique du Monde n'avait pas aimé: Elle écrit entre autres:

"Cette Bérénice « total respect » rappelle les matinées classiques et réjouira sans doute classes et enseignants sans trop décevoir les amateurs de théâtre. Mais de là à laisser un grand souvenir, « dans un mois, dans un an », que l'on nous permette d'en douter."

Je crois que "dans un mois, dans un an" je me souviendrai encore de cette Bérénice comme je me souviens encore de celle de Chaillot de 2001 mise en scène par le même Lambert Wilson. Mais c'était Chaillot, on était loin de la scène, c'était sur une scène, justement, alors que Les Bouffes c'est tout autre chose, il y a la beauté du lieu toujours en vibration, on s'y sent comme chez soi, on est tout proche, en communion parfaite avec l'oeuvre...

Mais sur un autre site (AgoraVox), j'ai trouvé l'assertion exactement opposée:
"Créée pour une soixantaine de représentations dans ce lieu magique entre tous, cette Bérénice va marquer d’une pierre précieuse à chacun, le temps suspendu entre l’éternité et l’éphémère sachant transporter les acteurs et les spectateurs bien au-delà d’eux-mêmes."

Personnellement, je n'aimerais pas du tout voir cette pièce défigurée par un metteur en scène jugeant bon de mettre son grain de sel dans une inteprétation hyper-moderniste et nombriliste... rien que pour faire parler de lui. Merci à Wilson pour ce "total respect"!

P.S. à l'attention des modérateurs : Est-ce qu'on pourrait créer une rubrique "Littérature, théâtre, arts plastiques, cinéma" ou quelque chose dans ce genre, pour des fils comme celui-ci ou aussi celui sur la littérature contémporaine ?

Je souscris totalement à cette demande!

[Chiarina]

Oui, très beau spectacle dans ce lieu magique que sont les Bouffes du Nord.
L'excellente diction des acteurs a su à la fois mettre en valeur le rythme, les sonorités des alexandrins, et la grandeur et la subtilité du texte.
Racine parle du pouvoir, du devoir, mais aussi de l'amour, du renoncement, de la jalousie, du dépit, et il cerne très bien, je trouve, la spécificité des caractères féminins et masculins face au drame.
Qui n'ont d'ailleurs pas beaucoup changé depuis !

Je suis un peu plus réservée sur la mise en scène, quand on a vu ce que fait Peter Brook dans ce même lieu, et dans la plus grande sobriété aussi, on reste un petit peu sur sa faim.

[Dominique]

"P.S. à l'attention des modérateurs : Est-ce qu'on pourrait créer une rubrique "Littérature, théâtre, arts plastiques, cinéma" ou quelque chose dans ce genre, pour des fils comme celui-ci ou aussi celui sur la littérature contémporaine ?"

Techniquement, pas facile à mettre en place maintenant.

[Patricia]

Techniquement, pas facile à mettre en place maintenant.

SI c'est si difficile (mais pourquoi donc?), on pourrait alors élargir la rubrique "DVD, livres, médias" qui ne rassemble que 50 messages depuis le début, simlement la renommer?

[Theo B]

Bonjour Patricia,

vous ne préférez pas Andromaque? Pour moi, c'est au-dessus de tout le reste. Question bien futile, je vous l'accorde.

[Patricia]

Bonjour Patricia,

vous ne préférez pas Andromaque? Pour moi, c'est au-dessus de tout le reste. Question bien futile, je vous l'accorde.

Bah, pas plus futile qu'une autre, cher Théo! Cela me fait du bien, de parler un peu de littérature, surtout quand elle est si belle!

Je dirais qu'en ce qui concerne la langue, je n'ai aucune préférence entre les deux pièces, et je pourrais ajouter quelques autres tragédies de ce grand Racine. Je suis réellement sous le charme de ces vers dont la musique m'envoûte complètement, au-delà du sens littéral.
Mais sur le fond, je crois que le thème de Bérénice est infiniment plus fort, plus porteur et plus émouvant, l'enjeu est plus poignant.
Cela dit, je dis peut-être cela parce que je n'ai jamais vu Andromaque sur scène! Et dans ce type de pièce, la lecture ne suffit pas, pour moi l'émotion sera toujours moins forte que lorsque des acteurs disent le texte et le jouent (comme l'opéra entre le disque et la scène! - enfin, quand ils savent bien le faire!
Je changerai donc peut-être d'avis un jour, je reviendrai vous le dire!

[thierry h]

Merci à vous Patricia d'avoir ouvert ce fil... je me suis replongé dans Phèdre


thierry

[Chiarina]

Tiens, moi ce soir, je vais lire Bajazet, sur les conseils de mon fils qui considère que c'est la meilleure pièce...