Bien que de nombreuses discussions aient eu lieu sur les anciens forums comme ici à propos de la musique et des oeuvres de ce compositeur prolifique, je souhaite lui consacrer un fil spécifique.
A l'occasion de la discussion sur la littérature pour trio avec piano, nous avons eu l'occasion de parler des 3 trios de Bohuslav Martinů, et j'ai illustré cela par la mise en ligne de l'interprétation de ces oeuvres par le trio Angell sous Simplify Media.
Un participant de ce forum qui se reconnaitra et qui s'identifiera s'il en a envie m'a fait part de quelques sentiments par mail privé, avouant, en substance, que ces oeuvres lui semblaient plus difficiles d'accès qu'initialement il le pensait, qu'il lui manquait probablement une clé, et qu'il croyait que ces trios étaient plus proches de ceux de Dvorak et de Smetana, oeuvres dans lesquelles il n'avait eu aucun mal à entrer très rapidement.
Cela m'a amené à lui donner quelques éléments d'appréciation de Bohuslav Martinů.
Il est né en Bohème, il a reçu sa formation musicale initiale au Conservatoire de Prague, il est devenu violoniste à l'Orchestre Philharmonique Tchèque et sa formation initiale est plutôt une formation "post romantique" (pour simplifier).
Mais ensuite, il a quitté Prague en 1923, pour Paris d'abord, puis aux Etats-Unis, puis en Suisse, chez Paul Sacher, pour les dernières années de sa vie, et il n'est jamais revenu dans son pays.
Autre élément important, sa femme était française, et elle semble avoir eu une importance primordiale en tant que "muse" et soutien.
Enfin, à Paris, il a travaillé avec Albert Roussel notamment, et il a intégré, dans sa formation, comme dans ses compositions, différents courants, comme le constructivisme et l'expressionnisme.
A New York, après guerre, il a largement intégré dans ses musiques, à la fois les influences du courant néo classique, ainsi qu'un style "urbain américain", qu'il m'est difficile de définir, mais que je suis capable de reconnaitre dans des musiques aussi différentes que celles d'Irwin Bazelon, Lukas Foss, Leonard Bernstein, Vincent Persichetti ou encore William Bolcom et Ellen Taaffe Zwilich par exemple.
Bref, Bohuslav Martinů a été, en un sens, une éponge, qui a intégré successivement toutes les influences qu'il a reçues dans ses musiques.
Malgré tout, à mon sens, il les a intégré comme des sédiments successifs sur un noyau qui lui est propre et invariant, et qui est la clé sonore de son génie de compositeur.
La clé sonore de Bohuslav Martinů, pour moi, après avoir entendu une grande partie de ses oeuvres dans différents genres (mais pas toutes, car le catalogue est immense), c'est un peu celle d'un petit frère bohémien de Maurice Ravel: élégance, pudeur, distantiation, souffrance toujours rentrée, refus du narcissisme sonore, émotion retenue, ironie jamais féroce, tendresse et compassion, et création musicqle à partir d'un matériau populaire traité musicalement avec un grand humanisme et d'une manière qui exprime plutôt l'universalité que la particularité ethnique et le folklorisme d'une communauté .
Si je voulais illustrer mon verbiage sur cette personnalité de créateur propre et invariante de Bohuslav Martinů sous les différentes influences subies par une oeuvre particulière, je choisirais le petit opéra Ariane, que je propose donc de mettre à l'écoute sous Simplify Media pour à la fois illustrer mon propos et mon sentiment et amorcer une discussion.