Die Meistersinger von Nürnberg est-il un opéra antisémite?
Celui qui a répondu par l'affirmative est l'arrière-petit fils du compositeur, Gottfried.
Je me permets donc de vous demander, ce que vous, vous en pensez.
Die Meistersinger von Nürnberg est-il un opéra antisémite?
Celui qui a répondu par l'affirmative est l'arrière-petit fils du compositeur, Gottfried.
Je me permets donc de vous demander, ce que vous, vous en pensez.
Cela ne me serait jamais venu à l'idée. Je pense que s'il n'avait pas été écrit par un antisémite et surtout récupéré de manière forcenée par les nazis, surtout en tant qu'opéra nationaliste, au demeurant, cela ne serait pas venu à l'idée de grand monde. On pourrait plus facilement se poser la question sur le Ring, je trouve.
Cela dit je ne suis pas un wagnérologue, et n'ai aucune intention d'en devenir un. C'est juste que les Maîtres Chanteurs comptent parmi mes opéras préférés de Wagner, notamment parce qu'il ne nous bassine pas avec des héros purs et/ou imbéciles ou des dieux ridicules ou des cygnes de manège forain. Et que la musique est géniale!
Wagner n'a pas écrit d'opéra nazi, Beethoven n'a pas écrit d'hymne européen, Haydn n'a pas écrit d'hymne allemand...
Tout est dans la façon de récupérer des oeuvres existantes et de les détourner en symboles politiques
Haydn a écrit un hymne pour l'empereur d'Autriche, en revanche, je crois? Mais l'histoire de cette mélodie a l'air bien compliquée, je serais ravi d'en connaître la genèse exacte.
Dernière modification par lebewohl ; 08/04/2008 à 09h50.
Deutschlandlied : Quatuor de Haydn de 1797 -
paroles de 1841 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Deutschlandlied
On remarque d'avantage l'antisémitisme supposé de certains opéras de Wagner (à mon avis l'opéra de Wagner le plus douteux idéologiquement est Parsifal, certainement pas "Les maitres" qui est au contraire le plus sympathique) que la misogynie et le racisme du livret de la Flute Enchantée de Mozart...
De même qu'on a réussi à qualifier de racistes les photos pourtant respectueuses, admiratives et amoureuses que Leni Riefenstahl a réalisé dans des tribus africaines, comme quoi, ce qu'on sait de la personnalité ou du passé d'un artiste influence l'objectivité du regard qu'on porte sur son oeuvre.
Certes, mais sur la même page :
Cette mélodie, d'origine croate et adaptée par Haydn comme chanson d'anniversaire pour l'Empereur François Ier d'Autriche avec les mots Gott erhalte Franz den Kaiser (Dieu conserve l'Empereur François), a d'abord été l'hymne officiel de l'Empire d'Autriche avec les paroles Gott erhalte, Gott beschütze/ Unsern Kaiser, unser Land ... (Dieu conserve, Dieu protège/ Notre Empereur, notre pays...) jusqu'à la fin de la Monarchie en Autriche en 1918.
En attente de confirmation
Il est bien évident que Wagner n'a pas écrit d'opéra nazi puisque cette idéologie a été mise en place 44 ans après la mort du compositeur. Il s'agit donc effectivement de récupération par les nazis.
En revanche, il est bien connu et tout aussi évident que Wagner était antisémite. Se poser la question d'un antisémitisme latent ou affiché dans ses oeuvres, surtout lorsqu'il s'agit d'un membre de sa famille ne me paraît pas totalement incongru.
A titre personnel, bien qu'aimant les Meistersinger, je me pose la question de la stigmatisation du personnage de Beckmesser par la communauté nurembourgeoise dans l'opéra. Que celui-ci soit aussi méchant et malfaisant face à une guilde qui défend son art national m'inquiète un peu, je l'avoue.
Ceci dit, les Meistersinger contiennent effectivement des éléments de farce assez rafraichissants. Ca fait parfois penser aux Plaideurs de Racine, notamment quand on voit cette progression du récit se transformant en pugilat généralisé au deuxième acte.
Mais malgré cette habileté narrative, on ne peut faire abstraction, je pense des idées du père Wagner et de ses messages un peu gros servant à désigner un ennemi.
Mais Beckmesser est plus traditionaliste que les traditionalistes, ce qui n'est tout de même pas un reproche que l'antisémitisme faisait aux Juifs. Et le "bon" est un "étranger" (il ne venait jamais que de Franconie, mais enfin quand même, on le lui reproche assez...) qui innove. S'il y a quelqu'un qui subvertit l'ordre établi, ce n'est pas Beckmesser, qui est non pas méchant, ni même d'ailleurs forcément antipathique, mais en tout cas ridicule, en se crispant sur les valeurs traditionnelles (et en étant un barbon amoureux d'une jeunette, ridicule que Sachs sait s'éviter).
Wagner est antipathique à bien des titres ; mais ce n'est pas forcément utile d'en rajouter en cherchant partout des intentions, je pense. Il y a eu des compositeurs ou des écrivains antisémites un peu partout à cette époque, mais, s'ils n'ont pas eu le douteux honneur d'être récupéré par les nazis, on ne pas chercher dans le moindre recoin de leurs oeuvres si le méchant, par hasard, ne serait pas une allégorie du Juif.
L'oeuvre de Wagner est un tout idéologique cohérent, comme si c'était un immense opéra en plein d'épisodes dont la Tétralogie est l'un des épisodes lui même subdivisé en quatre.
Ce qui caractérise l'idéologie développée dans l'oeuvre de Wagner c'est la volonté de faire du christianisme non pas une branche dissidente de la religion juive, ancrée dans la tradition judaïque, même si elle en contestait un certain nombre d'aspects (ce que le Christianisme était effectivement à ses débuts) mais d'en faire un accomplissement et un aboutissement logique des traditions druidiques et des croyances celtiques qui existaient en Europe avant l'expansion du Christianisme.
Or il est évident que le Catholicisme Romain, si différent du Christianisme originel, s'est construit comme un hybride intégrant un certain nombre de traditions païennes.
Il suffit pour s'en convaincre de voir comment ont été intégrés les symboles astrologiques ou mythologiques (l'aigle, la vierge, le taureau etc...) ou la fête du solstice d'hiver!
Au dix neuvième siècle tout le monde chrétien ou presque avait admis l'idée que le Christianisme était un "accomplissement universel" du judaïsme, étandant la notion de "peuple choisi" à l'humanité entière, sans distinction de race (avec son corrollaire: l'esprit missionnaire et la volonté de convertir à tous prix les noirs les indiens et les sauvages, remplaçant l'idée de "peuple" (même de "race") et de religion transmise par l'hérédité qui prévaut encore dans le judaïsme et l'Islam)/ La religion Chretienne remplaçait également la notion très matérielle de "terre promise" (territoire géographique d'Israël) par la notion plus abstraite de "terre promise" dans l'au delà, dans "Un monde meilleur", ce qui permettait de conserver les mêmes prières et les mêmes Psaumes en remplaçant le premier degré terrestre par un sens figuré dans l'autre monde.
L'idée subversive de Wagner et de tout un courant idéologique germanique qui a servi de berceau idéologique au Nazisme était de faire également du Christianisme un "accomplissement logique" de la religion païenne Celtique.
(Ce que le Catholicisme d'avant la réforme était effectivement aussi à cinquante pour cent!)
Dans l'oeuvre de Wagner, j'ai l'impression que Kundry, Klingsor et Mime incarnent beaucoup plus le personnage et la place du Juif dans cette mythologie Chrétienne reconstruite que Beckmesser:
Mime est le père nourricier du héros aryen Siegfried de la même façon que Saint Joseph a été le père juif non biologique de Jésus.
Klingsor a tenté de contourner sa non-prédéstination injuste à la grâce et à l'entrée dans le cercle des élus (cf. Pascal) par une automutilation aussi héroïque qu'atroce, dont la circoncision devient (dans la réinterprétation Wagnérienne des religions) une version "soft" pratiquée par les sectes des divers émules du "magicien Oriental" Klingsor.
Quant à Kundry, c'est clairement Marie-Madeleine!...
Beckmesser? Je ne le vois pas plus juif que Balducci dans Benvenutto Cellini de Berlioz. A moins que Balducci soit une figure de l'antisémitisme de Berlioz, ce qui est possible aussi....
Dernière modification par Alfredo ; 08/04/2008 à 13h19.
Bien sûr ! Quelle drôle de bêtise j'ai faite. D'autant que l'op 76 ne compte que 6 quatuors !!
Oui, c'est vrai, il ne va peut-être pas aussi loin.
Alors disons que Beckmesser est perçu comme celui qui n'est pas rejeté par la communauté nationale mais qui s'exclut lui-même de cette communauté, le type en dehors, qui reste désespérément "inassimilable".
Cette image du type qui de toute façon, ne fera aucun effort pour comprendre le groupe, pour s'assimiler, le con, le parasite, le gros qu'on embêtait dans la cour de récré.
Wozzeck, Peter Grimes, Rigoletto, et quelques autres...
Faire de Beckmesser un inassimilable ne me semble pas juste. Beckmesser est très assimilé : à un système qui est celui des Maîtres et de leur époque, codifié, cadré, rigidifié. Il est tellement assimilé au système en place qui définit la 'norme' et la normalité, qu'il en connaît les moindres détails, les moindres subtilités ; à tel point que ses pairs les Maîtres lui ont manifesté toute leur confiance en faisant de lui le gardien suprême et ultime du code et des règles : il est le Merker, le juge-arbitre unique et suprême, celui qui dans tout chant nouveau est chargé de vérifier qu'il est bien conforme au code et aux règles et de détecter tout manquement à ceux-ci. Il est au coeur du système, le garant du respect de la loi. Ce n'est pas un incompétent ni un imbécile : il est reconnu par ses pairs Maîtres Chanteurs comme l'un des meilleurs d'entre eux. Et par la ville comme quelqu'un d'important : il a la charge de Stadtschreiber, de 'secrétaire général municipal', celui qui tient la chronique de la ville et en couche sur le papier tous les événements grands et petits : ce n'st pas rien. N'en faire qu'un con, un parasite, le gros qu'on embêtait dans la cour est un contresens.
Alors bien sûr, il a des défauts : tel Arnolphe, il tombe amoureux d'un tendron, ça fait toujours rire, mais Arnolphe est pathétique - Beckmesser aussi ; il est prétentieux ; il est naïf. Et surtout, il est hyper-conservateur, fermé à tout ce qui n'est pas ce qu'il sait et connaît, et qui s'indigne (ou s'effraie ?) devant un jeune autodidacte (noble et pas bourgeois, de surcroît) dont le langage poétique et musical vient bousculer tout ce qui jusque là était la loi, la règle intransgressible, dont on l'avait fait le gardien, et qui constituait son petit monde immuable (cf le fil sur l'aversion pour la musique 'contemporaine'). Et qui non content de violer la Loi est l'hôte du père de la jeune fille qu'il convoite, son rival en amour, car il a bien remarqué les regards langoureux que se jettent furtivement Eva et le bel et jeune invité. Lequel devient en plus le protégé de Sachs, le plus respecté des Maîtres, la Statue du Commandeur soi-même. Avec tout ça, de quoi perdre un peu les pédales, non ?
Qu'il en devienne ridicule, certes ; et jusqu'à quel point, cela dépend comment l'interprète, le metteur en scène le décident. Mais ce n'est pas un débile, et encore moins l'archétype déguisé du Juif victime d'antisémitisme.
Quant à ce qu'en dit Gottfried Wagner, être qui il est n'en fait pas forcément un analyste nécessairement compétent et irréfragable de l'oeuvre de son ancêtre. Son avis n'engage que lui sans aucune valeur de vérité définitive.
Dernière modification par The Fierce Rabbit ; 08/04/2008 à 17h08.
Wagner ne risquait pas d'aimer son Beckmesser dans la mesure où ce dernier était inspiré du très célèbre critique viennois Eduard Hanslick
Pas mal de publications mentionnent qu'il avait envisagé de l'appeler "Hans Licht" au lieu de Beckmesser. Les maitres chanteurs c'est avant tout une profession de foi esthétique.
<< Faire de Beckmesser un inassimilable ne me semble pas juste. Beckmesser est très assimilé : à un système qui est celui des Maîtres et de leur époque, codifié, cadré, rigidifié. Il est tellement assimilé au système en place qui définit la 'norme' et la normalité, qu'il en connaît les moindres détails, les moindres subtilités ; à tel point que ses pairs les Maîtres lui ont manifesté toute leur confiance en faisant de lui le gardien suprême et ultime du code et des règles : il est le Merker, le juge-arbitre unique et suprême, celui qui dans tout chant nouveau est chargé de vérifier qu'il est bien conforme au code et aux règles et de détecter tout manquement à ceux-ci. Il est au coeur du système, le garant du respect de la loi. Ce n'est pas un incompétent ni un imbécile : il est reconnu par ses pairs Maîtres Chanteurs comme l'un des meilleurs d'entre eux. Et par la ville comme quelqu'un d'important : il a la charge de Stadtschreiber, de 'secrétaire général municipal', celui qui tient la chronique de la ville et en couche sur le papier tous les événements grands et petits : ce n'st pas rien. N'en faire qu'un con, un parasite, le gros qu'on embêtait dans la cour est un contresens. >>
Absolument d'accord!
Beckemesser n'est pas l'exlu, le différent, le souffre douleur: c'est au contraire le personnage le plus officiel qui soit! Le gardien des traditions désséchées et vidées de leur sens devenues règles de l'académisme...
Si on veut absolument faire un parallèle avec le nazisme, il est le sculpteur Arno Becker, encensé , porté en triomphe par les organisateurs des expositions sur l'art dégénéré... En faire le juif exclu à cause de sa différence est un contresens complet, à mon avis!....
Ah là , il me manquait cette information. Il a fait comme Molière par exemple avec son Trissotin dans les femmes savantes (inspiré de l'insupportable prêtraillon de cour qu'était l'abbé Cotin). Donc, Wagner fait de Beckmesser une caricature en s'inspirant d'un de ses contemporains qu'il n'aimait pas.
C'était une info qui me manquait. Curieux que Gottfried W ne se soit pas arrêté là tout simplement, et qu'il ait fait de Beckmesser la preuve absolue de l'antisémitisme de son aïeul.
En même temps, la mère de Hanslick était juive, semble-t-il. Rien n'est simple!
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