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Discussion: Appréciation de la musique et génétique

  1. #1
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    Appréciation de la musique et génétique

    Bonjour à toutes et à tous,

    Steven Pinker (cognitiviste dont les travaux sont appuyés sur une base expérimentale sérieuse) affirme dans "The blank slate" qu'à partir du XX°siècle, beaucoup de compositeurs "d'avant garde" ont négligé la partie génétique cérébrale (le "pré-câblage", les "gestalts" pourrait-on dire) sur laquelle s'appuie l'appréciation de la musique. Il en aurait résulté une musique inaccessible au plus grand nombre.

    De fait, après plus d'un siècle, on ne voit pas la sonate de Berg atteindre des niveaux équivalents à ceux des œuvres de Brahms (par exemple) dans les statistiques de distribution musicale commerciale (reflet biaisé et grossier, mais difficilement contestable des goûts du public).

    Il semble hasardeux d'attribuer ce fait à un manque d'éducation musicale. Si Berlioz ou Wagner ont pu être contestés en leur temps, il n'arrachent de hurlements à personne aujourd'hui.

    L'observation de Pinker s'inscrit dans un travail plus vaste qui dénonce le négationnisme dont a souffert la génétique pendant cinquante ans, notamment pour des raisons politiques.


    Cette observation choque-t-elle ?

  2. #2
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    Il y a aussi le phénomène Monkey Artist Hoax :
    http://www.todayifoundout.com/index....y-artist-hoax/
    IP

  3. #3
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    Superbe! Merci IP; ce n'est pas tous les jours qu'on a de quoi rigoler autant!


    Notre prof de travaux manuels racontait, à propos de Picasso, qu'un jour il avait montré une pièce de fonte à ses visiteurs du jour. Chacun considéra l'oeuvre avec attention, sans oser dire quoi que ce fût, jusqu'à ce qu'un de ses amateurs (ou courtisans?) se décide à exprimer son admiration. Le maître dit alors: "N'est-ce pas? C'est un débris de ma cuisinière, que je viens de casser ce matin!"
    Ce prof était du genre blagueur, et je n'ai jamais su si c'atait une fable.


    Quant au post initial, je me demande si Beethoven, Wagner et al ont bien fait attention à "la partie génétique cérébrale (le "pré-câblage", les "gestalts" pourrait-on dire) sur laquelle s'appuie l'appréciation de la musique."
    Pour ma part, ça m'en bouche un coin...

  4. #4
    Modérateur Avatar de lebewohl
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    Citation Envoyé par pascal odessa Voir le message
    Bonjour à toutes et à tous,

    Steven Pinker (cognitiviste dont les travaux sont appuyés sur une base expérimentale sérieuse) affirme dans "The blank slate" qu'à partir du XX°siècle, beaucoup de compositeurs "d'avant garde" ont négligé la partie génétique cérébrale (le "pré-câblage", les "gestalts" pourrait-on dire) sur laquelle s'appuie l'appréciation de la musique. Il en aurait résulté une musique inaccessible au plus grand nombre.

    De fait, après plus d'un siècle, on ne voit pas la sonate de Berg atteindre des niveaux équivalents à ceux des œuvres de Brahms (par exemple) dans les statistiques de distribution musicale commerciale (reflet biaisé et grossier, mais difficilement contestable des goûts du public).

    Il semble hasardeux d'attribuer ce fait à un manque d'éducation musicale. Si Berlioz ou Wagner ont pu être contestés en leur temps, il n'arrachent de hurlements à personne aujourd'hui.

    L'observation de Pinker s'inscrit dans un travail plus vaste qui dénonce le négationnisme dont a souffert la génétique pendant cinquante ans, notamment pour des raisons politiques.


    Cette observation choque-t-elle ?
    La génétique je ne sais pas. Que la plus avant-gardiste (sans forcément de guillemets ) fasse fi des lois de la résonance en renonçant aux résolutions sur un accord parfait sans doute. Cela n'enlève pas forcément à leur valeur éventuelle, ni n'y rajoute.
    Votre exemple m'étonne un peu, cela dit. La sonate de Berg,certes chromatique et en un seul mouvement, est en ré mineur comme tout le monde (de mémoire ). Pas un best seller sans doute, mais bien des oeuvres de Bach ou Beethoven non plus.
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  5. #5
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    Il y a aussi le phénomène Monkey Artist Hoax
    En effet !
    54 ans après Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique, le canular fit donc de nouveau mouche auprès des snobs de tout poil !
    Et ce serait kif-kif à présent. Il n’est que de voir ce qui est présenté comme «*œuvres d’art*» ici ou là et devant lesquelles béent les gogos branchouilles en gobant toutes les craques dont ils se laissent gaver comme des oies.

  6. #6
    En attente de confirmation
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    La sonate de Berg,certes chromatique et en un seul mouvement, est en ré mineur comme tout le monde (de mémoire ). Pas un best seller sans doute, mais bien des oeuvres de Bach ou Beethoven non plus.
    C’est si mineur mais cela ne change rien à l’affaire.
    La théorie de M. Pinker, même si théoriquement fondée sur une expérimentation sérieuse, me semble néanmoins hasardeuse et bancale. Le rapport musique/OHGM (organisme humain génétiquement modifié) aura du mal à me convaincre.

  7. #7
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    Merci pour vos points de vue.

    Même si je n'ai pas bien compris la dernière intervention de Fierce Rabbit (ou plutôt son argument OHGM...). Ou la remarque de Jeff (" je me demande si Beethoven, Wagner et al ont bien fait attention...")

    Ce qui me frappe, c'est la réaction de InnocentParadis qui relie instantanément l'observation de Pinker avec les canulars artistiques. On peut légitimement se poser la question. D'autant qu'en 1863, même au salon des refusés, un tel canular n'aurait pas été possible. Cela dit, j'avais aussi un ami qui écrivait de la musique sérielle (très sérieusement) dans les années 2000 et un voisin "artiste" qui a peint et exposé des gravures de pneus (très gravement) toute sa vie et en vivait décemment.

    Il est probable que je n'aie pas bien introduit le travail de Pinker. Je vais essayer d'être plus clair.
    a/ en termes d'accès à l'appréciation de la musique, l'enfant ne vient pas au monde avec une page vierge. Il est pré-équipé sur le plan neurologique. Le "besoin" d'une résolution, ou d'une conformité aux lois de la résonance qui ont été évoqués me semblent des exemples illustratifs. Comme peut-être l'utilisation d'une gamme penta ou hepta tonale.
    b/ l'éducation vient moduler, compléter ce qui existe, mais ne peut pas le supprimer ; il existe donc une limite variable selon les individus, et cette limite n'est pas évolutive dans l'espèce à l'échelle de quelques siècles, car elle est soumise aux lois de la transmission génétique.


    Donc, les compositeurs qui s'affranchissent d'un certain nombre de règles s'exposent à buter sur un mur d'incompréhension ; il existerait une limite à l'évolution de l'écriture musicale si on considère que l'art doit être sinon populaire, du moins non enfermé dans une tour d'ivoire et réservé à un cénacle très restreint. On pourrait donc considérer qu'il n'y aurait plus de possibilité de renouveau. Sauf à jouer sur d'autres paramètres (le rythme - jazz, les timbres - certaines musiques récentes). Mais le cadre de la mélodie et du contrepoint serait définitivement arrêté.

    Ce qui n'enlève ni n'ajoute rien à ce qui a déjà été composé...

    ps : comparer l'absence de succès commercial du "tube" de Berg à celui d'obscures cantates de Bach perdues dans la profusion de ses œuvres géniales est-il fair-play ?

  8. #8
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    "cognitiviste dont les travaux sont appuyés sur une base expérimentale sérieuse"


    Désolé Pascal, mais quand on éprouve le besoin d'ajouter un adjectif tel que "sérieux", je subodore un problème de ce côté. L'ignorant que je suis aurait préféré des références à ces travaux.


    Passons: votre exposé, tel qu'il se présente, n'est pas assez clair pour un non musicien comme moi. Peut-être que Beethoven ou Wagner aurait compris en quoi l'appréciation de la musique s'appuie sur un "précâblage" cérébral; à moi il manque la prise en compte de TOUTES les musiques connues.


    J'ai quelques enregistrements dignes de l'appellation ethnographique, et je constate que "l'appréciation" de ces musiques échappe encore plus aux oreilles "modernes" (?) que celles de Berg ou Boulez. Je pense notamment à un disque consacré aux pygmés Ba-Benzélé, enregistré à une époque où les destructions de leur lieu de vie (le forêt) ne les menaçait pas encore de disparition en tant que société.


    Sans aller si loin du continent qui a inventé la musique de concert, on a pu entendre en Bretagne des chanteurs qui avaient un côté "sauvage" (exagération intentionnelle de ma part) De l'un d'entre eux, un ethnologue de premier plan a pu dire qu'il chantait faux. Pourtant, nous sommes quelques-un à être littéralement subjugué par son lyrisme.


    Je l'avoue, les précisions apportées dans votre dernière intervention ne me rassurent pas sur ce qui reste suspect pour moi de tentative de condamner la musique dite contemporaine sur une base "objective". Je reste persuadé qu'un compositeur ne doit rien s'interdire. Rappelez-vous le choc produit par la 3e de LVB, notamment ce décalage entre instruments dans la marche funèbre. Et puis la condamnation sans appel de l'accord introductif du dernier movement de la 9e par Berlioz!


    Ce qui fait la différence, c'est l'inspiration. Parlez-en à Sibelius...

  9. #9
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    Je pensais plus à l'Offrande musicale, à l'Art de la Fugue, voire au Clavier bien tempéré. Ils se vendent, cest du Bach, mais qui les écoute ?
    Quant à Berg son tube est le Concerto pour violon, qui est dodecaphonique et remplit les salles, et à degré à peine moindre je citerai aussi Wozzeck, qui remplit aussi les opéras, tout atonal qu'il soit. Moins de ventes que Carmen ou le concerto de Tchaikovski, certes, mais tout de même.
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  10. #10
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    Merci pour ce sujet très intéressant.
    Je ne sais pas si cela fera avancer les choses mais bon... Il se trouve que cette semaine à la radio (France Musique), j'ai entendu une émission qui décrivait les compositions musicales de dessins animés (cartoon). Il y était question de différentes techniques de compositions, modernes ou pas. Je dois dire que plusieurs illustrations m'ont interpellé. Voilà que j'appréciais soudain des musiques dont en temps normal j'aurais sans doute bouder, voire davantage, notamment pour les plus modernes et dissonantes justement. Si je cherche des explications un peu rationnelles, je dirais que mon appréciation a été peut-être influencé par les causes suivantes: mon oreille a souvent entendu ces morceaux et cela depuis mon plus jeune âge, mon jugement s'appuyant sur une image (peu importe son genre, visuel ou autre) est devenu capable de conceptualiser ce qui lui est associé. Ce sont là les deux explications qui me viennent spontanément. Il y en aurait sans doute d'autres.
    Un peu dans le même sens, j'apprécie au plus haut point les chants d'oiseaux dans la nature mais ils "passent" beaucoup moins bien dans leur forme musicale abstraite (Messian par exemple).


  11. #11
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    Jeff, ce qui m'embête un peu, c'est que vous entendez des choses qu'il ne me semble pas avoir dites :
    "tentative de condamner la musique dite contemporaine" : je ne condamne rien du tout ; j'ai même repris à mon compte la remarque de lebewohl : "Ce qui n'enlève ni n'ajoute rien à ce qui a déjà été composé".
    "un compositeur ne doit rien s'interdire" : qui a dit le contraire ? (je ne suis d'ailleurs même pas sûr que le compositeur ait le choix de s'interdire quoi que ce soit, mais c'est une autre histoire)

    Pour ce qui est des références, il y en a plusieurs centaines dans l'ouvrage dont je redonne les coordonnées : Steven Pinker, The Blank Slate. Je sais les limites des arguments d'autorité, mais j'y suis un peu contraint (mes excuses par avance) : je suis statisticien de profession depuis une vingtaine d'années, stat spécialisées dans la recherche en médecine, et j'ai eu Schwarz comme professeur (does that ring any bells ?) Ce qui veut dire que je suis assez attentif à la qualité scientifique des études qui me tombent sous la main. J'espère qu'on ne me demandera pas copie de mes diplômes ni les références de mes publications. J'apprécie néanmoins que vous soyez a priori suspicieux sur la qualité scientifique de ce qui vous est soumis ;-)

    Je suis nouveau sur ce forum, et je ne veux heurter personne. J'ai bien peur que ce ne soit trop tard... J'ai dit qu'on à de sérieuses raisons de penser qu'il y a des limites à l'innovation en musique dans les champs du contrepoint et de l'harmonie du fait de nos propres limitations physiologiques (alors qu'on pensait jusqu'à présent que ce n'était qu'une question d'habituation). Ces limites ont peut-être été atteintes à travers certains développement de la musique contemporaine, ce que pourrait laisser penser le succès sensiblement plus large de Chopin ou Field dans les salons bourgeois de l'époque, comparé à celui de Messiaen ou Boulez dans ces mêmes salons aujourd'hui. Est-ce vraiment si choquant ? Est-ce si terrible d''envisager qu'une forme artistique puisse s'épuiser (alors que d'autres tentent de prendre la relève) ?

  12. #12
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    Je n'avais pas l'impression que qui que ce soit fût heurté!

    En y réfléchissant, je me demande si c'est génétique ou culturel : les musiques extraeuropéennes me semblent beaucoup plus dures à écouter, moi européen, que la plupart des musiques modernistes.

    Je dis modernistes exprès, car je crois que le phénomène n'est pas propre à la musique. Il est vrai que la plupart du temps les compositions nouvelles "passaient" correctement aux oreilles du public, encore qu'il faille se rappeler ce qu'on écrivait sur, ou plutôt contre, Monteverdi ou Beethoven de leur vivant.

    Mais il me semble qu'à partir d'un certain moment, après le romantisme, je dirais, les artistes de la plupart des disciplines ont cherché à innover dans la forme sans doute plus rapidement que leurs prédécesseurs. Je ne sais pas pourquoi (et je sais que j'enfonce une porte ouverte). C'est vrai en musique, je daterais la rupture autour de la guerre de 14, pareil en peinture et en sculpture au même moment, en littérature je ne sais pas trop, Mallarmé me semble déjà loin du public, mais Joyce certainement...

    Pour en rester à la musique : Bartok, par exemple, est sans doute plus difficile d'abord que Mozart ; pour une oreille non habituée, ce n'est guère différent de Schoenberg, voire Boulez. Pourtant c'est tonal ou modal, avec les mêmes règles formelles que Beethoven, simplement plus de dissonances, moins systématiquement résolues. Si on creuse un peu on voit bien que c'est en fait assez classique, et sans rupture (on le voit aussi avec Schoenberg, en un sens, mais je dis ça pour simplifier le propos). Il m'est déjà arrivé de faire écouter du Beethoven tardif, spécialement la Grande fugue, à des amis aimant la musique, et la pratiquant, d'ailleurs, mais se braquant sur le 20e siècle. Il n'a pas été rare qu'on prenne ça pour du Bartok...

    Bref... vaste sujet, et intéressant débat, on y reviendra.

    (la cloche que Schwartz doit faire sonner, c'est Laurent?)
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  13. #13
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    Citation Envoyé par pascal odessa Voir le message
    en termes d'accès à l'appréciation de la musique, l'enfant ne vient pas au monde avec une page vierge. Il est pré-équipé sur le plan neurologique.
    Cette affirmation est-elle scientifiquement 'sérieusement' démontrée ?
    Si oui, par qui, où, quand, comment ?

    Si non, c'est un simple postulat. Qui comme celui d'Euclide laisse la place à bien d'autres théories fondées sur autre chose.

    OGHM
    A moins que j'aie mal compris :
    Un individu A possède un certain patrimoine génétique qui lui confère dès la conception une certaine capacité à l'appréciation de la musique.
    A engendre un individu B, qui hérite du patrimoine génétique de son géniteur. Lequel patrimoine génétique de B va être modifié par l'éducation qu'il recevra.
    B n'est-il pas dès lors un OHGM, Organisme Humain Génétiquement Modifié par l'éducation qu'il a reçue ?
    L'éducation - ou la non-éducation - peut-elle modifier le génome ?

    Sauf à avoir des réponses dûment prouvées et irréfutables, je reste sceptique, et resterai difficile à convaincre.

  14. #14
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    Citation Envoyé par lebewohl Voir le message
    En y réfléchissant, je me demande si c'est génétique ou culturel
    C'est me semble-t-il la bonne alternative.
    Pour ma part, ma conviction est faite : la génétique n'a rien à y voir, la culture tout.

  15. #15
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    Pascal, je serais fort contrarié que vous pensassiez (ça va?) que je fus en quoi que ce soit heurté, très loin de là. L'évolution de ce fil est très intéressante, aussi vous remercié-je de nous avoir conduits à réfléchir à la question.


    Je n'aime pas, je déteste, j'abhorre, je hais la polémique (encore le Schtroumpf grincheux). Aussi m'efforcé-je de rester concentré sur le défi consistant à comprendre le pourquoi du manque de popularité de la musique dite contemporaine (merci à Lebewohl d'avoir cerné l'époque).


    Je crois qu'il ya deux sortes de causes:


    1°/ Le XXe siècle est celui des idéologies et des dogmes non religieux. Il FAUT innover. INTERDIT de composer comme avant, sinon on est ringard.
    Le problème, c'est que les générations précédentes ont innové par nécessité. Ce n'est pas pour faire suer le monde que Beethoven a fait éclater le cadre de la symphonie, c'est parce que celui qui avait cours ne permettait pas à son inspiration de déboucher.


    2°/ Les idéologies, les dogmes, ça va avec l'ostracisme et aussi l'élitisme (crois-je). De grâce, si vous ne voulez pas passer pour un pèquenaud, n'avouez sous aucun prétexte (même face à un procureur japonais) que, comme moi, vous entendez plus de musique dans le Pink Floyd que dans 99% des partitions dites contemporaines. Pourtant, c'est cette dernière musique et quelques autres, qui ne se sont réellement rien interdit: avion à hélice allant s'écraser, sous-marin passant d'un canal à l'autre dans un crescendo-decrescendo savamment dosé, animaux de ferme courant dans tous les sens, et tout ça parfaitement integré dans le discours musical


    Revenons à nos grrrrands compositeurs: Le bouquet, c'est quand un compositeur chef-d'orchestre célébrissime, pape du modernisme (je rejoins Lebewohl sur cette appellation) ignore superbement un confrère de même nationalité, dont il a été écrit qu'il était le plus grand de sa génération. Et là, il est clair que l'élite de la sphère musicale a sombré dans les intrigues de cour. Et ça, je trouve que c'est plus contrariant que le dodécaphonisme, qui sera toujours plus régulier que la perce des instruments à vent des sociétés traditionnelles. M'enfin, si qq'un connaît une composition dodécaphonique inspirée, je suis preneur

  16. #16
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    Citation Envoyé par pascal odessa Voir le message
    je ne suis d'ailleurs même pas sûr que le compositeur ait le choix de s'interdire quoi que ce soit
    Pour prendre un exemple entre mille, parlez-en (façon de dire !) à Chostakovitch : a-t-il toujours eu le choix de se permettre en composition ce qu'il eût aimé se permettre ?
    On peut en trouver d'autres.

  17. #17
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    Citation Envoyé par JEFF Voir le message
    . M'enfin, si qq'un connaît une composition dodécaphonique inspirée, je suis preneur

    Au risque de radoter :


    (et d'un pape du modernisme, je citerais "RItuel in Memoriam Brunoi Maderna", qui n'est plus strictement dodécaphonique ni sans doute même sériel, mais que je trouve magnifique
    =
    Il s'engendre beaucoup d'abus au monde ou, pour le dire plus hardiment, tous les abus du monde s'engendrent de ce qu'on nous apprend à craindre de faire profession de notre ignorance.

    Montaigne

  18. #18
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    (et d'un pape du modernisme
    Comment ça, "un" ? "Le", il ne peut y avoir qu'un pape (bon, à la rigueur aussi un antipape, mais cest pas le vrai)

  19. #19
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    Cela fait 50 ans qu'on n'oppose plus l'inné et l'acquis en biologie. Et cela fait une quinzaine d'années que la génétique retrouve la place qui lui est due, après avoir été vouée aux gémonies par les idéologies (et idéologies anti-idéologiques) que Jeff a justement pointées du doigt.

    La conception actuelle de l'homme (et des organismes vivants évolués) est bien plus subtile que cette opposition en tout ou rien, elle conjugue l'inné et l'acquis. Même pour les fonctions les plus évoluées du fonctionnement humain. Prenons par exemple la morale. Il semblerait qu'il existe 6 fonctionnements moraux distincts pré-cablés chez le nouveau-né (Haidt, the righteous mind - les expérimentations ont été notamment faites grâce à des études transculturelles). Ce pré-câblage est ensuite modulé par l'éducation.

    Mais à des niveaux moins sophistiqués, comme par exemple la notion de l'écoulement du temps, les études ont été faites à partir d'observations sur des nourrissons de 3 mois, démontrant l'existence d'un repérage chronologique impossible à acquérir à cet âge. Le cas de l'apprentissage du langage est un exemple très classique : le chimpanzé placé dans les mêmes conditions d'apprentissage que l'homme, après l'avoir dépassé dans ses acquisitions jusqu'à 2.5 ans (de mémoire) perd son avance et se fait dépasser (cf. l'extraordinaire expérimentation de Kellog 1931). Il n'apprend jamais la langue car il n'a pas les mêmes pré-câblages neurologiques.

    Ce qui apparaît, c'est qu'il n'existe AUCUN domaine pour lequel il n'y a pas de pré-câblage. Pourquoi y en aurait-il pour la musique ?

    Pourquoi ce précâblage ? Sans aucun doute le résultat de la sélection par l'évolution. On voit les ondes électromagnétiques dans le spectre du visible uniquement (400-800 nano) parce qu'il est utile de distinguer un fruit rouge d'un fruit vert qui va rendre malade celui qui le mange. Voir l'ultra-violet, les rayons cosmiques ou les ondes radios n'avait aucun intérêt pour la survie.

    Ce pré-câblage peut-être lourd à porter. Par exemple pour comprendre la physique quantique, où les notions de prédiction de l'endroit où se trouvera un corps à travers sa vitesse et sa position initiale, fort utiles pour éviter le saut d'un machairodus, sont obsolètes et inopérantes. Cet endroit est en effet défini par une probabilité, par les inégalités d'Heisenberg, et permet de penser que l'objet se trouve en plusieurs endroits simultanément. Je ne donne pas cet exemple par hasard. De même qu'après 90 ans de physique quantique, l'esprit humain a encore du mal à concevoir son fonctionnement malgré l'évidence mathématique, de même après un siècle de la révolution artistique décrite par lebewohl, nous en sommes comme le dit Jeff au "défi consistant à comprendre le pourquoi du manque de popularité de la musique dite contemporaine".

    Je ne pense pas que ce soit ici le lieu pour un cours de biologie animale. On trouvera en passant par le site du "Café des sciences" la référence de sites de vulgarisation sur le sujet. Je suis désolé de cette parenthèse, j'aurais préféré continuer la discussion commencée par Jeff sur la question des musiques transculturelles, ou essayer d'analyser les résultats de la révolution culturelle du début du 20° siècle. Honte à vous Fierce Rabbit ! C'est vous le responsable de cet énorme hors-sujet !

  20. #20
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    Bonjour Pascal, ah que voilà un sujet intéressant ! Je suis un gros naze en génétique, donc je suis moins qualifié que qui que ce soit pour faire la part de l'inné et de l'acquis dans l'appréciation de la musique. Même si Leb' a raison d'évoquer, entre autres, le concerto à la mémoire d'un ange, ce sont les objections de Jeff qui me frappent le plus ; plutôt que de se déplacer dans le temps, il se déplace dans l'espace. Je ne pense pas DU TOUT qu'un nourrisson indien ou congolais ou quechua ait les mêmes appétences musicales qu'un nourrisson "occidental". Si ce que vous rapportez est vrai, tous ces nourrissons sont pourtant "génétiquement pré-câblés" de la même façon. Je suis donc amené à penser que l'acquis est plus que prépondérant dans cette affaire. Me goure-je ?


    Musicalement,
    l'obsédé des incunables

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